Aperçu de la consommation à des fins non médicales des médicaments sur ordonnance et des questions de justice pénale au Canada
3. Qui consomme des médicaments sur ordonnance à des fins non médicales (p. ex., le sexe, l’âge et les différences socioéconomiques)?
3.1. Qui consomme des opioïdes d’ordonnance à des fins non médicales?
3.1.1. La population en général
Comme il est indiqué plus haut, l’enquête ESCCAD, pour laquelle le travail sur le terrain a été accompli en 2008 (Santé Canada, 2009) a été la première enquête représentative, d’envergure nationale, à traiter de la question de la consommation des OOFNM. Jusqu’à maintenant, seuls ont été publiés les résultats ayant trait à la question de la [traduction] « consommation pour obtenir un effet euphorique », lesquels sont limités sur le plan méthodologique et ne fournissent pas un tableau complet du phénomène de la consommation des OOFNM. Dans cette catégorie, aucune différence n’a été constatée entre les hommes et les femmes, mais les jeunes adultes (âgés de 19 à 24 ans) étaient très surreprésentés (4,9 % de tous les jeunes adultes consommateurs d’OO en consomment pour l’effet euphorique, comparativement à 1,0 % pour les autres).
L’étude intitulée « Ontario CAMH Monitor of 2008 » fait état de résultats semblables, quoique l’on puisse comparer en plus les résultats ayant trait aux OOFNM en général aux résultats portant sur les personnes ayant déclaré avoir consommé des OO pour « l’effet euphorique ». Les adultes de l’Ontario ont déclaré dans une proportion de 2,3 % (de 1,3 % à 3,1 %) avoir consommé des OO quelconques. Aucune différence significative n’a été notée entre les hommes (2,3 %) et les femmes (2,3 %). La seule différence significative notée concernait la détresse psychologique. La consommation d’analgésiques était significativement plus élevée chez les personnes ayant déclaré éprouver une forte détresse psychologique (8,2 % c. 1,4 %). Aucune autre différence significative n’a été constatée quant à l’âge, à la consommation occasionnelle excessive d’alcool, au revenu, au tabagisme et à la région (CAMH Monitor 2008, données non publiées).
Les adultes de l’Ontario ont déclaré dans une proportion de 0,5 % avoir consommé des OOFNM pour « l’effet euphorique », soit la même proportion que pour le Canada. La consommation d’OOFNM pour « l’effet euphorique » était significativement plus élevée chez les hommes (0,9 %) que chez les femmes (0,1 %). Des analyses bidimensionnelles ont révélé des différences significatives en ce qui a trait à la détresse psychologique et au tabagisme. L’usage d’analgésiques pour « l’effet euphorique » était significativement plus élevé chez les personnes ayant déclaré éprouver une forte détresse psychologique (3,5 %) et chez les fumeurs actuels (2,7 %). Aucune différence significative n’a été constatée quant à l’âge, à la consommation occasionnelle excessive d’alcool, au revenu et à la région (CAMH Monitor 2008, données non publiées).
Des taux beaucoup plus élevés de consommation d’OOFNM ont été constatés dans l’enquête OSDUHS menée auprès des élèves d’écoles secondaires en 2007. Les élèves ont déclaré dans une proportion de 20,6 % avoir consommé des OOFNM au cours de l’année précédente (soit, au moins une fois au cours des douze mois précédents). Une analyse bidimensionnelle relative au sexe des répondants a permis de mettre en évidence une différence significative entre les garçons (18,0 %) et les filles (23,5 %). Selon l’analyse de régression, des prédicteurs significatifs étaient le sexe, les filles étant plus susceptibles que les garçons de déclarer une consommation (rapport des cotes = 1,4), l’année scolaire, une augmentation significative étant manifeste entre la 7e année et la 8e année (rapport des cotes = 1,9), la consommation de tabac lors de l’année précédente (rapport des cotes = 1,8), la consommation d’alcool (rapport des cotes = 1,8) et toute consommation de drogue illicite (rapport des cotes : 1,9) (Adlaf et Paglia-Boak, 2007).
De manière plus précise, les élèves ont déclaré dans une proportion de 1,8 % (IC à 95 % : 1,3 % à 2,4 %) avoir consommé de l’Oxycontin à des fins non médicales au cours de la dernière année. Une analyse bidimensionnelle relative au sexe n’a révélé aucune différence significative entre les garçons (1,7 %; IC à 95 % : 1,2 % à 2,3 %) et les filles (1,9 %, IC à 95 % : 1,3 % à 2,8 %). L’analyse de régression a montré que les prédicteurs significatifs étaient le tabagisme (RC=2,2, IC à 95 % : 1,4 à 4,3), toute consommation de drogue illicite (RC=9,8, IC à 95 % : 5,4 à 18,1), et une autoévaluation de la santé mentale mauvaise (RC = 2,5, IC à 95 % : 1,1 à 5,8).
Dans l’ensemble, le gradient d’âge avec plus d’OOFNM a également été confirmé par Sproule et al. (1999) et par des travaux de recherche effectués à l’extérieur du Canada (É.‑U. : (Dowling et al., 2006; Zacny et al., 2003)). Par conséquent, dans l’ensemble, les adolescents ou les jeunes adultes semblent être les groupes d’âge dans lesquels la prévalence de la consommation d’OOFNM est la plus élevée. Cependant, il se peut qu’un deuxième groupe d’âge dans la quarantaine présente un taux de consommation plus élevé d’OOFNM (Simoni-Wastila et Strickler, 2004); en outre, les personnes âgées présentent une prévalence un peu plus élevée (Martin, 2008).
En ce qui a trait au sexe, le tableau est moins clair. Il n’a pas été constaté que la prévalence de la consommation d’OOFNM au Canada était dans l’ensemble plus élevée chez les femmes, mais chez les élèves des écoles secondaires. Par contre, plus d’hommes que de femmes ont déclaré avoir consommé des OOFNM pour « l’effet euphorique ». Aux É.‑U., les études indiquent souvent des prévalences plus élevées pour les femmes (Mitka, 2000; Simoni-Wastila, 2000; Simoni-Wastila et al., 2004b).
Un autre important facteur de risque relativement à la consommation d’OOFNM est le statut socioéconomique, quoique les données sur ce point proviennent entièrement des É.‑U. (Spiller et al., 2009; Huang et al., 2006). Plusieurs études ont montré qu’un statut socioéconomique bas avec des variables associées comme la pauvreté, l’emploi ou la faiblesse du revenu étaient des facteurs de risque relativement à la consommation d’OOFNM.
Par conséquent, dans l’ensemble, l’âge moins élevé, le SSE bas et la consommation ou l’abus d’autres substances semblent être les meilleurs prédicteurs de la consommation d’OOFNM dans la population générale.
3.1.2. Les populations de consommateurs de drogues de la rue
En ce qui a trait aux consommateurs de drogues de la rue, certains éléments laissent aussi croire que les consommateurs qui utilisent surtout des OO présentent des caractéristiques socioéconomiques différentes de celles des consommateurs d’héroïne ou d’autres drogues de la rue. Une analyse fondée sur les données de suivi provenant de l’enquête OPICAN menée dans plusieurs villes donne à penser que les consommateurs d’OOFNM sont plus susceptibles d’être plus âgés et de toucher un revenu tiré d’un emploi légal que les personnes consommant seulement de l’héroïne (Fisher et al., 2008a). Des renseignements pertinents provenant de plusieurs études américaines tendent également à montrer que les caractéristiques socioéconomiques des consommateurs d’OOFNM diffèrent quelque peu. Par exemple, des niveaux plus bas de revenus attribuables à des occupations illégales et des niveaux plus élevés de revenus attribuables à un travail rémunéré ont été constatés chez les personnes qui consomment principalement des OOFNM comparativement aux autres consommateurs de drogues (Sigmon, 2006). La relation de l’âge dans la population générale ne se vérifie pas, chez les consommateurs de drogues de la rue, pour les consommateurs d’OOFNM, ce qui est peut-être lié au fait qu’il existe un groupe de consommateurs d’OOFNM de la rue qui sont d’anciens utilisateurs d’héroïne par voie intraveineuse pour plusieurs raisons (p. ex., (Fischer et al., 2008a; Strang et Rashiq, 2005)).
3.1.3. Les populations en traitement
Les données provenant du DASIT indiquent que les clients en Ontario traités principalement pour la consommation problématique d’OO présentaient les caractéristiques suivantes (tiré de (Fischer et al., 2009c), soumis au JAMC) : plus d’hommes (58,7 %; une proportion plus petite d’hommes comparativement à d’autres substances problématiques); des personnes plus jeunes comparativement à d’autres substances problématiques, 60 % ayant moins de 35 ans; environ un quart des personnes dans l’échantillon ont un emploi à temps plein ou à temps partiel (ce qui est comparable aux personnes pour lesquelles la cocaïne est la substance problématique, mais ce taux d’emploi est moindre que celui des personnes ayant des problèmes de consommation d’alcool); 29,8 % ont des problèmes juridiques (un taux plus bas que pour d’autres substances).
3.2. Qui consomme des benzodiazépines à des fins non médicales?
3.2.1. La population en général
Il y a très peu d’études sur les BDFNM au Canada dans des échantillons de la population générale. L’ESCCAD comportait une catégorie de sédatifs qui, selon toute vraisemblance, consistaient surtout en benzodiazépines. Au total, la consommation de sédatifs était d’environ 11 % dans la population en général, plus importante chez les femmes (13,2 %) que chez les hommes (8,0 %), et plus importante chez les personnes âgées (11,7 %) comparativement aux jeunes adultes (définis comme le groupe d’âge des personnes de 15 à 24 ans; 5,5 %). Cependant, lorsqu’ils consomment des sédatifs pour obtenir un effet d’euphorie, les jeunes adultes présentent manifestement des taux plus élevés : 14,4 % des répondants dans ce groupe d’âge en ont convenu. On n’a constaté aucune différence entre les sexes en ce qui a trait à l’utilisation des sédatifs pour l’effet euphorique (Santé Canada, 2009).
Les élèves des écoles secondaires ont, dans une proportion de 1,8 %, déclaré avoir consommé à des fins non médicales des sédatifs au cours de la dernière année. L’analyse bidimensionnelle relative au sexe n’a révélé aucune différence significative entre les garçons (1,7 %) et les filles (1,9 %). Le seul prédicteur significatif mis en évidence par l’analyse de régression était une autoévaluation de la santé mentale mauvaise (RC = 2,4) (Adalf et Paglia-Boak, 2007).
Dans les échantillons de personnes en traitement, la consommation problématique de benzodiazépines augmentait avec l’âge ((Rush, 2002); basé sur le système DASIT) et était plus élevée chez les femmes (5,9 %) comparativement aux hommes (2,5 %). Les clients ayant des problèmes de consommation benzodiazépine sont compris dans la population du DASIT des individus qui veulent se faire traiter en Ontario; aucune analyse spécifique n’a toutefois été faite pour décrire de manière détaillée les caractéristiques sociodémographiques de cette sous-population.
Aux États‑Unis, il y a davantage d’enquêtes représentatives à grande échelle qui s’intéressent à la consommation de BDFNM dans la population générale, mais elles ne donnent lieu à aucune conclusion claire et constante, pas même quant au sexe, à l’appartenance ethnique ou à l’âge (Goodwin et Hasin, 2002; Huang et al., 2006; Simoni-Wastila, 2000; Simoni-Wastila et al., 2004b; Simoni-Wastila et Strickler, 2004).
4. Comment et dans quelles circonstances des individus obtiennent-ils des médicaments sur ordonnance à des fins non médicales? Y a-t-il des liens avec le crime organisé ou d’autres réseaux criminels?
4.1. Introduction
Contrairement aux drogues illicites comme l’héroïne et la cocaïne, les médicaments sur ordonnance comme les opioïdes (OO) et les benzodiazépines sont des produits fabriqués dans le respect de la loi et qui sont, pour cette raison, disponibles et distribués légalement, plus particulièrement dans le système médical. Il ressort des données provenant des É.‑U., en particulier en ce qui a trait aux OO, qu’il y a au moins cinq points dans le système où le médicament peut être détourné du système médical, soit au site de fabrication, lors du transport, par le distributeur ou le fournisseur, là où l’ordonnance est délivrée ou par le consommateur (Smith et Woody, 2005). Par conséquent, les sources et les voies par lesquelles les OO peuvent être détournés du système médical et se rendre jusqu’aux personnes qui les consomment à des fins non médicales sont diverses et hétérogènes.
Le contexte essentiel du phénomène de la consommation à des fins non médicales des médicaments sur ordonnance concerne l’augmentation récente de la disponibilité générale et de la consommation légitime de médicaments sur ordonnance, car l’augmentation de la disponibilité médicale se traduit évidemment par la multiplication des occasions de détournement. Selon l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS), la consommation totale de tous les OO en doses thérapeutiques quotidiennes, par million d’habitants par jour, au Canada a plus que doublé en six ans, passant de 8 713, en 2000‑2002, à 18 914, en 2005‑2007. Le Canada arrive actuellement au troisième rang des plus importants consommateurs dans le monde après les É.‑U. et l’Allemagne (OICS, 2004; OICS, 2005a; OICS, 2009a). De manière similaire aux OO, la consommation totale d’anxiolytiques de type benzodiazépine en doses thérapeutiques quotidiennes, par milliers d’habitants par jour, au Canada a augmenté de 21,65 en 2000-2002, à 38,66 en 2005-2007 (OICS, 2005b; OICS, 2008b; OICS, 2009c). Quoique selon des données de la fin des années 1990 le détournement constitue seulement un très petit pourcentage du nombre des médicaments qui sont distribués au Canada, l’augmentation de la consommation se traduit également par une augmentation des quantités disponibles pour la consommation à des fins non médicales (Darke et Stewart, 1999; Goldman, 2008).
4.2. Comment se procure-t-on des opioïdes d’ordonnance?
4.2.1. Les données canadiennes
4.2.1.1 La population en général
Nous ne disposons que de très peu de données provenant du Canada, en particulier pour la population en général et plus particulièrement en ce qui concerne la consommation d’OO. Selon une enquête effectuée au moyen de questionnaires envoyés par courrier à des consommateurs habituels de codéine, 37 % des répondants satisfaisaient aux critères de la dépendance à la codéine. Dans le groupe dépendant, en plus de la codéine qu’ils recevaient légalement de leurs médecins, 32 % des répondants obtenaient aussi de la codéine d’amis, 11 % de membres de la famille, 19 % de la rue et 11 % au moyen d’ordonnance de plus d’un médecin (obtention d’ordonnances multiples) (Sproule et al., 1999).
4.2.1.2 Les populations de consommateurs de drogues de la rue
Il y a relativement plus de données disponibles sur les sources des médicaments consommées par les populations marginalisées au Canada. Les consommateurs de drogues de la rue semblent recourir à une diversité de sources, qui habituellement comprennent les revendeurs, ce qui démontre que les marchés d’OO obtenus dans la rue fonctionnent. Par exemple, des entrevues en profondeur avec des consommateurs de drogues injectables à Toronto ont permis de constater que la grande majorité des OO consommés à des fins non médicales étaient achetés auprès de revendeurs. De plus, il semble y avoir une distinction générale entre les marchés des OO et les marchés des autres drogues (Firestone-Cruz et Fischer, 2008).Les entrevues menées avec les consommateurs d’OO de la rue dans deux villes canadiennes ont permis de déterminer que les sources habituelles (définies comme ayant donné lieu à de multiples transactions dans le mois précédent et comme étant caractérisées par un rapport personnel ou d’affaires et par le fait d’avoir une connaissance mutuelle des offres/préférences) étaient utilisées plus fréquemment à Toronto (79,1 %) qu’à Victoria (35,9 %). De plus, 46,5 % des consommateurs, à Toronto, et 69,2 % à Victoria, avaient vendu des OO et la majorité des consommateurs avaient échangé des OO contre d’autres drogues (76,7 % à Toronto et 79,5 % à Victoria). Enfin, dans les deux villes, il y avait encore une fois une ligne de démarcation possible entre les sources des OO et les sources des autres drogues illicites (Fischer et al., 2009a). En ce qui concerne les consommateurs d’opioïdes illicites dans la cohorte de l’étude OPICAN menée dans plusieurs villes, les données de référence révèlent qu’environ la moitié des répondants, pour plusieurs OO déterminés, ont mentionné les amis comme des sources et que 40 % environ des répondants ont utilisé des revendeurs habituels. Les autres sources moins fréquentes comprenaient les revendeurs inhabituels (entre 10 % et 20 %), un médecin (entre 8 % et 40 %, selon le médicament déterminé) et le vol pour une petite proportion (Haydon et al., 2005). Les données de suivi provenant de la cohorte de l’étude OPICAN ont confirmé qu’une proportion importante des OO consommés à des fins non médicales étaient obtenus directement ou indirectement (p. ex., par l’intermédiaire d’amis ou de partenaires) de sources dans le système médical (Fischer et al., 2006b). Enfin, une description donnée sous forme de narration du commerce des drogues de la rue en particulier à Edmonton (Alberta) en 2005 donne à penser que la plupart des OO étaient obtenus au moyen du cambriolage, du détournement, de la vente d’ordonnances obtenues légalement et de l’utilisation d’ordonnances en blanc volées (Strang et Rashiq, 2005).
4.2.1.3 Les populationsen traitement
Une source relativement riche de données provient des patients qui se font admettre à des traitements pour dépendance aux opioïdes. La majorité des consommateurs d’OOFNM admis comme patients au programme de traitement d’entretien à la méthadone (TEM) au Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH) – le plus grand hôpital de traitement de la toxicomanie au Canada – à Toronto entre les mois de janvier 2000 et décembre 2004 ont déclaré que leur source était les ordonnances de médecins (37 %); d’autres sources importantes étaient : la rue (21 %), une combinaison des ordonnances de médecins et de la rue (26 %), des achats sans ordonnances (soit, des formulations de codéine en vente libre) (5 %) et la famille ou les amis (1 %) (Sproule et al., 2009). De manière intéressante, il y avait une tendance linéaire manifeste entre l’âge et la source, la probabilité de l’obtention des médicaments dans la rue décroissant avec l’âge et celle de l’obtention auprès de médecins augmentant avec l’âge (Sproule et al., 2009). Une étude antérieure des patients admis entre les mois de janvier 1997 et décembre 1999 au TEM au CAMH a donné lieu à des résultats semblables, les OO étant obtenus auprès de médecins, achetés dans la rue, obtenus par l’intermédiaire de la famille ou d’amis. Cependant, 61 % des patients ont déclaré avoir obtenu au moins une partie du médicament au moyen d’ordonnances de médecins (Brands et al., 2004).
4.2.2. Les données américaines
4.2.2.1 La population en général
De manière semblable à la situation au Canada, il y a très peu de données disponibles aux É.‑U. quant aux sources des OO pour la population en général. Les consommateurs d’OOFNM jeunes ou étudiants mentionnent principalement les pairs, les amis et les membres de la famille comme étant leurs sources principales, ainsi que leurs colocataires ou partenaires (McCabe et Boyd, 2005). Cependant, une enquête menée par Internet auprès d’étudiants de l’université Midwestern en 2005 a révélé que près de 40 % des répondants avaient déclaré avoir plus d’une source (McCabe et al., 2007). Par exemple, la majorité (53 %) des personnes âgées de 18 à 25 ans ayant consommé des OOFNM au cours de la dernière année et ayant pris part à l’étude NSDUH de 2005 se procuraient leurs médicaments par l’intermédiaire d’un ami ou d’un membre de la famille gratuitement. D’autres méthodes d’obtention des OO à des fins non médicales consistaient à obtenir le médicament d’un médecin (12,7 %) et à l’acheter d’un ami ou d’un membre de la famille (10,6 %) (SAMHSA, 2006). De plus, il a été montré que les détenteurs d’une ordonnance constituent des sources d’OO. Dans un échantillon aléatoire de 2003 d’étudiants de premier cycle, 26 % des détenteurs d’une ordonnance d’OO avaient reconnu qu’il leur avait été demandé de détourner leurs médicaments (McCabe et al., 2006). Des échantillons dans les collèges ont aussi révélé plusieurs différences quant au sexe en ce qui a trait aux sources. Dans l’échantillon de l’étude NSDUH, les garçons étaient trois fois plus susceptibles que les filles d’avoir acheté le médicament d’un revendeur et ils étaient plus susceptibles d’avoir acheté des OO d’un ami. Au contraire, les filles sont plus susceptibles d’obtenir leurs OO d’un ami ou d’un membre de la famille gratuitement (McCabe et al., 2007; SAMHSA, 2006). De plus, les personnes dans l’échantillon de l’étude NSDUH qui satisfaisaient aux critères relatifs à la dépendance étaient moins susceptibles d’obtenir les OO gratuitement d’un ami ou d’un membre de la famille (37,5 %), mais plus susceptibles de les avoir achetés d’un ami ou d’un membre de la famille (19,9 %). (8,1 % F c. 15,9 % H) (SAMHSA, 2006).
Pour les élèves des écoles secondaires à Détroit, les sources les plus fréquentes d’OO étaient la famille et les amis, mais les consommateurs obtenaient souvent aussi les OO d’un revendeur ou au moyen d’un vol (Boyd et al., 2006). De même que pour les étudiants dans les collèges, les élèves des écoles secondaires ayant une ordonnance légitime d’OO sont des sources fréquentes. Dix pour cent des élèves de la 7e à la 12e année dans un district scolaire du Michigan qui détenaient des ordonnances ont déclaré avoir échangé leurs médicaments, 25 % les avaient donnés ou les avaient prêtés à d’autres élèves (les garçons plus fréquemment à des garçons et les filles plus fréquemment à des filles) et 12 % s’étaient fait prendre leurs médicaments sans leur consentement ou s’étaient fait voler (Boyd et al., 2007).
En ce qui a trait à d’autres sources déterminées, certains sont d’avis que l’Internet est devenu une source de plus en plus importante pour obtenir illégalement des médicaments sur ordonnance (Compton et Volkow, 2006). Cependant, la question de la quantité de médicaments sur ordonnance qu’il est possible d’obtenir grâce à l’Internet est controversée et l’on discute de la possibilité que le rôle de l’Internet ait été exagéré (Zacny et al., 2003; Dekker, 2007; Mitka, 2000; Forman, 2006). Sur les sites Web dans lesquels des médicaments sur ordonnance étaient bel et bien vendus sans ordonnances, les médicaments sur ordonnance les plus fréquemment offerts en 2006 étaient les benzodiazépines (84 %), puis les OO (68 %). Quoique le nombre total des sites aient augmenté entre 2004 et 2006, le pourcentage des sites offrant ces médicaments aurait diminué dans l’ensemble (Beau Dietl and Associates, 2006). De plus, ce qui est peut-être lié à une conscience accrue du phénomène et à une meilleure application de la loi et des règlements, la disponibilité des médicaments dans l’Internet a diminué ces dernières années (Boyer et Wines, 2008).
Enfin, certaines observations portent à croire que les travailleurs de la santé pourraient servir d’intermédiaires pour détourner les médicaments sur ordonnance. Par exemple, les enquêtes menées à Cincinnati entre 1992 et 2002 relativement aux cas de détournement de médicaments dans lesquels des travailleurs de la santé étaient impliqués ont révélé que les opioïdes étaient les médicaments les plus fréquemment détournés (67,4 %). Les infirmiers, les aides-infirmiers et les adjoints médicaux étaient responsables dans les ¾ des cas, les sources les plus fréquentes étant les hôpitaux, puis les pharmacies (Inciardi et al., 2006).
4.2.2.2 Les populations de consommateurs de drogues de la rue
Tout comme pour la population en général, des observations donnent à penser que les consommateurs de drogues de la rue obtiennent souvent des OO à des fins non médicales d’amis, de connaissances ou de membres de la famille, ainsi qu’au moyen d’ordonnances personnelles. Cependant, il semble qu’ils utilisent aussi une diversité d’autres sources, dont l’achat d’ordonnances, le magasinage de médecins, le cambriolage de résidences et les vols dans les pharmacies ainsi que les marchés actifs de la rue (Inciardi et al., 2007; Joranson et Gilson, 2007). Selon une étude des sources pour un échantillon de consommateurs d’héroïne injectable dans la ville de New York, près de deux personnes sur cinq de l’échantillon avaient vendu au moins une dose d’OO au moins une fois au cours de leur vie et ceux qui avaient vendu de l’héroïne ou de la cocaïne au cours de leur vie étaient deux fois plus susceptibles de vendre des OO (Davis et Johnson, 2008). De manière intéressante, dans cet échantillon, la source principale d’Oxycontin en particulier différait selon l’objectif principal de la consommation. Par exemple, les personnes consommant l’Oxycontin pour l’effet euphorique ou le sevrage étaient deux fois plus susceptibles d’avoir recours à un revendeur que les personnes dont l’objectif principal était le soulagement de la douleur (83 % des personnes ayant mentionné un médecin ou une pharmacie comme source). (Davis et Johnson, 2008).
4.2.2.3 Les populationsen traitement
Les personnes qui sont admises à un programme de désintoxication constituent une source de données relativement riche sur les sources. Selon un certain nombre de ces études, tout comme c’est le cas pour la population en général, les amis ou la famille sont une source principale d’OO, ~50 % à 70 % des personnes admises mentionnant cette source (Anonyme, 2005; Cicero et al., 2008b; Levy, 2007; Rosenblum et al., 2007). De plus, certaines observations portent à croire que les personnes qui se présentent avec un problème de toxicomanie utilisent une grande diversité de sources, une étude concluant que plus de 60 % des personnes admises utilisent régulièrement plus d’une source (Cicero et al., 2008a). Dans certaines études, la source la plus fréquente est un revendeur, cette source étant mentionnée dans une proportion pouvant atteindre 82 % des personnes admises, et ceci plus fréquemment par les hommes et par les personnes qui disent que leur motivation principale pour la consommation de la drogue n’est pas le soulagement de la douleur (Anonyme, 2005; Rosenblum et al., 2007; Cicero et al., 2008a; Cicero et al., 2008b). Entre 17 % et 37 % des personnes admises mentionnent les médecins comme source directe ou indirecte, 84 % des personnes admises ayant déclaré, dans l’une des études, avoir eu une ordonnance légitime à un certain moment (Anonyme, 2005; Levy, 2007; Passik et al., 2006). Les sources moins fréquentes comprennent les vols et les contrefaçons d’ordonnance, la source la moins fréquemment reconnue, peut-être sans surprise, étant l’Internet (Cicero et al., 2008a; Cicero et al., 2008b; Anonyme, 2005; Rosenblum et al., 2007; Passik et al., 2006).
4.3. Comment se procure-t-on des benzodiazépines
4.3.1. Les données canadiennes
4.3.1.1 Les populations de consommateurs de drogues de la rue
Encore une fois, on ne dispose que de très peu de données sur les sources auxquelles s’approvisionnent les populations marginalisées qui consomment des benzodiazépines à des fins non médicales. Pour les consommateurs de drogues de la rue dans la cohorte d’e l’étude OPICAN, les données de référence révélaient que les sources les plus fréquentes de benzodiazépines à des fins non médicales étaient les amis (46 %) et les médecins (27,6 %). Les sources moins fréquemment mentionnées étaient les revendeurs inhabituels (16,5 %), les revendeurs habituels (8,8 %), un partenaire (3,5 %) et, comme pour les OO, seulement un très petit nombre de vols (0,4 %) (Haydon et al., 2005).Selon une étude d’envergure plus locale, les sources de benzodiazépines mentionnées par des informateurs clés des quartiers défavorisés d’Edmonton (Alberta) étaient la rue (55 %), les médecins (33,3 %) et la rue et les médecins (11,1 %) (Wild et al., 2008).
4.3.2. Les données américaines
4.3.2.1 La population en général
Les informations très limitées dont nous disposons sur la façon dont la population en général obtient des benzodiazépines à des fins non médicales tendent à montrer que, tout comme pour les OO, les consommateurs, jeunes ou étudiants, de BDFNM mentionnent principalement les pairs, les amis et les membres de la famille comme leurs sources principales, ainsi que leurs colocataires ou leurs partenaires. Dans une étude de 2003 intitulée « Student Life Survey », une enquête menée au moyen de l’Internet auprès d’un échantillon aléatoire d’étudiants de l’université Midwestern, 58,2 % des personnes ayant déclaré avoir consommé des sédatifs ou des anxiolytiques à des fins non médicales (p. ex., l’Ativan, le Xanax, le Valium, le Klonopin) ont dit avoir obtenu leurs médicaments d’amis, et 9,6 % de la famille (McCabe et Boyd, 2005). De nouveau, comme pour les OO, les jeunes détenteurs d’une ordonnance légitime ont fait état du détournement de leurs médicaments personnels. Par exemple, dans une étude de 2005 auprès d’élèves de la 7e à la 12e année, parmi ceux qui détenaient une ordonnance de sédatifs ou d’anxiolytiques (p. ex., l’Ativan, le Xanax, le Valium, le Klonopin, etc.), 10 % ont déclaré avoir échangé leurs médicaments, beaucoup moins affirmant les avoir vendus. De plus, 15 % les avaient donnés ou prêtés et 14 % se les étaient fait prendre contre leur volonté (Boyd et al., 2007). De même que pour les OO, certaines observations portent à croire que les travailleurs de la santé servent d’intermédiaires pour détourner les benzodiazépines. Les données provenant d’enquêtes menées relativement à des cas de détournement de médicaments impliquant des travailleurs de la santé à Cincinnati entre 1992 et 2002 montrent que les médicaments les plus fréquemment détournés étaient les OO (67,4 %), puis les benzodiazépines (14,5 %) (Inciardi et al., 2006).
4.3.2.2 Les populations de consommateurs de drogues de la rue
Les informations dont on dispose sur l’obtention par les consommateurs de drogues de la rue de benzodiazépines sont principalement anecdotiques ou de provenance locale. Par exemple, les cliniciens locaux et les travailleurs des services d’approche à Denver (Colorado) relatent la facilité avec laquelle on peut se procurer des benzodiazépines (p. ex., le Valium, le Xanax, l’Ativan) dans la rue. De même, les benzodiazépines et d’autres dépresseurs sur ordonnance sont perçus comme une menace croissante en Géorgie où il est facile de se les procurer dans la rue ou au moyen de l’Internet. Les revendeurs et les toxicomanes eux-mêmes utilisent diverses méthodes pour se procurer les médicaments, notamment le vol de blocs d’ordonnances, le vol de pharmacies et les tentatives pour convaincre les médecins d’ordonner les pilules désirées (Community Epidemiology Work Group, 2008). Selon une étude disponible, qui comportait des entrevues auprès de consommateurs de drogues injectables dans les villes américaines entre 2004 et 2006, il existe trois principales sources pour tous les médicaments sur ordonnance, dont les tranquillisants (comme le Xanax, le Valium et le Klonopin). Les sources principales mentionnées étaient la personne elle-même, les amis ou les membres de la famille ayant des ordonnances légitimes, les endroits publics ou les rues et l’obtention des médicaments sur ordonnance dans la rue ou ailleurs (Lankenau et al., 2007).
5. Quelles conséquences les médicaments sur ordonnance consommés à des fins non médicales (p. ex., la dépendance, la consommation d’autres drogues illicites, la comorbidité, le recours à des traitements) ont-ils sur la santé de ceux qui les consomment?
5.1. Les risques pour la santé des OOFNM
5.1.1. Introduction
On peut diviser les risques que posent les OO pour la santé dans les deux catégories suivantes :
-
Les risques liés à la drogue elle-même et aux processus biochimiques consécutifs à l’ingestion. À cet égard, toutes les formes de consommation d’opioïdes sont tout à fait semblables.
-
Les risques liés aux circonstances dans lesquelles la consommation de la drogue a lieu. Ces risques sont tout particulièrement importants pour les sous-groupes de toxicomanes qui consomment aussi d’autres drogues illégales et que l’on peut considérer comme faisant partie de la population des consommateurs de drogues de la rue. Dans certains environnements, bon nombre des OO sont consommés en même temps que d’autres drogues et d’une manière qui comporte des risques spécifiques pour la santé (p. ex., de manière intraveineuse).
Il existe quatre formes principales de risques pour la santé :
- la dépendance et d’autres formes de troubles liés à la toxicomanie;
- la surdose;
- les risques de maladie, comme les associations avec les maladies mentales et troubles du comportement, les maladies infectieuses comme l’hépatite C (HC) et B (HB), l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et d’autres affections somatiques;
- les blessures, qu’elles soient non intentionnelles (d’autres formes d’empoisonnement que la surdose) ou intentionnelles (suicide, violence).
Les formes de relation entre les OOFNM et les effets sur la santé peuvent être des associations ou des relations causales. La plus grande partie de la documentation sur le sujet traite seulement des associations, même si de nombreux auteurs ont tendance à les mésinterpréter comme causales. Dans la suite du texte, nous n’utiliserons les termes ayant trait à la causalité que lorsqu’une relation de causalité sera fermement établie.
5.1.2. La dépendance
Quoique les OO soient très toxicomanogènes, les consommateurs d’OOFNM ne deviennent pas tous dépendants et n’en viennent pas tous à souffrir d’autres problèmes de toxicomanie. Selon Sproule et al. (1999), environ 1/3 des consommateurs de codéine dans un échantillon de commodité en Ontario satisfaisaient aux critères de la dépendance (Sproule et al., 1999). Cette proportion semble élevée étant donné le potentiel toxicomanogène que l’on a constaté dans des études récentes aux É.‑U., ou dans le passé pour d’autres médicaments consommés à des fins non médicales. Par exemple, aux É.‑U., la prévalence de la consommation d’OOFNM au cours de l’année précédente était de 4,5 % chez les répondants, âgés de 18 ans ou plus (n = 91 823), aux enquêtes intitulées « National Surveys on Drug Use and Health », lesquelles ont été menées de 2002 à 2004 et étaient représentatives à l’échelle nationale. Les répondants qui consommaient des OOFNM à des fins non médicales satisfaisaient, dans une proportion de 12,9 %, aux critères de l’abus/dépendance (Becker et al., 2008). Dans une étude antérieure qui était représentative des É.‑U., Anthony et al. sont parvenus à la conclusion qu’environ ¼ des consommateurs d’héroïne à des fins non médicales risquaient de devenir dépendants au cours de leur vie (Anthony et al., 1994). Quoique nous n’ayons pas suffisamment de données représentatives pour le Canada, on peut estimer qu’entre 10 % et 33 % des consommateurs d’OOFNM deviendront dépendants ou souffriront d’autres troubles de toxicomanie. Rien n’indique que ce taux soit différent de celui des consommateurs d’opioïdes illégaux.
5.1.3. La surdose
Les OOFNM ont été associés avec la surdose et les décès par surdose. Malgré la rareté des données pour le Canada, on a rapporté des décès liés au fentanyl en Ontario (Martin et al., 2006) ainsi que 27 décès liés à l’oxycodone, en 2002, dans la seule ville de Toronto (Research Group on Drug Use, 2004). Cependant, le nombre exact de décès liés à la consommation d’OOFNM n’est pas établi pour le Canada.
Aux É.‑U., les décès liés à la consommation d’OOFNM ont augmenté depuis le milieu des années 1990 et les médicaments sur ordonnance ont remplacé l’héroïne et la cocaïne comme drogues prédominantes impliquées dans les décès par surdose dans toutes les catégories urbaines et rurales (Paulozzi et Yongli, 2008). On trouvera plus de détails sur les décès par surdose à la section 7 ci‑après.
Étant donné le profil épidémiologique d’ensemble (voir les autres chapitres), nous prévoyons un grand nombre de décès liés à la consommation d’OOFNM au Canada également (Popova et al., 2009). Cependant, quoique les OOFNM soient liés à la surdose et à la mortalité au Canada, la question devrait être posée de savoir si les OOFNM ne sont pas relativement plus sécuritaires que les opioïdes illégaux de la rue, soit l’héroïne au Canada. Dans l’ensemble, les OOFNM semblent être moins associés avec l’injection et leur contamination par d’autres substances est aussi moins probable, de sorte qu’ils sont moins susceptibles de donner lieu à des transmissions de maladies infectieuses (p. ex., l’HC ou le VIH) ou à des surdoses. Par conséquent, dans l’ensemble, il se peut que des avantages du point de vue de la santé publique soient associés avec le changement récent pour les OOFNM dans la scène de la consommation des drogues de la rue (Fischer et al., 2009b).
5.1.4. Les risques de maladie
En général, pour les consommateurs de drogues de la rue, les conditions générales d’hygiènes déficientes qui sont attribuables à la négligence de la personne en ce qui concerne sa santé en général, les pratiques non sécuritaires d’injection et les multiples injections quotidiennes, la pauvreté, les déficiences nutritionnelles ainsi que l’effet direct de suppression du système immunitaire par les opioïdes (Govitrapong et al., 1998) peuvent affecter défavorablement le système immunitaire et donner lieu à diverses infections bactériennes, dont l’endocardite bactérienne, la septicémie, la pneumonie, les infections bactériennes des os et des articulations et les maladies de la bouche.
De plus, dans la plupart des études jusqu’à maintenant, et quel que soit l’échantillon, les OOFNM ont été associés à des taux élevés de symptômes et de troubles psychiatriques ainsi que de douleurs, comparativement à la population en général (voir les descriptions du CAMH Monitor 2008 et de l’OSDUHS ci‑dessus; (Brands et al., 2004; Monga et al., 2007; Sproule et al., 1999; Sproule et al., 2009)). Également, d’autres consommations de drogue et d’alcool et d’autres troubles de toxicomanie sont présents de manière disproportionnée chez les consommateurs d’OOFNM (Adlaf et al., 2006; Brands et al., 2004; Firestone-Cruz et Fischer, 2008; Fischer et al., 2008a; Leri et al., 2005; Monga et al., 2007; Patra et al., 2009; Sproule et al., 1999; Strang et Rashiq, 2005). Dans l’ensemble, beaucoup de preuves montrent qu’au Canada la consommation d’OOFNM est associée avec la consommation importante d’autres drogues et d’alcool et avec des taux élevés de troubles mentaux.
En ce qui concerne les maladies somatiques, on prévoit des taux plus élevés pour toutes les catégories associées avec un système immunitaire faible et avec la douleur, quel que soit l’échantillon examiné (soit, dans la population en général, dans les échantillons de personnes en traitement et dans les échantillons de personnes marginalisées, comparativement à des personnes similaires ne consommant pas d’OOFNM) et, pour les personnes qui s’injectent des OO à des fins non médicales, des taux d’infections connexes plus élevés.
Les liens les plus clairs avec les maladies somatiques semblent être entre la consommation d’OOFNM et la douleur. Il a été relevé que, clairement, de nombreux consommateurs d’OOFNM de la population en général (Banta-Green et al., 2009), d’échantillons de personnes marginalisées (Monga et al., 2008) ainsi que d’échantillons de personnes en traitement (Brands et al., 2004; Sproule et al., 2000) ont déclaré éprouver de fortes douleurs qui constituaient un problème.
5.1.5. Les blessures
Peu d’études traitent des associations entre la consommation des OOFNM et les blessures au Canada. Dans une des premières études en Saskatchewan, Shorr et al. (1992) sont parvenus à la conclusion que le risque relatif d’une fracture de la hanche chez les personnes de 65 ans ou plus qui consomment actuellement de la codéine ou du propoxyphène était de 1,6 comparativement aux non-consommateurs (Shorr et al., 1992). Dans l’ensemble, selon la documentation générale hors du Canada, on estime qu’il existe un lien entre les blessures intentionnelles de même que non intentionnelles et la consommation d’OOFNM ((Maurer, 2009), mais voir (Kelly et al., 2004)), mais des études spécifiques sont nécessaires pour vérifier cette hypothèse.
5.1.6. L’utilisation des traitements et des services de santé
On ne dispose pas de données, pour l’ensemble du Canada, sur les admissions à des traitements relativement à la consommation d’OO. Les données les plus systématiques que nous ayons trouvées portent sur l’Ontario, province dans laquelle on constate une nette tendance à la hausse des admissions ayant trait à la consommation d’OOFNM (pour des données plus précises, voir la section 7 ci‑après).
Exercice financier | 2003-2004 | 2004-2005 | 2005-2006 | 2006-2007 | 2007-2008 | |||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
N | % | N | % | N | % | N | % | N | % | |
12 mois précédents | 10 977 | 13,6 | 14 288 | 15,3 | 16 507 | 16,7 | 18 404 | 18,0 | 20 756 | 20,1 |
Substances problématiques | 6 192 | 7,6 | 8 860 | 9,5 | 10 568 | 10,7 | 12 046 | 11,8 | 14 049 | 13,6 |
Source : Tableaux statistiques DATIS http://www.datis.ca/
Comme les admissions à des traitements pour consommation abusive d’OOFNM tendent à très bien corréler la consommation d’ensemble, on peut prévoir de nouvelles augmentations ici, dans la mesure où la consommation d’ensemble par personne d’OO augmente.
Dans une enquête menée auprès des paramédicaux à Brockville et dans la circonscription Leeds Greenville (Ontario), 15 % des répondants ont déclaré que l’Oxycontin était l’une des substances problématiques les plus fréquentes, le pourcentage estimé des appels médicaux d’urgence provoqués par l’Oxycontin ou liés à l’Oxycontin étant de 2 % (plus que la cocaïne et le crack, l’héroïne et les hallucinogènes) (Garvin, 2004).
5.2. Les risques pour la santé des BDFNM
5.2.1. La dépendance
Pour le Canada, les données sur les BDFNM sont peu abondantes (voir précédemment) et celles sur les conséquences sur la santé de la consommation des BDFNM le sont encore moins. Les benzodiazépines sont une catégorie de médicaments qui ont manifestement des propriétés renforçantes et qui sont donc susceptibles de provoquer la dépendance et de susciter l’abus (Busto et Sellers, 1991; Busto et al., 1989). Cependant, pour le Canada, on ne dispose d’aucune donnée sur la prévalence ou l’incidence, en ce qui a trait à la dépendance aux benzodiazépines ou aux troubles liés à la consommation de benzodiazépines.
Pour les É.‑U., de telles données existent : selon l’étude de 2002‑2004 intitulée « National Survey on Drug Use and Health » (NSDUH), pour les répondants de 18 ans et plus (n = 92 020), la prévalence de la consommation à des fins non médicales, au cours de l’année précédente, de sédatifs ou de tranquillisants, lesquels appartiennent pour la plupart à la catégorie des benzodiazépines, était de 2,3 %.Les personnes consommant ces médicaments à des fins non médicales satisfaisaient, dans une proportion de 9,8 %, aux critères de l’abus et de la dépendance (Becker et al., 2007). Chez les adolescents ayant répondu à l’étude NSDUH de 2005, les taux de prévalence étaient remarquablement plus élevés, 8,2 % d’entre eux ayant déclaré avoir consommé des tranquillisants à des fins non médicales au cours de l’année précédente (notamment des benzodiazépines et d’autres tranquillisants mineurs). Dans l’ensemble, les consommateurs de médicaments sur ordonnance à des fins non médicales satisfaisaient dans une proportion de 17,4 % aux critères de la dépendance, 6,5 % de ce dernier pourcentage y satisfaisant seulement en ce qui a trait à la consommation de tranquillisants à des fins non médicales (Schepis et Krishnam-Sarin, 2008).
5.2.2. La surdose
La consommation de benzodiazépines fait partie du mélange des drogues de la rue utilisées par les consommateurs de drogues de la rue (voir précédemment). Au Canada, des décès par surdose de benzodiazépine ont également été constatés, mais aucune étude systématique n’a été faite sur de possibles associations. En Angleterre, les études révèlent que 3,8 % des décès par empoisonnement découlant de la consommation d’une seule drogue sont attribuables aux benzodiazépines (Charlson et al., 2009). Des bilans de même qu’un certain nombre d’études de l’Australie ont corroboré ces résultats et concluent à l’importance relativement grande des benzodiazépines dans les décès par surdose dans lesquels l’héroïne et les opioïdes ou les méthamphétamines jouent également un rôle (Darke et al., 2007; Darke et Zador, 1996; Kaye et al., 2008; Paulozzi et al., 2009). On n’a pas mené beaucoup d’études au Canada sur ce thème, mais Fisher et al. (2004) ont corroboré les résultats internationaux et conclu à une association bidimensionnelle significative entre la consommation de benzodiazépines et le risque de surdose (RC = 1,70; 95 % IC : 1,13 – 2,57) (Fischer et al., 2004). Par conséquent, dans l’ensemble, les benzodiazépines sont associées de manière constante avec les surdoses et les décès par surdose dans les populations marginalisées.
Pour la population en général, les résultats concernant les BDFNM et la mortalité n’étaient pas concluants. Les travaux de recherche menés jusqu’à maintenant traitent peu des effets distincts de la consommation des BDFNM sur la mortalité. Des travaux de recherche seront nécessaires dans le futur pour étudier attentivement les risques respectifs de la consommation conforme aux ordonnances de médecin et de la consommation à des fins non médicales (Charlson et al., 2009).
5.2.3. Les benzodiazépines et la dépendance à l’égard d’autres substances ou l’abus d’autres substances
Pour le Canada, nous manquons de données sur les associations avec les BDFNM dans la population en général. Pour le sous-groupe relativement petit des consommateurs de drogues de la rue, les observations montrent clairement que ceux de ces consommateurs qui présentent le profil de polytoxicomanie le plus commun consomment des BDFNM, comme le démontrent de nombreuses études sur les consommateurs de drogues injectables ou d’opioïdes au Canada (p. ex., (Santé Canada, 2006; Haydon et al., 2005; Fischer et al., 2005; Wild et al., 2008). Dans ces populations, on constate également des injections intraveineuses des benzodiazépines. Dans l’échantillon des personnes en désintoxication, les observations montrent également clairement que des benzodiazépines sont consommées de manière parallèle, en particulier dans les cas de traitement d’entretien à la méthadone (Brands et al., 2004).
5.2.4. Les blessures
L’association de la consommation de benzodiazépines avec des blessures consécutives à des accidents de la route (Kelly et al., 2004) et des suicides (Fanton et al., 2007) a été mise en évidence. Il se peut que cette dernière relation ne résulte que de la confusion reposant sur le trouble primaire lorsque des benzodiazépines sont prescrites. Certaines observations indiquent que des chutes chez les personnes âgées sont associées avec la consommation de benzodiazépines, mais les données ne sont pas concluantes (Hegeman et al., 2009). La relation entre les BDFNM et les blessures n’est pas claire.
5.2.5. L’utilisation des traitements et des services de santé
On ne dispose pas de données, pour l’ensemble du Canada, sur les admissions à des traitements relativement à la consommation de benzodiazépines. Les données les plus systématiques que nous ayons trouvées portent sur l’Ontario, province dans laquelle on n’a constaté aucune tendance en ce qui a trait à la consommation de benzodiazépines (Drogue et alcool – système d’information sur le traitement (DASIT), 2008).
2003-2004 | 2004-2005 | 2005-2006 | 2006-2007 | 2007-2008 | |||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
N | % | N | % | N | % | N | % | N | % |
3 186 | 3,9 | 3 777 | 4,0 | 3 647 | 3,7 | 3 503 | 3,4 | 3 548 | 3,4 |
Dans l’enquête menée auprès des paramédicaux à Brockville et dans la circonscription Leeds Greenville (Ontario), 38 % des répondants ont déclaré que les sédatifs et les hypnotiques (dont les benzodiazépines et les barbituriques) étaient les substances problématiques les plus fréquentes en ce qui avait trait aux appels médicaux d’urgence, comparativement à 15 % pour l’Oxycontin (Garvin, 2004).
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