Les crimes haineux au Canada

Par Anna Ndegwa et Susan McDonald

Le crime haineux n’est pas nouveau, ni au Canada ni dans d’autres pays occidentaux. En effet, les tensions raciales entre les différents groupes ont été une constante tout au long de l’histoire coloniale du Canada. Pour y remédier, au cours des deux dernières décennies, le gouvernement fédéral a mis en œuvre deux plans :

  1. Le Plan d’action de lutte contre le racisme (2006-2010) a examiné les réponses aux crimes haineux, y compris le soutien aux victimes ainsi que l’élaboration de nouvelles approches pour lutter contre le racisme;
  2. La Stratégie canadienne de lutte contre le racisme (2019-2022) s’attaque à la haine en ligne et utilise l’expertise des organismes communautaires et des peuples autochtones pour élaborer des projets adaptés à leurs besoins. Des fonds fédéraux supplémentaires ont été annoncés dans le budget de 2022Note de bas de page1 afin d’offrir plus de moyens de lutter contre le racisme.

Ces programmes fédéraux sont mis en œuvre dans un contexte de haine grandissante, tant en ligne que dans nos rues. Les Canadiens ont lu et écouté des reportages sur ces événements horribles : la découverte de tombes non marquées sur les sites des anciens pensionnatsNote de bas de page2, une attaque contre des musulmans au Centre culturel islamique de Québec en 2017Note de bas de page3, une attaque par fourgonnette contre des femmes sur la rue Yonge au nord de Toronto en 2018Note de bas de page4, et une autre attaque avec un camion qui a tué quatre des cinq membres d’une famille musulmane à London en 2020Note de bas de page5.

Selon les données déclarées par la police, de Statistique Canada, les crimes haineux ont augmenté au cours des dernières années. Ils font maintenant de plus en plus partie du discours public. Au moyen de l’examen de la documentation universitaire et d’autres documents, les statistiques, la jurisprudence et les résultats d’une enquête sur les services fédéraux, provinciaux et territoriaux aux victimes, cet article fournira le contexte des crimes haineux aujourd’hui au Canada, puis se concentrera sur les victimes de crimes haineux et leurs besoins, et sur la façon dont les services aux victimes pourraient commencer à répondre à ces besoins. Bien que la haine puisse prendre de nombreuses formes différentes, le présent article mettra l’accent sur les comportements qui sont criminels et qui relèvent du Code criminel du Canada.

Qu’est-ce qu’un crime haineux?

Les crimes haineux sont des actes criminels motivés par un préjugé ou une haine extrême à l’égard d’un groupe social particulier (FCRR 2020). Les crimes haineux peuvent viser des cibles physiques symboliques (comme une mosquée) ou des personnes individuelles ou des groupes de personnes. Des études montrent que les crimes haineux causent des « torts disproportionnés » à la fois aux victimes et à d’autres membres de la communauté appartenant au groupe social ciblé. Ces crimes envoient un message de rejet à la fois envers la cible du crime et envers leur communauté. Par exemple, une agression peut avoir des effets physiques et psycho-émotionnels négatifs. Si l’agression survient parce que vous êtes une personne noire (ou une personne ayant un handicap ou une femme trans), le préjudice est amplifié parce que vous ne pouvez pas changer ces caractéristiques qui vous sont propres et parce que vous êtes à risque d’être ciblé toute votre vie. Non seulement vous êtes en danger, mais tous ceux qui vous ressemblent, ou qui ont un handicap ou pratiquent une religion minoritaire ou qui ont une autre caractéristique immuable propre à votre famille, à votre communauté, au Canada et même au-delà de nos frontièresNote de bas de page6.

Partout au Canada, les services de police utilisent une définition unique des crimes haineux pour s’assurer que les données qu’ils recueillent et communiquent sont consistentes et peuvent être comparées. La définition se trouve dans le Manuel du Programme de déclaration uniforme de la criminalité (DUC) (2022, p. 89) :

Un crime haineux est une infraction criminelle motivée par la haine de la race, l’origine nationale ou ethnique, la langue, la couleur, la religion, le sexe, l’âge, l’incapacité mentale ou physique, l’orientation sexuelle, ou l’identité ou l’expression de genre, ou tout autre facteur similaire.

Législation sur les crimes haineux au Canada

La Charte canadienne des droits et libertés protège la liberté d’expressionNote de bas de page7, mais elle est assujettie, en vertu de l’article premier de la Charte, aux limites qui peuvent être justifiées dans une société libre et démocratique. Afin de protéger le public contre les formes extrêmes de discours haineux, le Code criminel contient également quatre infractions de propagande haineuse :

  • préconiser ou fomenter le génocide d’un groupe identifiable (paragraphe 318(1));
  • inciter à la haine contre un groupe identifiable dans un lieu public susceptible de causer une violation de la paix (paragraphe 319(1)) « groupe identifiable »Note de bas de page8 est un terme défini dans le Code criminel (paragraphe 318(4));
  • fomenter volontairement la haine contre un groupe identifiable par la communication de déclarations autrement que dans une conversation privée (paragraphe 319(2));
  • fomenter volontairement l’antisémitisme en cautionnant, en niant ou en minimisant l’Holocauste (paragraphe 319(2.1)); il s’agit d’une nouvelle infraction de propagande haineuse qui vient d’être ajoutée au Code criminel (le 23 juin 2022)Note de bas de page9.

Les paragraphes 430(4.1) et (4.101) du Code criminel contiennent également une infraction de crime motivé par la haine visant certains types de biens. Cela s’applique aux biens principalement utilisés à des fins religieuses ou à d’autres types de biens (comme les écoles, les universités ou les centres communautaires) qui sont principalement utilisés par un groupe identifiable, lorsque le méfait est motivé par un parti pris, un préjugé ou la haine envers un groupe identifiable.

Avant le 12 décembre 2017, cette infraction était définie qu’au paragraphe 430(4.1) et se limitait aux biens destinés principalement aux offices religieux (par exemple, les églises, les mosquées ou les synagogues).

En plus des dispositions spécifiques ci-dessus, toute infraction, comme l’agression ou le harcèlement criminel, motivée par la haine, peut faire en sorte que le juge applique le motif de haine pour déterminer la peine imposée si l’accusé est condamné. Plus précisément, avant que les tribunaux décident d’une peine pour tout crime motivé par la haine ou des préjugés, ils doivent examiner le sous-alinéa 718.2a)(i) du Code criminel. La partie pertinente de cette disposition est ainsi libellée :

Le tribunal détermine la peine à infliger compte tenu également des principes suivants :

a) la peine devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l’infraction ou à la situation du délinquant; sont notamment considérées comme des circonstances aggravantes des éléments de preuve établissant :

(i) que l’infraction est motivée par des préjugés ou de la haine fondés sur des facteurs tels que la race, l’origine nationale ou ethnique, la langue, la couleur, la religion, le sexe, l’âge, la déficience mentale ou physique, l’orientation sexuelle ou l’identité ou l’expression de genre,

[…]

La haine comme circonstance aggravanteNote de bas de page10 au moment du prononcé de la peine a été ajoutée au Code criminel en 1995 et « l’identité ou l’expression de genre » a été ajoutée en 2017Note de bas de page11.

Le nombre de crimes haineux a augmenté

Depuis 2005, Statistique Canada fait des rapports sur les crimes haineux déclarés par la police par l’entremise du Programme DUC, mais ces données ne reflètent que les incidents qui ont été portés à l’attention de la police et qui sont ensuite enregistrés comme crimes haineux. En 2007, le ministère de la Justice du Canada a publié un rapport intitulé Étude des besoins des victimes de crimes motivés par la haine (McDonald et Hogue, 2007) qui comprenait des données de Statistique Canada ainsi qu’un examen d’études sur les crimes haineux au Canada et aux États-Unis. Depuis ce rapport, d’autres données – déclarées à la fois par la police et par les victimes – sont devenues disponibles. De façon générale, le nombre de crimes haineux déclarés à la police augmente chaque année depuis que Statistique Canada a commencé à recueillir les chiffresNote de bas de page12. La figure 1 montre les nombres pour les années 2015 à 2021. L’augmentation du nombre d’incidents signalés pourrait signifier que le public est plus conscient des crimes haineux. Cela pourrait aussi être dû au fait que la police fait davantage de sensibilisation dans la collectivité ou que le public est mieux informé en raison de crimes très médiatisés (Wang et Moreau, 2022).

La deuxième année de la pandémie (2021) a été la troisième année consécutive d’augmentation des crimes haineux signalés à la police, comme le montre la figure 1 ci-dessous. Les crimes haineux ont augmenté de 72 pour cent entre 2020 et 2021 en raison de l’augmentation des crimes haineux ciblant la religion, l’orientation sexuelle et la race ou l’origine ethnique. Toutes les provinces et tous les territoires du Canada, à l’exception du Yukon, ont signalé une augmentation du nombre de crimes haineux en 2021.

Figure 1 : Incidents de crimes haineux signalés à la police, 2015 - 2021
Figure 1 : Incidents de crimes haineux signalés à la police, 2015 - 2021

Source : Statistique Canada 2022c. Crimes haineux déclarés par la police, nombre d’incidents et taux pour 100 000 habitants.

Figure 1 : Incidents de crimes haineux signalés à la police, 2015 - 2021 – Version texte

Ce graphique à barres verticales comporte une catégorie qui représente le nombre d’incidents de crimes haineux signalés à la police entre 2015 et 2021. L’axe des y indique le « nombre d’incidents » et l’axe des x indique l’« année », de 2015 à 2021, de gauche à droite.

La première barre indique que 1362 incidents de crimes haineux ont été signalés à la police en 2015. La deuxième barre indique que 1409 incidents de crimes haineux ont été signalés à la police en 2016. La troisième barre indique que 2073 incidents de crimes haineux ont été signalés à la police en 2017. La quatrième barre indique que 1817 incidents de crimes haineux ont été signalés à la police en 2018. La cinquième barre indique que 1951 incidents de crimes haineux ont été signalés à la police en 2019. La sixième barre indique que 2646 incidents de crimes haineux ont été signalés à la police. La septième barre indique que 3360 incidents de crimes haineux ont été signalés à la police. Au bas du graphique, la source est indiquée ainsi : « Source : Statistique Canada. 2022c. Crimes haineux déclarés par la police, nombre d’incidents et taux pour 100 000 habitants. »

Les crimes haineux motivés par la race ou l’origine ethnique ont augmenté de 6 pour cent en 2021, après avoir augmenté de plus de 80 pour cent en 2020. L’augmentation des crimes haineux continue de cibler les communautés asiatiques. Ils ont doublé deux fois entre 2019 et 2021 (+ 8 pour cent à + 27 pour cent) (Wang et Moreau 2022). En dehors des statistiques sur les crimes haineux déclarés par la police, les communautés asiatiques ont signalé des augmentations considérables du racisme anti asiatique et des incidents de xénophobie en 2021. Le Conseil national des Canadiens chinois (CNCC) a signalé plus de 900 incidents en 2021, soit une augmentation de 47 pour cent du nombre d’incidents signalés depuis 2020. Les communautés d’Asie de l’Est et du Sud-Est continuent de rapporter le plus grand nombre d’incidents. Ces nombres font écho à l’augmentation des incidents signalés par la police (CNCC 2021; Wang et Moreau, 2022). Les crimes haineux visant les populations arabes et d’Asie occidentale ont également augmenté (+ 46 pour cent).

Les crimes haineux visant la population noire ont diminué en 2021 (- 5 pour cent). Toutefois, cela a suivi une augmentation de 96 pour cent en 2020. De plus, après que des tombes non marquées ont été trouvées sur les terrains d’anciens pensionnats, des incidents haineux qui ciblaient à la fois les peuples autochtones et des institutions religieuses ont également été signalés (Moreau, 2022). À l’instar de la population noire, les crimes haineux visant les peuples autochtones ont diminué de 1 pour cent en 2021, mais ils ont suivi une augmentation de 169 pour cent en 2020 (Wang et Moreau, 2022).

Les crimes haineux visant la religion ont également augmenté, de 67 pour cent en 2021. Cette tendance a suivi une tendance à la baisse des incidents entre 2019 (- 7 pour cent) et 2020 (- 14 pour cent). Les crimes haineux visant l’islam ont augmenté de 71 pour cent en 2021; entre 2016 et 2021 au Canada, plus de musulmans ont été tués dans des « attaques haineuses » ciblées en raison de l’islamophobie que dans tout autre pays du G7 (Conseil national des musulmans canadiens [CNMC], 2021).

Les crimes haineux qui ciblent les personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité sexuelle ont également augmenté considérablement. Depuis le pic de 365 incidents signalés en 2019, 423 incidents ont été signalés en 2021. Les victimes de ces crimes haineux ont tendance à être plus jeunes. Ces attaques entraînent le plus grand nombre de blessures (Wang et Moreau, 2022).

Les membres des minorités au Canada ont aussi connu plus de haine pendant la pandémie de COVID-19. Beaucoup ont dit ne pas se sentir en sécurité dans leur quartier et ont dit qu’ils ont perçu une augmentation du nombre de fois où ils ont été harcelés ou attaqués en raison de leur race, de leur ethnie ou de leur couleur de peau pendant la pandémie de COVID-19 (Heidinger et Cotter 2020). L’augmentation des incidents de haine anti-asiatique durant cette période (Conseil national des Canadiens chinois, 2021) montre que ces incidents peuvent être alimentés par des événements spécifiques comme le début de la pandémie de COVID-19.

Comprendre l’histoire du Canada

De nombreux articles, livres, commissions royales et autres ont été consacrés à la compréhension de l’histoire coloniale du Canada, et cet article ne présente qu’une petite partie de cette histoire. Il est toutefois important de comprendre que des tensions raciales existent au Canada depuis sa colonisation. De nombreuses lois relatives à l’immigration, aux droits des électeurs et aux droits de propriétéNote de bas de page13 au XIXe siècle et au milieu du XXe siècle étaient motivées par des préjugés raciaux et autres. Les actes violents et discriminatoires étaient également fréquents et peu de membres de la classe dirigeante contestaient ces lois ou ces actes. Au-delà du racisme des colons envers les peuples autochtones, il y avait d’autres sources de tension raciale, en particulier avec les Chinois, les Japonais et les Noirs, qui travaillaient comme ouvriers lorsqu’ils sont arrivés au Canada pour la première fois. Après la Première Guerre mondiale, la Loi sur l’immigration de 1896 a été modifiée pour interdire les personnes qui venaient de pays « indésirables » (en Asie et en Afrique) (Mooten 2021).

Le multiculturalisme est devenu une politique fédérale officielle en 1971, engageant le gouvernement fédéral à promouvoir et à maintenir une société multiculturelle diversifiée, mais ce n’est qu’en 1988 que la Loi sur le multiculturalisme canadien est entrée en vigueur (Perry, 2015). Aujourd’hui, le Canada est l’un des pays les plus diversifiés du monde. En 2021, 26 pour cent de la population canadienne s’est identifiée comme faisant partie d’une minorité visible, et 21 pour cent a indiqué une langue non officielle comme langue maternelle. En 2018, 4 pour cent de la population de plus de 15 ans s’identifiait comme étant 2SLGBTQi+ (Statistique Canada, 2022a; Statistique Canada, 2021b).

Malgré la Loi sur le multiculturalisme et la Charte canadienne des droits et libertés, le Canada n’est pas à l’abri du racisme, du sexisme ou d’autres formes de discrimination et de harcèlement, quelles que soient les structures telles que les organismes chargés des plaintes liées aux droits de la personne, les politiques et la formation pour soutenir la diversité, l’inclusion et l’équité (Perry 2015). Dans le cas des crimes haineux au Canada, des recherches ont montré que les politiques et les lois relatives aux crimes haineux ne sont pas suffisamment appliquées par les responsables du système de justice pénale. Cela inclut les procureurs de la Couronne qui doivent équilibrer les protections de la liberté d’expression des Canadiens contre la « haine » et les policiers qui hésitent à signaler ou à enquêter sur les incidents (Perry 2015, 1648). Les communautés ciblées se sentent alors soit inégales, soit inférieures à leurs homologues blancs ou autres. Cela renforce leur « marginalité sociale et politique ». Cela sape également l’objectif politique du multiculturalisme et de l’égalité (Perry 2015).

Comme mentionné plus haut dans le présent article, divers groupes de minorités raciales, religieuses et sexuelles au Canada sont de plus en plus victimes de crimes haineux. Ces groupes sont également susceptibles de subir différentes formes de micro-agressions qui pourraient être considérées comme de la discrimination, du racisme ou d’autres -isme. Ces incidents n’atteignent généralement pas le degré des actes criminels. Par conséquent, ils ne relèvent pas de la responsabilité de la police, mais ils fournissent un contexte d’exclusion des minorités en les dévaluant à cause des vêtements qu’ils portent, de la couleur de leur peau, ou de la façon dont ils expriment leur foi. Par exemple, une étude menée en 2019 sur des musulmans vivant dans cinq grandes villes canadiennes a montré qu’ils étaient constamment confrontés à des incidents haineux et à des micro-agressions. Cela incluait notamment des agressions verbales (comme des menaces), le fait d’être poursuivie, crachés dessus et d’entendre d’autres insultes en raison de leur religion ou de leur tenue religieuse (Mercier-Dalphond et Helly 2021).

De récents crimes haineux ont été tragiques et comprennent les suivants :

  • la fusillade de la mosquée de Québec en 2017, qui a causé la mort de six personnesNote de bas de page14;
  • l’attaque par fourgonnette de 2018 qui ciblait des femmes à Toronto, qui a causé la mort de huit femmes et de deux hommesNote de bas de page15; et
  • l’attaque par camion de 2021 à London contre des musulmans, qui a causé la mort de quatre membres de la famille AfzaalNote de bas de page16.

Les minorités des communautés 2SLGBTQI+ sont également confrontées à des crimes haineux. Ces communautés ont travaillé ensemble pour protéger leurs membres contre la violence parce que la police ne s’intéresse pas à la violence ciblée contre eux et/ou n’est pas au courant de cette violence (Field 2017).

Les Canadiens sont de plus en plus conscients et admettent que le racisme existe au Canada. Peu de gens soutiennent maintenant que les minorités racialisées comme les Noirs et les Autochtones sont rarement ou jamais maltraitées (Fondation Canadienne des relations raciales [FCRR] et Environics, 2021). De plus en plus de Canadiens croient maintenant que les personnes racialisées sont traitées injustement. Selon un sondage mené en 2021 par l’Environics Institute for Survey Research, un cinquième de la population générale a déclaré qu’il est courant pour eux d’être victimes de discrimination ou de mauvais traitements (CRRF et Environics, 2021, p. 7). Mais même si la politique publique du Canada soutient le multiculturalisme, l’égalité et l’inclusion, l’expérience des groupes marginalisés laisse entendre que les Canadiens ne sont pas aussi inclusifs qu’ils le devraient.

Les répercussions des crimes haineux

Répercussions psychologiques et psychosociales

Les crimes haineux visent des éléments essentiels de l’identité d’une personne (par exemple, la race, la religion, l’orientation sexuelle, le genre). Ces crimes envoient un message de rejet à la fois envers la cible du crime et envers leur communauté. Les préjudices des crimes haineux peuvent donc s’étendre au-delà de la victime immédiate et avoir des effets directs et indirects sur la communauté de la victime (FCRR 2020; Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme [BIDDH], 2020). Les personnes touchées par un crime haineux peuvent comprendre ceux qui sont proches de la victime (membres de la famille) ou ceux ou ceux qui ont été témoins de l’incident et les membres de la communauté identitaire. Cela comprend les personnes qui partagent des caractéristiques semblables à celles de la victime ou des biens visés. Cela inclut même les personnes d’autres communautés qui ont également été historiquement discriminées et/ou marginalisées (BIDDH 2020, p. 10).

Les effets d’un crime haineux sur une victime directe peuvent être puissants :

  • Les victimes sont susceptibles de subir un traumatisme psychologique sous diverses formes. Cela pourrait inclure le trouble de stress post-traumatique (TSPT) (Awan et Zempi 2020; Bell et Perry 2015; Perry 2009, 409).
  • En raison de la nature du crime, les victimes sont susceptibles de changer leur comportement par peur et de se sentir vulnérables, honteuses et en colère (Bell et Perry, 2015; BIDDH, 2020, p. 12; Walters, 2021).
  • Les victimes s’isoleront, éviteront certains endroits et certaines personnes et limiteront certains comportements (par exemple, limiter les témoignages publics d’affection avec les partenaires de même sexe, dissimuler des symboles religieux ou culturels, ne pas parler leur langue) (Bell et Perry, 2015; BIDDH 2020; Fashola, 2011; Walters, 2021;).
  • La recherche a également montré que le traumatisme ressenti par les victimes est également ressenti par des personnes qui n’ont pas été impliquées dans l’incident, mais qui s’identifient à la victime et que ces victimes indirectes peuvent présenter les mêmes comportements d’adaptation ou d’évitement que les victimes directes (Paterson et coll. 2019, 996).
  • Les personnes qui partagent certaines attitudes, certains comportements ou certaines croyances peuvent développer un sentiment d’appartenance à une communauté ou à un groupe. Ainsi, si une personne parmi leurs groupes est attaquée, d’autres membres du groupe risquent de vivre cela comme une attaque contre l’ensemble du groupe (Paterson et coll., 2020).

Les communautés peuvent ressentir de la peur et se sentir vulnérables en tant que groupe lorsqu’elles perçoivent qu’elles pourraient être ciblées à l’avenir (Perry, 2014). Des recherches ont montré que la plupart des groupes visés par des crimes haineux sont victimisés directement et indirectement; directement par le crime lui-même, et indirectement en se voyant victimes même si elles n’ont pas été la cible d’un crime haineux (Wevodau et coll., 2014, p. 66).

Le simple fait de connaître une personne qui a été victime d’un crime haineux peut affecter une personne qui fait partie de la communauté visée. Cela augmente les chances que cette personne perçoive des menaces qui n’existent peut-être pas envers elle (Paterson et coll., 2019, 1006; BIDDH, 2020, p. 12). Dans le rapport du BIDDH, il a été noté que les gens avaient normalisé leur expérience comme un fait quotidien « en acceptant la dévaluation, la discrimination et l’intolérance » comme « un état d’être normal » (BIDDH 2020, p. 12). L’expérience quotidienne de ces personnes consiste donc à comprendre qu’elles peuvent être attaquées de façon aléatoire un jour donné en raison de leur identité de groupe (BIDDH 2020, p. 12, 14). Savoir cela rend la violence de ces crimes terrifiante pour de nombreuses communautés (BIDDH 2020, p. 14).

En outre, les membres des groupes vulnérables acceptent que leur victimisation soit permanente. Cela découle à la fois d’incidents uniques qu’ils ont vécus et de ce qu’ils perçoivent et/ou vivent comme une apathie structurelle ou institutionnelle par le biais de la victimisation secondaire (BIDDH, 2020, p. 14)Note de bas de page17. Il peut s’agir de policiers et d’autres représentants officiels qui minimisent la gravité de l’expérience d’un crime haineux ou qui refusent de leur fournir des services, des droits ou un statut. Tous ces éléments affectent encore plus les individus et les membres de la communauté (BIDDH 2020, p. 14).

Les crimes haineux peuvent affecter les communautés en leur faisant sentir qu’elles sont aliénées ou séparées de la population générale (BIDDH 2020, p. 16).

Les besoins des victimes de crimes haineux

À la suite d’un crime commis et à moyen et à long terme, les victimes ont besoin d’information et de soutienNote de bas de page18. Les victimes de crimes haineux peuvent avoir des besoins spécifiques supplémentaires. Le rapport du BIDDH, Understanding the Needs of Victims of Hate Crime (Comprendre les besoins des victimes de crimes haineux), note que les victimes de crimes haineux ont besoin d’un soutien dans plusieurs domaines. Cela comprend le besoin d’aide pour se sentir en sécurité et pour avoir un sentiment de sécurité, tant physique qu’émotionnelle (BIDDH 2020, p. 18).

Les communautés ne font pas tous confiance aux autorités de justice pénale, comme la police, mais les victimes peuvent se sentir en sécurité de bien d’autres façons. Ces autres moyens comprennent se connecter avec des fournisseurs de services dans leurs propres communautés, ainsi que l’assurance que leur famille et leurs amis les soutiennent. Les communautés ont également besoin de soutien pour assurer ou établir la sécurité des victimes après qu’elles ont subi un crime haineux. La création d’espaces et de soutiens sécuritaires permet aux personnes et aux communautés de retrouver leur sentiment de sécurité. Cette résilience peut les amener à avoir plus confiance dans le système de justice pénale et à avoir plus de chances d’utiliser les soutiens sociaux et communautaires disponibles (BIDDH 2020, p. 18). Les victimes de crimes haineux ont également besoin d’un soutien pratique, notamment :

  • un soutien psychologique;
  • une aide juridique;
  • des soins médicaux;
  • que quelqu’un les accompagne au tribunal ou les aide à naviguer le processus de justice pénale;
  • une indemnisation pour les pertes encourues à cause du crime;
  • d’autres formes de soutien matériel, y compris de l’information et des conseils (par exemple, des conseils juridiques) (BIDDH 2020, p. 18).

Tous les services aux victimes devraient traiter toutes les victimes avec respect et dignité. Cela comprend :

  • reconnaître leur expérience et aider les victimes à accéder à l’information sur leur cas;
  • aider les victimes à comprendre le processus de justice pénale et à ce qu’elles soient comprises au sein de ce système, et
  • aider les victimes à exprimer le résultat qu’elles souhaitent obtenir ou à quoi ressemblerait la « justice rendue » (BIDDH 2020, p. 30).

Services aux victimes dans les provinces et les territoires

Au Canada, les provinces et les territoires sont responsables de la prestation des services aux victimes. Chaque province et territoire utilise des modèles différents pour fournir des services aux victimesNote de bas de page19. Ces modèles fournissent tous de l’information, des renvois et un soutien aux victimes d’actes criminels.

  • Les services basés sur le système aident les victimes à comprendre comment naviguer le système de justice pénale, par exemple en offrant du soutien et des conseils et en préparant des déclarations des victimes;
  • Les services rattachés aux tribunaux aident les victimes à se préparer aux procès, à demander un dédommagement et à recevoir des mises à jour sur l’état d’avancement de l’affaire;
  • Les services des cadres police aident les victimes à faire face à la crise et à obtenir des renseignements sur le fonctionnement des tribunaux;
  • Les services basés dans la communauté aident les victimes à recevoir un soutien émotionnel, une aide pratique et des aiguillages de la collectivité, par exemple pour les agressions sexuellesNote de bas de page20.

Le nombre de crimes haineux signalés à la police varie considérablement d’une province à l’autre. Selon les données de 2020, quatre provinces comptabilisaient la plupart des incidents signalés : l’Ontario (1 164), la Colombie-Britannique (519), le Québec (485) et l’Alberta (291). La Saskatchewan, le Manitoba et la Nouvelle-Écosse ont chacun connu entre 50 et 55 incidents, le Nouveau-Brunswick a connu 19 incidents, Terre-Neuve-et-Labrador et l’Île-du-Prince-Édouard ont comptabilisé chacune moins de 10 incidents, et les territoires ont signalé cinq incidents ou moins (Statistique Canada, 2022b). Ce n’est pas parce que peu de crimes haineux sont signalés à la police que les crimes haineux ne se produisent pas dans ces provinces. Cela signifie que les victimes de ces crimes ne sont pas en contact avec le système de justice pénale et qu’elles ne reçoivent pas l’appui des services aux victimes.

La section suivante résume les résultats d’une enquête envoyée aux membres fédéraux, provinciaux et territoriaux du Groupe de travail sur les victimes d’actes criminels.

Résultats de l’enquête

Dans l’étude précédente de Justice Canada réalisée en 2007, McDonald et Hogue ont interrogé les provinces et les territoires pour déterminer si des services spécifiques pour les crimes haineux étaient disponibles pour les victimes de ces crimes. En 2007, aucune province ni aucun territoire a déclaré fournir des services spécifiques aux victimes de crimes haineux. Les provinces et les territoires ont indiqué que la plupart des victimes de crimes haineux seraient admissibles et recevraient les mêmes services offerts à toutes les victimes d’actes criminels (McDonald et Hogue, 2007).

Afin de mettre à jour le paysage des services offerts aux victimes de crimes haineux, le ministère de la Justice a envoyé une nouvelle enquête aux provinces et aux territoires en 2022, en posant les mêmes questions qu’en 2007 :

  • Quels types de services sont offerts aux victimes d’actes criminels?
  • Existe-t-il des services spécifiquement destinés aux victimes de crimes haineux dans votre province ou territoire?
    • Veuillez fournir une brève description des services (par exemple, quoi, où, qui ils servent).
  • Quels sont les principaux obstacles qui empêchent les victimes de crimes haineux d’avoir accès aux services réguliers aux victimes dans votre province ou territoire (par exemple, la langue, le manque de connaissances sur le service, les besoins particuliers qui ne peuvent être satisfaits)?
  • Selon votre expérience, quels sont les besoins particuliers des victimes de crimes haineux?
    • De quoi les services aux victimes ont-ils besoin pour répondre à ces besoins (par exemple, ressources pour d’autres langues et cultures, de la formation supplémentaire sur les crimes haineux, un counselling à long terme)? 

Les administrations (n = 7) qui ont répondu ont indiqué qu’elles n’avaient pas de services spécifiquement destinés aux victimes de crimes haineux; les services qu’elles fournissent sont accessibles à toutes les victimes. La publication très utile de Justice Canada, Les services aux victimes au Canada, 2018, fournit des descriptions détaillées des services aux victimes partout au paysNote de bas de page21.

Obstacles à l’accessibilité des services

Les répondants à l’enquête ont indiqué que les victimes de crimes haineux qui ont accès à leurs services se heurtent aux mêmes obstacles que les victimes d’autres crimes, par exemple le manque de sensibilisation à ces services et les barrières linguistiques. Les membres de certains groupes, comme les nouveaux immigrants ou les Autochtones qui ne font pas confiance à la police, sont également confrontés aux mêmes obstacles. Les répondants ont ajouté d’autres obstacles auxquels les victimes de crimes haineux pourraient faire face :

  • la méconnaissance des services et du soutien offerts aux victimes;
  • les barrières linguistiques;
  • la crainte et la méconnaissance du système juridique canadien;
  • la méfiance et la crainte de partialité policière et systémique au sein du système juridique canadien;
  • l’hésitation à faire un signalement, ce qui peut limiter l’accès aux soutiens qui répondent à leurs besoins;
  • le fait d’être pauvres ou d’une région éloignée;
  • les sentiments de honte et d’humiliation;
  • la peur de représailles;
  • le manque de soutien par les pairs ou la famille; et
  • les préoccupations que les identités sociales diversifiées de la victime ne soient pas comprises (par exemple, être noir et 2SLGBTQI+).

Besoins et défis uniques des victimes de crimes haineux

Les provinces et les territoires ont fait état des besoins et des défis uniques des victimes de crimes haineux. En voici quelques-uns :

  • les services qui reconnaissent le préjudice causé aux victimes tout en reconnaissant les effets sur la communauté dont elles font partie;
  • les services axés sur le client qui permettent à la victime de prendre des décisions éclairées;
  • la peur et l’insécurité éprouvées par la victime, sa communauté et d’autres communautés marginalisées;
  • une détresse psychologique accrue et prolongée résultant de la violation de la sécurité de la victime et de l’atteinte à l’identité de la victime; 
  • le rejet par la victime d’un aspect qui lui est propre et qui était la cible du crime (par exemple, son orientation sexuelle); 
  • la culpabilité, ou le blâme imputé à la victime par les groupes culturels dominants; 
  • l’isolement, le stresset la vulnérabilité accrus pour la victime, les membres de sa famille et tous les membres de la communauté.

Répondre aux besoins des victimes

Une fois que les victimes ou des tiers ont signalé des incidents à la police, les réponses à l’enquête des services aux victimes fédéraux, provinciaux et territoriaux ont montré qu’ils comprenaient bien la dynamique particulière des crimes haineux et les besoins uniques des victimes. La formation et la sensibilisation étaient les idées les plus souvent mentionnées, mais on a aussi appelé à ajouter des programmes de justice réparatrice pour lutter contre la haine continue.

Une province a déclaré ce qui suit :

J’aimerais que les SV [services aux victimes] collaborent à la préparation de fiches d’information ou de dépliants comme ressource qui pourraient être fournis au grand public au sujet des crimes haineux et qu’on ajoute des ressources à l’appui.

Toutes les provinces et tous les territoires ont fait remarquer qu’un plus grand nombre de ressources, y compris des services spécialisés, de la formation sur les compétences culturelles et des ressources comme l’interprétation, les aideraient à mieux aider les victimes de crimes haineux :

  • plus de ressources qui tiennent compte des pressions externes telles que la pandémie et la montée des crimes haineux et qui permettent aux services de fournir des soutiens qui sont culturellement pertinents et efficaces pour les communautés qu’ils servent;
  • une formation plus poussée sur les crimes haineux, y compris l’élaboration et le perfectionnement d’outils de formation pour renforcer davantage les connaissances et la compréhension des questions liées aux crimes haineux, en particulier sur la façon dont les crimes haineux peuvent différer des autres crimes et les effets qu’ils peuvent avoir sur la victime et la communauté;
  • des campagnes publiques visant à sensibiliser davantage les victimes aux crimes haineux et à leur permettre d’avoir accès à des services, dans une variété de langues;
  • des services de counseling spécialisés axés sur les traumatismes pour les victimes de crimes haineux et pour leurs familles et les membres de la communauté qui peuvent également subir les effets de ces crimes. Ces services devraient être adaptés à la culture et être disponibles à long terme;
  • un financement auquel les communautés peuvent avoir accès pour guérir des traumatismes liés aux crimes haineux et renforcer leur sécurité;
  • créer une approche fondée sur la justice réparatrice pour les crimes haineux et les infractions motivées par la haine. Cela pourrait aider à briser le cycle de la haine et à rendre le délinquant moins susceptible de répéter son crime en favorisant la guérison du délinquant et de la victime
    • par la contribution de la communauté;
    • par une communication respectueuse entre la victime et le délinquant;
    • en s’assurant que le délinquant répond réellement de ses actes; et
    • par la victime qui pardonne à l’agresseur son crime.

Dans les sections restantes de cet article, des faits saillants sont présentés sur la façon dont les victimes de crimes haineux peuvent participer au système de justice pénale et des recherches sur cette participation.

Déclarations des victimes et déclarations au nom d’une collectivité

L’article 15 de la Charte canadienne des droits des victimes stipule que toute victime a le droit de présenter une déclaration aux autorités compétentes du système de justice pénale (par exemple, la police, les juges et les agents correctionnels), et à ce qu’elle soit prise en considération. Le Code criminel a ajouté les déclarations au nom d’une collectivité en 2015 pour toutes les infractions (Manikis 2019).

Les déclarations de la victime fournissent une description des préjudices causés et des pertes subies par la victime.

Les déclarations au nom d’une collectivité décrivent les préjudices et les pertes subis par la collectivité touchée. Cela peut inclure un quartier, une entreprise ou une organisationNote de bas de page22.

Le Code criminel exige que les victimes présentent des déclarations de la victime lors de la détermination de la peine. D’autres types de déclarations de victime peuvent être soumises aux autorités compétentes après la condamnation du délinquant (par exemple, pendant que les délinquants sont sous garde fédérale ou lors d’audiences de libération conditionnelle). Des recherches ont montré qu’une déclaration de la victime peut

  • influencer la décision de détermination de la peine,
  • donner une voix aux victimes et aux collectivités pendant le processus de justice pénale, ou
  • être thérapeutique pour la victime (Manikis 2019).

Des universitaires et aux autres personnes ont débattu l’effet de ces déclarations et de leur utilisation, ou leur valeur, dans le cadre du processus pénal; certains universitaires considèrent que les déclarations portent atteinte au droit d’un délinquant à un procès équitable. D’autres pensent que ces déclarations contribuent au processus dans son ensemble. Les recherches ont montré que certains juges se sont appuyés sur les déclarations des victimes dans leurs décisions de détermination de la peine et qu’elles donnent certainement une voix aux victimes (Manikis, 2019).

La loi précise que les victimes doivent avoir la possibilité de présenter une déclaration de la victime au Canada. Toutefois, il n’y a pas de données sur le taux des déclarations de la victime ou au nom d’une collectivité qui sont soumises. Selon une étude réalisée par le Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités pour le ministère de la Justice, seulement cinq provinces font état du taux de présentation de déclarations de la victime (Allen, 2019, p. 14). Des recherches ont montré qu’il n’y a pas de lien significatif entre la satisfaction ou l’implication des victimes dans le système de justice pénale et la présentation d’une déclaration de la victime (Laxminarayan et coll., 2013).

Un examen de la jurisprudence accessible au public (Provost-Yombo et coll., 2021) sur la haine comme facteur aggravant dans la détermination de la peine a révélé qu’entre 2007 et 2021, sur les 50 décisions de condamnation enregistrées, seulement un tiers (n = 17) a fait référence à une déclaration de la victime ou faite au nom d’une collectivité. Sur ces 17 cas, seulement trois (6 pour cent) incluaient une déclaration faite au nom d’une collectivitéNote de bas de page23, bien que, dans 18 cas, les délinquants aient ciblé des collectivités comme victimes. À la discrétion du juge chargé de la détermination de la peine, les déclarations faites au nom d’une collectivité ont toujours été autoriséesNote de bas de page24. Lorsque la Charte canadienne des droits des victimes (CCDV)Note de bas de page25 et les modifications au Code criminel qui en ont résulté sont entrées en vigueur en juillet 2015, elles incluaient la possibilité de soumettre des déclarations au nom d’une collectivité pour toutes les infractions. Étant donné le préjudice que subissent les collectivités lorsqu’un de leurs membres est victime, on pourrait alors supposer qu’un plus grand nombre de ce type de déclarations seraient soumis en cas de crimes haineux. Il est à noter toutefois que la plupart des 50 décisions en matière de peine examinées ont été rendues avant 2015 – avant la modification du Code criminel sur les déclarations au nom d’une collectivité.

Recours à la justice réparatrice

Des recherches de plus en plus poussées ont exploré l’utilisation possible de la justice réparatrice (JR) pour les victimes et ceux qui commettent des crimes haineux. La justice réparatrice offre un moyen d’éduquer et de combattre les préjugés du délinquant ainsi qu’un espace pour soutenir et responsabiliser la victime en faisant entendre sa voix dans un environnement sécuritaireNote de bas de page26.

Le Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la JR a défini la JR comme suit :

[L]’approche de justice qui vise à réparer les torts causés, en donnant aux personnes lésées et à celles qui assument la responsabilité des torts infligés l’occasion de communiquer leurs besoins respectifs et d’y répondre à la suite de la perpétration d’un crime.

La JR pourrait aider à répondre aux besoins des victimes de crimes haineux en réduisant leur traumatisme et en améliorant leur sentiment de sécurité, de peur et de colère (Walters 2014). Si les délinquants et les victimes et les intervenantsNote de bas de page27 sont en mesure de parler entre eux, les délinquants pourraient avoir un aperçu de première main des préjudices qu’ils ont causés (Walters 2014). Restorative Justice Victoria, un organisme communautaire sans but lucratif de la Colombie-Britannique, a utilisé cette approche avec succès pour lutter contre les crimes haineuxNote de bas de page28.

La JR utilisée dans l’affaire de la Parkdale United Church d’Ottawa fournit un autre exemple d’utilisation de cette approche pour traiter avec succès un crime haineux. Dans cette affaire, un jeune qui avait été reconnu coupable de peinture antisémite et raciste sur l’église a accepté de participer au Programme de justice collaborative au Palais de justice d’Ottawa. Le jeune a écrit un essai de 500 mots sur les membres des communautés qu’il avait ciblées et a partagé son travail avec ces communautésNote de bas de page29. Même si la JR n’est peut-être pas appropriée dans tous les cas de crimes haineux, ces processus ont un grand potentiel pour régler les préjudices causés.

En conclusion

Le présent article offre un bref aperçu de la littérature et des statistiques sur les crimes haineux, de la jurisprudence sur l’utilisation des déclarations de la victime et faites au nom d’une collectivité au moment de la détermination de la peine et des résultats de l’enquête sur les besoins des victimes auprès des services aux victimes fédéraux, provinciaux et territoriaux. Il est important de comprendre le contexte du colonialisme au Canada pour comprendre les sentiments de dévaluation de certains groupes minoritaires. Il convient de noter que les répondants à l’enquête sur les services aux victimes étaient très conscients des lacunes dans leurs services et du manque de sensibilisation aux crimes haineux et de leurs répercussions sur le public, les victimes et les fournisseurs de services.

D’autres efforts sont en cours pour mieux comprendre comment aider les victimes de crimes haineux. Un projet de recherche financé par le Conseil de recherches en sciences humaines intitulé Finding the Gaps : Criminal Justice Processing of Hate Crimes s’appuiera sur des études de cas de processus de justice réparatrice qui ont été utilisés dans des affaires de crimes haineuxNote de bas de page30. De plus, le Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités élabore actuellement une formation complète à l’intention des services de police et des services aux victimes sur la façon de réagir aux crimes haineux. La formation comprendra également des organismes communautaires. Cela permettra de s’assurer que tous ceux qui ont un intérêt dans le résultat travailleront ensemble pour mieux soutenir les victimes tout en enregistrant avec précision les détails des crimes haineux qu’elles signalent à la police.

Bien plus – améliorer la compréhension du grand public à l’égard des crimes haineux, fournir de multiples façons de signaler la haine aux autorités, accroître la transparence sur les raisons pour lesquelles les crimes ne peuvent pas être poursuivis en tant que crimes haineux – peut être fait pour mieux soutenir les victimes de crimes haineux. Il est grand temps d’aller de l’avant.

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