L'ETCAF et l'appel à l'action no 34.4 de la CVR : Un examen des méthodes d'évaluation
Conclusion
Les auteures espèrent que le lecteur aura une meilleure idée générale et une meilleure compréhension des contextes plus larges associés à l’ETCAF après avoir lu le présent document. Et que la description de ces réalités peut aider à éclairer les changements qui seront apportés aux programmes et aux politiques de façon à ce que l’on puisse mieux répondre aux besoins des personnes atteintes de l’ETCAF, et donner des idées sur la manière d’évaluer les changements en question. Les auteures espèrent également avoir montré clairement qu’il existe de nombreuses méthodes différentes pour évaluer les changements dans les programmes et les politiques, mais que ces méthodes doivent intégrer les points de vue des premiers concernés : les personnes atteintes de l’ETCAF. Ce travail sera difficile, mais il existe des méthodes éprouvées permettant d’intégrer efficacement les personnes atteintes de l’ETCAF, ce qui est essentiel pour la réconciliation, la vérité et la justice. En conclusion, nous réexaminerons les questions de recherche en proposant une réponse sommaire à chacune d’entre elles.
- Quels mécanismes d’évaluation a-t-on utilisés dans le cadre des programmes actuels relatifs à l’ETCAF?
Nous avons présenté un résumé de certains mécanismes d’évaluation qui existent en examinant les programmes relatifs à l’ETCAF. Il couvre des programmes et des pratiques internes et externes au secteur de la justice pénale, ainsi qu’un aperçu des pratiques prometteuses et du rôle de la sagesse collective dans les programmes et l’évaluation. Malheureusement, les plans d’évaluation et les rapports finaux accessibles au public sont rarement disponibles. En nous basant sur les quelques rapports rendus publics, sur la vaste expérience des auteures dans le domaine de l’ETCAF et de l’évaluation, et sur les documents existants visant la conception et l’évaluation des programmes, nous avons proposé dans le document une foule de techniques et de stratégies d’évaluation. Il s’agit notamment d’approches qualitatives (entrevues, histoires orales, méthode Photovoice), d’approches artistiques (boîtes à souvenirs, dessin, musique, danse, etc.) et d’approches quantitatives (sondages et examen de dossiers administratifs).
- Y a-t-il des exemples de pratiques prometteuses d’évaluation des programmes relatifs à l’ETCAF?
Les méthodes qualitatives et artistiques sont prometteuses pour ce qui est de rendre les processus d’évaluation accessibles aux personnes atteintes de l’ETCAF et à leurs collectivités. Ces méthodes permettent également de saisir une information d’une grande richesse qui se perd parfois dans les données quantitatives. Les méthodes quantitatives sont également valables dans l’évaluation des programmes actuels. Elles fournissent les données empiriques nécessaires et permettent d’étudier un plus grand nombre de sujets. Il convient d’envisager la possibilité de conception conjointe, où toutes les parties prenantes, y compris les personnes atteintes de l’ETCAF, participent au processus d’évaluation de façon à s’assurer que les programmes répondent à leurs besoins. Cela impliquerait de créer des processus d’évaluation accessibles et de nouer des relations durables avec les parties prenantes. Cela dit, une combinaison de méthodes pourrait être la solution la plus adaptée à l’évaluation de programmes destinés aux personnes aux prises avec l’ETCAF.
- Quels seraient les mécanismes adaptés d’évaluation des programmes relatifs à l’ETCAF dans le système de justice pénale?
Comme nous l’avons indiqué, il y a une gamme de solutions parmi lesquelles choisir pour évaluer les programmes de justice pénale relatifs à l’ETCAF. Les méthodes choisies dépendront de la collectivité au sein de laquelle le programme existe. Les auteures du présent document préconisent fortement la participation de la collectivité à toutes les étapes. De plus, si des programmes sont conçus spécialement à l’intention de participants autochtones, ce travail doit se faire par le renforcement des relations et la consultation. Tous les programmes et évaluations de cette nature devraient être axés sur la collectivité, et conçus conjointement avec elles, les organismes communautaires et les familles autochtones.
- Quels sont les traits distinctifs de programmes et des pratiques d’évaluation adaptés (p. ex. qui tiennent compte de la culture et ne perpétuent pas les préjugés)?
Bon nombre d’éléments clés ont été définis comme caractéristiques d’une évaluation adéquate telles que l’inclusion des personnes les plus directement affectées, l’adoption d’approches centrées sur la personne, l’adaptation de toutes les méthodologies en vue d’offrir le meilleur soutien possible et l’inclusion des personnes atteintes de l’ETCAF (ralentir, faire des pauses, limiter les distractions, prendre en compte la sensibilité sensorielle, etc.). Le document « Best Practice for FASD Service Delivery : Guide and Evaluation Toolkit » serait l’une des ressources à consulter aux fins d’une modification lorsqu’on entreprend de concevoir et d’évaluer un programme. On trouvera également à la fin du présent une liste d’autres lectures (en annexe), qui contiennent de l’information sur les méthodes d’évaluation. Hélas, la quantité de données accessibles au public sur la manière dont les organismes abordent l’évaluation est limitée, une situation qui, espérons-le, est appelée à changer. En fin de compte, chaque programme est unique. Chaque programme devrait tenir compte des besoins locaux, et dans la mesure de ses moyens, l’organisme doit veiller à ce que la conception et l’évaluation de programme se fassent conjointement avec les principales parties prenantes. Cela dit, les suggestions que renferme le présent document sont des lignes directrices très générales à envisager. Les idées discutées trouvent leur source dans la documentation et dans les faits probants tout en s’appuyant sur la sagesse collective et l’expérience vécue des personnes atteintes de l’ETCAF et de leurs familles.
La question de l’accès précaire au logement et au soutien communautaire, et d’autres obstacles structurels et institutionnels devraient faire partie de la conception et de l’évaluation des programmes. Ces facteurs influent sur le pourcentage de personnes aux prises avec l’ETCAF qui ont des démêlés avec le système de justice pénale. Il est essentiel d’en tenir compte dans la conception et l’évaluation des programmes. En omettant de le faire, on risquerait de passer à côté d’une dimension essentielle des inégalités structurelles qui entourent le handicap, lesquelles débouchent souvent directement sur une intervention du système de justice pénale. Bien qu’il soit difficile d’intégrer ces enjeux structurels plus vastes, il est nécessaire de le faire pour des raisons éthiques.
- Quels outils d’évaluation existants susceptibles d’être utiles à la prestation de services de première ligne pourrait-on revoir en réponse à l’appel à l’action no 34.4 de la CVR?
L’adoption de mécanismes d’évaluation adéquats pour mesurer l’efficacité des programmes communautaires, correctionnels et de libération conditionnelle destinés aux personnes atteintes de l’ETCAF est une tâche complexe. L’appel à l’action montre la nécessité d’une participation concertée à tous les paliers de gouvernement. Cela demande également une compréhension globale des contextes structurels, institutionnels et historiques associés à l’ETCAF. Comme nous l’avons mentionné, il convient d’accroître la formation et la capacité concernant l’ETCAF dans les sous-domaines de la justice. Les personnes qui réalisent l’évaluation devraient également posséder un savoir-faire axé sur l’ETCAF qui s’accompagne d’une compréhension contextuelle plus large du handicap. Cela éclairera nécessairement les programmes et les pratiques d’évaluation mis en œuvre. Les méthodes employées doivent démontrer une sensibilisation aux subtilités contextuelles si l’on veut que les méthodes d’évaluation soient adaptées. Une communication plus explicite et plus accessible à propos des évaluations réalisées et de leurs résultats serait utile. Le partage des méthodes d’évaluation et des résultats permettra de renforcer la capacité des programmes autant que la capacité d’évaluation. Ce renforcement des capacités est crucial pour répondre à l’appel à l’action no 34.4 de la CVR de façon solide et durable. Cela touche également à l’enjeu plus large de l’éthique de l’évaluation.
Bien que peu d’outils d’évaluation soient accessibles au public, certaines ressources dont il est question dans le présent document pourraient être revues afin de tenir compte de l’appel à l’action no 34.4 de la CVR, telles que le « Best Practices Guide », l’Évaluation de la santé mentale et les évaluations des tribunaux du mieux-être du Yukon. Bien que le Guide et ces évaluations antérieures soient valides et qu’ils aient atteint leur but, certaines adaptations pourraient être faites afin d’assurer une meilleure accessibilité aux personnes atteintes de l’ETCAF. Ces ressources devraient être consultées comme point de départ de l’élaboration des stratégies d’évaluation parce qu’elles sont déjà bien implantées dans la recherche et le savoir-faire spécialisé relatifs à l’ETCAF.
Les programmes élaborés à l’aide de méthodes d’évaluation intégrées à la conception pourraient transformer la nature du programme et la gamme des données à évaluer. Cela ne signifie pas que les programmes doivent être conçus de manière à garantir que l’évaluation produira tels ou tels résultats. Dans cette optique, il faut concevoir des programmes avec des plans d’évaluation intégrés de façon à pouvoir recueillir les données dès le début et éviter les difficultés que présente la collecte rétrospective de données, dans la mesure où elle peut produire un tableau inégal d’un programme donné. De plus, si le programme est conçu en tenant compte de l’évaluation, des consultations valables peuvent se tenir à l’avance pour appuyer la conception conjointe.
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