Vue d'ensemble des risques et des facteurs de protection pour les enfants touchés par la séparation et le divorce

Sommaire

Les enfants canadiens sont confrontés à de nombreuses sources de stress pouvant affecter leur adaptation sociale et émotionnelle.  La séparation des parents et le divorce qui s'ensuit constitue l'une des sources possibles.  Le présent document vise un double objectif : examiner les facteurs liés au divorce qui augmentent les risques de problèmes d'adaptation chez les enfants et les protéger des conséquences néfastes, d'une part, et évaluer l'utilité des outils de mesure utilisés pour évaluer les conflits dans les familles touchées par le divorce des parents, d'autre part.

Nous commençons par examiner la recherche empirique liée aux incidences de la séparation des parents sur le bien-être des enfants.  Cet examen nous a amenés à conclure que certains enfants de parents séparés ou divorcés s'adaptent moins bien que les enfants des familles intactes, comme le montrent divers indices de mesure tels que les résultats scolaires, les relations parents-enfants et l'adaptation émotionnelle et comportementale.  Cependant, nous tenons à souligner que la plupart des enfants s'adaptent bien à la séparation de leurs parents.

Facteurs de risque

Après avoir fait le lien entre le divorce des parents et les problèmes d'adaptation des enfants dans la partie 2, nous examinons dans la partie 3 les différents facteurs liés au processus de divorce qui augmentent les risques de mésadaptation.  Nous passons en revue quatre composantes majeures du divorce (absence du parent qui n'a pas la garde, relations parents-enfants difficiles, désavantage économique et conflits parentaux) afin de montrer que certains facteurs sont plus étroitement liés que d'autres aux problèmes comportementaux et émotionnels de l'enfant.  Par exemple, peu d'éléments permettent d'affirmer que les enfants éprouvent des problèmes d'adaptation après un divorce simplement à cause de l'absence du parent qui n'a pas la garde. Des indices portent plutôt à croire que d'autres facteurs liés à l'engagement des parents (notamment le paiement de la pension alimentaire et le bon usage de l'autorité parentale) ont plus d'importance pour le bien-être de l'enfant que la fréquence des contacts avec le parent non gardien.

Les chercheurs s'entendent pour dire que les relations difficiles entre parents et enfants et la diminution du revenu familial après un divorce ont des incidences néfastes sur l'adaptation des enfants.  En outre, alors que, selon la recherche, les conséquences liées aux différentes composantes du divorce sur l'adaptation de l'enfant se manifestent à divers degrés, le lien entre les conflits parentaux et les problèmes d'adaptation des enfants demeure sans équivoque.  Les conflits parentaux poussés par la colère sont de très bonnes variables prédictives de la mésadaptation des enfants, en même temps qu'ils sont des facteurs de risque en la matière, peu importe le type de famille où se trouvent les enfants (famille intacte, famille touchée par un divorce ou famille d'accueil).

Les résultats de la recherche concernant les facteurs de risque ont plusieurs incidences sur les politiques. Mais les recommandations qui s'ensuivent sont fondées exclusivement sur les travaux ayant trait au divorce et aux conflits que nous avons analysés pour préparer le présent document.  Elles ne découlent d'aucune façon des politiques et des programmes déjà évalués.

Premièrement, puisque les conflits parentaux sont considérés comme une variable prédictive fiable du degré de bien-être de l'enfant, les politiques et les programmes susceptibles de réduire l'exposition des enfants à de tels conflits ne pourront qu'être bénéfiques.  Par exemple, les programmes de prévention offerts pourraient prendre la forme d'initiatives en matière de santé publique ou d'éducation, dans un cadre scolaire, à l'intention des jeunes adultes.  Tout programme qui aide les jeunes adultes à améliorer leur aptitude à résoudre leurs problèmes de couple, même avant qu'ils n'aient des enfants, pourrait diminuer le risque que les enfants soient exposés aux conflits parentaux.  De plus, en aidant les parents en instance de divorce (et les professionnels qui travaillent avec eux) à comprendre comment l'exposition aux conflits affecte les enfants, on contribuerait aussi à diminuer les conflits interparentaux.  Les outils de mesure des conflits peuvent également servir à mieux cibler les services.  Ainsi, il est possible que les familles fortement conflictuelles tirent plus d'avantages à connaître les procédures à suivre devant le tribunal que les familles qui vivent moins de conflits.

Deuxièmement, des politiques et des programmes axés sur les aspects économiques du processus de divorce seraient aussi bénéfiques pour les enfants.  Par exemple, protéger le revenu du parent gardien permettrait probablement de réduire le stress parental et d'avoir ainsi des effets positifs sur les relations parents-enfants.

Facteurs de protection

Pourquoi certains enfants éprouvent-ils des problèmes à la suite du divorce de leurs parents tandis que d'autres semblent bien s'en sortir?  Cette différence peut s'expliquer du fait que les composantes du divorce jouent un rôle variable.  Mais cela ne suffit pas à expliquer toutes les variations observées dans l'adaptation des enfants.  Dans la partie 4, nous examinons comment les risques multiples encourus et les effets bénéfiques des facteurs de protection doivent être abordés quand nous cherchons à comprendre pourquoi certains enfants sont plus affectés que d'autres.  Une des conclusions importantes des études sur l'exposition des enfants à des événements stressants est que, lorsque nous sommes en présence de plusieurs facteurs de risque, ceux-ci s'accumulent et leurs effets néfastes sur les enfants se multiplient.  Cette constatation a deux répercussions.  D'une part, les politiques et les programmes qui cherchent à réduire l'occurrence d'un seul de ces risques seraient sûrement bénéfiques parce qu'ils réduiraient aussi les incidences négatives en puissance des autres risques sur l'adaptation de l'enfant.  Par exemple, toute politique traitant du revenu familial et des prestations aux familles touchées par un divorce devrait aussi avoir pour effet de réduire les incidences négatives associées à un niveau de conflit élevé sur les enfants.  D'autre part, il existe aussi un avantage potentiel à concevoir des politiques ou des programmes qui abordent un certain nombre de facteurs de risque.

Les résultats des études sur les facteurs de protection démontrent que certains enfants n'éprouvent aucun problème d'adaptation après le divorce de leurs parents en raison de facteurs préexistants dans leur vie (p. ex. les relations parents-enfants chaleureuses et les réactions émotionnelles positives) qui les aident à surmonter le stress.  Cette constatation a deux répercussions.  D'une part, on pourrait chercher à augmenter l'influence de certains facteurs préexistants qui protègent naturellement les enfants, et ce, grâce à des programmes d'éducation parentale.  D'autre part, il devient plus facile d'offrir les services existants à ceux qui en ont besoin quand on sait qui sont les enfants davantage portés à éprouver des problèmes lorsque confrontés au divorce de leurs parents (p. ex. ceux qui ne possèdent pas de facteurs préexistants positifs).

Outils de mesure des conflits

La mesure des conflits parentaux poussés par la colère est une pratique bien établie dans les comptes rendus de recherche.  Dans la partie 5, nous passons en revue divers outils de mesure, généraux et spécialisés, et nous fournissons des détails sur leurs propriétés psychométriques.  Les mesures générales sont largement utilisées et démontrent de bonnes propriétés psychométriques, mais les mesures précises du conflit dyadique sont de meilleures variables prédictives de l'adaptation à long terme des enfants que les mesures générales de la satisfaction dyadique.  La mesure des conflits est une pratique bien établie, mais leur application à des fins cliniques ne l'est pas (p. ex. pour prendre des décisions concernant des enfants et des familles en particulier).  Dans la partie 5, nous décrivons certaines étapes à respecter en vue de l'utilisation des outils de mesure des conflits à des fins cliniques.

Une des incidences sur les politiques découlant de la partie 5 est qu'il pourrait être possible d'utiliser les outils de mesure des conflits parentaux comme moyen de reconnaître les enfants et les familles vulnérables.  Une autre incidence concerne la mesure des effets chez l'enfant.  Dans la partie 5, nous examinons aussi les outils de mesure du degré de perturbation chez l'enfant, outils qui sont également bien établis.  Si l'objectif d'un programme ou d'un service est de reconnaître les enfants susceptibles de moins bien s'en sortir après le divorce de leurs parents, une bonne stratégie à adopter serait de se servir d'un outil de mesure des conflits bien établi conjointement avec un autre outil de mesure portant cette fois sur l'adaptation des enfants.

L'examen des autres outils de mesure des composantes du divorce (paiement de la pension alimentaire, qualité des relations parents-enfants) n'entrait pas dans le mandat de la présente étude.  Cependant, si on utilisait de tels outils de mesure de concert avec les outils de mesure des conflits et du bien-être des enfants, nous pourrions encore mieux reconnaître les enfants et les familles qui requièrent le plus de services.