Vue d'ensemble des risques et des facteurs de protection pour les enfants touchés par la séparation et le divorce

1. Introduction

Des travaux récents effectués pour le compte du ministère de la Justice du Canada démontrent qu'un nombre élevé d'enfants canadiens sont confrontés au divorce de leurs parents (p. ex. Marcil-Gratton et Le Bourdais, 1999; Stewart, 2000).  Ces études indiquent qu'à partir de la fin des années 1970, le nombre de divorces a augmenté constamment au Canada pour atteindre un sommet en 1987, quand environ 96 200 divorces ont été homologués.  Depuis, le nombre de divorces a diminué pour s'établir à 71 528 divorces en 1996.  Cette année-là, environ 47 000 enfants ont été l'objet d'une ordonnance de garde (Stewart, 2001).  En outre, on compte un nombre croissant d'enfants canadiens issus de couples vivant en union libre.  La tendance à la séparation de ces couples étant sensiblement plus élevée que celle des couples mariés (Marcil-Gratton et Le Bourdais, 1999; O'Connor et Jenkins, 2001), bien des enfants canadiens vivent la dissolution de l'union de fait de leurs parents, mais ce facteur n'est pas pris en compte dans les statistiques officielles sur le divorce au Canada (Stewart, 2001).  Ainsi, à la suite du divorce ou de la dissolution de l'union de fait de leurs parents, un nombre important d'enfants canadiens voient leurs parents se séparer et se retrouvent dans divers types de familles (mère seule, famille d'accueil, père seul, etc.).  Dans le présent rapport, le terme « mariage » se rapporte aussi bien au mariage comme tel qu'à l'union de fait.  De même, le terme « divorce » se rapporte à la dissolution de l'union des parents, qu'ils aient été mariés ou non.

Une étude récente (Stewart 2001) concluait que, même si les incidences négatives du divorce sur l'adaptation de l'enfant sont bien établies dans les travaux de recherche, les professionnels ne sont pas parvenus à trouver une définition acceptable de ce qu'est un conflit aigu ou encore un moyen avéré de repérer les familles fortement conflictuelles.  Dans le même ordre d'idées, nous avons conclu que l'influence nuisible relative, chez les enfants, de divers facteurs de risque, parmi lesquels figurent les conflits parentaux, ne faisait guère l'unanimité.  Cependant, comme chercheurs spécialisés dans les conflits familiaux, il nous apparaissait pertinent de faire ressortir et d'examiner la preuve empirique se rapportant aux questions, étroitement liées, du divorce, des conflits parentaux, des facteurs de risque, des facteurs de protection et des outils de mesure des conflits.  Nous avons donc mis sur pied le projet en cours et rédigé le rapport qui suit afin de parler (1) des facteurs liés au divorce qui augmentent les risques de mésadaptation chez les enfants et des facteurs qui les protègent des conséquences néfastes et (2) de l'utilité ainsi que de la fiabilité et de la validité des outils de mesure existants utilisés pour évaluer les conflits affectant les familles touchées par un divorce.

Au cours des cinquante dernières années, on a mené de nombreuses études rétrospectives et prospectives visant à déceler les effets néfastes possibles du divorce sur l'adaptation des enfants.  Dans la partie 2, nous les passons brièvement en revue et faisons ressortir les principales conclusions des travaux de recherche.  Dans la partie 3, nous examinons la documentation liée à quatre composantes du divorce (absence du parent non gardien, relations parents-enfants difficiles, désavantage économique et conflits parentaux) qui, croit-on, augmentent les risques de problèmes d'adaptation de l'enfant à la suite de la séparation des parents.  La documentation donne à penser que certaines composantes du processus menant au divorce (comme les conflits parentaux) sont continuellement et étroitement liées à des problèmes sur le plan du comportement et des émotions, tandis que d'autres ne sont liées que de loin à l'adaptation des enfants (p. ex. l'absence du parent non gardien).  Pourquoi certains enfants sont-ils perturbés à la suite d'un divorce tandis que d'autres semblent bien s'en sortir?  Dans la partie 4, nous abordons cette question et discutons de la façon dont les risques multiples encourus affectent l'adaptation de l'enfant ainsi que de la façon dont certains facteurs dans la vie des enfants peuvent les protéger du stress associé au divorce des parents et réduire ainsi chez eux les risques de perturbation.  Les chercheurs ont recours à toutes sortes d'outils de mesure visant à évaluer les incidences du divorce des parents sur le bien-être de l'enfant.  Dans la partie 5, nous passons en revue divers outils de mesure de la satisfaction conjugale, des conflits interparentaux et des conflits après le divorce.  Nous décrivons brièvement ces outils de mesure ainsi que leurs propriétés psychométriques.  Nous terminons en abordant plusieurs questions qui doivent être prises en compte pour parvenir à utiliser ces outils de mesure à des fins cliniques.  Enfin, la partie 6 fournit un résumé de l'information contenue dans le rapport et parle des incidences des documents que nous avons consultés sur les programmes et les politiques.