Vue d'ensemble des risques et des facteurs de protection pour les enfants touchés par la séparation et le divorce

6. Sommaire et Incidences

Le divorce est l'une des principales sources de stress à survenir dans la vie des enfants canadiens d'aujourd'hui en raison des nombreux changements et problèmes qu'il génère et qui nuisent à l'adaptation des enfants.  De nombreuses études ont cherché à établir les incidences de la séparation des parents sur le bien-être des enfants.  Dans la partie 2, nous nous sommes penchés brièvement sur ces études qui montraient toutes une différence importante entre les enfants des familles touchées par un divorce et ceux des familles intactes par rapport à divers indices du degré de bien-être, comme les résultats scolaires, les relations parents-enfants et l'adaptation émotionnelle et comportementale.  Nous avons ainsi constaté que les enfants des parents divorcés s'adaptaient moins bien que les enfants des familles intactes.  Mais nous avons également souligné que même si les études empiriques montrent que le divorce est un facteur de risque lié aux problèmes d'adaptation chez les enfants, la plupart d'entre eux surmontent bien le stress découlant de la séparation des parents.

Quels sont les facteurs liés au processus de divorce qui augmentent le risque que les enfants développent des problèmes d'adaptation?  C'est ce que nous avons cherché à savoir dans la partie 3 en examinant la preuve empirique se rapportant à quatre composantes importantes du divorce : absence du parent non gardien, relations parents-enfants difficiles, désavantage économique et conflits parentaux.  Nous avons commencé par parler de l'absence du parent non gardien dans la vie quotidienne de l'enfant à la suite du divorce.  On a déjà émis l'hypothèse que l'absence du parent non gardien, habituellement le père, serait responsable des problèmes d'adaptation de certains enfants touchés par un divorce.  De manière générale, la preuve en faveur de cette hypothèse manque de force, parce qu'aucun lien cohérent et tangible n'a été établi entre la fréquence des visites du père et le bien-être des enfants.  Cependant, d'autres aspects de l'engagement du père, comme le paiement de la pension alimentaire, le bon usage de l'autorité parentale et un sentiment d'attachement, peuvent avoir (et ont) des effets positifs sur l'adaptation des enfants après le divorce.  Ainsi, ce qu'un père fait avec ses enfants quand il est avec eux a beaucoup plus d'importance que la durée du moment qu'ils passent ensemble.

Les relations difficiles entre parents et enfants après le divorce constituent une deuxième composante du processus de divorce généralement reconnue comme une source de stress pour les enfants.  Les études démontrent que les relations parents-enfants se détériorent après le divorce des parents et que le divorce peut exacerber les problèmes d'ordre normatif entre les parents et les enfants.  Dans le même ordre d'idées, nous avons examiné dans la partie 3 les résultats de recherche qui soutiennent l'affirmation selon laquelle la diminution du revenu familial après le divorce constitue une troisième composante ayant des effets néfastes sur le bien-être de l'enfant.  Ce lien a été constamment démontré, tout comme le lien entre le paiement de la pension alimentaire par le père et les conséquences positives pour l'enfant telles que la réussite scolaire et l'adoption de bons comportements.

Bien que les effets des diverses composantes du divorce sur l'adaptation de l'enfant soient démontrés à différents degrés dans les travaux de recherche, le lien entre les conflits parentaux et les problèmes d'adaptation de l'enfant demeure sans équivoque.  La présence d'un niveau élevé de conflits parentaux poussés par la colère avant et après le divorce porte préjudice aux enfants.  En fait, certaines études indiquent que le degré de bien-être des enfants des familles intactes fortement conflictuelles est moins élevé que celui des enfants des familles touchées par un divorce.  Les conflits interparentaux poussés par la colère sont donc de très bonnes variables prédictives des problèmes d'adaptation chez l'enfant, de même que des facteurs de risque, peu importe le type de famille où se trouve l'enfant (famille intacte, famille touchée par un divorce ou famille d'accueil).

Les constatations précitées ont plusieurs incidences sur les politiques.  Mais avant de les aborder, une mise en garde s'impose.  Nos propositions concernant les politiques et les programmes s'inspirent logiquement des études sur les conflits que nous avons examinées.  Mais nos recommandations ne sont fondées d'aucune façon sur les résultats des politiques et des programmes ayant déjà fait l'objet d'une évaluation car cela dépassait le cadre du présent projet.  Les recommandations ci-dessous devraient donc être considérées sous cet angle.

Premièrement, puisque les conflits interparentaux poussés par la colère sont considérés comme une variable prédictive constante du degré de bien-être de l'enfant, les politiques et les programmes visant à réduire l'exposition des enfants à ces conflits ne pourraient qu'être bénéfiques.  Par exemple, les programmes de prévention offerts pourraient prendre la forme d'initiatives en matière de santé publique ou d'éducation, dans un cadre scolaire, à l'intention des jeunes adultes.  Tout programme qui aide les jeunes adultes à améliorer leur aptitude à résoudre leurs problèmes de couple, même avant qu'ils n'aient des enfants, pourrait entraîner une diminution du risque que les enfants soient exposés aux conflits parentaux subséquents.  De plus, en aidant les parents en instance de divorce et les professionnels qui travaillent avec eux à comprendre comment l'exposition aux conflits parentaux affecte les enfants, on pourrait aussi contribuer à diminuer une telle exposition.  Les outils de mesure des conflits peuvent également servir à des fins de sélection de façon à mieux cibler les services.  Par exemple, il est possible que les familles fortement conflictuelles tirent plus d'avantages à connaître les diverses procédures à suivre devant le tribunal que les familles qui connaissent moins de conflits.

Une deuxième incidence des constatations précitées est que l'adoption de politiques axées sur le volet économique et sur les relations parents-enfants, deux autres composantes du processus de divorce, serait également bénéfique pour les enfants.  Par exemple, protéger le revenu du parent gardien permettrait probablement de réduire le stress parental et d'avoir ainsi des effets positifs dans les relations parents-enfants.

Pourquoi certains enfants éprouvent-ils des problèmes à la suite du divorce de leurs parents, tandis que d'autres semblent bien s'en sortir?  Dans la partie 3, nous avons vu que cette différence peut s'expliquer du fait que les composantes du divorce jouent un rôle variable d'un cas à l'autre.  Par exemple, quand le divorce accroît le désavantage économique, les conflits parentaux et les problèmes liés aux relations parents-enfants, les enfants éprouvent plus de stress.  Mais ces composantes ne suffisent pas à expliquer toutes les variations observées dans l'adaptation des enfants.  Celles-ci sont dues au fait que le divorce est associé à toutes sortes de circonstances précédant et suivant le divorce, circonstances qui risquent de créer des problèmes d'adaptation pour les enfants.  Dans la partie 4, nous examinons comment l'exposition aux risques multiples et l'effet bénéfique des facteurs de protection doivent être abordés quand nous cherchons à comprendre pourquoi certains enfants sont plus affectés que d'autres.  Une des conclusions importantes des études sur l'exposition des enfants à des événements stressants est qu'en présence de plusieurs facteurs de risque, ceux-ci peuvent prendre de la force et leurs effets redoubler.  Autrement dit, les risques s'accumulent et leurs effets néfastes sur les enfants se multiplient.  Les politiques et les programmes qui chercheraient à réduire l'occurrence ne serait-ce que d'un seul de ces risques seraient sûrement bénéfiques parce qu'ils réduiraient aussi les incidences négatives en puissance des autres risques sur l'adaptation de l'enfant.  Par exemple, toute politique traitant du revenu familial et des prestations aux familles touchées par un divorce devrait avoir pour effet de réduire les incidences associées à une situation fortement conflictuelle sur les enfants.

Les résultats des études sur les facteurs de protection démontrent que certains enfants n'éprouvent aucun problème d'adaptation après le divorce de leurs parents en raison de facteurs préexistants dans leur vie qui les aident à surmonter le stress.  Deux études qui se sont penchées sur les facteurs de protection dans les familles touchées par un divorce ont constaté que les relations parents-enfants chaleureuses et les réactions émotionnelles positives (un trait du caractère) protègent bien les enfants contre le stress associé au divorce.  Cette constatation a deux répercussions.  La première est qu'on pourrait chercher à augmenter l'influence de certains facteurs préexistants qui protègent naturellement les enfants dans le cadre de programmes d'éducation parentale.  La seconde est qu'il devient plus facile d'offrir les services existants à ceux qui en ont besoin quand on sait quels enfants sont davantage portés à éprouver des problèmes lorsque confrontés à un divorce (p. ex. ceux qui ont moins de réactions émotionnelles positives).

La mesure des conflits parentaux poussés par la colère est une pratique bien établie dans les travaux de recherche.  Dans la partie 5, nous avons passé en revue divers outils de mesure généraux et spécialisés et fourni des détails sur leurs propriétés psychométriques.  L'Échelle d'adaptation dyadique est un exemple d'outil de mesure général de la satisfaction dyadique.  Par ailleurs, l'Échelle des tactiques de résolution des conflits est un exemple d'outil de mesure spécialisé des conflits dyadiques dont la fiabilité et la validité ont été largement prouvées.  Les outils de mesure généraux sont largement utilisés et mettent en évidence de bonnes propriétés psychométriques, sauf que les mesures précises du conflit dyadique sont de meilleures variables prédictives de l'adaptation à long terme des enfants que les mesures générales de la satisfaction dyadique.  Bien que les outils de mesure des conflits relèvent d'une pratique bien reconnue, l'utilisation de ces outils à des fins cliniques (p. ex. pour prendre des décisions concernant des enfants et des familles en particulier) n'est pas établie.  Dans la partie 5, nous décrivons certaines étapes à respecter en vue de l'utilisation de ces outils de mesure à des fins cliniques.

Dans la partie 5, nous avons également examiné les outils de mesure du degré de bien-être de l'enfant.  Une des incidences sur les politiques s'y rapportant est qu'il pourrait être possible d'utiliser les outils de mesure des conflits parentaux comme moyen de reconnaître les enfants et les familles vulnérables.  Comme notre étude des facteurs de protection le démontre, bon nombre d'enfants n'éprouvent pas de problèmes à la suite d'un divorce.  En regroupant les mesures des conflits parentaux et les mesures du degré de bien-être des enfants, on devrait mieux reconnaître les enfants les plus susceptibles d'être affectés par le divorce.  L'étude des outils de mesure des autres composantes du divorce (paiement des pensions alimentaires, qualité des relations parents-enfants) n'entrait pas dans le mandat de la présente étude.  Cependant, si on utilisait ces outils de mesure de concert avec les outils de mesure des conflits et du degré de bien-être de l'enfant, nous pourrions encore mieux reconnaître les enfants et les familles qui requièrent le plus de services.