Séparation et divorce très conflictuels : options à examiner

2004-FCY-1F

5.  INTERVENTIONS DANS LES DIVORCES TRÈS CONFLICTUELS

5.1  PLANS DE RESPONSABILITÉS PARENTALES DANS LES SITUATIONS DE DIVORCE TRÈS CONFLICTUEL

Dans leurs textes de loi équivalents à notre Loi sur le divorce, bon nombre d’administrations ont créé des procédures aux termes desquelles les parents engagés dans une action en divorce conviennent d’appliquer un plan de responsabilités parentales qui décrit leurs devoirs et leur obligation de s’occuper des enfants issus de leur relation et qu’ils doivent suivre. Cette question est exposée plus en détail dans la prochaine section de ce document qui traite des lois en vigueur dans d’autres pays. Pour les fins du présent document, il importe cependant de signaler que, selon les experts en divorce très conflictuel, il faut établir un plan de responsabilités parentales bien structuré qui réduit les risques de conflit entre les parents. Exemple : Ehrenberg et Hunter (1996) ont étudié un échantillon de 32 conjoints séparés ou divorcés; ce nombre était divisé en deux parts égales, l’une représentant les conjoints qui acceptaient d’établir un plan de responsabilités parentales et l’autre, ceux qui n’acceptaient pas de le faire. Comparativement à ces derniers parents, les ex-couples qui avaient réussi à maintenir une entente parentale mutuelle étaient habituellement moins narcissiques, moins vulnérables sur le plan interpersonnel, plus enclins à montrer de l’empathie, moins imbus d’eux-mêmes, moins repliés sur eux-mêmes et davantage tournés vers les enfants. Donc, si les couples qui vivent de graves conflits sont moins capables de se mettre d’accord sur un plan de responsabilités parentales, il faut des mécanismes supplémentaires pour les amener à respecter le plan et réduire l’ampleur de leurs conflits dans les soins qu’ils prodiguent aux enfants.

Garrity et Baris (1994 : 101-120) affirmaient que les divorces très conflictuels avaient nécessairement une dynamique complexe. Par conséquent, les problèmes qui se posent dans de tels divorces ne peuvent être réglés par la médiation. Un arbitre dans les situations de garde partagée ou un tuteur d’instance dans d’autres situations peut aider à résoudre certains problèmes. Cependant, dans bon nombre de situations très conflictuelles, aucun professionnel n’est désigné. Donc, dans de telles situations, il faut recourir à un coordonnateur des tâches parentales, soit une personne expérimentée dans le règlement des problèmes et dans les méthodes de médiation et de communication, qui connaît les aspects juridiques du divorce, la psychologie des adultes, celle du développement et les problèmes d’adaptation que le divorce fait subir aux enfants. Le coordonnateur des tâches parentales aurait les responsabilités suivantes :

Ces auteurs ont également dressé un tableau qui illustre le rôle du coordonnateur des tâches parentales pour des familles à trois niveaux différents de conflit : minime/léger, modéré et assez grave/grave. Dans les cas de conflit assez grave/grave, le rôle du coordonnateur des tâches parentales est décrit au tableau comme celui d’une personne désignée dans le jugement de divorce pour : adapter les méthodes de communication à la nature de l’impasse; modifier les visites de manière à réduire les conflits; recommander des visites surveillées, au besoin, pour protéger l’enfant; recommander l’évaluation complète de l’un des parents ou des deux, si nécessaire (p. ex., dans les cas de consommation d’alcool, de toxicomanie, de psychopathologie grave); veiller à ce que l’enfant ait des contacts avec ses deux parents; organiser les visites et concevoir un plan de communication pour les cas d’aliénation parentale; et rencontrer les intéressés aussi souvent que nécessaire, habituellement une fois par semaine (Garrity et Baris, 1994 : tableau 8-2, 122).

Garrity et Baris (1994 : 146) déclarent :

Les couples aux prises avec des conflits graves se disputent souvent à propos des détails des visites, de l’approche en matière de responsabilités parentales et de l’échange de renseignements concernant les enfants. En modifiant les modalités d’exercice de ces responsabilités, on peut souvent réduire l’exposition des enfants aux conflits. [Traduction]

Pour réduire les conflits, Garrity et Baris ont donc fait des suggestions pratiques qui peuvent être intégrées à ces plans de responsabilités parentales. Par exemple, si les deux parents peuvent conduire un véhicule, ils devraient conduire les enfants à la résidence de l’autre au lieu de lui demander de venir prendre les enfants. De cette façon, ils évitent la situation où l’un des parents arrive à la porte de l’autre, forçant peut-être ce dernier à dire au revoir à la hâte à l’enfant. Une autre stratégie : avoir un registre, par exemple un petit carnet à reliure spirale, qui suit l’enfant dans ses déplacements. Ce carnet peut énumérer les aliments préférés de l’enfant ou ceux qu’il n’aime pas, les médicaments à prendre et les activités prévues. Cette méthode peut être utile pour l’échange de renseignements entre parents susceptibles de se disputer au moment de la transition des enfants. Si les parents ne peuvent contenir leur colère durant la transition, il peut être nécessaire de prévoir un terrain neutre où laisser l’enfant. Si le conflit demeure grave, il peut être nécessaire de changer le plan de visites, en diminuant le nombre de transitions et en les remplaçant par des séjours plus longs. Une solution moins radicale que le terrain neutre où laisser l’enfant est l’utilisation de lieux publics, comme une bibliothèque ou un musée. Autant que possible, toute exception au calendrier de base des visites devrait être consignée en détail. Par exemple, pour la durée des visites pendant les jours fériés, on devrait indiquer les heures exactes. Quand les parents sont incapables de célébrer des événements spéciaux d’une manière pacifique en présence l’un de l’autre, il vaut mieux prévoir des fêtes, comme les anniversaires de naissance, dans les deux résidences. Les enfants devraient en général être autorisés à téléphoner à chaque parent à partir du domicile de l’autre parent et avoir l’assurance d’une conversation privée. Le plan de responsabilités parentales devrait préciser que les parents ne peuvent reprendre leur temps en cas de visite manquée. Garrity et Baris (1994 : 146-150, 155-161) donnent un exemple de plan de responsabilités parentales provisoire dans une situation très conflictuelle.

Dans le protocole destiné aux juges de l’Idaho afin de protéger les enfants dans les divorces très conflictuels, on indique que le jugement de divorce devrait comporter un plan de partage des responsabilités parentales. En règle générale, plus le degré de conflit entre les parents est élevé, plus le plan de partage des responsabilités parentales devrait être précis pour protéger les enfants. Voici ce qu’on peut lire dans le protocole :

L’annexe A de ce document reprend le formulaire d’accord entourant un plan de responsabilités parentales trouvé dans l’Idaho Benchbook qui traite des divorces très conflictuels (Brandt, 1998 : annexe A, p. 9-13).

D’après Stewart (2001 : 51), les principaux éléments d’un plan de responsabilités parentales pour famille fortement conflictuelle devraient être :

Cela contraste avec les principaux éléments d’un plan de responsabilités parentales destiné aux familles où le degré de conflit est faible et qui : permettrait une prise de décisions conjointes; permettrait de prévoir des périodes égales avec les deux parents, selon les besoins de l’enfant; fournirait des lignes directrices mais donnerait une certaine marge de manœuvre aux parents; porterait surtout sur les questions litigieuses et laisserait les parents négocier la plupart des autres points (Stewart, 2001 : 51).

En fait, ces auteurs affirment que, dans les cas de divorce très conflictuel, le plan de responsabilités parentales devrait être très structuré et prescrire qu’un coordonnateur des tâches parentales arbitre les différends.

5.2  COUNSELLING ET PROGRAMMES THÉRAPEUTIQUES POUR FAMILLES À DEGRÉ ÉLEVÉ DE CONFLIT

Comme l’a fait remarquer Stewart (2001 : 36), la majorité des interventions thérapeutiques dont rendent compte les travaux menés en ce domaine concernent de petits programmes qui n’ont pas vraiment fait leurs preuves. Il s’agit d’initiatives cliniques fondées sur l’expérience et l’expertise de thérapeutes et de conseillers qui s’occupent de familles séparées et divorcées. Le petit échantillon d’études menées sur divers programmes cliniques à l’intention de parents divorcés ou séparés et de leurs enfants fait ressortir plusieurs problèmes liés à la conception de la recherche. D’abord, les études à petite échelle permettent difficilement de se prononcer sur l’efficacité possible des divers modèles d’intervention sur des groupes plus importants. De plus, elles ne comportent en général aucune analyse des facteurs familiaux et sociaux antérieurs. Donc, on n’y examine pas en profondeur la manière dont ces familles fonctionnent dans l’ensemble de leur vie, ni la manière dont les enfants de ces familles fonctionnent par rapport à ceux de familles non divorcées. En outre, dans aucune de ces études, on ne tente de cerner le niveau de conflit qui se manifeste au sein des familles ni dans quelle mesure ces programmes thérapeutiques ont aidé les enfants et les parents confrontés à ces divers degrés de conflit. Qui plus est, les résultats ne font que rarement l’objet d’un suivi et, dans les rares études où il y en a un, il est bref. Enfin, ces études à petite échelle ne tiennent pas compte des effets, pour l’enfant, des autres changements dans sa vie, comme le changement d’école, le déménagement dans un autre quartier ou dans une autre ville, la perte des camarades et le remariage de l’un des parents ou des deux. Ces études cliniques laissent supposer que les thérapies offertes constituent l’unique source de résultats favorables, et ce, tant pour les parents que pour l’enfant. D’après Stewart (2001), il faudrait mener une enquête globale où l’on commencerait par dresser l’inventaire des facteurs émotionnels et structurels.

5.3  PROGRAMMES D’ÉDUCATION POUR PARENTS EN VOIE DE DIVORCER

Stewart (2001 : 43) a fait remarquer que ceux qui critiquent cette approche à l’éducation affirment qu’il ne faut pas trop attendre sur le plan tant de la prévention que du règlement des hostilités. Bon nombre de ces programmes d’éducation ne font que renseigner sur les procédures de divorce et les recours possibles, tels l’action en justice et la médiation et parfois sur les risques émotionnels qui en découlent pour les enfants. D’après ces critiques, il ne s’agit pas à proprement parler de programmes d’éducation, car ils n’aident pas les parents qui divorcent à acquérir de nouvelles connaissances pour leur permettre d’aider leurs enfants dans leur nouvelle situation de vie.

L’information est limitée quant à l’efficacité des programmes d’éducation à l’intention des parents. Arbuthnot, Poole et Gordon (1996) ont conçu un projet consistant à envoyer par la poste à 3658 familles, qui avaient déposé une requête en divorce, une brochure expliquant les principaux effets du divorce et du remariage des parents sur les enfants. Ce document donnait des suggestions pratiques permettant de réduire ou d’éliminer les effets néfastes du divorce, en particulier ceux découlant de conflits entre les parents. Ce projet n’a amené aucun changement immédiat dans ces familles, mais lors du suivi un an plus tard, les communications entre les parents s’étaient améliorées et le parent n’ayant pas la garde avait en général un meilleur accès à ses enfants que les parents du groupe témoin. Le degré de conflit dans les familles en cause n’a toutefois pas été déterminé et l’on n’a cerné aucun facteur de stress, tels les déménagements ou les remariages. Les participants à ce programme n’ont été choisis en vertu d’aucun critère particulier, mais de manière aléatoire (Stewart, 2001 : 44; Arbuthnot et coll., 1996). Arbuthnot et Gordon (1996) ont aussi coté favorablement un cours obligatoire suivi par 131 parents qui, semble-t-il, aurait permis de soustraire les enfants à une partie des conflits entre leurs parents (voir aussi Stewart, 2000 : 44).

Geasler et Blaisure (1998) ont examiné la situation des programmes d’éducation rattachés aux tribunaux, aux États-Unis. Ils ont signalé que les responsables reconnaissent de plus en plus la nécessité de donner une formation aux parents pour favoriser un comportement parental efficace. À leur avis, la recherche d’Arbuthnot et Gordon prouve que les cours pour l’acquisition d’aptitudes sont plus susceptibles de changer le comportement des parents dans les situations de partage des responsabilités que les stratégies plus passives, comme les livres et les conférences. Grâce aux programmes d’éducation axés sur les aptitudes, les parents qui divorcent peuvent accroître leur capacité à choisir des formes de communication qui atténuent leurs conflits, effet encore observable à la séance de suivi semestriel. Selon des études récentes, l’efficacité générale des programmes d’éducation pour les parents peut varier selon le degré de conflit indiqué par les parents, le moment où ils participent au programme ou le contenu et les stratégies d’enseignement appliquées. Dans le suivi de 1996 d’une étude menée en 1993 sur l’influence de la participation aux programmes quant au taux de retour au tribunal six ans après le divorce, on a constaté que les seuls parents à bénéficier du programme étaient ceux qui, au début, avaient fait part d’un degré élevé conflit, de la triangulation des enfants et de faibles niveaux de compétence parentale adaptative. Ces parents s’étaient moins souvent engagés dans des différends répétés que ceux d’un groupe témoin d’un autre comté. L’évaluation permanente des programmes « Children in the Middle » a fourni un argument convaincant en faveur des stratégies d’enseignement à titre de variable importante à considérer dans l’évaluation de l’efficacité des programmes. Ces programmes mettent l’accent sur l’enseignement et la pratique des aptitudes, au lieu de présenter des faits sur divers sujets en laissant peu de possibilités de discussion et d’intervention aux parents. Les auteurs ont conclu qu’un programme qui s’intéresse de près à l’acquisition de compétences requiert la participation active des parents et peut offrir des possibilités de perfectionnement de l’exercice partagé des responsabilités parentales et que l’apprentissage et l’application des compétences acquises réduisent le risque que les enfants se retrouvent au centre du conflit parental, mais qu’il faut faire davantage de recherches dans ce domaine.

Dans le comté de Los Angeles, le programme de déjudiciarisation du Pre-Contempt/Contemnor’s Group comprend un programme d’éducation spécialement conçu pour les parents qui vivent un conflit aigu. Le programme vise à les renseigner sur divers points : les effets du divorce et de leur comportement conflictuel sur les enfants, la législation concernant la garde et le droit de visite, la gamme des plans de partage de responsabilités existants, les conséquences de l’inobservation des ordonnances judiciaires et les aptitudes nécessaires pour améliorer les communications et résoudre les différends. Les juges qui ordonnent aux parents de suivre le programme font toutes les démarches de renvoi. Les deux parents doivent assister aux séances. Les enfants ne sont pas inclus. La taille des groupes varie entre 25 et 75 personnes. Chacune des six séances porte sur un thème différent. À la première, on fixe les règles de conduite et quelqu’un fait un exposé sur les aspects historiques de la garde, le rôle des différents tribunaux et les conséquences émotionnelles, juridiques et économiques de la séparation et du divorce. La séance se termine par la présentation d’un vidéo qui met l’accent sur la nécessité pour les enfants d’avoir accès aux deux parents. Les deuxième et troisième séances s’attachent aux besoins des enfants, au sens des symptômes de leurs troubles, à leur développement et aux options d’un plan parental. Les autres séances renseignent sur la gestion des conflits et la communication efficace; elles comprennent des jeux de rôle centrés sur la négociation et la médiation. On a recueilli des commentaires sur la satisfaction des clients, mais ce programme n’a pas été évalué systématiquement (Johnston, n.d. : 27-29).

Entre janvier et mai 1997, trois cohortes totalisant 143 parents ont suivi ce programme. À l’été 1997, 45 familles qui ne l’avaient pas suivi, sélectionnées selon les mêmes critères d’admissibilité, ont été affectées à un groupe témoin. Lors du suivi, neuf mois plus tard, on a constaté que les hommes et les femmes qui avaient participé à ce programme, comparativement à ceux de ce groupe, étaient généralement plus coopératifs, exprimaient moins de désaccords entre eux et étaient plus susceptibles d’avoir réglé les problèmes de garde avec leurs ex-partenaires. En outre, la violence entre les parents était tombée à un niveau négligeable. Rien ne prouvait cependant que le programme était parvenu à réduire les taux de différends (Johnston, n.d. : 183-209).

McIsaac et Finn (1999) ont créé, à l’intention des parents aux prises avec des conflits aigus pour la cour de circuit du comté de Multnomah, à Portland, en Oregon, le programme « Parents Beyond Conflict » qui s’inspire du programme Contemnor du tribunal de conciliation du comté de Los Angeles (Los Angeles County Conciliation Court’s Contemnor Program). Trois groupes de huit à dix participants ont été formés avec 26 personnes orientées vers le programme par un juge. Le but du programme : accroître l’empathie des parents envers leurs enfants et les sensibiliser aux effets de leur comportement sur leurs enfants. Treize des familles avaient été sommées de suivre le programme par un juge après de nombreuses comparutions devant le tribunal. Chaque parent avait reçu une trousse d’information comprenant le plan des six cours d’une durée de deux heures chacun. Les personnes atteintes de maladie mentale, faisant un usage abusif de drogues ou d’alcool ou ayant des antécédents de violence chronique ne pouvaient participer au programme. Les participants devaient acheter une copie des deux textes utilisés pour le cours portant sur les défis de la garde partagée et la possibilité de dépasser les attitudes négatives. À la première séance, on établissait les règles : les membres du groupe devaient se parler d’une manière respectueuse et ne pas dénigrer l’autre parent. Le cours mettait l’accent sur l’acquisition d’aptitudes. Exemple : on enseignait aux participants la façon de faire face à des problèmes hypothétiques et de bien écouter. Les 26 participants ont trouvé les séances « très utiles ». Après deux mois, 13 des parents aux prises avec des conflits aigus utilisaient les concepts enseignés d’une manière constructive. Cependant, les avantages du cours à long terme restent à déterminer.

Baker-Jackson et Orlando (1997) ont expliqué en quoi consistait l’atelier « Parents Beyond Conflict » auquel a eu recours le tribunal de Los Angeles chargé des cas de négligence envers les jeunes afin de s’attaquer aux situations très conflictuelles soumises à sa compétence pour allégation de violence envers des enfants. Cet atelier vise à renseigner les parents sur les causes des conflits parentaux, l’effet destructeur des conflits sur les enfants, les besoins de développement des enfants et le comportement des enfants sous l’effet du stress. On y enseigne des méthodes pour améliorer les communications mutuelles et les moyens de gérer la colère. L’atelier illustre l’application des aptitudes en résolution de problèmes et s’attaque aux problèmes de violence familiale à l’aide de jeux de rôle. Entre juin 1994 et mai 1996, 570 personnes ont assisté à l’atelier. La réaction des parents, des avocats, des tuteurs et des juristes a été favorable. Les fonctionnaires de la cour et les avocats ont remarqué des changements immédiats dans le comportement mutuel des parents qui ont suivi l’atelier.

Kramer et coll. (1998) ont comparé le programme d’éducation « Children in the Middle », qui est axé sur les aptitudes, au programme couramment utilisé « Children First in Divorce », qui est axé différemment. Ils ont évalué les résultats d’enquêtes menées auprès de parents qui avaient assisté à dix séances de ces deux programmes sur une période de deux mois. Les auteurs ont constaté que, malgré les craintes que les programmes d’éducation n’augmentent la fréquence et la gravité de la violence familiale, tous les groupes avaient indiqué que la violence avait peu à peu diminué, probablement en raison de l’atténuation normale de la colère après le divorce. Les parents qui avaient plus de facilité à communiquer ont fait état d’une diminution plus marquée de la violence familiale et d’un moins grand nombre de conflits avec l’autre parent et ils exposaient leurs enfants à des conflits moindres. Cela laisse supposer qu’il est souhaitable d’enseigner des méthodes de communication dans les programmes d’éducation sur le divorce.

Au Canada, le Clarke Institute of Psychiatry de Toronto utilise le programme « For Kid’s Sake ». Comme il est expliqué sur son site Web[2], le programme applique une nouvelle méthode de groupe pour aider les parents et les enfants à gérer les conflits après la séparation. Certains éléments des conflits qui sont abordés sont le temps passé par l’enfant avec chaque parent, les différences dans la façon d’élever les enfants, les études et les activités parascolaires ainsi que le développement émotionnel et comportemental. Le programme offre des expériences de groupe distinctes pour les parents et leurs enfants sur une période de dix semaines. Au début, les parents assistent séparément à une série de cinq séances de groupe. Ces séances à vocation psychopédagogique et thérapeutique les aident à comprendre et à mieux combler les besoins de leurs enfants ainsi qu’à cerner les difficultés de la relation parentale. On tente surtout d’aider les parents à prendre la responsabilité de leur apport à faire durer le conflit. Ensuite, les parents assistent ensemble à cinq autres séances visant à négocier un meilleur plan de responsabilités parentales et(ou) à résoudre les problèmes concernant les enfants (Clarke Institute of Psychiatry, n.d.).

Stewart (2001 : 44) a signalé que les études de ce genre comportaient plusieurs problèmes. D’abord, comme pour les programmes de counselling, elles ne partent pas d’une connaissance précise de la manière dont les enfants et les parents des familles en cause faisaient face au divorce avant les interventions. De plus, même dans le cas de programmes obligatoires, on ne sait rien du niveau de collaboration des parents avant les interventions. Ainsi, même dans le cas de ces programmes, on ne peut guère savoir dans quelle mesure ils se sont pliés aux exigences qui leur étaient imposées. Enfin, dans ces études, on n’essaie pas de déterminer la gravité du conflit entre les parents; il est donc impossible d’établir si ces programmes sont des moyens efficaces pour atténuer les conflits dans ces familles.

5.4  MÉDIATION

Au début des années 1980, pour régler les questions de garde, de droit de visite et de pension alimentaire, on a fait appel abondamment à la médiation dans les cas de divorce comme solution de rechange aux méthodes traditionnelles qui obligeaient généralement à recourir aux tribunaux. On voyait dans la médiation un moyen moins coûteux, moins antagoniste et plus efficace d’aider les parents à régler leurs différends (Stewart, 2001 : 40). Dans certains États américains, comme la Floride, la médiation est obligatoire. On n’a pas établi de façon concluante si elle donnait de bons résultats dans les conflits sur la garde. Exemple : dans une étude menée à Toronto, on a comparé des couples qui avaient fait appel à la médiation pour régler la question de la garde à d’autres qui avaient engagé des poursuites sans y recourir. Deux ans plus tard, seulement 10 p. 100 des couples qui avaient eu recours à la médiation étaient retournés au tribunal avec des problèmes concernant la garde ou les visites, comparativement à 26 p. 100 des couples qui avaient décidé de ne pas y recourir (Vestal, 1999: 488). Par ailleurs, Pearson et Thoennes (1984) ont comparé les résultats de 668 couples orientés vers un programme de médiation à ceux de 212 couples qui avaient engagé des poursuites pour résoudre les différends sur la garde des enfants. Des familles qui avaient opté pour la médiation, 60 p. 100 étaient parvenues à un accord, mais 40 p. 100 d’entre elles avaient signalé l’année suivante la rupture de l’accord obtenu par médiation. Les auteurs ont conclu que des recherches plus poussées s’imposaient sur les moyens d’accroître l’efficacité de la médiation pour les couples en situation très conflictuelle et sur la question de savoir si la garde partagée, but maintes fois répété de la médiation, était effectivement une solution réaliste pour beaucoup de familles (Stewart, 2001 : 42). Pearson et Thoennes (1986) ont aussi résumé les résultats d’une évaluation empirique à grande échelle des services de médiation dans trois programmes rattachés aux tribunaux. Ce travail a nécessité des entrevues avec environ 600 parents répartis dans plusieurs catégories de différends sur le divorce. Un groupe comprenait des parents qui avaient divorcé sans que la question de la garde ou des visites ait été contestée et l’autre groupe était formé de parents qui avaient contesté la question de la garde ou des visites et accepté la médiation. Le troisième groupe réunissait des parents qui avaient contesté la question de la garde ou des visites sans essayer la médiation. La médiation a recueilli un niveau élevé de satisfaction chez les couples qui y avaient eu recours. Les couples qui ont donné la meilleure cote étaient ceux dont l’expérience était récente. Avec le temps (c.-à-d. de quatre à cinq années plus tard), les auteurs ont noté des réactions moins uniformément flatteuses, mais encore favorables. Ils ont toutefois trouvé que, même si la médiation était associée à certains résultats positifs, elle n’était pas une panacée, surtout pour ce qui est de son impact sur l’adaptation des enfants.

Stewart (2001 : 42) a affirmé que diverses études, dont celles-ci, reflètent la nécessité de présélectionner les familles qui recourent à la médiation. Comme pour les programmes de counselling et de thérapie, il faudra mener d’autres études si l’on veut mieux connaître l’efficacité de la médiation pour les familles qui vivent des conflits plus ou moins aigus. Il faudra également mieux cerner d’autres facteurs émotionnels et structurels pour cerner avec exactitude le potentiel de la médiation. Enfin, un suivi à long terme de ces familles s’impose. Vu le manque de suivi de ces études, on ne sait tout simplement pas combien de familles qui avaient choisi la médiation reviennent plus tard devant le médiateur ou abandonnent et décident d’intenter une poursuite.

Comme il a été indiqué, on a mis en doute l’utilité de la médiation ordinaire dans une situation très conflictuelle. Johnston et Roseby (1997 : 230-231) ont fait remarquer que, dans sa forme originale, la médiation était le recours à un tiers neutre, un professionnel qui a reçu une formation appropriée pour aider les parents engagés dans un conflit, dans un cadre confidentiel, à bien définir les problèmes, à trouver des options, à établir les priorités, puis à négocier les divergences et les solutions de rechange à propos de la garde et du soin des enfants après le divorce. Selon ces auteures, leur expérience de plus d’une décennie et un certain nombre d’évaluations de résultats ont donné des constatations assez uniformes : de 60 à 70 p. 100 des différends soumis à la médiation aboutissent à un accord; de 40 à 57 p. 100 de ces cas sont entièrement réglés. Mais on ne sait guère si la médiation procure des avantages significatifs à long terme, par exemple, un meilleur fonctionnement des parents et de la famille.

Le principal signe de succès de la médiation est le suivant : la capacité des parents, avec l’aide du médiateur, à contenir leurs troubles émotifs et à se concentrer sur les problèmes des enfants. Cependant, comme l’ont indiqué Johnston et Roseby (1997 : 231), les cas qualifiés d’échecs de la médiation ont toutes les caractéristiques d’un divorce très conflictuel. Ces cas ont été décrits comme ceux de couples enchevêtrés dont la situation est très conflictuelle et qui se disent ambivalents face à la séparation et présentent des troubles psychiques ou des troubles de la personnalité graves. Ces auteures ont ajouté qu’en réalité, les parents en instance de divorce qui sont aux prises avec de graves conflits se distinguent surtout par leur incapacité à utiliser efficacement les méthodes de médiation traditionnelles basées sur un processus décisionnel rationnel.

Johnston et Roseby affirment que, dans les cas où les parents vivent des conflits intenses, une médiation d’un genre différent — « axée sur l’impasse » — s’impose. Pareille médiation diffère de la médiation ordinaire sur trois plans. Premièrement, elle allie la thérapie et la médiation pour la raison suivante : tant qu’on ne s’est pas attaqué à certains facteurs émotionnels fondamentaux qui provoquent l’impasse entre les parents, ceux-ci ne peuvent prendre de décisions rationnelles axées sur les enfants. Deuxièmement, à cause de l’impasse, on suppose que les parents ne sont guère en mesure de protéger leurs enfants contre leurs propres problèmes ou contre ceux du couple. Le but est donc d’éduquer et de conseiller les parents en ce qui a trait aux besoins des enfants et de recourir à la thérapie pour les aider à gérer leur situation familiale. Troisièmement, les buts de la médiation axée sur l’impasse sont non pas de conclure une entente sur le droit de visite, comme tel, mais d’établir un plan de visite psychologiquement solide, d’aider la famille à faire la transition du divorce et de construire une structure favorisant la croissance et le développement des parents et des enfants (Johnston et Roseby, 1997 : 233-234).

La médiation axée sur l’impasse comprend quatre volets. Dans le volet évaluation, on interroge les parents séparément et on les observe dans un contexte structuré avec l’enfant, pour retracer les antécédents de l’impasse familiale et en faire une évaluation détaillée. Dans le volet counselling précédant la négociation, chaque parent est pris à part de son ex-partenaire et préparé à la négociation par un conseiller qui fait une intervention stratégique et s’occupe directement des besoins de l’enfant. Dans le volet négociation ou règlement des différends, on s’attaque aux questions précises et on élabore l’entente sur le droit de visite. Finalement, dans le volet mise en œuvre, le conseiller demeure à la disposition de chaque famille qui voudrait le consulter d’urgence en cas de conflit et aide les parents à interpréter, à surveiller et à modifier leur entente (Johnston et Roseby, 1997 : 233-234).

Sur le plan de l’efficacité, Johnston et Roseby (1997 : 238-239) se sont penchées sur deux études (80 et 60 participants, respectivement) concernant des familles aux prises avec des conflits aigus, que les tribunaux de la famille avaient dirigées vers la médiation et qui avaient suivi ce processus. Les quatre cinquièmes de ces familles environ ont conclu une entente initiale et les deux tiers ont pu maintenir ou renégocier leur entente sur la garde et le droit de visite sans s’adresser aux tribunaux pendant deux à trois ans. On a aussi élaboré un modèle de consultation plus court. Dans une étude comparant le modèle long au court, lors du suivi effectué après neuf mois, on a constaté que les deux modèles étaient également efficaces pour améliorer la collaboration des parents et le règlement des différends. Cette étude a aussi donné à entendre que, dans les cas très conflictuels, une brève intervention stratégique assortie d’une vigoureuse intervention du tribunal au début du processus judiciaire pourrait être le moyen le plus efficace. La médiation axée sur l’impasse peut surtout profiter aux familles qui sont passées par une séparation traumatisante ou ambivalente ou à celles qui sont prises dans une guerre de clans au sein de leur réseau social étendu. Elle pourrait ne pas être une mesure suffisante pour les parents atteints de graves troubles de la personnalité et elle n’est pas appropriée quand il faut enquêter sur des allégations de violence familiale sérieuses.

D’autres auteurs ont examiné les difficultés que pose la médiation dans les situations de conflit grave. Selon Mathis (1998), les parents à faible différenciation (conjoints qui ne sont pas suffisamment différenciés l’un de l’autre pour pouvoir fonctionner efficacement en tant que personnes) ne sont pas de bons candidats à la médiation. Ces couples semblent se disputer pour le plaisir de le faire. Mathis, qui a qualifié ces parents de « couples de l’enfer », souhaite que les médiateurs soient plus actifs auprès des clients non différenciés qu’auprès des autres types de clients, qu’ils prennent immédiatement les choses bien en main et qu’ils se penchent d’abord sur le problème de la piètre différenciation avant d’essayer de régler les motifs de conflit. Parkinson (2000) a affirmé que, pour régler des situations très conflictuelles (ne comportant pas de sévices physiques ni d’autres formes d’abus) par la médiation, il faut intervenir activement et structurer plus soigneusement les séances. Elle a proposé diverses tactiques auxquelles le médiateur peut recourir en pareil cas, par exemple, écouter activement les conjoints, intégrant la communication verbale et aussi le langage corporel (p. ex., en se tenant d’une manière équilibrée et stable). L’auteure reconnaît toutefois que le médiateur ne devrait pas se sentir contraint de lutter indéfiniment. S’il n’y a pas de progrès, la médiation devrait cesser.

Vestal (1999) a examiné la médiation et le syndrome d’aliénation parentale (SAP), théorie controversée selon laquelle les enfants en arrivent à considérer un parent comme bon et l’autre comme mauvais à cause du dénigrement de l’un des conjoints séparés. Le mauvais parent est haï et critiqué et le bon parent, aimé et idéalisé. Vestal a affirmé que les médiateurs devraient être formés à déceler le SAP et à composer avec la malhonnêteté et les tromperies du parent qui, en réalité, a soumis l’enfant à un lavage de cerveau. Dans un modèle de médiation visant à prendre en charge les cas soupçonnés de SAP dans les différends sur la garde, il faut tenir compte de quatre points : la nécessité de connaissances spécialisées en santé mentale; l’assurance que le tribunal prendra rapidement, au besoin, les mesures pour décourager les retards et les subterfuges du parent calomniateur; la nécessité d’équilibrer l’écart de pouvoir ressenti par le parent rejeté; et un processus continu de surveillance de la collaboration ayant trait aux ordonnances judiciaires ou aux étapes convenues du processus de médiation. Cependant, l’auteure a aussi indiqué qu’il fallait délaisser la médiation dans les cas de SAP grave.

Spillane-Grieco (2000) a présenté une étude de cas sur le recours à la thérapie pour une famille aux prises avec de graves conflits (en fait, un père et sa fille, la mère ayant refusé de participer). À l’aide d’une thérapie familiale cognitivo-comportementale, on a mis l’accent sur les méthodes de communication et de règlement des problèmes. Exemple : on a montré aux membres de la famille à s’exprimer avec précision, à formuler leurs demandes en termes positifs, à répondre directement à la critique au lieu de se plaindre tour à tour, à parler non pas du passé mais de l’avenir et à écouter sans interrompre. On les a incités à se demander ce qu’un événement signifiait pour une autre personne, donc à faire preuve d’empathie. L’auteure a conclu que, d’après cette seule étude de cas, la thérapie cognitivo-comportementale semblait être un traitement efficace pour les familles aux prises avec un conflit aigu.

Le programme modèle de médiation de groupe utilisé par les services du tribunal de la famille de la cour supérieure du comté d’Alameda, en Californie, a été spécialement conçu pour les parents et leurs enfants aux prises avec un conflit sur la garde et le droit de visite. Il fonctionne depuis 1989. Des médiateurs formés aux processus de groupe ont mis au point cette méthode en se fondant sur l’hypothèse que la dynamique de groupe est un aspect fondamental du changement. L’idée est de permettre à chaque groupe de trouver sa propre dynamique et d’y recourir dans les interventions auprès des familles. On insiste sur la responsabilité des parents d’admettre leurs différends, de trouver des moyens de les régler et de surmonter leur incapacité à communiquer l’un avec l’autre. Outre le fait d’aider les parents séparés à comprendre les besoins et les sentiments de leurs enfants, à communiquer et à prendre ensemble des décisions plus efficaces pour leurs enfants et à protéger ceux-ci contre leurs propres conflits, émotions et comportements négatifs, les buts du programme sont de réduire les poursuites excessives et destructrices sur les questions de garde, d’accroître l’observation des plans de responsabilités parentales et des ordonnances des tribunaux, apportant ainsi prévisibilité et sécurité aux enfants, et de prévoir un soutien par les pairs pour les enfants qui sont au centre des conflits parentaux après la séparation.

Cette intervention de groupe s’applique à huit familles en même temps. D’habitude, celles-ci sont admissibles au programme si elles ne sont pas parvenues à une entente après au moins deux tentatives de médiation, si les parents ne s’entendent pas sur l’éducation des enfants au point de saboter ou de miner leur relation propre avec les enfants et si ceux-ci montrent des signes de troubles en réaction au conflit parental. Certaines familles sont exclues, notamment dans les cas où des allégations de violence envers les enfants requièrent une enquête. Les membres du groupe doivent signer un accord de confidentialité qui, entre autres, garantit que l’information fournie au groupe ne sera pas utilisée au tribunal. Le groupe tient des rencontres hebdomadaires, soit huit séances de 90 minutes au total. Aux quatre premières séances, les parents d’un même couple sont séparés en deux groupes mixtes qui mènent leur activité simultanément. En outre, pendant ces quatre semaines, les enfants de quatre à douze ans font bande à part. Pour les quatre dernières séances, les groupes de parents sont combinés en un seul et celui des enfants est dissous. Le fait de rassembler la famille pour le counselling de groupe laisse entrevoir que les problèmes communs sont l’affaire de tous et que chacun doit prendre part à la recherche d’une solution.

À la première séance, on expose aux participants le processus que suivra le groupe et l’on invite les parents à se concentrer sur les besoins des enfants. On leur demande de décrire leurs enfants pour montrer dans quelle mesure ils sont différenciés ou en accord à leur endroit. Les deuxième et troisième séances traitent de l’impasse des parents et de ses effets sur les enfants. À la quatrième séance, on prépare les parents à former un seul groupe pour la dernière moitié des séances et on les aide à préciser leurs objectifs pour ces séances. La cinquième séance, qui réunit tous les parents en un seul groupe, est consacrée aux commentaires détaillés sur les enfants. L’idée est d’aborder d’une manière franche les éléments négatifs de l’adaptation et du comportement de chaque enfant qui sont ressortis dans les discussions du groupe des enfants. Le but des séances six à huit est que les parents d’un même couple communiquent l’un avec l’autre, règlent leurs problèmes et décident de moyens d’améliorer les choses à l’avenir pour l’amour de leurs enfants. Les animateurs de ces séances posent maintes fois les questions suivantes à chaque couple de parents : « Quelle est la chose que vous aimeriez changer pour améliorer la situation? Que pouvez-vous faire en ce sens? ».

En 1995, Johnston a étudié un échantillon de 39 familles qui se séparaient ou de parents divorcés qui étaient dans une impasse sur la question de la garde et qui avaient participé à ce programme de médiation de groupe. Les parents et les enfants ont été évalués au début du programme et aussi lors d’un suivi après neuf mois. Les taux de poursuite, le recours aux services des tribunaux de la famille et le rapport coût-efficacité de cet échantillon de médiation de groupe ont été comparés à ceux d’un échantillon de 49 familles qui se séparaient ou de parents divorcés qui étaient dans une impasse et n’avaient pas participé au programme de groupe. Lors du suivi effectué après neuf mois, les hommes et les femmes qui avaient participé au programme coopéraient sensiblement mieux que ceux du groupe témoin, exprimaient moins de désaccords l’un envers l’autre et étaient plus susceptibles d’avoir réglé les litiges en matière de garde. En outre, la violence entre eux était tombée à un niveau négligeable. Lors du suivi, les taux de poursuite affichaient des écarts notables entre le groupe de participants au programme et le groupe témoin. Exemple : pour les personnes participantes, les nouvelles requêtes portant sur la garde ou les visites et sur les questions financières avaient diminué au tiers du taux observé chez les non-participants et le nombre d’audiences des tribunaux sur les questions de garde ou de visite était tombé à environ la moitié du taux observé dans le groupe témoin. On a toutefois souligné les limites de cette étude, notamment la petite taille de l’échantillon et les lacunes dans le mode de sélection des sujets pour les deux groupes (Johnston, n.d. : 97-123).

Si l’on compare le programme de counselling de groupe du comté d’Alameda au programme d’éducation de Los Angeles mentionné plus tôt, les hommes et les femmes des deux groupes ont signalé, en moyenne, une amélioration pour chaque critère de mesure des conflits et de la collaboration utilisé dans les études (Johnston, n.d.). Ils étaient sensiblement plus coopératifs, exprimaient moins de désaccords l’un envers l’autre et étaient plus susceptibles d’avoir réglé les litiges en matière de garde avec leur ex-partenaire. En outre, la violence récente entre les parents avait diminué au cours de cette période, passant des deux cinquièmes des familles environ au dixième. Les données laissaient supposer qu’au moment du suivi après neuf mois, les participants au programme d’Alameda en avaient peut-être retiré plus de fruits que ceux du programme de Los Angeles. En moyenne, les femmes inscrites au programme d’Alameda ont fait part d’un degré de violence moindre et d’une collaboration accrue entre parents, et les hommes inscrits à ce programme ont fait état d’une plus grande collaboration entre parents que les hommes et les femmes du programme de Los Angeles. Les participants des deux programmes ont témoigné d’améliorations semblables de leur propre capacité (et, dans une moindre mesure, de celle de leur ex-partenaire) à communiquer avec l’autre parent et à protéger leurs enfants contre les conflits et de leur compréhension des besoins de leurs enfants et de leur propre rôle dans le conflit. Cependant, Johnston a indiqué qu’il fallait considérer ces résultats avec prudence. Faute d’un groupe témoin et vu l’affectation au hasard des familles aux groupes des participants et des non-participants pour les deux programmes, il n’y avait aucun moyen de savoir avec certitude si les améliorations relevées lors du suivi étaient dues au passage du temps. Quant aux taux de poursuite, le groupe d’Alameda a affiché une réduction notable du nombre de nouvelles requêtes (à peu près le tiers) et une diminution sensible (à peu près la moitié) du nombre de questions de garde et de visite au moment du suivi par rapport au groupe témoin. En revanche, les familles participant au programme d’éducation de Los Angeles n’ont pas affiché de réduction du nombre de nouvelles requêtes ou d’audiences judiciaires (Johnston, n.d. : 243-252).

Pour conclure cette analyse de la médiation, Johnston (n.d. : 255) a le dernier mot. Elle affirme que la mise sur pied de services pour régler les cas de divorce très conflictuel se fonde sur le principe que les tribunaux de la famille devraient offrir le mode d’intervention qui dérange le moins possible la vie des familles pour qu’elles puissent s’occuper de leurs enfants. Si les familles ne réussissent pas à régler leurs problèmes par l’éducation parentale et la médiation, elles sont peu à peu dirigées vers des programmes d’éducation plus serrés, des interventions thérapeutiques et, en désespoir de cause, vers l’arbitrage de co-parentalité et les visites surveillées. Johnston pose cependant la question suivante : « Les familles doivent-elles échouer à chaque niveau de service avant de pouvoir obtenir l’aide dont elles ont réellement besoin? ». Elle souhaite que les prochaines recherches sur le divorce très conflictuel portent sur la gamme suivante de services.

Éventail de méthodes extrajudiciaires de règlement des différends pour les familles en instance de divorce et critères proposés pour déterminer quand recourir à chaque type de service

Premier niveau
Cours sur les responsabilités parentales après la séparation et le divorce :
Ateliers, enregistrements vidéo, documentation, groupes d’adaptation pour tous les parents et leurs enfants à la suite du divorce avec attention aux besoins spéciaux des parents qui n’ont jamais été mariés, des minorités ethniques et des parents de nourrissons ou de jeunes enfants.
Deuxième niveau
Médiation et consultation :
Pour les parents qui se querellent à propos de la garde et du droit de visite. Ce niveau comprend une brève médiation axée sur les problèmes ainsi que des séances de consultation et de counselling avec des avocats et des thérapeutes travaillant de concert. En général, les enfants ne sont pas inclus. Le contenu et le processus ne sont pas dévoilés devant le tribunal.

Ces mesures seront probablement fructueuses pour les parents qui, aidés par le médiateur :

La médiation et la consultation sont inappropriées dans les cas de graves allégations d’abus, de sévices, de violence familiale, de maladie mentale grave, de toxicomanie, etc.

Troisième niveau
Cours spécialisés, interventions et évaluations psychologiques :
Pour les parents qui ne peuvent négocier une entente stable.
Éducation et formation :
Cours visant à expliquer les lois qui traitent de la garde, de la violence familiale, des outrages, des effets psychologiques de la violence et des conflits sur les enfants et de l’exercice parallèle et coopératif des responsabilités parentales; exercices pour enseigner la communication efficace et le règlement de problèmes. Ces cours ne portent sur la situation d’aucun enfant ni famille en particulier; donc la question de la confidentialité ne se pose pas.

Ces mesures sont appropriées pour les familles qui :

Ces mesures sont inappropriées dans les cas suivants :

Médiation thérapeutique ou axée sur l’impasse :
Counselling axé sur les facteurs psychologiques qui mènent à l’impasse dans les conflits entre parents et sur les besoins de l’enfant avant la médiation comme telle. Les enfants sont inclus. Le contenu est confidentiel; seul le rapport sur l’état d’avancement est transmis au tribunal.

Mesures appropriées pour les familles dans les cas suivants :

Mesures inappropriées ou insuffisantes dans les cas suivants :

Évaluation pour la garde :
Évaluation axée sur l’enfant confiée par le tribunal à une personne ou demandée par les parties, étude foyer-école visant à faire enquête sur les allégations. Les enfants et les membres de la famille sont inclus. Rapport et recommandations écrits au tribunal.

Mesures appropriées pour les familles dans les cas suivants :

Inappropriées :

Quatrième niveau
Counselling de co-parentalité et arbitrage :
Pour les parents dont la situation demeure très conflictuelle malgré un règlement négocié ou ordonné par le tribunal. Le professionnel, appelé avocat spécial, personne sage, commissaire à la garde ou médiateur-arbitre, est désigné sur prescription des parties ou par une ordonnance judiciaire. Il est chargé de gérer le conflit continuel, d’aider à coordonner l’exercice des responsabilités parentales, de prendre des décisions opportunes et souples et de gérer les cas avec les autres professionnels intervenants. Cela inclut l’accès aux enfants ou à leur thérapeute. L’étendue du pouvoir d’arbitrage est définie par une prescription ou par une ordonnance judiciaire. Habituellement, l’information peut être communiquée aux tribunaux.

Mesures appropriées :

… et inappropriées pour :

Visites et échanges surveillés :
Pour assurer des contacts protégés entre le parent et l’enfant et le transfert sécuritaire de l’enfant suite à une ordonnance judiciaire ou à une décision des parties.

Mesures appropriées si l’enfant ou le parent victime court de grands risques pour les raisons suivantes :

… et inappropriées :

Autres services spéciaux nécessaires pour favoriser les relations parents-enfant :

Les services précités du quatrième niveau doivent être étroitement coordonnés avec les interventions des autres services rattachés au tribunal des jeunes et au tribunal pénal (comme les services de protection de l’enfant et de probation) et avec les programmes communautaires (counselling en santé mentale, surveillance et traitement de la toxicomanie, programmes de traitement des agresseurs et défense des victimes de violence familiale, etc.) (Johnston, n.d. : 257-260).

5.5  LE REPRÉSENTANT DE L’ENFANT

De nombreuses administrations, comme celles de l’Australie et de la Californie, ont des dispositions législatives qui habilitent le tribunal à désigner un avocat pour les enfants. Dans le rapport et plan d’action découlant d’une conférence récente sur les cas de garde très conflictuels, on a recommandé qu’en règle générale l’enfant ait un avocat ou un représentant indépendant des parents et de leurs avocats. Dans certaines circonstances limitées, un enfant pourrait ne pas avoir besoin d’un représentant, par exemple s’il s’agit d’un très jeune enfant et si le juge estime que les parties veillent comme il se doit au bien de l’enfant. Dans ce rapport et ce plan d’action, il est recommandé que les administrations définissent les rôles des différents représentants juridiques des enfants de manière à faire la distinction, par exemple, entre le tuteur d’instance et l’avocat de l’enfant. En outre, les administrations devraient adopter des critères de désignation et des normes de rendement pour les représentants des enfants (American Bar Association, 2000 : 6-7).

5.6  CONCLUSION

Dans les cas de conflit grave, à quelles ressources communautaires devrait-on puiser pour aider à régler les différends en matière de garde? Stewart (2001 : 50) a proposé de répartir ces ressources en fonction de sa typologie des conflits aigus/faibles. Pour les facteurs externes qu’il a placés dans la catégorie des conflits aigus, les familles seraient dirigées vers les ressources communautaires suivantes : services chargés de surveiller la sécurité de l’enfant; counselling et thérapie pour aider à régler les problèmes de colère et de perte; services pour toxicomanes; programmes de visites et d’échanges surveillés. Les familles qui correspondent à la typologie de faibles conflits seraient dirigées vers les services de médiation ainsi que de counselling individuel et de groupe pour les parents et les enfants et vers les programmes d’éducation pour les parents.

Certains éléments indiquent que les cours sur les responsabilités parentales et ceux axés sur la médiation peuvent être utiles dans les situations très conflictuelles, mais les preuves sont loin d’être concluantes, entre autres en raison de la petite taille des échantillons utilisés dans les études. Par ailleurs, le type de médiation prescrit pour les situations très conflictuelles par des spécialistes, comme Johnston, n’est pas la médiation ordinaire, mais un mélange de thérapie et de médiation. En outre, les professionnels de la santé mentale qui ne sont pas bien formés ou qui se laissent prendre dans le conflit peuvent devenir des sources de conflit. Pour éviter ce problème, dans le rapport et le plan d’action de la conférence récente sur les cas très conflictuels concernant la garde, on a proposé que les professionnels de la santé mentale adoptent une approche proactive, c’est-à-dire qu’ils veillent à ce que :

Dans le rapport et plan d’action, on a également proposé des méthodes visant à améliorer les évaluations pour la garde des enfants et à garantir la confidentialité du traitement donné aux parents ou à l’enfant (American Bar Association, 2000 : 3-5).