Les effets du divorce sur les enfants : Analyse documentaire

3. LES FACTEURS QUI INFLUENT SUR L'ADAPTATION DES ENFANTS APRÈS LE DIVORCE

3. LES FACTEURS QUI INFLUENT SUR L'ADAPTATION DES ENFANTS APRÈS LE DIVORCE

Si les résultats de recherche donnent à penser que les enfants du divorce peuvent éprouver une gamme de problèmes allant des perturbations psychologiques aux relations sociales amoindries, en revanche, le type, la gravité et la persistance de ces problèmes peuvent être modulés (ou atténués) par divers facteurs. Parmi les facteurs que les chercheurs ont décelés, on compte les suivants: les caractéristiques de l'enfant, comme le sexe et l'âge à l'époque du divorce; les caractéristiques de la famille, comme la situation socioéconomique du ménage qui assume la garde de l'enfant, la race et les compétences parentales; enfin, les caractéristiques circonstancielles comme l'absence d'un parent, le temps écoulé depuis la rupture du mariage, les conflits, les réseaux de soutien, la procédure judiciaire de divorce, les modalités de garde des enfants, le remariage et les changements de milieu. Nous allons maintenant examiner ces facteurs.

3.1 Les caractéristiques de l'enfant

3.1.1 Le sexe

Les conclusions sur les différences entre les sexes dans les réactions des enfants au divorce sont contradictoires. Certains résultats de recherche laissent penser que les garçons ont plus de problèmes d'adaptation que les filles dans les familles touchées par un divorce (Guidubaldi et Perry, 1985; Hetherington et coll., 1979, 1985; Kaye, 1989; Kurdek, 1987); d'autres études ont observé des effets plus négatifs chez les filles (Farber et coll., 1983; Frost et Pakiz, 1990; Slater, Stewart et Linn, 1983; Wallerstein et Kelly, 1975) et certaines études n'ont constaté aucune différence entre les garçons et les filles (Kinard et Reinherz, 1984; Mechanic et Hansell, 1989; Rosen, 1979; Zill et coll., 1993).

Kaye (1989) a constaté qu'immédiatement après le divorce, les garçons aussi bien que les filles obtenaient de moins bons résultats que les enfants des familles intactes lors de tests de rendement. Cependant, cinq ans après le divorce, les notes et les résultats des tests de rendement témoignaient d'effets négatifs chez les garçons, mais non chez les filles. Dans la même veine, Hetherington et coll. (1979) ont observé qu'immédiatement après le divorce, les garçons aussi bien que les filles manifestaient certaines perturbations en situation de jeu, mais que les effets semblaient être plus prolongés chez les garçons. Wallerstein (1985a), ayant suivi pendant dix ans des enfants qui étaient d'âge préscolaire à l'époque du divorce, a constaté que même s'il n'y avait aucune différence initiale selon le sexe quant aux effets du divorce, dix-huit mois après celui-ci, bon nombre des filles semblaient s'être rétablies, tandis que les garçons présentaient des perturbations sensiblement plus importantes à l'école, dans les jeux et à la maison. Cinq ans après le divorce, ces différences entre les sexes étaient de nouveau disparues. Guidubaldi et Perry (1985) ont conclu que les effets néfastes du divorce étaient plus prononcés chez les garçons que chez les filles sous l'angle des comportements inopportuns, de l'effort au travail et du bonheur. Par ailleurs, dans les familles désunies, les filles affichaient un plus fort sentiment de contrôle sur leur vie que les garçons.

D'autres études ont observé des effets plus néfastes chez les filles que chez les garçons. Slater et coll. (1983) ont conclu que les adolescentes d'une famille désunie avaient une moins bonne estime d'elles-mêmes et manifestaient davantage de problèmes de comportement que les garçons du même âge se trouvant dans la même situation familiale. Par surcroît, si ces adolescentes signalaient des niveaux plus élevés de conflits familiaux que les adolescentes des familles intactes, l'inverse était vrai dans le cas des garçons du même âge. Selon Wallerstein et Kelly (1975), un an après le divorce, l'état psychologique s'était détérioré chez 63 pourcent des filles, comparativement à 27 pourcent des garçons. Frost et Pakiz (1990) ont observé que les filles provenant d'un ménage rompu récemment affirmaient faire l'école buissonnière dans une proportion plus forte que les garçons se trouvant dans la même situation familiale et que les enfants provenant d'un foyer intact. Elles étaient en outre sensiblement plus insatisfaites de leur réseau social que les filles des familles intactes.

Enfin, certaines études n'ont constaté aucune différence entre les garçons et les filles relativement à divers effets du divorce (Kinard et Reinherz, 1984; Mechanic et Hansell, 1989; Rosen, 1979). De plus, même s'ils ont relevé des différences entre les sexes dans d'autres domaines (comme l'école buissonnière et les réseaux sociaux), Frost et Pakiz (1990) n'ont observé aucune différence selon le sexe pour ce qui est des comportements antisociaux autoévalués par les adolescents dont les parents avaient divorcé.

On a effectué moins de travaux sur les différences chez les enfants du divorce lorsque ceux-ci sont parvenus à l'âge adulte. Dans le cadre d'une étude de Farber et coll. (1983), les chefs de clinique des centres collégiaux de counselling en santé mentale ont affirmé que les adolescentes avaient plus de difficulté que les adolescents à s'adapter au divorce. Cependant, dans son étude documentaire, Amato (à paraître) n'a observé que des différences minimes entre les sexes, bien que les femmes provenant d'un foyer dissocié semblent atteindre un plus faible niveau de scolarité que les femmes issues d'un foyer intact. Dans le cadre d'une méta-analyse de 37 études portant sur les conséquences à long terme du divorce des parents sur le bien-être des enfants à l'âge adulte, Amato et Keith (1991a) n'ont rien trouvé qui vienne corroborer l'hypothèse voulant que le divorce des parents ait des conséquences plus néfastes pour les hommes que pour les femmes. Enfin, dans une étude longitudinale, Zill et coll. (1993) n'ont décelé aucune preuve à l'appui de l'hypothèse selon laquelle les jeunes hommes adultes seraient plus susceptibles que les jeunes femmes adultes d'être sensibles aux effets de la rupture du mariage.

Il se pourrait que des différences dans la façon dont les garçons et les filles sont touchés par le divorce soient à l'origine des conclusions contradictoires relatives à la variable du sexe. Par exemple, Kalter (1987) estime que les perturbations dans la relation père-fils sont liées à une multitude d'entraves au développement chez les garçons. Chez les filles, en revanche, la perte affective du père est égocentriquement vue comme un rejet. Dans le même ordre d'idées, Healy et coll. (1990) soutiennent que les garçons et les filles présentent des schémas de détresse caractéristiques des rôles sexuels lorsqu'ils voient leur père plus souvent et plus régulièrement: forte estime de soi et problèmes de comportement plus nombreux chez les garçons; faible estime de soi et problèmes de comportement moindres chez les filles. Amato (à paraître) affirme que les effets négatifs de l'adaptation sociale peuvent être plus forts chez les garçons que chez les filles, mais qu'il n'y a aucune différence marquée entre les sexes dans d'autres domaines. D'autres travaux de recherche donnent à penser que les filles sont psychologiquement plus touchées (p. ex., dépression) (Peterson et Zill, 1986). En outre, il est possible que les problèmes de comportement couramment constatés chez les garçons soient des comportements plus facilement observables que les types de problèmes éprouvés par les filles (estime de soi).

Le fait que les garçons et les filles puissent être touchés par des aspects différents du processus de divorce est une autre raison possible des divergences dans les résultats des études. Par exemple, si Hetherington et coll. (1985) ont conclu que le divorce avait des effets plus négatifs et plus persistants chez les garçons que chez les filles, ils ont par contre constaté que les filles subissaient des effets plus néfastes lorsqu'elles étaient confiées à la garde de leur mère et que celle-ci se remariait.

Enfin, il se pourrait que les plus graves problèmes d'adaptation au divorce constatés chez les garçons dans certaines études soient moins liés au sexe de l'enfant qu'à des caractéristiques du ménage postérieur au divorce. Par exemple, Peterson et Zill (1986) ont observé que les enfants habitant avec un parent du sexe opposé étaient particulièrement prédisposés à manifester des comportements déviants. Cependant, d'autres études (p. ex., Buchanan, Maccoby et Dornbusch, 1992; Rosen, 1979) n'ont décelé aucune différence significative dans l'adaptation de l'enfant en fonction du sexe du parent qui assumait la garde. On a aussi affirmé que les différences dans les répercussions du divorce sur les enfants pouvaient être liées au style d'éducation dispensé par les parents - surtout en ce qui concerne la discipline. Heath et MacKinnon (1988) ont constaté que les mères n'exerçaient pas le même degré de contrôle sur leurs fils et sur leurs filles. L'exercice d'un contrôle souple sur le fils par la mère était un important prédicteur des comportements adaptifs en société. De plus, on a observé des différences dans le style d'éducation dispensé par les pères et les mères assumant la garde des enfants, les pères étant beaucoup moins susceptibles que les mères de s'engager dans des échanges coercitifs avec les garçons (Grych et Fincham, 1992). En raison du très petit nombre de familles confiées à la garde du père et du caractère très sélectif de ce mode d'entente comparativement aux familles confiées à la garde de la mère, il faut interpréter ces études avec une grande prudence. Grych et Fincham affirment que la question de savoir si les garçons ou les filles subissent plus d'effets néfastes en raison du divorce est très complexe et que la réponse dépend vraisemblablement d'une série de facteurs comme le sexe et les méthodes d'éducation du parent assumant la garde, le remariage ou non de ce parent, la qualité de la relation parent-enfant et la quantité de contacts avec l'autre parent.

3.1.2 L'âge à l'époque du divorce

Beaucoup d'études portent à penser que l'âge des enfants au moment de la séparation a des effets sur leur adaptation au divorce. Les constatations initiales indiquaient que la séparation de l’enfant de l’un des ses parents avait des effets plus négatifs sur les enfants en bas âge que sur les enfants plus vieux; par la suite, cependant, ce facteur s'est révélé plus complexe qu'on ne l'avait cru de prime abord. Dans une étude de suivi menée sur dix ans auprès d'enfants d'âge préscolaire dont les parents avaient divorcé, Wallerstein a constaté que la réaction initiale au divorce était plus grave chez les jeunes enfants, mais que ceux-ci, vers la fin de la période de suivi, semblaient être mieux adaptés que leurs homologues plus vieux (Wallerstein, 1984). Elle conclut que les enfants très jeunes lors de la rupture du mariage peuvent présenter, plusieurs années plus tard, moins de séquelles que les enfants plus âgés. En outre, selon Amato (1987), la majorité des enfants qui étaient très jeunes à l'époque du divorce ont affirmé ne pas avoir été gravement affectés par l'éclatement de la famille.

Il semble que l'opinion actuelle soit la suivante: les enfants de tout âge sont affectés par le divorce, mais de façons différentes. Selon Krantz (1988), par exemple, on peut associer à une séparation survenue lorsque l'enfant est en bas âge des déficits dans le fonctionnement social et affectif, mais non dans le fonctionnement intellectuel. Se fondant sur l'examen d'un grand nombre d'études, Demo et Acock (1988) soutiennent que les jeunes enfants présentent des problèmes sur le plan de l'adaptation personnelle et des relations avec les camarades, tandis que les adolescents ont des problèmes dans leurs relations sexuelles et manifestent des comportements antisociaux. En outre, Zill et coll. (1993) ont constaté que les jeunes ayant vécu l'éclatement de la famille avant l'âge de six ans avaient des relations de moindre qualité avec leur père que ceux qui avaient été touchés plus tard au cours de l'enfance par la rupture du mariage. Landerkin et Clarke (1990) décrivent comment le niveau de développement de l'enfant influe sur les réactions de celui-ci au divorce, tout en reconnaissant qu'il peut y avoir des chevauchements. La réponse primaire chez les enfants du premier âge peut être une régression dans les réalisations liées au développement (p. ex., sommeil, alimentation, langage, autonomie). Pour les enfants d'âge préscolaire, des difficultés peuvent apparaître dans les relations sociales et sous forme d'angoisse de séparation. Les enfants d'âge scolaire peuvent réagir en éprouvant de la tristesse, en se plaignant de troubles de somatisation (p. ex., maux de tête, maux d'estomac) et en ressentant une vive colère envers les parents. Les adolescents peuvent avoir de la difficulté à s'établir une identité d'adulte, manifester de la colère contre eux-mêmes ou les autres et se plaindre de troubles de somatisation. Enfin, Kalter et Rembar (1981) ont observé qu'une dissolution du mariage survenant très tôt dans la vie d'un enfant (à l'âge de deux ans et demi ou moins) était associée à des difficultés liées à la séparation; la séparation au cours du stade oedipien (de deux ans et demi à six ans) engendrait dans l'ensemble les effets les plus importants sur les enfants; dans le cas des enfants âgés de six ans et plus, les résultats étaient contradictoires.

3.2 Les caractéristiques de la famille

3.2.1 La situation socioéconomique

L'une des premières répercussions du divorce sur l'enfant est le déclin radical du niveau de vie du ménage qui en assume la garde (Bean, Berg et VanHook, 1995; Duncan, 1994; Ross, 1995). Krantz (1988) estime que les enfants appartenant aux groupes socioéconomiques inférieurs après le divorce font face à de plus grandes privations. Ces privations, cependant, se traduisent-elles en problèmes d'adaptation? Certains chercheurs soutiennent que la dégradation de la situation socioéconomique est directement liée à une gamme de problèmes manifestés par l'enfant, notamment l'inadaptation psychologique et les difficultés de comportement à l'école. Par exemple, selon Nelson (1990), c'est le revenu familial plutôt que l'état matrimonial qui est lié aux tensions de la vie chez la mère et à l'estime de soi chez les enfants. De plus, Kalter, Kloner, Schreier et Okla (1989) ont constaté une relation négative entre la situation socioéconomique et l'adaptation des enfants dans les ménages postérieurs au divorce. Ils estiment cependant que le dénuement économique, de concert avec divers autres facteurs (p. ex., l'hostilité entre les parents, le fardeau lié au rôle de parent unique), use les forces de la mère qui assume la garde des enfants, ce qui occasionne chez ceux-ci une moins bonne adaptation.

À partir d'un échantillon d'enfants entrant à l'école maternelle, Guidubaldi et Perry (1984) ont tenté d'examiner la relation entre la monoparentalité et le développement de l'enfant en neutralisant la variable de la situation socioéconomique. Ils ont découvert un lien entre la situation socioéconomique des parents et le développement intellectuel, scolaire, personnel et social des enfants. Cependant, même lorsque la situation socioéconomique était neutralisée, les enfants provenant d'une famille éclatée affichaient, à leur entrée à l'école, un comportement adaptif beaucoup plus problématique à l'école et en société que les enfants provenant de familles intactes. Cela indique que la monoparentalité peut être un prédicteur de comportement adaptif médiocre à l'école et en société, en sus et indépendamment de la situation socioéconomique. Ces chercheurs affirment que la situation socioéconomique présente une association généralisée avec les mesures tant intellectuelles que non intellectuelles, tandis que la monoparentalité est uniquement liée aux variables non intellectuelles.

3.2.2 Les origines ethnoculturelles

Très peu d'études ont porté sur les différences ethnoculturelles[4] chez les enfants du divorce. Même s'il semble y avoir d'énormes différences de perception transculturelles en ce qui concerne les liens de parenté, le mariage et le divorce, la majorité des études continuent d'être axées sur les sujets blancs et, pour la plupart, de la classe moyenne. On interprète ensuite les résultats comme une indication des effets du divorce sur tous les enfants.

Néanmoins, certaines études ont permis d'examiner comment divers groupes ethnoculturels peuvent réagir différemment au divorce. Par exemple, dans leur étude de 1995, Durndell, Cameron, Knox et Haag (1995) ont relevé des différences radicales dansles attitudes envers le divorce chez des Roumains et des Écossais nés et habitant toujours dans leur pays respectif. En outre, Tien (1986) a noté des différences dans les attitudes envers le divorce entre les Américains d'origine chinoise, les Américains d'origine coréenne et les Anglo-Américains.

Certaines études ont conclu que les groupes hispaniques étaient plus touchés par les conflits familiaux que les Blancs d'origine non hispanique, tandis que les Asiatiques étaient davantage touchés par un divorce récent (Bean, 1995; Mechanic et Hansell, 1989; Wong, 1995). Dans le cadre d'une étude nationale portant sur le lien entre la dépression à l'âge adulte et la séparation d'avec un parent durant l'enfance (pour cause de décès, de divorce, de naissance hors mariage, etc.), Amato (1991) a constaté que les adultes américains blancs et d'origine africaine qui avaient vécu l'absence d'un parent obtenaient des scores plus élevés pour la dimension de la dépression que ceux qui avaient grandi dans une famille intacte, mais que ces différences ne se manifestaient pas dans le cas des Hispaniques. Il a formulé comme hypothèse que l'absence d'un parent n'avait peut-être pas les mêmes effets négatifs chez les Hispaniques parce ceux-ci recevaient le soutien nécessaire de la part de leur famille élargie.

Amato (1991) a également observé qu'une grande partie des répercussions de l'absence d'un parent étaient modulées par un niveau d'instruction moindre et par l'état matrimonial actuel chez les Blancs et chez les femmes afro-américaines, mais non chez les hommes afro-américains. De plus, dans une méta-analyse de 37 études portant sur les adultes, Amato et Keith (1991a) ont constaté que les adultes blancs ont été plus affectés par le divorce des parents que les Afro-Américains. Lawson et Thompson (1994, 1996) signalent que les hommes afro-américains sont plus susceptibles de se tourner vers leurfamille et leurs amis, de même que vers leur Église et d'autres activités sociales à titre de mécanismes d'adaptation après un divorce. Dans chacune de ces études, on a formulé comme hypothèse que les effets négatifs sont moindres chez les Afro-Américains parce que le divorce amoindrit peut-être peu leur qualité de vie, compte tenu des difficultés auxquels ils se heurtent déjà.

À la suite d'une analyse documentaire, Amato (à paraître) conclut qu'on possède trop peu d'information pour pouvoir tirer des conclusions quant à l'effet de la race ou de l'ethnicité sur les enfants. Dans le cas des adultes, il conclut que les Afro-Américains semblent être moins négativement touchés que les Américains blancs par le divorce des parents.

3.2.3 L'éducation des enfants

Cette question peut englober plusieurs aspects, notamment les effets sur l'enfant de l'exercice d'un emploi par le parent qui en a la garde, les compétences parentales et le degré d'adaptation au divorce du parent qui assume la garde.

La question de savoir si l'exercice d'un emploi par le parent qui assume la garde a des effets négatifs sur l'enfant n'a pas été examinée en profondeur. Même si l'on a affirmé que l'enfant pourrait être négativement touché par le fait que le parent assumant la garde exclusive (généralement, la mère) travaille à l'extérieur du foyer, une étude menée par Kinard et Reinherz (1984) n'a pas corroboré cette hypothèse. Ceux-ci ont plutôt conclu que les conséquences négatives pour les enfants découlaient du chômage et non de l'emploi de la mère. Toutefois, d'autres chercheurs ont soutenu qu'un changement dans la situation professionnelle du parent assumant la garde pouvait avoir des effets sur l'enfant. Par exemple, Mednick, Baker, Reznick et Hocevar (1990) ont constaté que l'instabilité d'emploi de la mère était liée à des effets négatifs sur les enfants.

À la suite d'une étude documentaire, Grych et Fincham (1992) ont conclu que le style d'éducation et les méthodes disciplinaires des parents étaient liés à l'apparition de problèmes de comportement chez les enfants. C'est souvent le cas car, après le divorce, le rôle parental est perturbé et la discipline devient fréquemment incohérente, chez un même parent aussi bien que d'un parent à l'autre. Heath et MacKinnon (1988) soutiennent que les facteurs liés à l'éducation des enfants sont d'importants prédicteurs de la compétence sociale chez les enfants des familles monoparentales. Ils ont observé que l'acceptation des enfants par les parents présentait un lien positif avec la compétence sociale des enfants, tandis que le contrôle psychologique présentait un lien négatif. De plus, même s'ils ont constaté que la compétence sociale était liée à l'exercice d'un contrôle ferme sur les garçons, mais d'un contrôle modéré sur les filles, les résultats indiquaient que la mère avait tendance à exercer un contrôle plus relâché sur ses fils que sur ses filles. Selon eux, cela pourrait expliquer les constatations selon lesquelles les garçons subissent des effets plus graves que les filles lors d'un divorce. Heath et MacKinnon ont en outre observé que la réticence de la mère à exercer un contrôle ferme sur ses fils était un facteur déterminant plus important de la compétence sociale de l'enfant que l'absence du père. Cependant, Buchanan et coll. (1992) ont conclu que les enfants vivant avec leur père étaient moins bien adaptés en raison d'une surveillance moindre.

L'adaptation psychologique du parent qui assume la garde des enfants après le divorce se dégage comme un facteur déterminant crucial de l'adaptation des enfants à la rupture du mariage (Cohen, 1995; Kelly, 1993), bien que l'on ait plus souvent étudié le rôle de l'adaptation de la mère que les effets de l'adaptation du père et qu'aucune étude n'ait porté sur la part relative d'influence, sur les enfants, de l'adaptation de la mère et de celle du père. En outre, on n'a mené aucune étude sur les effets des facteurs suivants et l'interaction entre ceux-ci: l'adaptation des deux parents, les conflits, le temps passé par les enfants avec les deux parents et les modalités de résidence. Weiss (1979) signale que les parents uniques ont tendance à se heurter aux problèmes suivants qui nuisent à l'efficacité de l'exercice du rôle parental: ils manquent souvent de réseaux de soutien adéquats; ils peuvent se sentir dépassés par les exigences et les responsabilités qu'entraîne le fait de prendre seul toutes les décisions quotidiennes concernant la famille; ils sont souvent surmenés; enfin, ils peuvent être affectivement submergés parce qu'ils doivent faire face à la fois à leurs propres réactions émotionnelles et à celles de leurs enfants. Ils peuvent donc éprouver des difficultés particulières à appliquer une discipline cohérente et à être attentifs aux besoins de leurs enfants. Mieux le parent qui assume la garde s'adapte à l'adversité du divorce, plus il peut être efficace pour ce qui est de s'occuper des enfants, de les guider et de les soutenir et mieux il sera lui-même adapté (Kalter et coll., 1989). Par exemple, Nelson (1990) a constaté que l'estime de soi des enfants était directement liée aux tensions de la vie éprouvées par la mère. De plus, Mednick et coll. (1990) ont observé que le faible rendement scolaire chez les adolescents était lié à l'adaptation de la mère après le divorce. Ils affirment que cette adaptation de la mère à sa propre situation peut avoir une influence positive sur l'adaptation à long terme des enfants. Kelly et Wallerstein (1977) estiment que les parents devraient déceler les aspects de leur propre comportement qui engendrent du stress chez les enfants et modifier ces aspects afin de réduire les effets négatifs du divorce. Quelle que soit la réaction initiale après le divorce, il importe de signaler que le fonctionnement psychologique des parents après la rupture du mariage s'améliore notablement avec le temps aussi bien chez les hommes que chez les femmes (Kelly, 1990).


[4] Le terme «ethnoculturel» sert à désigner tant les origines raciales ou ethniques que les habitudes de vie et les traditions apprises et socialement acquises (coutumes sociales, morale, croyances, etc.)