LES PROCESSUS DE TRAITEMENT DES PENSIONS ALIMENTAIRES POUR ENFANTS
LES CHOIX POSSIBLES AU CANADA

PROGRAMMES D'AUTRES TERRITOIRES (suite)

B. Modèles de médiation-arbitrage

« La médiation familiale » - Michigan

On a dit que l'appellation « Domestic Relations Mediation » (médiation des conflits familiaux) ne désignait pas adéquatement le programme d'avocat arbitre en place dans les tribunaux du Michigan et que l'expression « Domestic Relations Arbitration » (arbitrage des conflits familiaux) serait plus juste pour décrire ce modèle. Comme d'autres modèles similaires, dont le Programme de recours volontaire à un médiateur en droit de la famille de Toronto, décrit dans la prochaine section, ce modèle allie de manière intéressante la médiation et l'arbitrage au cours d'une séance présidée par un tiers neutre (ou une cinquième partie, lorsque les deux parties sont représentées par avocat). La personne neutre est un avocat. Les règles de procédure du Michigan établissent le processus de la médiation familiale. La Règle 3.216 prévoit ceci :

[Traduction]

Un tribunal peut soumettre à la médiation, en vertu de la présente règle, toute procédure en instance visant le divorce, une obligation alimentaire indépendante ou une annulation, y compris les questions postérieures au jugement, aux fins de tenter de régler les questions litigieuses.

Un secrétaire de médiation, qui est généralement un greffier, doit aussi assister à cette séance de médiation.

Dans certaines régions de l'État, le juge qui préside le tribunal renvoie les parties à ce processus de sa propre initiative et, dans d'autres, le renvoi est fait par le juge en chef par la voie d'une ordonnance écrite, c'est-à-dire comme question générale de procédure du tribunal en cause. Il est également possible que le médiateur soit nommé à la demande écrite des deux parties. Dans ce dernier cas, les parties choisissent généralement leur propre médiateur. Les séances en présence du médiateur en matière familiale commencent par une tentative de règlement des questions avec les parties.

La procédure de médiation familiale est établie par les règles de pratique qui suivent :

[Traduction]

  1. Le médiateur fixe, dans un délai raisonnable, la date et l'heure d'une séance de médiation à son bureau ou à un autre endroit à l'intérieur du circuit où l'affaire est en instance.
  2. Quatre jours, au plus tard, avant la séance de médiation, chaque partie remet au médiateur et communique à l'avocat de la partie adverse un résumé comportant les éléments suivants :
    1. les faits et les circonstances de l'affaire;
    2. les questions en litige;
    3. une description des biens matrimoniaux et leur valeur estimative, lorsque ces renseignements sont pertinents et peuvent raisonnablement être déterminés;
    4. le revenu et les dépenses des parties;
    5. un règlement proposé; et
    6. les éléments de preuve documentaire pouvant appuyer les renseignements donnés dans le résumé.

    Si elle ne communique pas ces renseignements au médiateur dans le délai susmentionné, la partie fautive encourt une pénalité de 60 $ qu'elle doit verser au médiateur au moment de l'audition de médiation.

  3. Les parties assistent à la séance de médiation en personne, à moins que le médiateur, pour un motif valable qui a été démontré, dispense l'une des parties, ou les deux, de s'y présenter. Aucune médiation ne peut avoir lieu en l'absence des procureurs inscrits au dossier.
  4. Les parties ne peuvent faire assister à la séance de médiation aucune personne, hormis leur conseiller juridique, qu'il s'agisse d'un expert ou d'un témoin non spécialisé, à moins d'obtenir d'abord la permission du médiateur après préavis à l'avocat de la partie adverse. Le médiateur peut demander des renseignements ou l'aide de tiers au moment de la séance de médiation s'il juge la chose utile au règlement du dossier.
  5. Le médiateur rencontre les parties et leurs avocats, le cas échéant, pour discuter des faits et des questions en litige. La séance de médiation se poursuit jusqu'à ce qu'un règlement soit conclu ou que le médiateur ou l'une ou l'autre des parties constate que la médiation est dans une impasse ou qu'il est improbable qu'un règlement sera conclu, auquel cas la séance de médiation est ajournée, sous réserve d'une reprise à un moment convenu. À moins d'entente contraire entre les parties, si la médiation ne reprend pas dans un délai de quatorze jours, elle est réputée avoir échoué en ce qui a trait à la conclusion d'un règlement, et le médiateur prépare un rapport comme prévu.
  6. Les renseignements portés à l'attention du médiateur pendant le processus de médiation sont confidentiels, et le médiateur ne peut les divulguer au cours d'une enquête préliminaire ou d'une instruction subséquente. La présente disposition n'interdit toutefois pas au médiateur de témoigner relativement à l'interprétation d'un règlement écrit, si son témoignage est par ailleurs admissible en vertu des Règles de preuve du Michigan ou d'autres règles de droit applicables.
  7. Si un règlement est conclu par suite de la médiation, les modalités en sont consignées, signées par les parties et leurs avocats, et reconnues par les parties. Les parties remettent le règlement écrit au médiateur dans un délai de 14 jours après la séance au cours de laquelle il a été conclu, et le médiateur le dépose auprès du secrétaire de médiation dans un délai de sept jours après l'avoir reçu. Les parties prennent les mesures nécessaires pour inscrire jugement, comme dans le cas d'autres règlements. À moins que les parties n'en aient convenu autrement et n'aient informé le médiateur en conséquence, si le règlement écrit n'est pas remis à celui-ci dans un délai de 14 jours, la médiation est réputée avoir échoué en ce qui a trait à la conclusion d'un règlement, et le médiateur prépare un rapport comme prévu.
  8. Si aucun règlement n'est conclu au cours de la médiation, le médiateur prépare un rapport écrit à l'intention des parties dans un délai de 21 jours après la conclusion de la médiation. Ce rapport résume les faits essentiels, énumère les éléments d'actif et de passif des parties, y compris la valeur ou le montant de chacun, indique le revenu des parties, notamment sous forme de rémunération ou de gains, précise les questions en litige et énonce la recommandation du médiateur sur chaque question. Le médiateur ne peut recommander une solution différente de celle en vigueur au moment de la médiation relativement à la garde d'un mineur, à moins que les parties n'aient consenti à cette solution au cours de la séance de médiation. Le médiateur envoie une copie du rapport aux avocats des parties et un avis de la signification du rapport au secrétaire de médiation.[40]

Une fois le processus décrit terminé, les parties peuvent soit accepter, soit rejeter le rapport et la recommandation du médiateur dans un délai de 28 jours. Si elles acceptent la recommandation faite, elles doivent prendre des mesures pour en intégrer la teneur dans un projet d'ordonnance. Si elles n'acceptent pas explicitement la recommandation, elles sont réputées l'avoir rejetée. Dans ce cas, l'affaire est instruite et la teneur de la recommandation n'est pas admissible sans le consentement des deux parties.

Dans ce modèle, les parties sont elles-mêmes responsables du paiement des honoraires du médiateur. Soulignons que, lorsqu'une des parties est dans une meilleure situation financière que l'autre, le tribunal peut ordonner à la première d'acquitter une proportion plus élevée du coût de la médiation. Cette disposition vise à tenir compte des situations fréquentes où il existe un écart économique important entre les parties.

Au Michigan, les « médiateurs » en matière familiale ont tendance à limiter leur intervention aux questions financières, tandis que le Bureau de l'ami de la cour s'occupe des autres questions relatives aux relations familiales. Autrement dit, on a généralement recours au programme de médiation familiale pour des questions concrètes qui ne sont pas trop complexes. Par conséquent, ce modèle pourrait être adapté à l'examen de la question de la pension alimentaire pour enfants, en particulier dans les cas où les questions en litige sont plutôt simples.  Les parties ayant recours à la médiation familiale ne devraient pas nécessairement être représentées par avocat, car leur dossier pourrait être relativement simple dans la plupart des cas. Les questions de la garde et des droits de visite devraient d'abord être résolues avant que ce processus ne soit entamé, habituellement avec la participation de l'ami de la cour. Le rôle de ce dernier est exposé dans une autre section, ci-après.

Programme de médiateurs bénévoles en droit de la famille - Toronto (Ontario)

À Toronto, on a conçu un programme unique pour traiter les arriérés de la Chambre de la famille. Le Programme de médiateurs en droit familial, dont le personnel est constitué d'agents de règlement des conflits (ARC) qui travaillent à la Cour de l'Ontario (Division générale), est en place depuis mai 1995.

Ce programme est actuellement exécuté par des avocats chevronnés de la collectivité qui ont une formation en médiation et qui consacrent bénévolement une partie de leur temps à leur fonction d'ARC. On prévoit toutefois que ce système de bénévolat ne pourra pas durer indéfiniment, surtout si la charge de travail des ARC augmente.

Le tribunal de Toronto affecte deux salles d'audience au programme d'ARC. Selon la procédure appliquée aux demandes présentées à un juge en son cabinet à Toronto, la veille de la présentation de la motion, l'une des parties ou les deux doivent normalement envoyer une confirmation au tribunal par télécopieur. Une fois ces confirmations reçues, on fixe l'heure de la séance avec l'ARC. Selon la pratique actuelle, à Toronto, toutes les demandes présentées à un juge en son cabinet doivent d'abord être examinées par un ARC avant de suivre leur cours. En général, cette première comparution devant l'ARC est en quelque sorte une séance de triage et d'introduction au cours de laquelle on précise les questions en litige et on évalue la nature de la demande. S'il est établi que la demande est urgente ou qu'il n'existe absolument aucune possibilité d'entente entre les parties, l'affaire est immédiatement renvoyée au processus de traitement des demandes présentées à un juge en son cabinet pour être entendue le même jour, s'il le faut.

Dans les autres cas, le processus d'ARC est expliqué aux parties, qui peuvent être ou non représentées par avocat. Il est parfois possible au cours de cette première séance d'arriver à une forme quelconque de consensus. Si les parties n'ont pas en main tous les renseignements nécessaires ou s'il existe un autre obstacle au règlement des questions en litige, l'affaire sera reportée pour être traitée par l'ARC à une date ultérieure.

L'ARC met l'accent sur la médiation. Son objectif consiste à faciliter une entente entre les parties. Toutefois, comme les ARC sont des avocats chevronnés et expérimentés en droit de la famille, ils sont en mesure d'émettre une opinion valable sur l'issue probable du litige, si celui-ci en venait à être instruit par le tribunal. Les parties peuvent demander l'opinion de l'ARC si elles sont incapables de parvenir à un consensus entre elles. En ce sens, le rôle de l'ARC comporte un aspect d'arbitrage. Toutefois, l'opinion qu'il formule ne lie pas les parties.

Une fois que les parties sont parvenues à une entente, l'ARC leur accorde un délai pour déposer leur consentement au tribunal. Les parties conservent par ailleurs le droit de révoquer cette entente avant la date de dépôt établie.

La proportion des causes dans lesquelles on réussit à éviter une audience judiciaire complète grâce au programme des ARC est assez élevée, soit 85 p. 100 selon des données non officielles. Il faut mentionner que la clé du succès du programme est l'expertise et l'expérience pertinente des avocats qui y participent. Les ARC sont reconnus comme des participants chevronnés au processus judiciaire qui connaissent bien le fonctionnement des tribunaux.

Les questions traitées dans le cadre d'une séance avec un ARC comprennent plusieurs questions de droit familial, dont les demandes de modification d'une pension alimentaire. Le système, tel qu'il existe, pourrait être étendu au traitement des demandes de modification des ordonnances alimentaires pour enfants, ce qui permettrait de faire ce travail d'une manière efficace et experte.

Protonotaires arbitres - Montana

L'organisme responsable des pensions alimentaires pour enfants de l'État du Montana a mis en place un système semblable au modèle de médiation-arbitrage pour la modification des ordonnances alimentaires pour enfants. L'Unité des révisions et modifications constitue une unité distincte du système d'administration des pensions alimentaires pour enfants de l'État et est chargée de traiter les demandes de modification émanant du créancier ou du débiteur.[41] Le personnel de l'Unité se compose généralement d'anciens employés de l'organisme responsable des pensions alimentaires pour enfants, ou d'autres employés d'organismes gouvernementaux qui ont reçu une formation en médiation après avoir été embauchés. Ces personnes reçoivent une formation d'un mois en médiation lorsqu'elles entrent en fonction, ainsi qu'une formation continue en médiation offerte dans la collectivité.

On donne à ces personnes le titre de « médiateurs » dans le système, bien qu'elles ne tiennent pas de séances formelles de médiation avec les deux parties. Elles demandent plutôt à celles-ci d'effectuer des calculs préliminaires conformes aux lignes directrices à partir des renseignements contenus dans leurs affidavits financiers et leurs formulaires d'impôt, leur envoient les montants établis et assurent un suivi soit par téléphone, soit par des rencontres personnelles avec chacune des parties individuellement. Le but de cette interaction initiale avec les parties à titre individuel consiste à conclure rapidement un accord sur le montant de la pension alimentaire pour enfants qui convient dès le début du processus. À défaut d'entente, la cause passe à l'étape de l'arbitrage.

Le médiateur a la responsabilité de préparer le dossier pour le protonotaire arbitre, qui s'entretient avec les parties séparément. Cet entretien se déroule habituellement par téléphone, par voie de conférence à trois, en raison de l'éloignement de nombreuses régions de l'État. La formule d'évaluation de la pension alimentaire pour enfants du Montana correspond au modèle Melson modifié, et les facteurs pris en compte comprennent les revenus nets et bruts et les éléments d'actif des deux parents. Le calcul du revenu d'un travail indépendant comprend les recettes brutes réduites des dépenses ordinaires et nécessaires pour exploiter une entreprise. La formule prévoit également l'imputation d'un revenu, au besoin, en fonction de l'état de santé, de l'instruction et des antécédents professionnels des parents. Pour déroger à cette formule, un parent doit produire une preuve établissant que les besoins de l'enfant ne sont pas satisfaits, ou démontrer que l'application des lignes directrices serait injuste envers les enfants ou envers l'un des parents. Le meilleur intérêt de l'enfant constitue le facteur le plus important.

La séance avec le protonotaire arbitre, qui correspond essentiellement au modèle de médiation-arbitrage, touche ces facteurs en axant la discussion de cette manière. Idéalement, le protonotaire arbitre est en mesure de régler les questions en litige, auquel cas il rédige une entente et l'envoie aux deux parties sous forme de projet d'ordonnance. Si les parties décident de la contester, elles doivent y répondre, et l'affaire est soumise au tribunal. Même si les parties ne parviennent pas à une entente, le protonotaire arbitre rédige la solution qu'il recommande et l'envoie aux deux parties.[42]

Programme de protonotaires spéciaux - Californie

En Californie, le programme de protonotaires spéciaux est administré par le secteur privé à la suite d'un renvoi par le tribunal. Toutefois, cette approche pourrait soit être intégrée au système public, soit constituer une possibilité offerte aux parties qui sont en mesure d'acquitter les frais de traitement de leur dossier.

Le programme de protonotaires spéciaux qui a été instauré avec succès dans certaines régions du nord de la Californie suppose qu'un juge renvoie une question à un protonotaire spécial pour qu'il la résolve. Habituellement, le protonotaire spécial est un médiateur de la collectivité. Ce service a pour objectif avoué de réduire le nombre de requêtes présentées à la cour à la suite d'un divorce. En d'autres termes, toute question controversée qui surgit entre les parties après que le tribunal a statué sur leur divorce peut être adressée à cette instance.

Le modèle des protonotaires spéciaux se fonde sur l'approche de la médiation-arbitrage, selon laquelle les deux parties peuvent donner instruction au protonotaire de rendre une décision à leur égard si la médiation n'est pas fructueuse. À cette étape, le protonotaire spécial rédige une décision pour les deux parties, qui ont ensuite un certain nombre de jours pour s'y opposer. Parfois, le rôle du protonotaire se limite à rédiger une entente entre les parties si celles-ci décident que cela suffit.

Ce modèle vise un double objectif, soit éviter le recours à un appareil judiciaire déjà surchargé et donner aux parties une certaine maîtrise de la situation. En ce qui a trait à la pension alimentaire pour enfants, ce type d'approche conviendrait le mieux à la modification d'une ordonnance alimentaire pour enfants qui existe déjà.