Rapport de recherche sur le droit de la famille au Nunavut
RÉSUMÉ
Ce rapport de recherche sur le droit de la famille au Nunavut a été préparé pour le ministère de la Justice du Nunavut et la Section de la famille, des enfants et des adolescents du ministère de la Justice du Canada. La recherche a été menée en collaboration avec la clinique des services juridiques de la Maliganik Tukisiniakvik, laquelle fait partie de la Commission des services juridiques du Nunavut.
Globalement, les objectifs de cette recherche étaient de :
- rassembler des données sur des questions se rapportant au droit de la famille, telles que l’adoption, le divorce, la séparation, l’utilisation des services;
- recueillir des témoignages sur la façon dont les familles du Nunavut, en particulier au sein de la population inuite, gèrent et traitent les questions de droit de la famille au niveau des collectivités;
- mieux comprendre les problèmes d’accès au droit de la famille et, aussi, améliorer les communications pour sensibiliser la population au droit de la famille, aux droits découlant du droit de la famille et aux services juridiques connexes offerts au Nunavut.
La recherche comprenait un examen de statistiques existantes, une enquête détaillée sur les antécédents familiaux de 342 ménages du Nunavut, un répertoire des services établi par téléphone dans 17 collectivités du Nunavut. Elle s’appuyait en outre sur des assemblées publiques et des entrevues menées dans cinq collectivités, sur des discussions et sur un travail de collaboration avec la Commission d’examen des lois du Nunavut, la Maligarnit Qimirrujiit.
Contexte
Le chapitre 2 examine les facteurs contextuels qui ont une influence déterminante sur les antécédents familiaux, sur la prestation des services et sur l’application du droit de la famille dans le Territoire.
Nous avons entrepris la préparation de ce rapport à un moment où le Nunavut traversait une période de changements politiques importants, soit peu après la création du nouveau gouvernement territorial, en avril 1999. Le nouveau gouvernement s’est engagé à apporter des changements politiques et, en particulier, à élaborer des lois et des services mieux adaptés au mode de vie de la majorité inuite, à instaurer une philosophie de l’ « Inuit Qaujimajatuqangit »
(IQ), soit des façons traditionnelles et plus appropriées de faire les choses. Des énoncés de principes récents comme des études sociologiques passées indiquent clairement que la consolidation de la famille constitue l’un des aspects essentiels du QI.
Les rigueurs du climat, l’isolement relatif et les liens très étroits qui unissent les membres des petites collectivités du Nunavut ont d’importantes répercussions sur la planification et la prestation des services et sur la mise en place d’un centre commun d’information juridique. La culture et la langue inuites sont bien vivantes et offrent un fondement normatif à celles et à ceux qui cherchent à régler les questions de droit de la famille. Par ailleurs, quand on cherche à régler ce genre de questions, il arrive souvent qu’on ait affaire aussi à d’autres problèmes sociaux graves tels que la pauvreté, le chômage, le surpeuplement des logements et les ennuis de santé. Les taux de violence rapportés contre les femmes sont extrêmement élevés et cela influe grandement sur les perceptions de la population locale quant à la nécessité de trouver des solutions dans le droit de la famille.
Il existe d’importants obstacles à l’élaboration, au sein même du système juridique actuel, d’un système de droit de la famille adapté aux besoins du Nunavut. Là encore, par suite de l’isolement et des distances, toutes les collectivités, à l’exception d’Iqaluit, sont desservies par une cour de circuit; les avocats et le personnel judiciaire viennent de loin et par intermittence seulement. En raison du grand nombre des cas inscrits au rôle et du peu d’importance accordé au droit de la famille, les causes en la matière sont rarement entendues. De plus, le lien étroit qui existe entre la protection de l’enfance et les dispositions civiles du droit de la famille peut décourager certaines personnes de recourir au tribunal pour résoudre leurs problèmes. Tous ces facteurs contribuent à éloigner du système d’éventuels usagers. Quelques réformes, comme la mise sur pied de comités de justice communautaire plus forts, des juges de paix plus nombreux et mieux formés, l’embauche en région d’avocats spécialisés en droit de la famille et l’implantation d’un tribunal unifié doté d’un plus grand nombre de juges résidents, sont autant de mesures qui pourraient, à long terme, faciliter l’accès aux services d’une justice familiale.
Un examen du contexte juridique entourant la recherche axée sur la communauté du Nunavut comprend un aperçu de la récente réforme du droit implantée dans le Territoire et un aperçu du processus de réforme de la garde et du droit de visite au niveau fédéral. La nouvelle législation territoriale a créé en principe un nouveau cadre d’application du droit de la famille; il reste cependant beaucoup à faire avant que ces changements n’aient des répercussions concrètes.
Résultats de la recherche : la vie familiale
La famille élargie
La composition et la structure des ménages au Nunavut reflètent les normes culturelles inuites. Les ménages comprennent généralement plus de membres dans le reste du Canada. Ils comptent pour la plupart de trois à cinq membres, et près du tiers des participants à l’enquête vivent dans des ménages composés de six personnes ou plus.
Il est extrêmement fréquent d’avoir des ménages qui incluent des membres de la famille élargie. On trouve dans 13 p. cent des ménages un parent, le conjoint ou la conjointe du parent naturel, un parent adopté ou un beau-parent du participant à l’enquête. Un peu moins du cinquième des participants à l’enquête ont indiqué la présence d’un frère ou d’une sœur ou d’un demi-frère ou d’une demi-sœur. Près de 10 p. cent des participants à l’enquête vivaient avec une petite-fille ou un petit-fils et un peu plus de 10 p. cent des ménages comptaient un autre membre apparenté d’une façon ou d’une autre. Très peu de gens (seulement 3 p. cent des participants à l’enquête) ont indiqué vivre avec une personne qui ne leur était pas apparentée.
Un des facteurs de la prédominance de la famille élargie au Nunavut pourrait bien être l’âge relativement jeune des nouveaux parents. Près de 20 p. cent des participants à l’enquête ont eu leur premier enfant à l’âge de 17 ans ou même avant; plus de la moitié ont eu leur premier enfant avant l’âge de 21 ans. Le fait de rassembler sous le même toit la famille élargie a de nombreuses répercussions au niveau du droit de la famille et de l’information. Par exemple, la plupart des gens ignoraient que, sans être parent, on pouvait quand même demander la garde ou le droit de visite ou une pension alimentaire pour les enfants qu’on élève. Le système d’aide sociale (logement, soutien du revenu) semble reposer sur des ententes factuelles de soins à donner plutôt que sur des modalités juridiques.
L’adoption
L’adoption selon les coutumes est sans doute l’aspect le plus singulier du droit de la famille au Nunavut : elle est extrêmement répandue. Vingt-deux p. cent des participants à l’enquête ont indiqué avoir élevé des enfants adoptés. Dans une bonne moitié des cas, les participants à l’enquête ont élevé plus d’un enfant. Un autre quart des personnes ont affirmé avoir donné un enfant en adoption, et un bon tiers des femmes ayant répondu à l’enquête ont affirmé avoir « donné un bébé en adoption »
. Vingt-trois p. cent des participants ont affirmé avoir été eux-mêmes adoptés. Parmi ces personnes, 93 p. cent ont signalé avoir été adoptées en vertu des coutumes autochtones et seulement 7 p. cent à la suite d’un processus
judiciaire.
L’adoption selon les coutumes se fonde sur un régime juridique distinct reconnu par la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest. Elle diffère au niveau du processus : le rôle du tribunal se limite à produire la preuve qu’une adoption est survenue entre deux parties, sans exigences particulières comme l’évaluation du foyer d’accueil, par exemple. De plus, l’adoption selon les coutumes semble s’appuyer sur un certain nombre de considérations de fond, et pas seulement sur le critère unique de l’intérêt supérieur de l’enfant. Même si la Commission d’examen des lois fait mention d’un certain nombre de préoccupations concernant l’adoption selon les coutumes, il semble qu’il s’agisse là, à l’heure actuelle, de la seule pratique largement répandue et bien comprise du droit de la famille sur le Territoire.
Le mariage et l’union de fait
Près du tiers (31 p. cent) des participants à l’enquête ont affirmé vivre en union de fait, ce qui excède, de loin, la norme canadienne. Et, fait encore plus étonnant, un nombre très important de personnes ont déclaré avoir vécu en union de fait à un moment donné (63 p. cent des participants à l’enquête). Par ailleurs, 38 p. cent des participants à l’enquête ont indiqué être actuellement mariés; ce chiffre est en dessous de la moyenne canadienne. Moins de la moitié des participants non mariés prévoient se marier tôt ou tard.
À l’instar du reste du Canada, les mariages semblent survenir plus tardivement et durer plus longtemps que les unions de fait. Signalons que l’âge moyen du mariage (24 ans) ou de l’union de fait (21 ans), selon les données recueillies auprès des participants à l’enquête, est sensiblement plus élevé que l’âge auquel ces personnes affirment avoir eu un premier enfant.
La plupart des participants mariés (88 p. cent) ou en union de fait (83 p. cent) ont affirmé que leur conjoint était célibataire avant la relation actuelle. Douze p. cent des personnes mariées et vingt p. cent des personnes en union de fait ont indiqué que leur conjoint avait des enfants d’une relation antérieure. Presque deux fois plus d’hommes que de femmes ont affirmé que leur partenaire avait introduit dans la relation des enfants d’une union précédente.
La séparation et le divorce
Dans l’ensemble, les taux de séparation et de divorce au Nunavut sont inférieurs à la moyenne canadienne; le taux de divorce est sensiblement plus bas et reflète sans doute certains problèmes d’accès à la justice. Dans notre enquête, environ 4 p. cent des personnes ayant déjà été mariées ont indiqué s’être séparées et près de 4 p. cent avoir divorcé. Cinq p. cent des participants affirment avoir vécu un veuvage. Il a été plus difficile de déterminer le nombre des personnes se séparant à la suite d’une union de fait.
Les agents des services sociaux ont signalé un nombre considérable de séparations temporaires, mais il nous a été impossible d’obtenir beaucoup de données quantitatives à ce sujet. Parmi les raisons invoquées pour reprendre la vie commune, mentionnons la difficulté de quitter la collectivité, l’incapacité de trouver un logement ou un emploi, l’amour, et des préoccupations concernant les enfants. Les histoires que l’on raconte, ou unikattuaq, renforcent le fait que les séparations temporaires ne sont pas un phénomène nouveau au Nunavut.
Bien qu’il y ait peu de données à ce sujet, les participants à l’enquête ont invoqué de multiples raisons pour expliquer leur propre séparation ou divorce, notamment l’incompatibilité avec leur partenaire, l’adultère et des problèmes de dépendance aux drogues et à l’alcool. Au cours des discussions publiques, les raisons invoquées étaient passablement différentes, la violence étant le motif qui revenait le plus souvent. Il est important de mentionner ici que la plupart des services publics qui traitent de séparations et de divorces insistent sur la sécurité à court terme plutôt que sur l’autonomie à long terme.
Un très petit nombre des personnes divorcées ou séparées ont signalé recevoir ou payer une pension alimentaire, peu importe qu’elles aient été mariées ou en union de fait. Un nombre légèrement plus élevé de personnes divorcées, comparativement aux conjoints de fait, ont déclaré payer ou recevoir une pension alimentaire.
Seulement la moitié des participants à l’enquête connaissait les droits des conjoints de fait à une pension alimentaire et au partage des biens au moment de la rupture d’une relation. À l’occasion de rencontres communautaires, nous avons constaté que peu de personnes faisaient la différence entre la pension alimentaire pour conjoint et la pension alimentaire pour enfant. L’écart des revenus entre les hommes et les femmes au Nunavut n’est pas aussi considérable que dans le sud et, dans l’ensemble, les faibles revenus peuvent expliquer le fait que les pensions alimentaires sont rarement versées. De plus, le rôle actif de la famille élargie réduit peut-être l’importance de l’obligation alimentaire.
Deux-tiers environ des participants à l’enquête connaissaient l’existence du droit au partage des biens matrimoniaux même si, à notre connaissance, aucun partage de ce type n’a été signalé au Nunavut. Comme le domicile conjugal est le bien le plus important de la majorité des familles au Canada, il est important de signaler qu’un quart seulement des résidents du Nunavut sont propriétaires de leur maison. L’occupation du domicile conjugal donne lieu à des différends et à des problèmes souvent difficiles à résoudre compte tenu de la grave pénurie de logements et des longues listes d’attente pour les logements sociaux.
Les enfants dans les familles
Dans l’ensemble, au Nunavut, les familles avec enfants constituent un plus gros pourcentage de la population que dans le reste du Canada (77 p. cent, et le nombre d’enfants par famille y est plus élevé), soit en moyenne 3,5 selon notre enquête. Nous constatons également des différences substantielles en ce qui a trait à la structure familiale : les couples mariés avec enfants représentent 43 p. cent de toutes les familles avec enfants tandis que les conjoints de fait avec enfants représentent 27 p. cent de toutes les familles avec enfants.
Les familles monoparentales, y compris les parents divorcés ou séparés ainsi que ceux qui n’ont jamais été mariés, forment un groupe important, soit 22 p. cent de toutes les familles avec enfants. En général, dans les trois quarts des cas environ, le chef de la famille monoparentale au Nunavut est une femme. Les célibataires (n’ayant jamais été mariés) forment une proportion plus importante de chefs de famille monoparentale au Nunavut que dans le reste du Canada. Près de la moitié des chefs de famille monoparentale vivent avec d’autres membres de leur parenté, ce qui modifie sensiblement la perception largement répandue de la monoparentalité comme la responsabilité d’une seule personne.
Nous avons eu quelques difficultés avec les données sur les antécédents familiaux des enfants, ce qui limite l’exactitude des chiffres ci-dessous. Mais, de façon générale, nous croyons que ces chiffres sont représentatifs. Nous avons demandé aux participants à l’enquête de préciser s’ils vivaient avec leurs enfants à temps plein, à temps partiel ou pas du tout. Quatre-vingt-cinq p. cent des participants ont répondu qu’ils vivaient en tout temps avec un enfant, 2 p. cent qu’ils vivaient à temps partiel avec au moins un enfant et 12 p. cent qu’au moins un de leurs enfants ne vivait pas avec eux. Parmi les personnes qui ont affirmé avoir au moins un de leurs enfants ne vivant pas avec elles, 8 p. cent ont indiqué avoir donné l’enfant en adoption.
Environ 60 p. cent des parents vivant avec leurs enfants en tout temps ont affirmé que l’autre parent de cet enfant faisait aussi partie du ménage. Un nombre important (près du tiers) des parents qui ne vivaient pas avec leur enfant ont affirmé que cet enfant vivait avec une personne qui n’était pas l’autre parent.
Quatre-vingt p. cent des parents résidant hors du domicile conjugal ont indiqué maintenir des liens avec leurs enfants. Les visites effectuées durant la journée représentent le type de contacts le plus courant. Un plus petit nombre de personnes ont déclaré passer la nuit auprès de leurs enfants ou simplement communiquer avec eux par téléphone. À peine plus de la moitié des parents ont affirmé vivre dans la même collectivité que leurs enfants. Les parents n’ayant plus de contacts avec leurs enfants vivaient pour la plupart (mais non pour la totalité) dans une autre collectivité. Près de la moitié des parents vivant loin de leurs enfants maintenaient des liens par téléphone ou par correspondance.
Nous avons constaté que, dans l’ensemble, les modalités concernant les contacts suscitaient très peu de critiques. Seulement quatre des 32 participants à l’enquête n’ayant pas auprès d’eux au moins un de leurs enfants à temps plein se sont dits mécontents de ces arrangements. Dix-huit participants ont affirmé être satisfaits et huit autres ont dit ne pas avoir d’opinion sur le sujet. Un très petit nombre de participants (4 sur 31 ayant répondu à cette question), ont tenté de modifier les modalités concernant les contacts avec les enfants ne vivant pas avec eux, parfois en en discutant simplement avec l’autre parent. Les deux-tiers environ des participants à l’enquête connaissaient la possibilité de recourir aux tribunaux pour contester une décision sur la garde ou le droit de visite.
La question des pensions alimentaires pour enfants constitue depuis plusieurs années une priorité du Territoire et du gouvernement fédéral. Pourtant, un très petit nombre de participants à l’enquête ont indiqué payer ou recevoir une pension alimentaire pour enfant. Parmi les personnes bénéficiant d’une telle pension, la plupart ont indiqué la recevoir assez régulièrement (sur une base mensuelle) mais un nombre important de personnes ont affirmé ne recevoir cette pension que de façon aléatoire.
Nous avons demandé aux parents résidant hors du domicile conjugal pourquoi ils payaient ou ne payaient pas de pension alimentaire pour enfant. Les parents ont dit payer la pension alimentaire parce qu’ils se sentaient responsables de leurs enfants, parce que ceux-ci continuaient de faire partie de la famille ou parce qu’ils étaient liés par une entente. Plusieurs motifs ont été invoqués pour expliquer le non-paiement de la pension alimentaire. La plupart des parents ont déclaré ne pas payer de pension alimentaire parce qu’on ne leur en avait pas demandé. Plusieurs parents ont dit ne pas payer parce qu’ils n’en avaient pas l’obligation ou parce qu’ils ne vivaient plus avec l’enfant. Quelques personnes ont affirmé ne pas payer de pension alimentaire parce qu’elles faisaient vivre une autre famille. Parmi les personnes admissibles au versement d’une pension alimentaire et qui n’en recevaient aucune, les deux-tiers environ n’en avaient jamais fait la demande.
Ces résultats peuvent se comparer à ceux des ordonnances et des ententes enregistrées auprès du bureau du Programme d’exécution des ordonnances alimentaires (PEOA). En janvier 2001, le bureau du Nunavut comptait 166 dossiers dont un tiers seulement concernaient des cas où le payeur et le bénéficiaire étaient tous deux résidents du Nunavut. Dans l’ensemble, moins de la moitié des bénéficiaires (seulement 81) vivent au Nunavut.
Le nombre des personnes qui versent une pension alimentaire excède, semble-t-il, le nombre des personnes qui font enregistrer une ordonnance ou une entente auprès du Programme d’exécution des ordonnances alimentaires, mais il est impossible de chiffrer le montant des transferts monétaires entre les parents. Le manque d’information expliquerait l’utilisation relativement restreinte des services du Programme d’exécution des ordonnances alimentaires. Environ 16 p. cent seulement des participants à l’enquête avaient entendu parler du PEOA. Un nombre passablement plus élevé de personnes (27 p. cent) savait que le gouvernement offrait des services d’exécution des ordonnances alimentaires. En dépit de progrès marqués dans le recouvrement des arrérages au cours des deux dernières années, le niveau élevé de ces arrérages et le nombre considérable des ordonnances qui devraient être modifiées pour refléter un changement de situation continuent de représenter un problème de taille.
Résultats de la recherche : les façons de faire, les services et l'information
Près de 60 p. cent des participants à l’enquête, chefs de famille monoparentale, séparés ou divorcés avec enfants, ont signalé n’avoir jamais conclu d’entente ou négocié d’arrangements concernant leurs enfants avec une autre personne. Et, ce qui est tout aussi étonnant, seulement deux personnes (moins de 3 p. cent) ont déclaré avoir obtenu une ordonnance de la cour pour régler des questions de garde ou de pension alimentaire pour enfant. En ce qui concerne les autres, 16 personnes avaient une entente écrite et 10 une entente verbale (soit respectivement environ 23 p. cent et 15 p. cent).
Un peu moins du tiers (21) des participants à l’enquête ont déclaré avoir eu recours à une aide extérieure au moment de leur séparation; les deux-tiers restants (45) ont dit ne pas avoir cherché à obtenir de l’aide. Parmi les personnes ayant reçu de l’aide, neuf ont consulté un travailleur social, huit ont consulté un avocat et quatre ont recherché l’appui d’un ami, d’un parent ou d’un aîné (ces groupes se chevauchent parfois).
La dure réalité de la vie au Nunavut est qu’il n’existe que très peu de services sociaux disponibles dans la plupart des collectivités. Ces services sont plutôt concentrés dans les collectivités plus importantes ou dans les centres régionaux mais, encore là, les ressources y sont limitées. Les services sont rarement spécialisés et leurs agents sont généralement débordés. Les travailleurs sociaux, les professionnels de la santé mentale, les comités de justice communautaire, les groupes de jeunes et les groupes paroissiaux sont les principales ressources accessibles au niveau des collectivités, sans pour autant être toutes disponibles dans chaque collectivité.
Dans l’ensemble, 72 p. cent des participants à l’enquête ont déclaré n’avoir jamais utilisé les services que nous leur avons mentionnés pour résoudre leurs problèmes familiaux. La notion de « problème familial »
dans l’esprit des participants débordait la définition que nous lui avions donnée et allait bien au-delà du cadre du droit privé de la famille.
Dans les rencontres communautaires, nous avons constaté que les gens s’entendaient largement sur le type de services qu’ils jugeaient utiles. Nous avons retenu trois messages principaux. Tous ont souligné la nécessité d’obtenir davantage de services d’orientation. Les participants étaient d’avis que des renseignements juridiques sans services connexes n’étaient pas de nature à améliorer grandement les situations relevant du droit de la famille. Enfin, il est ressorti au moment de l’enquête que les services juridiques ne semblaient pas être disponibles quand on en avait besoin.
En se fondant sur les difficultés énoncées ci-dessus, notre rapport insiste sur la nécessité de travailler à la mise en place d’un système hors du cadre judiciaire et accessible au niveau des collectivités pour traiter des problèmes relevant du droit de la famille. Dans sa stratégie en matière de droit de la famille (et cette tendance se dessine également dans la présente recherche), le ministère de la Justice du Nunavut s’est engagé (avec l’appui du gouvernement fédéral) à assurer la formation de médiateurs déjà au fait des principes du droit de la famille, et possédant des compétences en médiation. Plusieurs aspects de ce projet devront être approfondis.
Dans notre enquête, l’avocat constituait la source privilégiée de renseignements sur le droit de la famille. Certaines difficultés pratiques persistent quand il s’agit de se faire représenter par un avocat, notamment le manque d’avocats, les conflits d’intérêts et la nature du système itinérant.
Le manque d’information est un réel problème, mais ne constitue pas le principal obstacle auquel sont confrontés les Nunavummiuts qui cherchent à résoudre leurs problèmes familiaux. Cependant, il serait certainement utile de sensibiliser davantage les membres des collectivités à leurs droits, et notamment :
- au droit de tous les enfants à une pension alimentaire suffisante (Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants), mais aussi à l’importance des contributions non financières;
- aux droits des conjoints de fait;
- aux droits des parents substituts dans la famille élargie;
- au droit à l’Aide juridique pour les questions familiales.
Nous avons recueilli un large éventail de suggestions sur les façons d’informer les gens de leurs droits et sur les moyens qu’ils privilégient pour obtenir des renseignements sur la séparation et le divorce. La plupart des personnes ont recommandé la radio comme moyen de vulgarisation et d’information juridiques. Il a clairement été dit que toute information sans possibilité de suivi actif serait inutile. Cela est conforme aux résultats de notre enquête qui montrent que l’avocat est le moyen privilégié pour obtenir de l’information.
Conclusions
La recherche a démontré la nécessité de procéder à des études beaucoup plus poussées sur les questions de droit de la famille dans les collectivités autochtones. Des différences marquées entre les normes du Nunavut et celles du Canada suscitent d’intrigantes questions sur les ressemblances et les différences entre les divers groupes autochtones. Il est certainement souhaitable d’approfondir la recherche qualitative sur l’IQ (concept de l’Inuit Qaujimajatuqangit) et les critères de la famille traditionnelle. Enfin, il faudra grandement étoffer le cadre théorique et recueillir davantage de données sur l’incidence des structures de la famille élargie sur la doctrine et les services liés au droit de la famille. À court terme, cependant, une étude quantitative plus fouillée devrait, au Nunavut, céder la place à l’implantation de services.
- Date de modification :