Programme de financement des tribunaux de traitement de la toxicomanie évaluation

Sommaire

1. Introduction

Le Programme de financement des tribunaux de traitement de la toxicomanie (PFTTT) est un programme de contribution qui apporte une aide financière et administre les ententes de financement de six tribunaux de traitement de la toxicomanie (TTT) : Toronto (établi en 1998), Vancouver (2001), Edmonton (2005), Winnipeg (2006), Ottawa (2006), et Regina (2006).

Dans le présent rapport, on présente les constatations de l’évaluation et on fait suite à la Politique sur l’évaluation de 2009 adoptée par le Conseil du Trésor, qui exige que toutes les dépenses directes du gouvernement soient évaluées tous les cinq ans. L’évaluation, qui a été effectuée entre juin et septembre 2014, couvre le travail effectué par le PFTTT entre les exercices 2009‑2010 et 2013‑2014.

2. Méthodologie

L’évaluation comportait trois principales sources de données :

3. Conclusions

3.1. Pertinence

La relation entre la consommation de drogues illicites et le comportement criminel est bien établie et constitue un problème permanent et coûteux au Canada. La recherche a permis de conclure que les personnes ayant des problèmes de toxicomanie sont plus susceptibles d’avoir commis des actes criminels, et que ceux qui ont eu des démêlés avec le système de justice pénale sont plus susceptibles d’avoir des problèmes causés par la toxicomanie. Les crimes liés à la drogue sont un problème permanent, car les récentes données sur les infractions en matière de drogues déclarées par la police indiquent une augmentation du taux d’infraction en matière de drogues de 33 % de 1998 à 2012 (il est passé de 235 pour 100 000 habitants en 1998 à 314 pour 100 000 habitants en 2012) (Sécurité publique Canada, 2013). En raison des coûts sociaux élevés afférents à la consommation de drogues illicites, dont on a estimé qu’ils atteignent jusqu’à 8,2 milliards de dollars en une seule année (Rehm et coll., 2006), il s’impose de trouver des interventions efficaces pour s’attaquer à la criminalité attribuable aux drogues.

Les résultats de l’évaluation étayent à la fois le modèle du TTT et la structure de financement du PFTTT. Les TTT, qui combinent justice pénale et solution thérapeutique aux crimes liés à la drogue, ont été créés pour réagir au taux de récidive élevé des délinquants toxicomanes (c.‑à‑d. la « porte tambour » menant au système de justice pénale pour les personnes qui ont des dépendances). En fait, de nombreuses études ont montré que les TTT obtiennent de bons résultats favorables ce qui est de réduire la récidive. En outre, le PFTTT demeure pertinent, car les intervenants des TTT pensent que, sans son soutien, les TTT du Canada ne pourraient certainement pas prendre de l’expansion et qu’ils risquent même de perdre de leurs moyens pour ce qui est du nombre de tribunaux, de la capacité d’admission de clients et/ou des types de services offerts.

Le PFTTT est bien aligné sur les priorités fédérales. Dans le cadre de la Stratégie nationale antidrogue, le PFTTT permet de tenir les engagements pris de longue date par le gouvernement fédéral et qui consistent à s’attaquer à la criminalité et à la consommation de drogues au Canada. Par ailleurs, les TTT font partie intégrante de la stratégie en matière de justice pénale du gouvernement fédéral, car les dispositions relatives à la détermination de la peine minimale du Code criminel et de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances comportent une exemption pour la participation aux TTT. Bien que les délinquants soient toujours tenus responsables de leurs actes, l’exemption permet aux tribunaux de retarder la détermination de la peine de délinquants toxicomanes pendant qu’ils suivent des programmes de traitement approuvés par les provinces et placés sous surveillance judiciaire, y compris les TTT.

L’utilisation de fonds de contribution par l’entremise du PFTTT concorde également avec les rôles et responsabilités du gouvernement fédéral dans le domaine de la justice pénale, qui est une responsabilité partagée avec les gouvernements provinciaux et territoriaux. En fournissant des fonds et en s’abstenant de dicter ou de superviser le fonctionnement des TTT, le gouvernement fédéral respecte l’autorité provinciale/territoriale pour l’administration de la justice.

3.2. Conception et mise en œuvre

PFTTT

Au cours de la période de l’évaluation, le PFTTT a fait porter une grande partie de ses efforts principalement sur l’établissement de relations plus soutenues avec les gouvernements provinciaux et territoriaux. Les fonctionnaires du PFTTT ont noué des rapports avec toutes les administrations provinciales et territoriales. Un exemple de cette relation de travail étroite est un Groupe de travail FPT spécial sur l’efficacité et l’affectation des ressources des tribunaux de traitement de la toxicomanie.

Le PFTTT a également œuvré pour maintenir d’étroits contacts et améliorer la communication avec les intervenants du TTT et entre eux, en reprenant les conférences téléphoniques mensuelles régulières des directeurs des TTT, qui font office de forum pour le partage d’information et les discussions entre pairs. Les résultats du sondage montrent que de nombreux répondants n’étaient pas au courant d’autres outils de partage de l’information, mais que ceux qui les connaissaient avaient en général une opinion favorable au sujet des outils utilisés par le PFTTT. Ce fait, auquel s’ajoute que seulement 6 % des répondants ont déclaré que le partage des pratiques exemplaires et des leçons retenues était « très efficace », indique qu’il s’impose continuellement de travailler au partage d’information avec les TTT.

Les TTT

Au cours de l’évaluation, on a comparé de nombreux processus des TTT afin de recenser les pratiques exemplaires dans la documentation des TTT et l’on a trouvé, qu’à quelques exceptions près, les TTT suivent ces approches.

La composition de l’équipe et l’approche suivent en général les pratiques exemplaires. Tous les TTT possèdent des équipes pluridisciplinaires qui se rencontrent régulièrement (réunions préparatoires et audiences) pour partager l’information. Les résultats de l’évaluation indiquent que la collaboration entre les membres des équipes des TTT est forte, tant au sein des équipes du tribunal et de traitement qu’entre elles, et que la collaboration est marquée par le respect de l’expertise professionnelle des membres de l’équipe. Par exemple, les juges consultent en général les professionnels du traitement avant de prendre des décisions concernant les participants aux TTT.

Les TTT s’écartent des pratiques exemplaires dans quelques rares domaines connexes à l’équipe du TTT. La documentation donne à penser que le fait de comparaître constamment devant le même juge est primordial pour les résultats des participants. Cependant, dans certains TTT plusieurs juges travaillent par roulement, et par conséquent les participants peuvent comparaître devant des juges différents. Un autre domaine dans lequel on peut éventuellement apporter des améliorations est la clarification des rôles et responsabilités des membres des équipes. Bien que les intervenants des TTT aient reconnu qu’il est important de tolérer des variations des structures des TTT pour permettre aux tribunaux de répondre à des besoins locaux, ils pensaient que des politiques et des procédures écrites qui décrivent les rôles et responsabilités seraient utiles. En outre, certaines des variations des rôles des membres de l’équipe qu’on a constatées dans l’ensemble des TTT ont été remises en question, notamment si les avocats devraient effectuer des TDDU ou si cela pourrait compromettre les relations des avocats avec leurs clients.

Sur le plan des admissions et de la portée, l’évaluation a trouvé que les critères d’admissibilité des TTT et le processus d’admission correspondaient aux pratiques exemplaires pour ce qui est d’être objectifs et fondés sur la preuve. Cependant, on a cerné deux problèmes qui se posent pour atteindre les groupes cibles. Bien qu’à l’heure actuelle les TTT admettent toujours, et avant tout, des clients qui présentent un risque élevé de récidive (ce qui est également une pratique exemplaire), certains TTT se sont inquiétés de ce que des clients à plus faible risque présentent des demandes. L’inclusion de ces délinquants signifierait que des personnes ayant peu d’antécédents criminels sont admises dans les TTT. Le deuxième problème porte sur les difficultés permanentes à atteindre les groupes cibles de jeunes, d’hommes et de femmes autochtones et d’autres groupes historiquement défavorisés. Les intervenants des TTT considéraient qu’il s’agissait d’un problème dans l’évaluation de 2009 et ils le font encore. Cette perception a été corroborée par les données administratives, car les personnes de race blanche, les hommes, et les personnes âgées de plus de 30 ans représentent toujours la majorité des participants aux TTT. Cependant, la Couronne sélectionne des participants éventuels et détermine si oui ou non un accusé répond aux conditions et aux critères d’admissibilité des TTT.

Conformément aux pratiques exemplaires, la composante tribunal fournit une structure au programme de TTT, et les résultats de l’évaluation indiquent que le processus judiciaire des TTT fonctionne généralement bien. Les intervenants des TTT ont approuvé l’intensité (régularité et nombre des comparutions) et la pertinence (conditions de mise en liberté sous caution) du processus judiciaire. Le seul problème soulevé par les intervenants des TTT et les participants à l’étude de cas a trait à l’imposition de sanctions. Bien que les sanctions soient considérées comme un élément utile du processus judiciaire et aient aidé les participants à rester « sur le droit chemin », on a l’impression qu’elles ne sont pas toujours appliquées de façon cohérente. Comme les études ont montré que les sanctions « rapides et certaines » sont les plus efficaces, il s’agit d’un domaine dans lequel les TTT peuvent apporter des améliorations.

En général, la composante traitement des TTT suit aussi les pratiques exemplaires exposées dans la documentation du TTT. Le modèle risque-besoin-réceptivité (RBR) est une approche bien éprouvée, reposant sur la preuve, pour harmoniser le traitement des TTT avec les besoins du participant. Au cours de l’évaluation, on a trouvé que les TTT adhéraient à au moins un ou deux des principes fondamentaux du RBR. En particulier, la plupart des TTT utilisaient des outils d’évaluation des risques normalisés validés, et les résultats des évaluations sont pris en compte dans les plans de traitement. Cependant, comme les études indiquent que l’adhésion intégrale aux trois principes fondamentaux du modèle aboutit à la plus forte réduction de la récidive, les TTT peuvent souhaiter envisager de quelle façon ils peuvent utiliser davantage le modèle RBR.

Au cours de l’évaluation, on a également trouvé un solide continuum de soins qui repose sur une variété d’options de traitement qui concordent avec les approches des pratiques exemplaires. Les TTT adaptent le traitement pour qu’il réponde aux besoins des participants. L’évaluation a prouvé en particulier que les TTT proposent des programmes spécialisés pour répondre aux besoins propres à certains groupes cibles, notamment les femmes et les Autochtones. Cependant, on pourrait éventuellement en faire davantage pour répondre aux besoins de ces populations cibles des TTT, étant donné que ces derniers continuent d’éprouver des difficultés à attirer des femmes, des Autochtones et d’autres minorités visibles ainsi que des jeunes dans le programme et à les y retenir lorsqu’ils y sont entrés. Les évaluateurs ont également trouvé que le continuum de soins prend fin en grande partie lorsque le bénéficiaire quitte le programme. Comme les soins continus (p. ex., l’aide postpénale) sont qualifiés de pratique exemplaire dans la documentation, les TTT peuvent souhaiter revoir leurs programmes.

Le PFTTT a suivi les recommandations formulées dans l’évaluation de 2009 et a collaboré avec Ressources humaines et Développement des compétences Canada au financement de deux projets de logement pilote. Bien que les évaluations des deux projets aient affiché des résultats prometteurs pour ce qui est de la rétention des participants aux TTT, les évaluateurs ont trouvé que le problème du financement durable des logements des TTT persiste.

3.3. Mesure du rendement

Dans l’évaluation de 2009, on a relevé des problèmes avec la cohérence et l’intégralité des données du Système d’information des tribunaux de traitement de la toxicomanie (SITTT). Bien que l’évaluation ait permis de déterminer que les données du SITTT de 2014 étaient plus complètes et avaient permis d’étayer l’analyse des données, le PFTTT doit simplifier le SITTT afin qu’il étaye les évaluations à l’avenir. Les évaluateurs ont également trouvé que le SITTT pouvait être amélioré pour ce qui est de saisir de l’information qualitative nécessaire et de fournir des statistiques utiles pour la gestion de cas et/ou la surveillance des opérations des TTT.

3.4. Rendement – efficacité

Les TTT ont des populations cibles difficiles qui sont toxicomanes, en règle générale exposées à un risque élevé de récidive, qui ont de nombreux autres problèmes (p. ex., pauvreté, maladie mentale, faible scolarité) et qui ne bénéficient souvent que de peu de soutien (p. ex., manque de relations familiales, associations négatives avec les pairs). Ce contexte est important lorsque l’on examine le rendement des TTT sur le plan de la réalisation de leurs résultats.

Les résultats de l’évaluation indiquent que même en présence des difficultés, les TTT affichent des résultats prometteurs dans plusieurs domaines.

Rétention et remise du diplôme : Les TTT enregistrent un taux de rétention de 36 % et un taux de remise du diplôme de 27 %, ce qui est semblable aux résultats de l’évaluation de 2009. Comme on a montré dans la documentation que la rétention et la remise du diplôme exercent un effet favorable sur la récidive et par conséquent sur la rentabilité des TTT, la détermination de la meilleure façon d’améliorer la rétention et la remise du diplôme demeure une des principales préoccupations des TTT.

Réduction de la consommation de drogues : Les résultats de l’évaluation indiquent que les diplômés et ceux qui ont pas terminé le programme ont réduit la consommation de drogues pendant le programme. La réduction des TDDU « sales » (échec) et l’augmentation de TDDU « propres » se sont produites rapidement pour les deux groupes (après seulement trois mois). Les diplômés présentaient de plus fortes réductions de la consommation de drogues que ceux qui n’avaient pas été au bout du programme, mais les résultats indiquent d’importantes réductions des tests sales pour les deux. Bien que l’étude effectuée pour l’évaluation se soit concentrée sur les personnes qui avaient participé au programme pendant 15 mois, ces résultats indiquent éventuellement que les TTT exercent des effets très bénéfiques.

Utilisation des moyens de soutien communautaire et stabilité sociale : La preuve dont on dispose de la part des participants au sondage et à l’étude de cas indique que les TTT font prendre conscience aux participants d’une variété de moyens de soutien communautaires et les aiguillent vers eux. Les participants attribuent également diverses améliorations de leur stabilité sociale à leur participation aux TTT. Les améliorations comprennent l’amélioration des relations familiales, un emploi et de meilleures situations de logement.

Réduction de la participation à la criminalité : L’étude sur la récidive menée dans le cadre de cette évaluation a comparé les participants aux TTT à un groupe témoin de contrevenants semblables. L’étude a déterminé que les taux de récidive après le programme étaient considérablement plus faibles chez les diplômés des TTT que chez les décrocheurs ou le groupe témoin. La différence dans les taux de récidive entre les participants aux TTT (à la fois les diplômés et les décrocheurs) et le groupe témoin n’était pas statistiquement significative. L’étude a également démontré que les participants aux TTT ayant récidivé ont commis moins d’infractions liées aux drogues, comparativement au groupe témoin. Ainsi, lorsque l’on tient compte du type d’infraction, les taux de récidive pourraient indiquer que les TTT réduisent la récidive pour les infractions liées aux drogues. Bien que des études plus poussées soient nécessaires, les résultats pour les diplômés sont très favorables.

3.5. Rendement – efficience et économie

Lorsque l’on a comparé les coûts des TTT à l’incarcération (dans une prison provinciale ou fédérale) et à la libération conditionnelle en faisant fond sur plusieurs scénarios de coût, l’évaluation a permis d’établir que l’on pouvait réaliser des économies de coût allant de 20 % à 88 % si l’on pose l’incarcération comme hypothèse. Si dans le système traditionnel, les délinquants écopent d'une condamnation avec sursis, le TTT coûte considérablement plus. L’analyse concorde avec d’autres études qui indiquent que les TTT peuvent réaliser des économies de coût considérables.