Étude nationale sur les adultes non représentés accusés devant les cours criminelles provinciales (Partie 2 : rapports des études sur le terrain)

Chapitre 3 : Halifax, Nouvelle-Écosse (suite)

3.3 Fréquence des comparutions sans représentation par avocat

3.3.1 L'autoreprésentation tout au long du processus judiciaire

Étant donné la perception générale voulant que le fait de ne pas être représenté par un avocat ait d'importantes conséquences pour un accusé, il est important de savoir à quelle fréquence un accusé comparait sans représentation aux différentes étapes du processus judiciaire.

Le dossier des causes réglées ne permet pas de dépeindre de manière simple la représentation tout au long d'un processus judiciaire.  Le mode de représentation d'un accusé changera souvent d'une comparution à une autre. Ainsi, par exemple, un accusé peut être représenté par un avocat de service lors de l'enquête sur le cautionnement, mais s'autoreprésenter par la suite.

Résultats du travail d'observation du mode de représentation à toutes les comparutions :

Les observations en cour ont permis l'analyse de 223 comparutions à la salle d'audience numéro 1 où toutes les affaires, sauf des procès, sont entendues (pendant le période de collecte des données). Dans 12 pour cent des comparutions, les accusés ne se sont  pas « présentés » et, dans 5 pour cent des causes, il était impossible de discerner le mode de représentation. Les autres causes s'analysent comme suit :

3.3.2 L'autoreprésentation par catégorie d'infraction

La plupart des personnes interrogées ont proposé que, à cause des critères d'application (possibilité d'emprisonnement), les accusations criminelles auxquelles  les accusés qui n'étaient pas représentées devaient faire face étaient les contraventions et les infractions mineures contre les biens (vol à l'étalage, fraude, infractions mineures au service, etc.), les voies de fait simples, la violence familiale, le refus de passer le test de l'ivressomètre et la conduite avec facultés affaiblies.

Le tableau H-3 a été réalisé à partir de l'échantillon des causes réglées afin de présenter une estimation de la proportion des accusés non représentés en fonction de la catégorie d'infraction à laquelle l'accusation la plus grave correspond.

En fait, le tableau H-3 reflète la perception des personnes interrogées. Lors de la dernière comparution, on a observé un haut pourcentage (comparativement à une moyenne de 23 pour cent pour toutes les infractions combinées) d'accusés autoreprésentés comparaissant pour conduite avec facultés affaiblies (36 pour cent), infractions à l'administration de la justice (32  pour cent), et autres infractions aux lois fédérales (58 pour cent).

Les personnes accusées de vol qualifié (9 pour cent), d'entrée par effraction (13 pour cent), de voies de faits simples (11 pour cent) et d'infractions liées aux drogues, excluant la possession simple (5 pour cent), présentaient le plus bas taux d'autoreprésentation lors de la dernière comparution.[27]

3.3.3 L'autoreprésentation au cours des différentes étapes du processus

Tel qu'indiqué dans des sections suivantes, les personnes interrogées estimaient qu'il était important d'être représenté par avocat, non seulement lors du procès, mais à toutes les étapes - en particulier les premières étapes - du processus judiciaire.

De nombreuses personnes interrogées ont été incapables d'évaluer la proportion des accusés non représentés aux différentes étapes du processus, et celles qui l'ont fait sont arrivées à des résultats qui variaient considérablement.

Des estimations distinctes ont été faites concernant les femmes. Selon lesquelles :

Toutes les personnes interrogées ont dit qu'il serait préférable que l'Aide juridique accepte plus de causes. La majorité estimaient que la fonction de l'avocat de service devrait être élargie afin d'assurer une présence à toutes les premières comparutions.

Le tableau H-3 démontre aussi - par type d'infraction - le pourcentage des accusés qui étaient sans représentation à des étapes clés du processus judiciaire, c'est-à-dire la première comparution, le cautionnement, le plaidoyer, les choix et la dernière comparution (la décision).

Le tableau H-3 permet de faire d'importantes constatations concernant les accusés non représentés.

Tableau H-3. Causes réglées : Proportion des accusés non représentés à différentes comparutions, par catégorie de l'accusation la plus grave à Halifax*
Catégories de l'accusation la plus grave Proportion d'accusés non représentés lors de Nombre total de causes(tous les accusés)
1re comparution (%) Cautionnement (%) Plaidoyer Choix d'une défense (%) Dernière comparution (%)
Homicide *** *** *** *** *** 4
Agression sexuelle *** *** *** *** *** 4
Voies de fait autres que simples 37 50 26 0 19 97
Vol qualifié 0 0 0 *** 9 11
Entrée par effraction 17 23 17 20 13 24
Conduite avec facultés affaiblies 57 *** 10 *** 36 14
Voies de fait simples 31 41 12 *** 11 35
Drogues excluant la possession simple 37 *** 0 *** 5 19
Infractions liées aux armes *** *** *** *** *** 7
Vols et fraudes 38 23 17 0 20 174
Possession simple de drogue *** *** *** *** *** 9
Infractions à l'administration de la justice 32 13 23 *** 32 66
Infractions à l'ordre public *** *** *** *** *** 8
Infractions diverses au Code criminel 55 *** 38 *** 27 11
Autres infractions aux lois fédérales 42 *** 33 *** 58 26
Nombre total de tous les accusés pour cette comparution 508 144 334 63 508 509
Proportion d'accusés non représentés lors de cette comparution (toutes les catégories d'infractions) 37 35 16 6 23

Notes

3.3.4 Caractéristiques socio-démographiques des accusés non représentés

La majorité des personnes interrogées s'entendaient sur le fait que la seule différence démographique entre les accusés non représentés et les autres concernait le revenu ; les accusés non représentés risquaient le plus d'être des travailleurs à faible salaire. Ceux accusés pour la première fois risquaient le plus de ne pas être représentés. De nombreux accusés non représentés avaient des difficultés à lire. Un avocat estimait qu'un quart de sa clientèle ne savait pas lire et d'autres étaient simplement d'avis que « beaucoup » ne savaient pas lire suffisamment bien pour pouvoir se débrouiller eux-mêmes dans le processus pénal. Une autre personne interrogée a laissé entendre que de nombreux accusés avaient un très faible niveau de scolarité et difficultés d'apprentissage. De nombreux accusés (représentés ou non) avaient des problèmes d'« analphabétisme juridique ». Enfin, un autre a souligné que Halifax comptait une importante population de réfugiés pour laquelle la langue constituait une barrière. Les accusés souffrant de maladie mentale avaient toutefois plus de chance d'être représentés à cause de leur faible situation financière.

En ce qui a trait aux femmes comparaissant devant la cour (incluant les femmes représentées par un avocat), les données recueillies par Coverdale démontrent qu'environ 80  pour cent de toutes les femmes qui se présentaient à la cour pour une première infraction - « plus de la moitié des fois, pour vol à l'étalage et 82 pour cent de toutes les infractions commises par des femmes sont des infractions contre les biens sans violence ».[28] Parmi les principaux facteurs responsables,  les personnes interrogées ont mentionné la drogue, la pauvreté et la violence familiale. Il fut mentionné que nombre d'entre elles ne se retrouveraient pas à nouveau en cour.