État des lieux sur la situation de l'accès à la justice dans les deux langues officielles

Chapitre 9 : Nunavut

Structure du système judiciaire

Organisation judiciaire

Les cours supérieures

En vertu de la Loi portant modification de la Loi sur le Nunavut relativement à la Cour de justice du Nunavut et modifiant diverses lois en conséquence[60], tous les pouvoirs anciennement dévolus aux tribunaux des Territoires du Nord-Ouest, à l'exception de la Cour d'appel des Territoires du Nord-Ouest, sont désormais dévolus à la Cour de Justice du Nunavut[61].

En vertu de la Loi sur l'organisation judiciaire (Nunavut)[62], la Cour d'appel est le tribunal d'appel du Nunavut et est une Cour supérieure d'archives. Cette Cour est composée de juges d'appel nommés par le gouverneur en conseil parmi les juges d'appel de tout territoire ou province, les juges de la Cour de justice du Nunavut et les juges des Cours suprêmes des T.N.-O. et du Yukon. La Cour peut siéger au Nunavut ou dans tout autre territoire ou province.

En vertu de la Loi sur l'organisation judiciaire (Nunavut) est établie la seule et unique cour unifiée (supérieure et territoriale) du pays[63].

Ainsi, en vertu de la Loi sur l'organisation judiciaire (Nunavut), est établie une Cour supérieure d'archives nommée la Cour de justice du Nunavut à qui sont dévolus (pour le Nunavut) les pouvoirs qui pouvaient être exercés, avant le 1er avril 1999, par la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest et la Cour territoriale des Territoires du Nord-Ouest.

La Cour de justice du Nunavut est désignée à titre de tribunal pour adolescents pour l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants[64] et la Loi sur les jeunes contrevenants (Canada)[65]. Ce tribunal est une cour d'archives.

La Cour de Justice du Nunavut est une cour itinérante qui voyage partout au Nunavut, sauf dans les communautés où il n'y a pas de détachements de la GRC[66].

Obligations constitutionnelles

Une première version de l'article 110 de l'Acte des Territoires du Nord-Ouest fut adoptée en 1877[67]. Selon celle-ci, toute personne pouvait faire usage de la langue française ou anglaise devant les cours. L'article 110, tel qu'il fut connu par la suite, fut édicté en 1886[68]. Outre le fait qu'il reproduit le libre choix de la langue devant les cours de justice, il permet à l'assemblée territoriale de « réglementer ses délibérations et la manière d'en tenir procès-verbal et de les publier. » 

Législation territoriale

La Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest prévoit, à l'article 19, que chacun a le droit d'employer le français ou l'anglais dans toutes les affaires dont sont saisis les tribunaux établis par la Législature des Territoires et dans les actes de procédure qui en découlent.

Aux termes de l'article 29 de la Loi sur le Nunavut, sont incorporés aux lois du Nunavut, l'article 110 de l'Acte des Territoires du Nord-Ouest (1886) qui prévoit que les langues française et anglaise pourront être utilisées devant les cours de justice ainsi que l'article 43.1 de la Partie II.1 de la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest (1985) qui prévoit que les langues française et anglaise sont des langues officielles. La langue inuktitut est la langue d'usage au Nunavut.

Profil de la communauté francophone[69]

Démographie

La grande majorité de la population du Nunavut n'est ni anglophone, ni francophone. Sur les 25 085 habitants du territoire tel qu'établi depuis avril 1999, 18 055 (72%) parlent une langue autochtone, pour la plupart l'inuktitut. La population de langue maternelle anglaise représente une proportion de 26% et celle de langue maternelle française, 2%. Les francophones sont au nombre de 425 dans ce territoire selon les données du recensement de 1996.

Géographie

Les francophones sont présents dans plusieurs villages du Nunavut. La sous-division de recensement qui correspond à la ville d'Iqaluit en accueille de loin la plus forte concentration; plus de 250 francophones, soit près de 60% des francophones du nouveau territoire, demeurent dans cette région.

La francophonie du Nunavut ne constitue nulle part un pourcentage important de la population : 3% dans la région de Baffin et moins de 1% dans les deux autres régions qui forment le Nunavut. Elle constitue toutefois 6% de la population d'Iqaluit, la capitale du nouveau territoire, et se définit culturellement plus proche du Québec que toute autre localité au nord du 60e parallèle.

Économie

Un bon nombre d'entrepreneurs francophones œuvrent au développement économique du Nunavut, dont l'Odyssée Nunavut (agence touristique de l'AFN), et le Nun@franc communications (entreprise de création et de gestion de sites Internet).

Éducation

L'éducation est la clé de la vitalité de la communauté francophone du Nunavut. En effet, celle-ci peut compter sur des proportions importantes de francophones qui ont une scolarité postsecondaire : 100 d'entre eux ont une scolarité universitaire et quelque 145 francophones du Nunavut ont fait des études collégiales ou autres. Leur contribution au développement de la francophonie territoriale est inestimable.

On retrouve au Nunavut un programme de français langue maternelle (école Nakasuk) qui va de la maternelle jusqu'à la 8e année. Trente-huit enfants y sont inscrits. Notez que la Loi sur l'éducation est actuellement révisée par l'Assemblée législative du Nunavut et cette nouvelle loi accordera la gestion scolaire aux francophones.

Milieu associatif

L'Association des francophones du Nunavut (AFN) créée en 1997 est le principal organisme porte-parole de la communauté francophone du Nunavut.

Au nombre de ses dossiers prioritaires, mentionnons : les services en français au niveau des gouvernements fédéral et territorial, le développement économique, l'éducation en français et la vie culturelle et communautaire. Il n'y a pas d'association de juristes d'expression française au Nunavut.

Profil des répondants

En l'absence d'une association de juristes francophones au Nunavut, des efforts ont été déployés en vue d'identifier des juristes d'expression française ou des juristes disposés à exercer le droit en français. Ces efforts ont permis l'identification de deux ou trois personnes susceptibles de répondre au questionnaire. Toutefois, une seule personne, un avocat anglophone de pratique privée, a accepté de participer au sondage. Par ailleurs, d'autres intervenants du milieu juridique ont été interviewés dans le cadre de l'étude. Nonobstant le nombre très faible de répondants, il est important de considérer les réponses de ces participants. Au total, quatre personnes ont été interviewées dans le cadre de cette étude au sujet des services judiciaires et juridiques en français au Nunavut.

Demande et offre de services en français

Compte tenu du petit nombre de francophones au Nunavut, la demande de services judiciaires et juridiques en français est peu élevée. En se basant sur les réponses de nos divers intervenants, on estime qu'il y a une dizaine de procès (ou auditions) bilingue ou en français par année.

Cette faible demande de services judiciaires et juridiques en français (surtout des procès) est peut-être due à un manque d'information au sujet des droits linguistiques des justiciables. En matière de droit criminel, il ne semble pas exister au Nunavut de politique d'offre active de services dans les deux langues officielles. L'accusé a pleinement le droit de se faire entendre en français, mais il doit en faire la demande.

Selon les intervenants, le fait de procéder en français aurait comme conséquence des coûts additionnels ainsi que des délais dans la prestation de services.

Obstacles à la justice en français

Aperçu global de la satisfaction à l'égard des services judiciaires et juridiques en français

Bien que les lois soient rédigées dans les deux langues officielles du Canada, que la loi prévoit que les justiciables ont accès à la justice dans les deux langues officielles du pays et qu'il y a un palais de justice à Iqaluit, les services judiciaires et juridiques proviennent de l'extérieur du territoire, l'Alberta en l'occurrence.

Comme les services judiciaires et juridiques n'existent pas au Nunavut, les services judiciaires et juridiques en français doivent eux aussi provenir de l'Alberta. Les juges, les procureurs, les avocats de la défense, les greffiers, les traducteurs et les sténographes qui constituent le tribunal siégeant à Iqaluit viennent tous de l'Alberta. Cela entraîne inévitablement des délais et des coûts additionnels. Donc, même si ces services sont disponibles par l'entremise de l'entente avec l'Alberta, on ne peut affirmer que les services judiciaires et juridiques en français sont facilement accessibles.

Les causes ou procès se déroulent normalement avec l'aide de traducteurs travaillant dans l'une ou l'autre des trois langues officielles, soit l'inuktitut, le français ou l'anglais.

Les causes devant être entendues en français sont regroupées et entendues lors d'une session du tribunal qui siège en français environ deux fois par année pour une durée d'une semaine.

Les juges ont accès à une certaine documentation en français à la bibliothèque du palais de justice. Il y a un bon nombre d'agents de la paix francophones. L'aide juridique en français n'est pas offerte.

Les services judiciaires et juridiques en français provenant de l'Alberta apparaissent suffisamment complets pour répondre à la demande. Malgré cela, il paraîtrait que les justiciables francophones sont désavantagés en raison de leur langue. Le fait qu'il faille emprunter les services judiciaires et juridiques francophones de l'Alberta, que des retards supplémentaires soient encourus et que les justiciables francophones doivent dépendre de traducteurs de compétence inégale constitue un désavantage.

Pistes de solutions

Le faible densité de population et le petit nombre de francophones dans le territoire rendent difficiles la recherche de solutions permanentes sur place. Voici, toutefois quelques possibilités.

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