DÉFINITIONS

La rédaction des définitions est l’un des domaines de la légistique où les règles diffèrent le plus entre le français et l’anglais.

Le présent article expose les principes et les règles qui guident la rédaction des définitions dans la version française des textes législatifs fédéraux. Dans la mesure où la comparaison est utile, les différences par rapport aux principes et aux règles de l’anglais seront signalées au passage.

TYPES DE DÉFINITIONS

Gérard CornuNote de bas de page 1 répartit les définitions légales en deux catégories : la définition dite « réelle » et la définition dite « terminologique ».

La définition réelle définit une chose, une entité, une institution qui appartient à la réalité, juridique ou autre, et qui préexiste en quelque sorte à sa dénomination par la loi. Voici deux exemples tirés de la législation canadienne :

Meurtre au premier
degré

(2) Le meurtre au premier degré est le meurtre commis avec préméditation et de propos délibéré.

Eaux intérieures du
Canada

6 Les eaux intérieures du Canada sont les eaux situées en deçà de la ligne de base de la mer territoriale.

Ainsi, la définition « réelle » fait partie de l’ordre juridique, et sa portée déborde souvent le cadre du texte où elle figure. Elle figure normalement dans le dispositif de la loi, et non à l’article définitoire. L’absence des attributs usuels ne doit toutefois pas induire en erreur : il s’agit bien d’une définition. On pourra donc, au besoin, parler des « eaux intérieures du Canada au sens de l’article 6 de la Loi sur les océans ». La rédaction de la définition réelle pose peu de difficulté par comparaison avec celle de la définition appelée « terminologique », celle qui vient à l’esprit lorsqu’on parle de « définition », et qui fait l’objet du présent article.

Comme son nom l’indique, la définition terminologique définit un terme plutôt qu’une notion. Selon la Loi d’interprétation, elle s’applique sauf indication contraire du contexte et sa portée est limitée à l’application du texte où elle se trouve et, le cas échéant, « aux autres textes portant sur un domaine identiqueNote de bas de page 2. » De plus, « les termes de la même famille que le terme défini ont un sens correspondantNote de bas de page 3. » (Caractères gras ajoutés.)

Si la définition terminologique est rare dans la législation française, elle est courante non seulement dans les législations de type anglo-saxon, mais aussi dans celles de pays comme la Suisse et la Belgique, ainsi que des institutions européennes. On pourrait y voir une autre manifestation de l’expansion du style anglo-saxon, mais l’explication la plus probable est ailleurs. Ces pays, tout comme l’Union européenne, ont avec le Canada une caractéristique commune : le pluralisme linguistique. Ce qui donne à penser que la définition est un outil précieux lorsque le texte met en présence deux langues ou plus – quand ce n’est pas plusieurs systèmes juridiques –, où les champs sémantiques des soi-disant équivalents ne coïncident pas forcément et où, comme le souligne Cornu, « la marge du non-défini gagne à être restreinteNote de bas de page 4. »

PRINCIPES

Avant d’aborder la rédaction des définitions terminologiques, il n’est pas inutile de faire un survol des principes qui régissent le recours à la technique de la définition et qui ont une incidence directe sur la rédaction de celle-ci. Bien entendu, aucun de ces principes n’est vraiment absolu, la décision de définir ou non devant être prise à la lumière des circonstances propres à chaque mesure législative.

Le sens courant des mots

La loi étant acte de communication, la langue s’impose au législateur comme à tous les administrés. Il lui incombe par conséquent d’utiliser les mots dans leur sens courant afin d’être compris. Il est d’ailleurs bien établi en jurisprudence que les termes employés dans les textes législatifs doivent être entendus dans le sens que leur donne la langue usuelleNote de bas de page 5. Pourtant, l’ambiguïté et la polysémie sont des phénomènes linguistiques courants dont le droit s’accommode parfois difficilement. Le législateur peut alors vouloir opérer un choix parmi les acceptions possibles d’un même terme ou encore apporter au sens courant une précision – restrictive ou extensive – essentielle à la mécanique du texte. La définition terminologique devient alors règle d’interprétationNote de bas de page 6.

Le rôle des définitions

Dans la législation canadienne fédérale, on reconnaît traditionnellement deux rôles à la définitionNote de bas de page 7 :

Ce second rôle est loin de faire l’unanimité. Au Québec comme en Europe, on recommande d’indiquer tout simplement entre parenthèses, à la première occurrence de l’expression, la forme abrégée utilisée par la suite. Cette démarche n’est pas sans précédent dans les lois fédérales; en voici un exemple :

3 Est constitué un secteur de l’administration publique fédérale, le Service administratif des tribunaux judiciaires (ci-après appelé « Service »), composé de l’administrateur en chef et de ses employés.

La solution plus courante, au fédéral, consiste à insérer à l’article définitoire une définition de « Service » comme celle qui suit et qui ne fait que renvoyer le lecteur à la disposition constitutive :

Service Le Service administratif des tribunaux judiciaires constitué par l’article 3.

Inoffensive en apparence, cette façon de concevoir leur rôle ouvre la voie à la prolifération des définitions, dont la présence se justifie non plus par la nécessité, mais par la simple commodité. La définition qui se résume à un renvoi à l’intérieur du même texte se trouve à faire double emploi avec la table analytique qui, pour peu qu’elle soit bien conçue, devrait permettre au lecteur de retrouver tous les éléments importants du texte. De plus, les outils de recherche informatisés ont enlevé beaucoup d’intérêt à ce type de repère. Mais, chose plus importante encore, lorsqu’elles sont nombreuses, les définitions de ce genre donnent à l’article définitoire l’allure d’un index alphabétique et finissent par masquer celles qui sont vraiment utiles à la compréhension et à l’interprétation du texte. Il en va tout autrement si la disposition citée figure dans un autre texte; voici un exemple tiré de la Loi de 2001 sur l’accise :

Agence L’Agence des douanes et du revenu du Canada, prorogée par le paragraphe 4(1) de la Loi sur l’Agence des douanes et du revenu du Canada.

Si l’on admet qu’une définition puisse servir à éviter la récurrence d’une longue expression, encore faut-il que l’abréviation choisie soit suffisamment concise pour présenter un avantage sur l’expression de départ.

Pour en revenir au rôle premier de la définition terminologique – éviter une ambiguïté –, prudence et modération restent de rigueur. Pour paraphraser le juge PigeonNote de bas de page 8, il ne faut recourir à la définition que lorsque c’est vraiment nécessaire, c’est-à-dire lorsque le dictionnaire ne suffit pas. Le contexte peut aussi, dans bien des cas, éclairer le lecteur quant au sens à donner, par exemple, à un terme polysémique. Ainsi, le terme « répétition » comporte plusieurs acceptions, mais devient parfaitement clair en contexte, selon qu’on parle d’une infraction ou d’une somme d’argent.

Dans la législation fédérale, la définition accomplit à l’occasion une autre fonction : la réforme terminologique. Cette situation, indépendante de l’anglais, se produit surtout dans les cas où le français veut introduire un terme nouveau pour désigner une notion rendue antérieurement ou dans un autre contexte par un anglicisme ou un terme impropre, tout en assurant le raccrochage juridique.

Ex. :

huissier-exécutant Shérif, huissier ou autre personne chargée de l’exécution…

juridiction criminelle Cour de juridiction criminelle au sens de l’article 2 du Code criminel.

exploitation En parlant de ressources fauniques, récolte d’animaux sauvages au sens de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut.

Les risques

Du point de vue de la lisibilité, le législateur, en s’écartant du sens courant des mots, se trouve à « forger un langage codé pour la lecture d’un texteNote de bas de page 9 » et exige du lecteur un effort supplémentaire en le forçant à assimiler, pour comprendre les dispositions normatives, un nombre plus ou moins grand de règles d’interprétation. Et l’importance de cet effort paraît directement proportionnelle à l’écart par rapport au sens courantNote de bas de page 10.

À cet égard, la définition de la nudité – il s’agit en fait d’une définition réelle, suivant la classification du doyen Cornu –, au paragraphe 170(2) du Code criminel, est le cas d’école :

(2) Est nu, pour l’application du présent article, quiconque est vêtu de façon à offenser la décence ou l’ordre public.

Dans une affaire devenue célèbreNote de bas de page 11, on a prétendu que, parce que rien dans la définition n’indiquait que celle-ci n’avait pas pour but d’évacuer le sens usuel du terme, la personne qui ne portait aucun vêtement et qui, de ce fait, n’était pas « vêtue », n’était pas visée par la définition. Absurde? Peut-être. N’empêche qu’il a fallu l’intervention de la Cour suprême du Canada pour mettre fin au débat.

La décision de recourir à une définition peut ainsi être lourde de conséquences et ne doit pas être prise à la légère. Comme on l’a vu, la Loi d’interprétation prévoit que la définition d’un terme s’applique non seulement au texte où elle se trouve, mais aussi « aux autres textes portant sur un domaine identique ». Or, un terme peut être d’utilisation fréquente dans certains contextes : pensons aux termes « déchet », « rejet », etc., dans les différents domaines qui ressortissent à la protection de l’environnement. S’il fallait qu’il soit défini de manière légèrement différente, selon les besoins, dans chaque texte où il figure, on imagine sans peine la difficulté que poserait son utilisation ultérieureNote de bas de page 12. Et si aucune des définitions existantes ne convenait tout à fait au nouveau texte, le rédacteur se trouverait pour ainsi dire forcé d’y aller de sa propre définition, ajoutant lui-même au chaos. C’est ce qui fait dire à un auteurNote de bas de page 13 que « la multiplication des définitions donnant à des termes du langage courant un sens ou une portée qu’ils n’ont pas habituellement engendre plus de confusion que de clarté ».

La définition doit être utile et ne se justifie que dans la mesure où le terme défini fait l’objet d’un emploi suffisant : il ne sert à rien de définir un terme qui ne figure que dans un passage restreint du texte, la première occurrence pouvant, par exemple, être assortie d’une explication entre tirets. C’est le cas du terme « hydrocarbures » dans l’exemple ci-après. Noter la seconde occurrence du terme à l’alinéa b), d’où l’explication a été omise parce qu’implicite.

  (4) Les droits visés au paragraphe (2) sont les suivants :

  • a) s’agissant d’un permis de prospection délivré sous le régime de la Loi fédérale sur les hydrocarbures, le droit exclusif de prospecter les terres visées pour y chercher des hydrocarbures — pétrole ou gaz — et de les aménager en vue de la production de ces substances;
  • b) s’agissant d’une attestation de découverte importante délivrée sous le régime de la même loi, le droit exclusif d’effectuer sur les terres visées des forages ou des essais pour y chercher des hydrocarbures et de les aménager en vue de ces forages ou essais;
  • […]

Il arrive, dans les textes de haute technicité, qu’une définition ait pour seul but – le terme défini n’est utilisé nulle part ailleurs dans le texte  – de simplifier une autre définition, elle-même très complexe. Le procédé est sujet à caution et le rédacteur devrait plutôt songer, par égard pour l’usager, à limiter d’une manière ou d’une autre la portée de la précision, par exemple en l’insérant dans le texte comme il est dit plus haut ou en en faisant un paragraphe distinct :

(2) Pour l’application de la définition de participation au revenu ,le revenu d’une fiducie correspond à son revenu calculé compte non tenu des dispositions de la présente loi.

Le contenu de la définition

Le contenu de la définition devrait être limité à ce qui est nécessaire pour résoudre l’ambiguïté et devrait se rapporter logiquement à la notion en cause. En effet, la définition ne doit en principe contenir aucun élément de fond. On pourrait discourir sur le caractère normatif de la définition. Parce qu’elle influe sur la portée des dispositions où paraît le terme défini, il est difficile de nier les rapports étroits qu’elle entretient avec le contenu normatif du texte. Quoi qu’il en soit, le rédacteur devrait s’abstenir d’insérer, ne serait-ce que pour délimiter la portée du texte, un élément substantiel dans une définition. Comme le lecteur s’attend à trouver dans celle-ci une règle d’interprétation et non une prescription de fond, la délimitation du champ d’application est bien plus à sa place dans une disposition distincte, même si c’est sous le même intertitre (par ex. : « Définitions et champ d’application »). En pratique, il n’est pas toujours facile de départager ce qui peut figurer dans une définition de ce qui devrait plutôt faire l’objet d’une disposition substantielle. En cas de doute, il est recommandé d’opter pour cette dernièreNote de bas de page 14.

L’emploi des termes définis

Dès lors qu’on a décidé de définir un terme, la cohérence s’impose et il est en général malavisé d’employer, dans un même texte, le même terme dans des sens différents. C’est ici qu’entre en jeu le choix du terme à définir. On optera pour celui qui recouvre la notion de la manière la plus précise possible. Ainsi, on évitera de définir – sans, à tout le moins, le qualifier ou le déterminer de quelque façon – le terme qui, à cause de sa banalité ou de sa fréquence dans le discours normal, risque de devoir être utilisé dans plus d’un sens (« personne », « bien », « activité », etc.).

Mais précision n’est pas forcément synonyme de longueur. Bien au contraire, on a tout intérêt à ne définir que le plus petit élément possible, et on ne peut que déplorer la tendance à définir systématiquement des substantifs, quitte à les affubler d’une kyrielle d’épithètes. Plus le terme défini est long et plus il risque d’alourdir le texte, car, en principe, la définition n’admet par la suite aucune abréviation ou distorsion : le terme défini devrait figurer tel quel à chaque occurrence. De plus, la réduction du terme défini à sa plus simple expression offre davantage de souplesse dans la rédaction du dispositif et permet d’éviter les difficultés ultérieures.

Ex. :

canadien S’agissant [En parlant] d’un navire, (qui est) immatriculé en application d’une loi fédérale.

Définir l’adjectif, plutôt que le syntagme « navire canadien », permet d’éviter les formules du genre « navire qui (n’)est (pas) un navire canadien ». Par ailleurs, rien n’empêche ensuite l’application du qualificatif « canadien » à d’autres substantifs.

RÉDACTION DES DÉFINITIONS

1o L’emplacement

La convention veut que les définitions soient regroupées au début du texte ou, le cas échéant, de la subdivision où est limité l’emploi des termes définisNote de bas de page 15. Au Canada, le seul inconvénient de cette convention surgit lorsque les définitions ne s’appliquent qu’à un seul article et figurent au premier paragraphe de celui-ci. Comme la table analytique est générée électroniquement et formée des intertitres et de la note marginale du premier paragraphe de l’article en question, celui-ci figurera dans la table sous la mention « Définitions », et ce, sans égard à sa substance propre. Pour cette raison, on serait sans doute fondé, en pareil cas, à déroger à la règle et à placer les définitions à la fin de l’articleNote de bas de page 16.

Pour ce qui est de l’ordre dans lequel les définitions apparaissent, le Canada – ainsi que les provinces bilingues – fait cavalier seul, parmi les législateurs plurilingues, en préconisant l’ordre alphabétique de chaque langue, sans numérotation. En Europe, par exemple, les définitions sont données dans un ordre dit « logique », l’ordre alphabétique étant jugé inacceptable du fait qu’il varie d’une langue à l’autre et rend impossible la concordance optique des diverses versions linguistiquesNote de bas de page 17.

Le Canada aurait peut-être fait des choix différents s’il avait dû composer avec plus de deux langues officielles, mais dans l’état actuel des choses, les notes marginales bilingues – inexistantes dans les textes européens – paraissent suffire à résoudre les inconvénients que pourrait poser l’assymétrie visuelle des textes législatifs fédéraux. C’est que, au Canada, les définitions sont clairement perçues comme l’accessoire de la version où elles figurent, et de peu d’intérêt pour l’autre. Par ailleurs, l’ordre alphabétique présente, entre autres, l’avantage de la simplicité sur l’ordre dit « logique », qui prête à interprétation et comporte toujours une certaine part d’arbitraire.

2o La formule introductive

C’est, en général, une courte phrase ainsi libellée :

2 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi [au présent règlement] [à la présente partie] [au présent article].

Les définitions suivent, dans l’ordre alphabétique et sans numérotation. L’équivalent anglais figure, en italique et entre parenthèses, après chaque définition.

Dans le cas d’une définition isolée, qu’elle figure au début ou dans le corps du texte, la formule introductive, dont l’avantage essentiel est de rendre indépendant chaque élément de la série définitoire et par là même de donner une grande latitude au rédacteur, perd de son intérêt. L’introduction est alors intégrée à la définition elle-même :

Définition de Ouest canadien

2 Dans la présente loi, Ouest canadien s’entend du Manitoba, de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan et de l’Alberta.

Assimilation

(2) Pour l’application de l’alinéa (1)d), est assimilée au syndic ou au séquestre toute personne qui remplit des fonctions équivalentes aux leurs.

3o Le terme défini

Le terme défini figure en gras italique et commence par la minuscule ou la majuscule qu’il comportera dans le corps du texte.

Ex. :

Cour La Cour fédérale.

Pour ce qui est du nombre, il y a lieu de privilégier le singulier, le pluriel ne se justifiant que dans des circonstances exceptionnelles, comme dans le cas où la forme singulière est inexistante ou inusitée, ou a un sens différent (ex. : « frais », « statuts »), ou lorsque le terme n’est jamais employé au singulier dans le texte (ex. : « eaux intérieures », « états financiers »).

Ex. :

statuts L’ensemble des dispositions portant constitution, modification, fusion, prorogation, réorganisation, dissolution ou reconstitution d’une société.

Lorsqu’on se propose d’utiliser plusieurs mots de la même famille, la tendance est de définir le substantif, le sens donné par la définition s’imposant dès lors aux autres mots de la même famille par application de la Loi d’interprétationNote de bas de page 18. Cela posé, rien n’empêche, comme on l’a vu, de définir un adjectif, un verbe ou un adverbe, lorsque le substantif n’existe pas ou a un sens différent (ex. : « alléguer »/« allégation », « réglementaire »/« réglementation »).

Ex. :

sauvage Se dit de l’espèce qui, selon le cas :

  • a) est indigène du Canada;
  • b) s’est propagée au Canada sans intervention humaine et y est présente depuis au moins cinquante ans.

Bien que le cas soit très rare, il peut arriver que plusieurs termes soient nécessaires pour exprimer une même notion dans ses différentes variantes, ou bien parce qu’il existe plusieurs termes d’usage courant pour la désigner, ou bien parce qu’il paraît nécessaire de faire le lien entre différents domaines d’activité ou entre différentes législations où elle est nommée différemment. On aura alors recours à la définition de termes multiples, chacun des éléments étant en gras italique. Prenons un exemple tiré de l’article 35 de la Loi d’interprétation :

gouverneur, gouverneur du Canada ou gouverneur général Le gouverneur général du Canada ou tout administrateur ou autre fonctionnaire de premier rang chargé du gouvernement du Canada au nom du souverain, quel que soit son titre. (Governor, Governor General or Governor of Canada)

On aura compris que les termes multiples figurant dans cet exemple sont donnés comme des synonymes interchangeables, et que l’un ou l’autre suffit à exprimer la notion, le choix étant dicté par le contexte ou des raisons stylistiques. Cela posé, parce que cette technique fait le plus souvent entorse non seulement au principe de l’ordre alphabétique, mais surtout au principe voulant qu’une même notion soit désignée de la même façon, il y a lieu de n’y recourir qu’en dernier ressort.

4o La définition proprement dite

Dans la version anglaise, chaque définition commence invariablement par le terme défini, qui est le sujet grammatical de la phrase et est suivi de l’un des verbes « means » ou « includes » (ou, le cas échéant, « does not include »). Dans la version française – et c’est là la grande différence – la définition constitue une phrase indépendante du terme défini, même si celui-ci en est parfois le sujet grammatical impliciteNote de bas de page 19. À ce titre, elle commence toujours par la majuscule. Signalons par ailleurs que le découpage vertical est possible et obéit aux règles habituelles (voir l’article « ÉNUMÉRATION VERTICALE »). La majuscule se trouve alors au début du passage introductif ou, à défaut, au début du premier alinéa.

Ex. :

juridiction supérieure Selon le cas :

  • a) la Cour supérieure du Québec;
  • b) la Cour supérieure de l’Ontario;
  • […]

eaux intérieures

  • a) S’agissant du Canada, les eaux intérieures délimitées en conformité avec la Loi sur les océans, y compris leur fond ou leur lit, ainsi que leur sous-sol et l’espace aérien correspondant;
  • b) s’agissant de tout autre État, les eaux situées en deçà de la ligne de base de la mer territoriale de cet État.

La rédaction de la définition varie en fonction de la catégorie grammaticale du terme, mais surtout en fonction de sa nature, c’est-à-dire selon qu’il s’agit d’une définition véritable qui vise à délimiter l’extension du terme de manière exhaustive ou, au contraire, d’une simple précision.

a) Définition « véritable » – et non réelle!

La définition véritable – mais non « réelle » au sens que Cornu donne à ce terme – est celle où le législateur décide d’établir lui-même, pour l’application du texte, les limites de sens du terme en cause. Elle se trouve à écarter en quelque sorte celle qui figure dans les dictionnaires et s’oppose à celle qui ne fait que préciser le sens usuel. De façon générale, la version anglaise utilisera le verbe « means » dans la définition de l’équivalent.

En français, c’est la nature grammaticale du terme – substantif, verbe, adjectif ou adverbe – qui dicte la forme de la définition. Mais dans tous les cas, le rédacteur ne devrait pas hésiter à s’inspirer, pour la formulation, des définitions du dictionnaire.

(i) Substantif

S’agissant d’un substantif – c’est de loin le cas le plus fréquent –,  la définition terminologique véritable consiste de préférence dans une phrase nominale qui se place en apposition par rapport au terme. Cette forme de définition est la plus simple, mais elle exige un parallèle rigoureux entre le terme défini et la définition, et n’admet en principe aucune variation quant à la catégorie grammaticale –  sauf le pronom; ex. : « quiconque » –  ou au nombre. Voici quelques exemples de définitions nominales :

acte de fiducie Acte établi par une société en vue de l’émission de titres de créance et désignant un fiduciaire chargé des intérêts des détenteurs de titres.

analyste Personne désignée à ce titre en vertu de l’article 11.

biens Biens de toute nature, où qu’ils se trouvent.

pêche Action de prendre ou de chercher à prendre des poissons.

On aura remarqué que, dans tous ces exemples, la définition commence par un substantif du même nombre que le terme défini, sans article. Signalons que si le substantif défini peut servir à constituer la définition, à condition d’être qualifié ou déterminé d’une manière ou d’une autre, il ne peut se définir par lui-même, comme dans l’exemple qui suit : bière Bière ou liqueur de malt, au sens de l’article 4 de la Loi sur l’accise. Il ne sert à rien, en effet, de préciser que le mot « bière » désigne la bière. Et il se trouve que l’article 4 de la Loi sur l’accise donne « liqueur de malt » comme synonyme de « bière ». Il aurait suffi, en l’occurrence, de dire que le terme « bière » s’entend au sens de la disposition précitée.

À noter que l’article indéfini, courant en anglais au début de la définition, constitue en français un anglicisme de syntaxe. S’il y a lieu d’insister sur la généralité de la notion et sur le fait qu’elle peut prendre diverses formes qui sont toutes visées, c’est l’adjectif indéfini « tout » qu’il faut employer :

document d’expédition Tout document accompagnant des marchandises dangereuses au cours de leur manutention ou de leur expédition et qui en donne la désignation.

moyen de transport Tout engin utilisé ou utilisable pour le transport des personnes ou des marchandises.

Dans le même sens, en parlant de personnes, le pronom indéfini « quiconque » peut aussi se substituer à « toute personne » :

ancien mandataire Quiconque a été le mandataire du débiteur dans les deux années précédant la date de dépôt d’une requête ou de propositions concordataires.

Lorsqu’il importe, au contraire, de souligner l’unicité de la notion, c’est l’article défini qui s’impose :

administrateur général L’administrateur général des faillites.

ministre Le ministre des Finances.

Ainsi formulée, la définition indique au lecteur qu’il n’y a qu’un seul administrateur général des faillites, un seul ministre des Finances.

(ii) Autres catégories grammaticales

Pour les autres catégories grammaticales, l’apposition est également possible, comme dans l’exemple suivant :

authentique Ni falsifié ni contrefait.

Variante :

authentique S’agissant d’un document, qui n’est ni falsifié ni contrefait.

Lorsque l’apposition n’est pas possible ou souhaitable, le rédacteur aura intérêt à s’inspirer, pour la forme, du dictionnaire. Par exemple, comme on l’a vu plus haut au sujet des espèces sauvages, on trouve souvent, pour un adjectif, la formule « se dit de… ». Cette formule est particulièrement utile lorsqu’on souhaite restreindre la portée de la définition à tel substantif ou à telle catégorie de substantifs :

authentique Se dit de l’acte reçu, conformément aux exigences du droit provincial, par un fonctionnaire public habilité à instrumenter au lieu où l’acte est rédigé.

Même principe pour l’adverbe ou le verbe, ce dernier pouvant se définir par un autre verbe ou par la formule « action de… ».

Ex. :

sciemment En connaissance de cause et de propos délibéré.

pêcher [Action de] Prendre ou tenter de prendre des poissons.

b) Précision terminologique

La précision terminologique vient s’ajouter soit au sens usuel du terme, soit à une « définition véritable », pour en clarifier, en restreindre ou en étendre la portée. Elle prend la forme d’une phrase verbale.

(i) Adjonction au sens usuel

Il s’agit du cas où le législateur s’en remet à la langue courante ou juridique pour ce qui est du contenu principal de la notion, tout en souhaitant y apporter une précision soit pour régler les cas limites ou douteux, soit pour en retrancher un élément qui en ferait autrement partie ou encore y ajouter un élément qui, normalement, en serait exclu.

Lorsque la précision suit immédiatement le terme défini, la phrase définitoire peut avoir celui-ci pour sujet implicite. Mais attention : il importe de garder à l’esprit qu’il s’agit du terme et non de la notion elle-même, et qu’il ne peut être le sujet que d’un verbe convenant à un mot ou à une expression, comme « désigner », « s’entendre », etc.

Ex. :

hydrocarbure Ne vise pas le charbon.

Dans cet exemple, le sujet implicite du verbe « viser » est le terme défini, mais non la chose qu’il sert à désigner.

Précisons que le verbe « signifier », en parlant d’un terme, ne peut introduire qu’un autre terme ou une définition de même catégorie grammaticale, car en aucun cas un terme ne saurait « signifier » un objet ou une personne. Voici deux exemples tirés du Petit Robert :

Le mot anglais tree signifie arbre.
« Que signifie "apprivoiser" […] Ça signifie "créer des liens" »
(Saint-Exupéry).

Noter par ailleurs, dans l’exemple qui suit, l’emploi de l’adverbe « notamment » pour indiquer que la précision n’est pas limitative.

créancier S’entend notamment du détenteur de titres de créance.

Il y a lieu de signaler toutefois que l’adverbe « également » et la locution « en outre » seraient ici incorrects, puisqu’ils supposent tous deux la mention antérieure d’un premier élément auquel ils viennent en ajouter un autre.

La phrase définitoire peut aussi avoir son propre sujet, l’inversion étant alors fréquente, mais non obligatoire :

minéral Sont compris parmi les minéraux l’or, l’argent et tous les autres métaux, précieux ou communs, de même que le charbon, le gaz naturel, le pétrole, le sel, le sable et le gravier.

Canada Le Canada comprend, outre sa masse terrestre, ses eaux intérieures et sa mer territoriale.

On aura remarqué dans ces exemples que le sujet de la phrase n’est plus le terme défini, c’est-à-dire le mot en gras italique , mais bien la notion représentée par lui. Noter par ailleurs, dans le premier exemple, le passage du singulier au pluriel, tout à fait correct pour la même raison.

Employée à la voix négative, cette formulation peut aussi servir à exclure des éléments qui pourraient autrement être visés par le terme défini :

 hydrocarbure Le charbon n’est pas un hydrocarbure.

Lorsqu’il s’agit, au contraire, d’étendre la portée du terme pour viser des éléments qui, normalement, ne le seraient pas, il faut procéder par assimilation. L’assimilation consiste à faire entrer dans une catégorie un élément qui n’en fait pas partie.

Ex. :

vente Est assimilée à la vente l’offre de vente.

agriculteur Sont assimilés à l’agriculteur le propriétaire, l’occupant, le bailleur et le locataire d’une ferme.

L’assimilation doit ainsi être distinguée de ce qui constitue une simple clarification lorsque l’élément peut a priori être considéré comme appartenant à la catégorie en cause. Attention toutefois au piège suivant : aéroport fédéral Y est assimilé l’aérodrome militaire. Cette définition est en effet incorrecte, le pronom « y » ayant pour antécédent le terme défini. La définition se trouve ainsi à assimiler des choses qui ne sont pas sur le même plan : un aérodrome et un terme. Pour retenir la règle, il suffit de se rappeler que le mot « chien » n’a jamais mordu personne!

(ii) Adjonction à une définition

On vise ici le cas où le législateur, après avoir choisi d’écarter le sens usuel d’un terme pour y substituer sa propre définition, souhaite apporter à celle-ci une précision de l’ordre de celles dont il vient d’être question.

Ex. :

conteneur Contenant réutilisable destiné à l’expédition de marchandises. La présente définition exclut les emballages ou conditionnements.

substance à usage contrôlé Substance à base de manganèse mentionnée à l’annexe. Y est assimilée toute autre substance contenant une telle substance.

Noter, dans le second exemple, l’emploi correct du pronom « y », qui a pour antécédent non pas le terme défini, mais le sujet grammatical de la phrase précédente, soit la notion correspondante.

Il y a par ailleurs peu de choses à dire à ce sujet, si ce n’est que le rédacteur doit toujours s’interroger sur l’utilité de la précision. Il ne sert à rien, par exemple, d’énumérer les éléments d’un ensemble dont l’inclusion ne laisse planer aucun doute. Loin d’aider à la compréhension du terme, l’énumération risque d’avoir des effets inattendus par application de la maxime expressio unius est exclusio alterius.

Si tant est qu’elle soit nécessaire, la précision est rédigée comme il est dit plus haut. En fait, elle peut souvent être intégrée à la phrase principale, comme dans les exemples suivants :

créancier privilégié Le détenteur d’une sûreté et, en outre, pour l’application des articles 102 et 123, la personne qui a pris en charge les biens du débiteur ou qui a été nommée à cette fin.

rémunération Salaire, traitement, commission et autres formes de rétribution pour services, y compris les indemnités de vacances, pensions et cotisations d’assurance-maladie et d’assistance sociale auxquelles est tenu l’employeur.

mandataire À l’exclusion des séquestres et des syndics, tout administrateur ou dirigeant de société.

CONCLUSION

À supposer que leur présence soit justifiée, les définitions servent avant tout à l’interprétation de la version où elles se trouvent, et présentent peu d’intérêt pour l’autre version. Ce principe est important : il y a lieu d’encourager la symétrie entre les deux versions des textes législatifs, certes, mais pas au détriment de la logique de chaque langue. Plutôt que de chercher à rédiger une définition parfaitement parallèle à la définition correspondante de l’autre langue, le rédacteur cherchera à obtenir le même résultat sur le plan notionnel, ce qui peut vouloir dire une définition très différente, voire l’absence de définition. Dans ce dernier cas, il importe d’attirer l’attention de l’usager sur l’absence de correspondance. Les exemples qui suivent montrent la mention devant figurer en guise d’équivalent dans la version nantie :

prescribed means prescribed by regulation. (Version anglaise seulement)

mandataire S’entend notamment de l’ayant cause. (French version only)

Voici pour terminer quelques conseils à l’intention du rédacteur :