ANACOLUTHE : INFINITIFS ET PARTICIPES
L'assemblage des propositions subordonnées au mode infinitif ou participe peut souvent donner lieu à une erreur de syntaxe que l'on appelle « anacoluthe ». L'anacoluthe est une rupture de construction imputable au non-respect de l'ordre syntaxique normal. Pour respecter cet ordre, il faut que le sujet implicite du verbe à l'infinitif ou au participe soit le même que celui du verbe de la principale. Des énoncés comme « Rentrée chez elle, son chien était malade » font sourire et l'erreur est facilement décelable. Elle l'est probablement moins dans les phrases ci-après qui comportent pourtant le même défaut.
1) Assemblage fautif d'une subordonnée à l'infinitif
Forme fautiveForme correctea) Pour effectuer le transfèrement de l’accusé en liberté, le juge rend à son égard une ordonnance de détention.
a) En vue du transfèrement de l’accusé en liberté, le juge rend à son égard une ordonnance de détention.
b) La commission peut accorder un délai de grâce au demandeur pour produire les éléments essentiels à l’examen de son dossier.
b) La commission peut accorder un délai de grâce au demandeur [pour lui permettre de produire les] [pour la production des] éléments essentiels à l’examen de son dossier.
Le juge, sujet de la principale dans l'exemple a), n'est pas celui qui effectuera le transfèrement de l'accusé, pas plus que la commission, dans l'exemple b), ne produira les éléments nécessaires à l'examen du dossier du demandeur.
2) Assemblage fautif d'une subordonnée au participe présent
Forme fautiveForme correctec) […] s’il constate que, en permettant un usage contraire aux normes prévues dans le Manuel, le service est perturbé.
c) […] s’il constate que le fait de permettre un usage contraire aux normes prévues dans le Manuel perturbe le service.
d) […] si le juge conclut que, en libérant l’accusé, l’administration de la justice risque d’être déconsidérée.
d) […] si le juge conclut que la libération de l’accusé risque de déconsidérer l’administration de la justice.
e) Espérant vous lire sous peu, veuillez agréer, Madame, mes salutations distinguées.
e) Espérant vous lire sous peu, je vous prie d’agréer, Madame, mes salutations distinguées.
Dans l'exemple c), ce n'est pas le « service », sujet de la principale, qui permettra un usage contraire aux normes, et dans l'exemple d), ce n'est pas l'administration de la justice qui libérera l'accusé. La rupture de construction constatée dans l'exemple e) est fréquente en raison de l'attraction de la formule toute faite « veuillez agréer », qui s'adresse au destinataire, alors que le sujet implicite du verbe au participe placé en tête de phrase est l'expéditeur.
3) Assemblage fautif d'une subordonnée au participe passé
Forme fautiveForme correctef) Une fois produite avec preuve de sa signification, le greffier fixe la date d’audition de la demande.
f) Une fois la demande produite avec preuve de sa signification, le greffier en fixe la date d’audition.
La distorsion, dans cette dernière phrase, provient du fait que le sujet de la principale est « greffier », tandis que le sujet implicite du participe est « demande ».
On constate dans bon nombre de ces exemples que pour rétablir une syntaxe correcte il suffira d'éliminer le participe (ou l'infinitif) ou de le « substantiver » afin de l'intégrer à la proposition à laquelle il se rattache par le sens, soit comme sujet ou élément du groupe sujet de celle-ci (forme correcte des exemples c) et d)), soit comme complément (forme correcte des exemples a) et b)).
(Voir aussi l'article intitulé COORDINATION FAUTIVE : LE PIÈGE DES PRÉPOSITIONS.)
Sources
BUREAU DE LA TRADUCTION. Le Guide du rédacteur, 2e éd., Ottawa, Travaux publics et services gouvernementaux Canada, 1996.
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SECRÉTARIAT D’ÉTAT. Fiches Repères – T/R, Ottawa, Direction de la terminologie et des services linguistiques.
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SECRÉTARIAT D’ÉTAT.Vade-mecum linguistique, Ottawa, Direction générale de la terminologie et des services linguistiques, 1987.
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