PERTINENT
Dans les textes juridiques, l'adjectif pertinent peut avoir un sens spécialisé. En droit de la preuve et en procédure, par exemple, l'usage a consacré des expressions telles que preuve pertinente ou faits pertinents pour parler de ceux que le juge doit admettre et considérer parce qu'ils sont propres à influer sur la décision. Il a alors le sens de « qui se rapporte au fond de la cause ».
Dans la langue courante, l'adjectif pertinent a deux acceptions. Il se dit d'une chose « qui convient exactement à l'objet dont il s'agit ». Il a également le sens de « judicieux »; et, par extension, il signifie « qui dénote du bon sens, de la compétence ». Ainsi parlera‑t‑on d'une démarche, d'une intervention ou d'une étude pertinente. On ne saurait toutefois appliquer l'adjectif « pertinent » à une personne, physique ou morale. Une personne démontre de la pertinence, fait preuve de pertinence, s'exprime avec pertinence, mais elle n'est pas «pertinente». La relevant authority [entity, person]des textes anglais est en fait l'« autorité compétente » ou « responsable » ou, dans d'autres contextes, l'autorité, la personne, l'organisme « intéressé », « concerné ».
C'est le plus souvent dans son sens courant que pertinent figure dans les textes juridiques, oy on a tendance non seulement à le préférer à des adjectifs plus justes, tels « convenable », « adéquat », « adapté », « indiqué », « convaincant », mais encore à l'affubler de compléments, ce qui est contraire au bon usage.
L'adjectif pertinent s'emploie en effet absolument et les tours comme «pertinent à», suivis d'un complément tel que l'enquête, la demande, l'application de la loi, trouvés dans des textes juridiques canadiens, ne sont pas attestés dans les ouvrages de langue. De même, l'expression « période «pertinente pour» le mois donné » définie dans la réglementation fiscale pourrait être remplacée avantageusement par « période de référence » ou « période à considérer ». Si l'on tient à conserver l'adjectif « pertinent », il faut donc s'y prendre autrement pour introduire le complément, au risque d'alourdir la phrase (ou pis encore, de friser le pléonasme avec des tournures du genre «information pertinente relativement à»), alors qu'il existe nombre de solutions correctes et tout aussi concises.
En voici des exemples (dont le matériel de base est tiré de lois fédérales) :
Forme fautive
Renseignements «pertinents à» l'enquête,
l'affaire
Forme correcte
Renseignements se rapportant à,
concernant, utiles à, relatifs à, afférents à, liés à, propres (ou) de nature
à éclairer l'enquête, l'affaire
On peut tirer au moins une conclusion des exemples qui précèdent : employé correctement, cet adjectif se prête à beaucoup moins d'emplois que relevant to, « mis à toutes les sauces », comme le signale Irène de Buisseret dans son ouvrage intitulé Deux langues, six idiomes. Le premier équivalent qui vient à l'esprit, l'adjectif « pertinent », souligne-t-elle, « n'est pas tout à fait le mot qu'il faudrait ». Gardons-nous par ailleurs de céder à la tentation de galvauder ce que Jean-Paul Sartre appelle « la plus française des vertus », la pertinence, en adoptant sans discernement un tic de langage d'un autre idiome.
Sources
De Buisseret, Irène, Deux langues, six idiomes, Carlton-Green Publishing Company Limited, Ottawa, 1975
Meertens, René, Guide anglais-français de la traduction, TOP éditions, Paris, 1999
- Date de modification :