Les tribunaux de traitement de la toxicomanie : méta-analyse. Ont-ils un effet positif sur les taux de récidive ?
1. Introduction
Les tribunaux de traitement de la toxicomanie (TTT) visent à réduire la criminalité qui résulte de la dépendance aux drogues illicites en offrant aux délinquants qui ont des problèmes de toxicomanie des traitements sous la surveillance des tribunaux et le soutien de services communautaires. Les participants sont généralement dirigés au programme par divers intervenants tels que les tribunaux ou les procureurs de la Couronne, et ils doivent satisfaire certains critères d'admissibilité (p. ex. consommation importante, infractions non violentes). Le programme de traitement consiste notamment à participer à des séances de counselling offertes dans un cadre structuré pour participants externes (quoique certains puissent participer en tant que patients hospitalisés) et, au cours du programme, les participants doivent se soumettre à des tests aléatoires de dépistage de drogues. Les participants sont également tenus de comparaître régulièrement devant le tribunal, où un juge examine leur progrès et peut, soit infliger des sanctions (allant de réprimandes verbales à l'expulsion du programme), soit les accorder des récompenses (allant de félicitations verbales à une réduction du nombre de comparutions devant le tribunal). Le personnel des tribunaux de traitement de la toxicomanie collabore avec les partenaires communautaires en vue de répondre aux autres besoins des participants, tels un logement sûr, un emploi stable et une formation professionnelle. Une fois qu'un participant jouit d'une stabilité sociale et peut prouver qu'il contrôle son accoutumance, les accusations criminelles sont suspendues ou le délinquant reçoit une peine en milieu ouvert. En cas d'échec, le délinquant se verra infliger une peine dans le cadre du processus judiciaire habituel.
Le premier tribunal de traitement de la toxicomanie du Canada a été établi à Toronto en décembre 1998. Un autre tribunal a été établi à Vancouver en décembre 2001. Dans le cadre de la Stratégie canadienne antidrogue, le gouvernement fédéral a annoncé en 2005 qu'il contribuerait financièrement à la mise sur pied de quatre nouveaux tribunaux à Edmonton, Regina, Winnipeg et Ottawa. Il existe de nombreux tribunaux de traitement de la toxicomanie dans plusieurs États américains.
Malgré la popularité et l'attrait à priori des TTT, il est absolument nécessaire de s'assurer de leur efficacité, tout particulièrement en raison du fait que les coûts de l'utilisation des tribunaux comme instrument de contrôle social sont assez élevés.
Le principal objectif des TTT est de réduire la consommation de drogue et les comportements criminels qui en résultent. Plusieurs évaluations de leur efficacité ont été effectuées dont les résultats variaient considérablement. En 2002, Fielding, Tye, Ogawa, Imam et Long rapportaient par exemple que la participation au programme des TTT se traduisait à une importante diminution du taux de récidive par rapport au système judiciaire traditionnel. Pour leur part, Meither, Lu and Reese avaient rapporté exactement le contraire en 2000.
Étant donné qu'un nombre relativement important d'évaluations a été produit et que les résultats sont difficiles à interpréter sur une base individuelle, il est nécessaire de résumer ce corpus de connaissances empiriques. Le résumé de ces recherches effectué au moyen de techniques narratives habituelles (ex : recension de la documentation, bibliographie annotée) ne permet pas de procéder à une analyse objective des données et peut mener à de mauvaises conclusions. Pour résumer ce corpus de recherche d'une manière objective, la méta-analyse est apparue comme la meilleure méthode.
Une méta-analyse peut être considérée comme une analyse statistique d'une série d'études qui portent sur l'ampleur d'un rapport entre deux ou plusieurs variables (Glass, McGaw et Smith, 1981). Les statistiques de la méta-analyse peuvent décrire la force type de l'effet à l'étude (ex : toute modification dans le taux de récidive du fait de la participation au programme des TTT), le degré de signification statistique ainsi que la variabilité et peuvent permettre aux chercheurs d'explorer et de définir des variables potentiellement modératrices. Le résultat d'une méta-analyse est une valeur estimative de l'effet, qui peut être interprétée comme l'effet estimatif de la variable indépendante sur la variable dépendante. Par exemple, si l'estimation moyenne de la valeur de l'effet est de +0,10, la variable indépendante représente une variation de 10 % de la variable dépendante (Rosenthal, 1991).
Les examens fondés sur la méta-analyse sont généralement considérés comme une méthode supérieure de synthèse des recherches par rapport aux examens narratifs classiques, car « plus explicites, plus exhaustifs et plus quantitatifs » (Rosenthal, 1991, p. 17). Les critiques soutiennent que l'une des principales limites des techniques de méta-analyse est que les procédés d'échantillonnage sont biaisés en faveur de l'inclusion d'études dont la plus grande partie sont publiées.
On soupçonne que comme la probabilité de publier une étude est accrue par la signification statistique des résultats, les études publiées ne sont pas réellement représentatives de l'ensemble des travaux de recherche effectués dans ce domaine. Par conséquent, une valeur de l'effet, fondée exclusivement sur les études publiées, peut surestimer le rapport. Ce phénomène appelé « problème du tiroir classeur »
(Rosenthal, 1991, p. 103) donne à penser que si les études non publiées étaient incluses dans la méta-analyse, l'estimation de la valeur de l'effet serait plus faible. Pour éviter ce problème, les auteurs de la présente méta-analyse ont inclus dans leur documentation des articles non publiés, des rapports gouvernementaux et autres, de même que des travaux d'étudiants.
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