Les problèmes juridiques de la vie quotidienne
La nature, l'étendue et les conséquences des problèmes justiciables vécus par les Canadiens

Chapitre VI : L'action et l'inaction - Les réponses aux problèmes justiciables (suite)

Réponses aux problèmes et gravité des problèmes justiciables

On ne devrait pas s'étonner de constater que, plus les problèmes semblent graves aux yeux des répondants, plus ces derniers sont nombreux à demander de l'aide, en particulier des conseils juridiques. Selon 13,5 % des répondants n'ayant pris aucune mesure pour régler leur problème parce qu'ils estimaient que celui-ci n'était pas assez grave, ce problème avait énormément ou beaucoup perturbé leur vie. Ce pourcentage atteint 21,9 % dans le cas des répondants qui n'ont pris aucune mesure pour une raison quelconque, notamment l'accès limité à de l'aide; par ailleurs, 18,6 % des répondants ayant réglé le problème par eux-mêmes, 35,3 % des répondants qui ont demandé de l'aide non juridique et 41,8 % des répondants ayant obtenu des services juridiques ont dit que le problème avait énormément ou beaucoup perturbé leur vie[210].

Figure 10 : Pourcentage de répondants dont la vie quotidienne a été perturbée, par réponse aux problèmes justiciables

Figure 10 : Pourcentage de répondants dont la vie quotidienne a été perturbée, par réponse aux problèmes justiciables

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La tendance est plus cohérente lorsqu'on utilise le désir de voir le problème être réglé comme indicateur de la gravité. Bien qu'il s'agisse plus probablement d'un deuxième jugement, quoique différent, au sujet de l'importance du problème mentionné en premier lieu plutôt que d'un jugement sur le degré de gravité du problème, 29,3 % des répondants qui n'ont rien fait parce que le problème n'était pas assez important ont dit qu'il était extrêmement ou très important de le régler. Parmi les répondants qui ont mentionné une raison pour expliquer pourquoi ils n'avaient rien fait, 48,2 % pensaient qu'il était extrêmement ou très important de régler le problème. Ce pourcentage atteint 59,6 % dans le cas des personnes ayant réglé le problème par elles-mêmes, 78,8 % dans le cas des répondants ayant demandé une aide non juridique et 83,1 % dans le cas des personnes ayant reçu des services juridiques[211].

Figure 11 : Pourcentage de répondants désirant fortement régler le problème, par réponse aux problèmes justiciables

Figure 11 : Pourcentage de répondants désirant fortement régler le problème, par réponse aux problèmes justiciables

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Même s'il est logique d'adopter une conception plus large de l'accès à la justice, supposant que des problèmes qui n'ont pas été soumis au système de justice officiel sont tout de même importants, il ne fait aucun doute que plus une personne considère qu'un problème est grave, plus elle est susceptible d'avoir recours à des services juridiques.

Réponses aux problèmes et types de problèmes

Comme on pourrait s'y attendre, les répondants ont tendance à réagir différemment aux divers types de problèmes. C'est le plus souvent à l'égard de problèmes concernant l'intervention policière et, fait intéressant, l'aide sociale que les répondants n'ont pris aucune mesure pour régler leur problème parce qu'ils estimaient que celui-ci n'était pas assez important. Ainsi, les répondants n'ont rien fait pour régler leur problème parce qu'ils estimaient que celui-ci n'était pas assez important dans 11,7 % des cas concernant l'intervention de la police et dans 10 % des cas concernant l'aide sociale. Les proportions étaient plus près de la moyenne générale de 5,7 % dans les autres cas : blessures corporelles (1,9 %), logement (3,2 %), menace de poursuites judiciaires (3,9 %), aide sociale (4 %), éclatement de la famille (4,1 %), endettement (4,3 %), hospitalisation et congé (5,8 %), immigration (5,7 %), consommation (6,2 %) et emploi (6,8 %).

Les répondants étaient les plus nombreux à n'avoir rien fait pour l'une des raisons mentionnées précédemment dans 39,6 % de tous les cas de discrimination, dans 39,6 % des cas d'intervention policière, dans 19,6 % des cas concernant l'emploi, dans 18,6 % des cas relatifs à l'hospitalisation et au congé de l'hôpital, dans 17,7 % des cas de consommation, dans 17,1 % des cas d'immigration et dans 16,7 % des cas de problèmes en matière de pensions d'invalidité, ce qui représente une moyenne de 16,6 % des répondants qui n'ont rien fait pour une raison quelconque dans l'ensemble. Les personnes sondées ont répondu qu'elles n'avaient rien fait pour une raison quelconque dans 15,5 % des cas concernant les testaments et mandats, 13,7 % des cas concernant la menace de poursuites judiciaires et les blessures corporelles, 12,3 % des cas d'endettement, 9,3 % des cas concernant l'éclatement de la famille, 8,8 % des autres cas relevant du droit de la famille et, finalement, 8,2 % des cas relatifs à l'aide sociale.

La majorité des répondants ont tenté de régler le problème par eux-mêmes, surtout les répondants qui étaient aux prises avec des problèmes d'endettement - 59,4 % de tous les cas - ou des problèmes de consommation - 58,7 %. Les répondants ont essayé de régler le problème sans aucune aide extérieure dans 48,8 % des problèmes d'hospitalisation et de congé et dans 55,1 % des problèmes liés à l'aide sociale. Les autres types de problèmes à l'égard desquels la proportion de répondants ayant décidé de les régler par eux-mêmes était inférieure à la moyenne de 44,3 % sont les suivants : immigration (34,3 %), prestations d'invalidité (3,3 %), logement (30,5 %), emploi (30,1 %), blessures corporelles (26,7 %), discrimination (25,3 %) et testaments et mandats (24,7 %). Les deux types de problèmes que les répondants ont été le moins nombreux à choisir de régler par eux-mêmes étaient les autres problèmes relevant du droit de la famille (20,6 %) et l'éclatement de la famille (20,1 %). Il est étonnant que les répondants aient indiqué qu'ils avaient essayé de régler par eux-mêmes le problème dans 37,3 % des cas concernant la menace de poursuites judiciaires. Ces répondants ont certainement essayé de parler à l'autre partie, comme dans le cas de nombreux autres problèmes. Cette réponse peut indiquer que les répondants s'attendaient à ce qu'il leur en coûte cher de retenir les services d'un avocat.

Les répondants ont eu recours à de l'aide non juridique le plus fréquemment lorsqu'ils étaient aux prises avec des problèmes liés à des blessures corporelles - 42,2 %. Dans l'ensemble, les répondants ont eu recours à de l'aide non juridique dans 22,3 % de tous les problèmes. Ils ont tenté d'obtenir l'aide de sources non juridiques plus souvent que la moyenne dans 35,8 % des cas de problèmes en matière d'emploi ou de problèmes concernant les testaments et mandats, dans 33,6 % des cas de problèmes de logement, dans 33,3 % des cas de problèmes concernant des pensions d'invalidité, dans 28,6 % des problèmes d'immigration, dans 24,5 % des problèmes concernant l'aide sociale, dans 23,3 % des problèmes d'hospitalisation et de congé et dans 23,5 % des autres problèmes relevant du droit de la famille. Par contre, ils ont eu recours à de l'aide non juridique moins souvent que la moyenne dans les cas suivants : problèmes de discrimination (22 %), problèmes liés à l'éclatement de la famille (17,6 %), problèmes d'endettement (15,7 %) et problèmes découlant de l'intervention de la police (9,7 %).

En moyenne, les répondants ont demandé de l'assistance juridique pour 11,1 % de tous les types de problèmes. Les répondants étaient le plus nombreux à avoir fait appel à des services juridiques lorsqu'ils étaient aux prises avec des problèmes relevant du droit de la famille. Ainsi, ils ont demandé de l'assistance juridique pour un peu moins que la moitié - 48,8 % - de tous les problèmes liés à l'éclatement de la famille et pour 47,1 % des autres types de problèmes relevant du droit de la famille. La proportion de personnes ayant demandé de l'assistance juridique est également supérieure à la moyenne dans les cas suivants : menace de poursuites judiciaires (35,3 %), testaments et mandats (21,2 %), intervention policière (20,4 %), logement (16,8 %), prestations d'invalidité (16,7 %), blessures corporelles (15,3 %) et immigration (14,2 %), alors qu'elle est inférieure à la moyenne dans les cas suivants : endettement (8,5 %), aide sociale (8,2 %), emploi (7,5 %), consommation (5,3 %), hospitalisation et congé (3,5 %) et, finalement, discrimination (3,3 %).

Degré de satisfaction à l'égard de l'aide reçue

Dans l'ensemble, les répondants semblent considérer que l'aide qu'ils ont reçue pour régler un problème de justice civile a été utile. Des 645 répondants ayant répondu à la question, un peu plus de 75 % ont indiqué que l'aide reçue avait été utile : 44,9 % ont dit que l'aide avait été très utile et 31 %, qu'elle avait été un peu utile. Au total, 20,8 % des répondants ont dit que l'aide n'avait pas été très utile ou n'avait pas été du tout utile - 10,9 % dans chaque cas. Un pour cent seulement des répondants ont dit qu'il était trop tôt pour le dire et 1,5 %, qu'ils ne le savaient pas.

De toute évidence, l'aide ou les conseils d'amis sont généralement considérés comme utiles. Lorsqu'on combine tous les problèmes, 88,2 % des répondants ont indiqué que les conseils qu'ils avaient reçus d'amis ou de membres de leur famille avaient été très ou un peu utiles (n = 51). Soixante-quinze pour cent des répondants qui ont consulté un avocat d'un cabinet privé ont dit que l'aide qu'ils avaient reçue avait été très ou un peu utile (n = 184). Cette proportion se compare à celle des répondants qui ont reçu des conseils ou l'aide d'avocats de l'Aide juridique : 66,6 % d'entre eux ont indiqué que l'aide leur avait été très ou un peu utile, alors que 22,2 % ont dit qu'elle n'avait pas été très utile ou n'avait pas été du tout utile (n = 27). Les personnes qui ont obtenu des conseils d'organisations autres que les bureaux du gouvernement (à l'exception des syndicats) ont mentionné dans 78,8 % des cas que l'aide avait été très ou un peu utile, alors que 56,2 % des répondants ayant reçu de l'aide de bureaux du gouvernement ont dit qu'ils avaient été très ou un peu satisfaits de cette aide et 43,9 % (n = 57), que les conseils avaient été un peu utiles ou pas du tout utiles. Les répondants s'étant tournés vers les syndicats pour obtenir de l'aide ont signalé qu'ils étaient très ou un peu satisfaits dans 65,6 % de tous les cas et qu'ils n'étaient pas satisfaits dans 18,3 % des cas (n = 71).

Comparution devant le tribunal

Dans l'ensemble, les répondants ont dû comparaître devant un tribunal judiciaire ou administratif relativement à 14,9 % de tous les problèmes (n = 637), principalement pour les problèmes relevant du droit de la famille : 39,5 % (n = 64) pour les problèmes liés à l'éclatement de la famille et 45,8 % (n = 48) pour les autres problèmes relevant du droit de la famille. Ces pourcentages ne sont pas particulièrement élevés. Il est possible qu'un pourcentage plus élevé de répondants doivent se présenter devant le tribunal avant que le problème relevant du droit de la famille ne soit définitivement réglé. Il semble cependant possible qu'un grand nombre de personnes n'obtiennent pas d'aide en temps voulu.

Le tableau 41 montre dans quelles proportions les répondants ont dû comparaître devant le tribunal pour chacun des types de problèmes.

Tableau 41 : Fréquence de comparution devant le tribunal pour chaque type de problèmes
Type de problèmes Nombre Pourcentage
Autres problèmes relevant du droit de la famille 48 45,8 %
Éclatement de la famille 62 39,5 %
Menace de poursuites judiciaires 23 39,1 %
Intervention policière 31 38,7 %
Logement 48 31,3 %
Pensions d'invalidité 24 29,2 %
Aide sociale 16 18,8 %
Blessures corporelles 93 14 %
Immigration 15 13,3 %
Endettement 348 12,1 %
Discrimination 25 12 %
Emploi 616 9,2 %
Hospitalisation et congé 23 8,7 %
Consommation 248 7,6 %
Testaments et mandats 188 3,7 %

c2 = 218,9, p = 0,0001, phi = 0,34

C'est pour les problèmes en matière de testaments et de mandats que les répondants ont le moins souvent comparu devant le tribunal : une proportion de 3,7 % des répondants aux prises avec ce genre de problème ont comparu devant le tribunal. Les répondants ayant es problèmes en matière de consommation ne se sont pas non plus souvent présentés devant le tribunal.

La plupart des répondants qui ont comparu devant un tribunal judiciaire ou administratif étaient représentés par un avocat. Dans l'ensemble, les répondants étaient représentés au regard de 72,5 % des problèmes (n = 291) et non représentés au regard de 27,5 % de tous les problèmes. Le répondant était représenté par un avocat dans 58,1 % de tous les cas, par un non-avocat dans 10,7 % de tous les cas et par un ami ou un membre de sa famille dans 3,1 % de tous les cas.

C'est dans les affaires relevant du droit de la famille que les répondants ont été le plus souvent représentés. Ainsi, les répondants aux prises avec des problèmes liés à l'éclatement de la famille ont été représentés dans 79,7 % de tous les cas et non représentés dans 20,1 % de tous les cas qui ont été soumis au tribunal (n = 162). Dans presque tous les cas - 75,6 % -, les répondants étaient représentés par un avocat et, dans 3,1 % des cas, par un ami ou un membre de la famille. Les répondants ont été représentés relativement à 81,9 % des autres problèmes relevant du droit de la famille et non représentés dans 10,2 % de ces cas. Tous les répondants représentés l'ont été par un avocat (n = 48). C'est dans le cas de l'intervention policière que la représentation était la moins fréquente : les répondants ont été représentés dans 33,3 % de tous les cas dans lesquels ils ont dû comparaître devant le tribunal (judiciaire ou administratif) et, à l'inverse, ils n'ont pas été représentés dans 67,7 % de tous les cas de ce genre (n = 31). Le tableau 42 montre dans quelles proportions les répondants ont été représentés pour chaque problème.

Tableau 42 : Représentation devant un tribunal judiciaire ou administratif
Type de problèmes Représenté Non représenté (N)
Total Avocat Mandataire Total Avocat
Hospitalisation et congé 100 % 50 % 50 % 100 % 50 %
Discrimination 100 % 85,7 % 14,3 % 100 % 85,7 %
Pensions d'invalidité 100 % 85,7 % 14,3 % 100 % 85,7 %
Menace de poursuites judiciaires 89,9 % 66,7 % 22,2 % 89,9 % 66,7 %
Testaments et mandats 85,7 % 57,1 % 28,6 % 85,7 % 57,1 %
Blessures corporelles 84,6 % 61,5 % 23,1 % 84,6 % 61,5 %
Autres problèmes relevant du droit de la famille 81,9 % 81,9 % 0 % 81,9 % 81,9 %
Éclatement de la famille 79,7 % 75,6 % 0 % 79,7 % 75,6 %
Endettement 69,1 % 47,6 % 16,7 % 69,1 % 47,6 %
Aide sociale 66,6 % 33,3 % 33,3 % 66,6 % 33,3 %
Emploi 59,6 % 35,1 % 15,7 % 59,6 % 35,1 %
Logement 53,3 % 33,3 % 20 % 53,3 % 33,3 %
Immigration 50 % 50 % 0 % 50 % 50 %
Consommation 47,4 % 47,4 %
Intervention policière 33,3 % 33,3 % 0 % 33,3 % 33,3 %

c2 = 87,9, p = 0,004, phi = 0,56