1. Discours d’ouverture
Discours d’ouverture de l’honorable Arif Virani, Ministre de la Justice et procureur général du Canada pour le Budget supplémentaire des dépenses (C) 2023-2024
Comité permanent de la justice et des droits de la personne
Ottawa (Ontario)
21 mars 2024
L’allocution prononcé fait foi
Madame la Présidente, Membres du Comité,
Je vous remercie de m’avoir invitée à vous rejoindre aujourd’hui. J’aimerais commencer par reconnaître que nous nous réunissons sur le territoire traditionnel non cédé de la Nation algonquine Anishinaabe.
Comme vous l’avez surement vu, il y a quelques semaines, j’ai présenté le projet de loi C-63, la Loi sur les préjudices en ligne.
Je veux à la fois expliquer l’importance vitale de la Loi sur les préjudices en ligne et dissiper les malentendus sur ce que cette loi fait et ne fait pas.
Le principe de cette législation est simple : nous nous attendons tous à être en sécurité chez nous, dans nos quartiers et dans nos communautés. Nous devrions pouvoir nous attendre au même type de sécurité dans nos communautés en ligne.
Nous devons nous attaquer aux préjudices en ligne qui nous menacent, et menacent en particulier nos enfants, chaque jour.
Permettez-moi de commencer en parlant de nos enfants.
À l’heure actuelle, il n’existe aucune norme de sécurité obligatoire pour les plateformes en ligne que nos enfants utilisent tous les jours. En revanche, le Lego de mon sous-sol est soumis à des normes de sécurité et à des tests rigoureux avant que mes enfants ne mettent la main dessus.
Je sais que, de nos jours, mes enfants passent beaucoup plus de temps en ligne qu’à jouer avec des Lego. Les médias sociaux sont partout. Ils apportent des dangers incontrôlés et un contenu horrible. Cela me terrifie. Nous devons rendre l’Internet sûr pour nos jeunes.
En tant que parent, l’une des premières choses que nous enseignons à nos enfants est de comment traverser la rue. Nous leur disons d’attendre le feu vert et de regarder des deux côtés. Nous faisons confiance à nos enfants, mais nous avons aussi confiance dans le respect du code de la route par les conducteurs. Nous espérons que les voitures s’arrêteront à un feu rouge. La sécurité dépend de ce réseau de confiance.
C’est ce qui nous manque désespérément dans le monde numérique. La loi sur les préjudices en ligne établit des « règles de conduite » pour les plateformes, afin que nous puissions apprendre à nos enfants à être en sécurité en ligne en sachant que les plateformes font également leur part.
Maintenant, parlons des crimes haineux.
Le nombre total de crimes haineux signalés à la police au Canada a atteint son niveau le plus élevé jamais enregistré, presque doublant le taux enregistré en 2019.
La police à travers le pays qualifie l’augmentation de « stupéfiante ». Le chef de la police de Toronto, Myron Demkiw, a déclaré cette semaine que les appels pour crimes haineux dans sa ville avaient augmenté de 93 % depuis octobre dernier. Les communautés et les forces de l’ordre ont demandé aux gouvernements d’agir.
Nous le sommes.
Le projet de loi C-63 crée un nouveau projet de loi distinct sur les crimes haineux afin de veiller à ce que les crimes haineux fassent l’objet de poursuites et d’identification appropriés. Dans notre système juridique actuel, la motivation haineuse d’un crime n’est considérée qu’après coup, à l’étape de la détermination de la peine. Cela ne fait pas partie de l’infraction elle-même.
Le seuil de la haine criminelle est élevé. Les commentaires qui offensent, humilient, insultent ou dédaignent sont ce que nous appelons « horribles mais légaux ».
La définition de la haine que nous intégrons dans le Code criminel vient tout droit de la Cour suprême du Canada. Nous ne l’avons pas inventé nous-mêmes.
Il a été décevant, mais pas surprenant, de voir les affirmations extrêmement inexactes faites par certains commentateurs sur la façon dont la détermination de la peine pour cette nouvelle disposition sur les crimes haineux fonctionnerait.
J’ai entendu certains dire qu’en vertu de cette disposition, une personne qui commet une infraction à la Loi sur les parcs nationaux serait maintenant passible d’une peine d’emprisonnement à perpétuité.
Ce n’est tout simplement pas vrai.
Au Canada, les juges imposent des peines en fonction des fourchettes de peines établies par des décisions judiciaires antérieures. Les juges sont tenus par la loi d’imposer des peines proportionnées à l’infraction commise. En d’autres termes, la peine doit toujours être à la hauteur du crime. Si les juges imposent une peine qui est « inappropriée », nous avons des cours d’appel qui peuvent l’annuler.
Ok, vous vous demandez peut-être, alors pourquoi ne pas le préciser? Pourquoi imposer une peine maximale d’emprisonnement à perpétuité? Laissez-moi expliquer. Tout d’abord, il est important de se rappeler qu’une peine maximale n’est pas une peine moyenne. C’est le plafond absolu. Deuxièmement, la nouvelle infraction de crime haineux vise toute infraction existante – si elle était motivée par la haine.
Cela peut aller d’un vol motivé par la haine jusqu’à un meurtre motivé par la haine. La fourchette des peines a été conçue de manière à refléter les options existantes en matière de détermination de la peine pour toutes ces infractions sous-jacentes – des infractions les plus mineures aux infractions les plus graves qui peuvent entraîner des peines d’emprisonnement à perpétuité.
Cela ne signifie pas que les infractions mineures recevront soudainement des peines extrêmement sévères. Cela violerait tous les principes juridiques que les juges qui prononcent les peines sont tenus de suivre. Un meurtre motivé par la haine entraînera une peine d’emprisonnement à perpétuité. Une infraction mineure ne l’entrainera certainement pas.
Une autre critique que j’ai entendu est que ce projet de loi pourrait étouffer la liberté d’expression. Ce n’est tout simplement pas vrai. Au contraire, ce projet de loi renforce la liberté d’expression.
Il y a des gens au Canada qui ne peuvent pas s’exprimer parce qu’ils craignent légitimement pour leur sécurité. Quand ils prennent la parole, ils sont maltraités et font l’objet de menaces réellement méprisables, d’intimidation et de harcèlement.
Ce projet de loi protège les enfants et donne à chacun les outils dont ils ont besoin pour se protéger en ligne. Nous ne tolérons pas les discours de haine sur la place publique. Nous ne devons pas non plus tolérer les discours de haine en ligne.
Nous avons vu les conséquences de la haine en ligne non contrôlée et de l’exploitation sexuelle juvénile. Demandez aux familles des six personnes tuées à la mosquée de Québec par quelqu’un qui a été radicalisé en ligne.
Demandez au jeune garçon devenu orphelin à la suite de l’horrible attaque contre la famille Afzaal à London, en Ontario. Demandez aux parents des jeunes qui se sont enlevé la vie après avoir été victimes de sextorsion par des prédateurs en ligne.
Enfin, permettez-moi de remettre les pendules à l’heure en ce qui concerne la disposition relative à l’engagement de ne pas troubler l’ordre public. L’engagement de ne pas troubler l’ordre public n’est pas la détention à domicile. L’engagement de ne pas troubler l’ordre public n’est pas une punition. Les engagements de ne pas ne pas troubler l’ordre public sont des outils bien établis utilisés pour imposer des conditions personnalisées à une personne lorsqu’il existe des preuves crédibles qu’elle peut blesser quelqu’un en commettant un crime motivé par la haine. L’engagement de ne pas troubler l’ordre public proposé fonctionnerait de façon très semblable aux engagements de ne pas troubler l’ordre public existants.
À titre d’exemple, si quelqu’un publie en ligne son intention de dégrader ou d’attaquer une synagogue pour intimider la communauté, les membres de la synagogue pourraient transmettre cette information à la police et au tribunal, et demander l’imposition d’un engagement de ne pas troubler l’ordre public après avoir obtenu le consentement du procureur général de la province.
Des décennies de jurisprudence nous enseignent que les conditions doivent être raisonnables et liées à la menace spécifique. Ainsi, ici, les conditions imposées à la personne pourraient inclure le fait de rester à 100 pieds de la synagogue pendant 12 mois. Si la personne ne respecte pas cette simple condition, elle pourrait être arrêtée. S’ils respectent leurs conditions, ils n’en subiront aucune conséquence.
Je vous pose la question suivante : pourquoi les membres de cette synagogue, lorsqu’ils font face à une menace crédible d’être la cible d’un crime motivé par la haine, devraient-ils attendre d’être attaqués ou d’avoir une croix gammée taguée sur la porte d’entrée avant que nous les aidions? Si nous pouvons empêcher certaines attaques de se produire, n’est-ce pas tellement mieux? Les engagements de ne pas troubler l’ordre public ne sont pas parfaits, mais nous croyons qu’ils peuvent être un outil précieux pour assurer la sécurité des gens. Face à l’augmentation des crimes haineux, notre gouvernement croit qu’il serait irresponsable de ne rien faire dans un cas comme celui-ci.
Comme toujours, je suis ouvert aux suggestions de bonne foi pour améliorer cette législation. Mon objectif est de faire les choses correctement. J’ai hâte de débattre de la Loi sur les préjudices en ligne à la Chambre des communes et de suivre le processus du comité lorsqu’il atteindra cette étape. Je suis convaincu que nous avons tous le même objectif ici : nous devons créer un monde en ligne sûr, en particulier pour les membres les plus vulnérables de notre société – nos enfants.
Merci pour votre temps. Je me ferai maintenant un plaisir de répondre à vos questions.
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