Document d’information pour l’ancien projet de loi C-46, Loi modifiant le Code criminel (infractions relatives aux moyens de transport) et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois, tel que promulgué

Partie 2 – Partie VIII.1 du Code criminel

Les changements ci-après sont entrés en vigueur le 18 décembre 2018. Le régime relatif aux moyens de transport, prévu au Code criminel, a été remplacé par les dispositions figurant dans la partie 2 de la Loi. Cette section du document d’information explique les changements qui constituent maintenant la partie VIII.1 du Code criminel.

1. Préambule et principes

Le préambule expose neuf considérations qui justifient les réformes :

Le préambule fait partie du texte et en constitue l’exposé des motifs, mais il ne fait pas partie du Code criminel codifiéNote de bas de page 22.

Les principes sont énoncés à l’article 320.12 (Reconnaissance et déclaration). Ce sont des déclarations qui font partie du Code criminel et qui servent d’outil d’interprétation des réformes.

L’un des principes clés énoncés est que la conduite d’un moyen de transport est un privilège. Bien que toute personne qui respecte les normes provinciales relatives à l’âge, à l’état de santé et à la connaissance des règles de la route et qui réussit son examen de conduite ait le droit d’obtenir un permis de conduire, le privilège de la conduite est assujetti au respect par le conducteur des lois provinciales sur la circulation routière de même que des lois fédérales et provinciales relatives à la consommation d’alcool et de drogue et à la sobriété.

Ce principe particulier reflète l’une des recommandations contenues dans le rapport de 2009 du Comité permanent de la Justice et des droits de la personne, intitulé : « Mettre un frein à l’alcool au volant : une approche en commun », dans lequel le Comité affirmait ce qui suit : « Le Parlement peut fournir aux tribunaux des principes d’application des dispositions du Code criminel sur la conduite avec capacités affaiblies. Un tel énoncé de principe pourrait commencer par le fait que conduire est un privilège et non un droit.» Note de bas de page 23

D’autres principes soulignent que la conduite dangereuse et la conduite avec capacités affaiblies représentent une menace pour la santé et la sécurité de tous les Canadiens et qu’il est dans l’intérêt de la sécurité du public de s’attaquer à ces problèmes. Enfin, les principes touchant l’éthylomètre et les ERD reflètent la confiance que le Parlement a dans les données scientifiques sous-jacentes de ces régimes.

2. Définitions

De nombreuses définitions de la partie VIII.1 sont semblables aux définitions des dispositions législatives antérieures. Les définitions des mots « analyste Â», « appareil de détection approuvé Â», « agent d’évaluation Â», « médecin qualifié Â» et « technicien qualifié Â» sont reconduites.

Il convient de souligner que l’ancienne expression, « alcootest approuvé Â», a été remplacée par « Ã©thylomètre approuvé Â», expression plus courante dans les pays francophones.

Une nouvelle définition du « matériel de détection de drogues approuvé Â» a été ajoutée. Elle inclut les appareils de détection dans le liquide buccal, mais reste suffisamment large pour permettre au procureur général du Canada d’approuver d’autres types de matériel de détection de drogue à mesure que la technologie de ce domaine évolue.

L’expression « moyens de transport Â» a été choisie parce qu’elle permet de désigner tous les véhicules circulant sur la route, sur l’eau, dans les airs ou sur une voie ferrée. L’insertion de l’expression « moyen de transport Â» dans la section des définitions rend inutiles les répétitions tout au long de la partie VIII.1. Lorsque les mots « véhicule à moteur Â», « bateau Â», « aéronef Â» ou « matériel ferroviaire Â» (ailleurs que dans la définition de « moyens de transport Â») apparaissent, c’est pour signaler aux tribunaux qu’ils désignent un moyen de transport particulier visé par cette dispositionNote de bas de page 24.

La définition de « conduire Â» englobe le concept « d’avoir la garde ou le contrôle Â» et est tirée des dispositions sur les infractions de conduite avec capacités affaiblies. En conséquence, dans ces dispositions, l’expression « conduire un moyen de transport Â» permet d’éliminer les répétitions inutiles et simplifie la lecture des dispositionsNote de bas de page 25.

La définition de « contenant approuvé Â» ne renvoie plus aux contenants qui permettent de recueillir des échantillons d’haleine. La définition avait été adoptée avec une disposition prévoyant qu’une personne doive recevoir un échantillon d’haleine en vue d’une analyse indépendante, disposition prise à l’avance, pour le cas où un tel contenant serait un jour conçu, mais aucun contenant n’a jamais été jugé pratique. La disposition relative au second échantillon dans un contenant d’haleine n’a jamais été promulguée et a été abrogée en 2010.

3. Infractions

La partie VIII.1 cherche à simplifier les dispositions relatives aux infractions, d’une part en éliminant les infractions inutiles Note de bas de page 26 et, d’autre part, en clarifiant certains aspects des autres infractions. Il y a 10 infractions simplesNote de bas de page 27, sept infractions liées à des lésions corporelles (lc) et sept infractions liées à un décès (d). (Voir le graphique de l’annexe 1).

3.1 Conduite dangereuse d’un moyen de transport (article 320.13)

L’infraction de conduite dangereuse est réédictée avec des modifications qui modernisent et simplifient le libellé. Par exemple, l’expression « moyen de transport Â» remplace les nombreuses autres désignations d’un moyen de transport qui peuvent servir à commettre l’infraction de conduite dangereuse (p. ex. bateau, aéronef, matériel ferroviaire et véhicule à moteur). Pour déterminer si la conduite est dangereuse, il faut prendre en considération toutes les circonstances, notamment celles qui étaient énumérées dans la disposition antérieure (par ex., la nature et l’état du lieu et l’utilisation qui en est faite (ancien article 249).

Les infractions aggravées de conduite dangereuse causant des lésions corporelles ou la mort sont également réédictées.

Les dispositions concernant les sanctions s’appliquant à ces infractions sont remises en vigueur dans des articles distincts (articles 320.19, 320.2 et 320.21) qui regroupent toutes les sanctions s’appliquant aux infractions relatives à un moyen de transport. Des peines minimales obligatoires s’appliquent désormais dans le cas des infractions aggravées de conduite dangereuse ayant causé des lésions corporelles et de conduite dangereuse ayant causé la mort (amende de 1 000 $ pour une première infraction; 30 jours d’emprisonnement pour une seconde infraction et 120 jours d’emprisonnement pour la troisième infraction et les infractions subséquentes). En conséquence, il sera impossible d’obtenir une absolution inconditionnelle ou sous conditions après avoir commis une de ces infractions.

3.2 Conduite d’un moyen de transport avec capacités affaiblies (alinéa 320.14(1)a))

L’infraction de conduite d’un moyen de transport avec capacités affaiblies (alinéa 320.14(1)a)) est réédictée, mais son libellé a été modifié. La nouvelle disposition précise qu’une personne qui conduit alors que sa capacité est affaiblie « Ã  un quelconque degré Â» commet une infraction. Le Parlement a pour objectif que jamais personne ne conduise avec les capacités affaiblies, même si ce n’est que légèrement. Cela reflète l’état actuel du droitNote de bas de page 28. Cependant, le fait de codifier cet aspect élimine toute confusion possible sur cette question, à l’avenir.

Les infractions aggravées de conduite avec capacités affaiblies causant des lésions corporelles ou la mort sont elles aussi réédictées (paragraphes 320.14(2) et (3); cependant, l’élément de causalité a été modifié. Auparavant, il fallait prouver que l’affaiblissement des capacités était une cause ayant contribué à des blessures ou à la mort. Les nouvelles infractions aggravées exigent de prouver que le conducteur avait les capacités affaiblies et qu’il a causé des lésions corporelles ou le décès d’une autre personne. Il n’est plus nécessaire de montrer que les capacités affaiblies sont une cause ayant contribué aux blessures ou à la mort d’une personne.

3.3 Alcoolémie égale ou supérieure à 80 mg d’alcool/100 ml de sang dans les deux heures après avoir cessé de conduire (alinéa 320.14(1)b))

L’infraction de conduite d’un moyen de transport avec une alcoolémie supérieure à la limite prescrite a été réédictée, mais deux changements importants ont été apportés. Malgré ces changements, l’objectif général en matière de politique est le même et la jurisprudence applicable aux éléments non modifiés de l’infraction continuerait de s’appliquer.

Premièrement, le seuil à partir duquel l’infraction est commise a été modifié; l’expression « alcoolémie supérieure à 80 mg Â» est remplacée par « alcoolémie égale ou supérieure à 80 mg Â», de façon à ce qu’une personne dont l’alcoolémie est exactement de 80 mg/100 ml de sang puisse être accusée. Ce nouveau libellé vise à corriger un problème relevé dans un petit nombre d’affaires et est lié à la pratique consistant à arrondir à la baisse les résultats des éthylomètresNote de bas de page 29. Par exemple, lorsqu’une personne présente une alcoolémie de 101 mg d’alcool/100 ml de sang et de 89 mg d’alcool/100 ml de sang, aucune accusation n’aurait pu être portée puisque le second résultat serait arrondi et inscrit comme 80 mg/100 ml.

La troncation est un mécanisme utilisé pour remédier à la variabilité potentielle des résultats affichés par des éthylomètres, et cette pratique est recommandée par le CAA de la SCSJ, qui est le conseiller scientifique du gouvernement relativement aux échantillons d’haleine recueillis en tant que preuve de l’alcoolémie.

Deuxièmement, l’intervalle de temps dans lequel l’infraction peut être commise a été changé. Plutôt que de prévoir une infraction si la limite d’alcoolémie est dépassée au moment où le conducteur est au volant, le nouveau libellé prévoit que l’infraction est commise lorsque l’alcoolémie dépasse la limite « dans les deux heures Â». Cette formulation permet d’éliminer la défense du « dernier verre Â» et de limiter le recours à la défense du « verre d’après Â».

L’Énoncé concernant la CharteNote de bas de page 30 indique qu’un certain nombre de considérations qui militent en faveur de la compatibilité de l’article avec la Charte. En criminalisant la consommation de grandes quantités d'alcool peu de temps avant de prendre le volant et la consommation qui peut entraver une enquête, l’infraction vise deux catégories de comportements téméraires et moralement répréhensibles. L’exception relative à l’infraction du TA et la définition de celle-ci assurent que le comportement dangereux est proscrit, tout en assurant que le comportement innocent n’est pas visé. Ce qui permet de servir l’objectif du gouvernement de lutter contre la conduite avec capacités affaiblies.

3.3.1 Élimination de la défense du « dernier verre Â»

Un conducteur invoque la défense « du dernier verre Â» en admettant que son alcoolémie était supérieure à 80 mg au moment où l’échantillon a été prélevé. Toutefois, il soutient avoir consommé une quantité d’alcool importante tout juste avant d’avoir pris le volant ou même en conduisant, mais affirme que l’alcool n’était pas encore absorbé dans son sang et que, au moment de conduire, l’alcoolémie n’était pas « supérieure à 80 mg Â».

L’élimination de la défense du « dernier verre Â» est cohérente avec les commentaires de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R c. St-Onge LamoureuxNote de bas de page 31(St-Onge), où elle affirmait qu’une telle défense dénote « soit un haut degré d’irresponsabilité à l’égard de la sécurité publique soit une réaction pathologique de la part de la personne accusée Â».

Cette approche a été adoptée dans de nombreux États américains et a été constamment appuyée par les tribunaux américains. Comme un tribunal de Washington l’a souligné en confirmant la validité d’une telle disposition législative en 1997, [Traduction] « [la limite légale relative à] l’alcoolémie n’est pas une ligne de démarcation magique entre être dangereusement ou non dangereusement ivre, et le fait que la conduite avec une alcoolémie inférieure à une « limite légale Â» puisse se révéler criminelle suivant la règle des deux heures ne signifie pas que la règle est arbitraire ou non étroitement liée à la sécurité publiqueNote de bas de page 32 Â».

3.3.2 Limiter la défense du « verre d’après Â» et l’exception de la consommation « innocente Â» (paragraphe 320.14(5))

Comme cela a déjà été indiqué, cette formulation limite considérablement la défense du « verre d’après Â». Cette défense est présentée lorsque le conducteur soutient avoir consommé de l’alcool après avoir pris le volant, mais avant de s’être soumis à un test. Cela se produit souvent après un accident : le conducteur soutient qu’il a bu un verre ou deux pour se calmer avant l’arrivée des policiers. Cette défense mine l’intégrité du système de justice puisqu’elle récompense une conduite explicitement destinée à contrer le processus d’analyse de l’haleine.

Toutefois, puisqu’il existe des cas où la défense du « verre d’après Â» est basé sur un comportement innocent, la Loi a prévu, au paragraphe 320.14(5), une exemption à l’infraction de l’alcoolémie « Ã©gale ou supérieure à 80 mg Â». Cette défense peut être opposée à des accusations lorsque les conditions suivantes sont réunies :

Cette limite imposée à la défense du « verre d’après Â» démontre que le législateur a l’intention de dissuader les conducteurs de consommer de l’alcool lorsqu’ils devraient raisonnablement s’attendre à devoir fournir un échantillon d’haleine.

Les cas où une personne devrait avoir une « raison de croire » qu’il aurait à fournir un échantillon d’haleine seront tranchés par les tribunaux au cas par cas. Par exemple, une personne impliquée dans un accident grave pourrait avoir une raison de croire qu’elle aura à fournir un échantillon. Cependant, une personne qui rentrait du travail en toute sécurité, sans incident, était sobre, et a bu quelques verres après son arrivée, n’aurait vraisemblablement pas de raison de croire que la police mènerait une enquête sur une infraction relative à la conduite avec capacités affaiblies. Lorsque l’innocence de cette conduite semble réelle, ce serait à la Couronne de réfuter la défense.

Cette limite est conforme à la jurisprudence établie par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt St-Onge, où la Cour a fait la déclaration suivante : « […] il y a tout lieu de soupçonner que le fait de boire après avoir conduit (ou simplement d’affirmer qu’on l’a fait) est un acte malveillant destiné à déjouer les policiers enquêteurs. Tous ces cas, à tout le moins, dénotent un haut degré d’irresponsabilité et une insouciance cavalière à l’égard de la sécurité d’autrui et de l’intégrité du système judiciaireNote de bas de page 33.» Pour que cette défense réussisse, l'attente de ne pas avoir à fournir un échantillon doit être raisonnable.

3.4 Nouvelles infractions liées à la concentration de drogue dans le sang (CDS)Note de bas de page 34

La partie VIII.1 contient trois nouvelles infractions relatives à la conduite d’un moyen de transport avec une CDS égale ou supérieure à une limite réglementaire établie pour cette drogue. Deux de ces infractions sont mixtes, et une est une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

La structure de ces nouvelles infractions est semblable à celle de la nouvelle infraction relative à une alcoolémie « Ã©gale ou supérieure à 80 mg Â», puisque ces infractions doivent être commises dans les deux heures suivant le moment où la personne a cessé de conduire. Comme c’est le cas lorsqu’il s’agit d’alcool, ce délai de deux heures constitue une protection contre les personnes qui prennent le volant immédiatement après avoir consommé de grandes quantités de drogue ou qui consomment de la drogue après avoir cessé de conduire, de manière à déjouer les contrôles.

La Loi autorise le gouverneur en conseil à déterminer les limites de la CDS par règlementNote de bas de page 35. Cette approche est compatible avec celle utilisée dans d’autres administrations, y compris dans le R.-U. Elle permet de réagir plus rapidement et avec plus de souplesse à l’évolution de la science relative à la conduite avec capacités affaiblies par la drogue sans avoir à modifier le Code criminel chaque fois qu’une nouvelle limite est proposée (p. ex. afin d’ajouter un niveau interdit pour une nouvelle drogue ou de modifier un niveau interdit existant). Les niveaux actuels de CDS ont été établis en partie selon les conseils du CDVNote de bas de page 36.

La jurisprudence relative aux éléments de l’infraction relative à une alcoolémie « supérieure à 80 » est pertinente dans l’interprétation des nouvelles infractions, avec les adaptations nécessaires pour refléter le contexte des drogues.

3.4.1. Avoir une CDS interdite dans les deux heures suivant la conduite (alinéa 320.14(1)c))

Il s’agit d’une infraction mixte punissable sur le même fondement que la conduite avec capacités affaiblies par l’alcool.

Drogue Concentration interdite
Tétrahydrocannabinol (THC) 5 ng/mL de sang
Diéthylamide de l’acide lysergique (LSD) Tout niveau détectable
Psilocybine Tout niveau détectable
Psilocine Tout niveau détectable
Phencyclidine (PCP) Tout niveau détectable
6-Monoacétylmorphine Tout niveau détectable
Kétamine Tout niveau détectable
Cocaïne Toute concentration détectable
Gamma hydroxybutyrate (GHB) 5 mg de GHB/L de sang
Méthamphétamine Tout niveau détectable

Le CDV n’a pas présenté de recommandation spécifique touchant le THC, se contentant d’exposer les avantages et les inconvénients des deux limites de la CDS imposées récemment dans d’autres administrations. Le règlement a édicté la concentration de 5 ng/ml, puisque cette concentration est associée à une consommation récente; un affaiblissement des capacités et le THC peut vraisemblablement être détectée dans le sang à cette concentration ou à une concentration supérieure.

Le CDV a recommandé que les concentrations pour le LSD, la psilocybine, la psilocine, la PCP, 6-Monoacétylmorphine et la kétamine soient établies à « tout niveau détectable ». Ce qui reflète que toute présence de ces drogues dans l’organisme est incompatible avec une conduite sécuritaire.

Les concentrations retenues pour le GHB, la cocaïne et la méthamphétamine sont inférieures à celles que le CDV avait recommandées. Il s’agit de drogues illégales qui affaiblissent les capacités, et il n’est pas dans l’intérêt de la sécurité du public que les conducteurs aient consommé de ces drogues lorsqu’ils prennent le volant. La concentration retenue pour le GHB tient compte du fait que l’organisme humain produit naturellement de faibles concentrations de cette substance.

Plusieurs administrations ont établi des CDS pour la conduite, notamment le R.-U. qui a établi des limites pour 16 drogues, et la Norvège, pour 20 drogues. La nouvelle approche à l’égard de la conduite avec capacités affaiblies par la drogue cadre avec celle d’autres administrations qui ont édicté des CDS pour le THC et d’autres drogues. Au Colorado, la limite permise de 5 ng de THC/mL de sang permet de déduire qu’il y a affaiblissement des capacités, et dans l’État de Washington, une concentration de 5 ng de THC/mL de sang suffit en soi pour donner lieu à une déclaration de culpabilité. Le R.-U. interdit la conduite avec une concentration de 2 ng de THC ou plus/mL de sang, et l’Australie interdit la conduite avec une concentration quelconque de THC dans l’organisme (dont la preuve est faite par le liquide buccal); toutefois, le cannabis est interdit dans les deux pays. La Norvège dispose de peines graduelles commençant à 1,3 ng/mL. Il convient de signaler que le gouvernement du R.-U. a pour de nombreuses drogues établi des CDS qui sont inférieures à celles recommandées par leur groupe d’experts scientifiques (le rapport Wolf). Par exemple, le groupe d’experts du R.-U. avait recommandé une concentration de 5 ng de THC/mL de sang et le gouvernement du R.-U. a édicté une concentration de 2 ng de THC/mL de sangNote de bas de page 37.

Les infractions aggravées, c’est-à-dire une CDS égale ou supérieure à la limite et la conduite ayant causé des lésions corporelles ou la mort, ont été remises en Å“uvre.

3.4.2. Avoir une CDS inférieure à la limite établie à l’alinéa 320.14(1)c) (paragraphe 320.14(4))

Il s’agit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, passible d’une amende maximale de 1 000 $. Il n’y a pas d’infraction aggravée prévue pour ceux qui dépasserait la limite légale dans des situations impliquant des lésions corporelles ou un décès. Pour le moment, seul le THC est assujetti à une limite prescrite de CDS pour cette infraction.

Drogue Concentration interdite
THC 2 ng ou plus de THC/ml de sang, mais moins de 5 ng de THC/ml de sang

La concentration de THC retenue pour cette infraction tient à un certain nombre de considérations, mais a surtout été déterminée en vertu d’une approche préventive. Elle tient compte du fait que le THC est une drogue qui affaiblit les capacités, mais que l’établissement des limites de CDS est plus complexe que pour l’alcool. Elle se fonde également sur le fait qu’il n’est pas possible de se contenter d’appliquer la démarche criminelle prévue pour la conduite avec capacités affaiblies par l’alcool au régime de la conduite avec les capacités affaiblies par les drogues.

Les praticiens ne devraient pas ignorer qu’il existe des données probantes solides indiquant un accroissement de la conduite avec capacités affaiblies par les drogues, observée au CanadaNote de bas de page 38 et un risque d’augmentation accru après la légalisation et la réglementation du cannabis. L’approche législative, en ce qui a trait aux faibles concentrations de THC, reflète le fait que la littérature scientifique n’est pas en mesure d’offrir des directives formelles quant à la concentration de THC que l’on peut estimer sûre; c’est pourquoi le Parlement a jugé que la meilleure approche à adopter pour le moment restait l’approche préventive et l’établissement d’une limite basse.

3.4.3. Avoir en combinaison une alcoolémie et une CDS interdites dans les deux heures suivant la conduite (alinéa 320.14(1)d))

Cette infraction mixte vise les personnes qui conduisent un moyen de transport avec une alcoolémie et une CDS égales ou supérieures aux limites établies par règlement en ce qui concerne la présence combinée d’alcool et de drogue dans le sang.

Cette infraction tient compte du fait que, bien qu’une personne puisse avoir une alcoolémie ou une CDS inférieure à la limite au-delà de laquelle il s’agit d’une infraction criminelle, chaque substance prise isolément, lorsque ces substances sont combinées – même à de faibles concentrations – leurs effets sur les capacités sont amplifiés. À l’heure actuelle, le règlement ne définit des niveaux que pour la combinaison de l’alcool et du THC. On sait que l’alcool et le THC se retrouvent souvent ensemble dans l’organisme des conducteurs et que les effets incapacitants de cette combinaison, même à des faibles concentrations, sont plus que pour chaque substance seule.

Combinaison de drogues et d’alcool Concentrations interdites
THC 2,5 ng/ml ou plus de THC dans le sang en combinaison avec une alcoolémie de 50 mg d’alcool/100 ml de sang
3.4.4 Limiter la défense de la consommation d’une drogue après avoir cessé de conduire, et l’exception de la « consommation innocente » (paragraphe 320.14(6))

La Loi édicte un moyen de défense de la « consommation innocente d’une drogue » après avoir cessé de conduire afin d’éviter de criminaliser la conduite des personnes qui consomment des drogues après avoir conduit, mais avant les prélèvements sanguins dans des situations « de consommation innocente ». Le moyen de défense pourrait être invoqué à l’égard d’une accusation lorsque les conditions suivantes sont réunies :

Contrairement au critère applicable au moyen de défense de la « consommation innocente du verre d’après », le critère pour l’exception relative à la limite légale de drogue n’exige pas le respect d’une troisième condition, à savoir que la CDS concorde avec une CDS en dessous de la limite lors de la conduite. La raison en est que, contrairement à ce qui se passe dans le cas de l’alcool, il n’est pas possible de déterminer à quel rythme la drogue est absorbée et éliminée par l’organisme. Donc, un conducteur qui a consommé de la drogue ne pourrait pas établir que la CDS reflète ce qu’il a consommé ou qu’elle concordait avec une CDS au-dessous de la limite légale.

Cette limite imposée à la défense de consommation d’une drogue après avoir cessé de conduire signifie que le Parlement est déterminé à dissuader les conducteurs de consommer de la drogue lorsqu’ils devraient raisonnablement s’attendre à fournir un échantillon de sang. Aucune des dispositions de la loi ne vise déplacer le fardeau de preuve de ce moyen de défense vers l’accusé. Dans le cas où une prétention de comportement innocent semble vraisemblable, la Couronne aurait alors le fardeau de réfuter la défense de la consommation d’une drogue après avoir cessé de conduire.

Comme l’indique l’Énoncé concernant la Charte, la consommation de grandes quantités d’alcool peu de temps avant de prendre le volant et la consommation du verre d’après, susceptibles d’entraver une enquête relative à une alcoolémie dépassant 80, sont deux catégories de comportements téméraires et moralement répréhensibles. Le même raisonnement s’applique à la consommation d’une drogue avant et après la conduite lorsque la personne a des raisons de s’attendre à fournir un échantillon de sang pour faire la preuve de l’infraction relative à la CDS. L’interdiction de la conduite répond à l’objectif du législateur de combattre la conduite avec capacités affaiblies, et constitue une considération pour appuyer la conformité de ces dispositions avec la CharteNote de bas de page 39.

3.4.5 Fondement scientifique (infractions)

La détection et la preuve de l’affaiblissement des capacités causé par les drogues sont différentes et plus complexes que la détection et la preuve de l’affaiblissement des capacités par l’alcool. L’alcool est une molécule extrêmement simple avec des effets débilitants prévisibles. Essentiellement, l’alcoolémie augmente plus il y a consommation d’alcool; plus l’alcoolémie est élevée, plus l’affaiblissement des capacités est profond et plus le risque d’accident est grand. La même corrélation n’existe pas pour les drogues, celles-ci ayant des répercussions et des effets débilitants variés sur le comportement au volant. L’alcool est unique dans sa simplicité et il est donc difficile d’établir des parallèles directs entre l’approche du droit pénal à l’égard de la conduite avec capacités affaiblies par l’alcool et la conduite avec capacités affaiblies par les drogues. Il est également irréaliste de s’attendre à ce que les outils utilisés pour enquêter sur la conduite avec capacités affaiblies par les drogues fonctionnent de la même façon que ceux qui existent pour l’alcool puisqu’il existe une corrélation entre la concentration d’alcool dans l’haleine et la concentration d’alcool dans le sang.

Il a souvent été dit pendant l’examen parlementaire de cette législation que la science qui concerne la drogue est plus complexe qu’elle l’est pour l’alcool. Cependant, la ministre de la Justice et procureur général du Canada a affirmé dans ses remarques devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles « [i]l ne serait pas prudent de retarder la présente initiative, à mon avis, en espérant que la science arrivera à des conclusions nouvelles ou différentes, Nous allons continuer d’investir dans la recherche scientifique et de suivre son évolution dans ce domaine, et nous réagirons à tout changementNote de bas de page 40 Â».

Nul ne conteste que cette substance puisse affaiblir la capacité de conduire. Cependant, la relation entre la concentration de THC dans le sang et le degré d’affaiblissement des capacités est plus complexe que dans le cas de l’alcool. Si une personne fume du cannabis, son niveau de THC dans le sang augmente rapidement et ensuite diminue rapidement lorsque le THC se redistribue vers les tissus adipeux (parfois même avant que la personne ait fini de fumer). Pendant la diminution du niveau de THC, l’affaiblissement des capacités peut persister de sorte qu’une personne peut avoir les capacités considérablement affaiblies même avec un niveau faible de THC dans le sang. Si le cannabis est ingéré (par exemple, au moyen d’un produit alimentaire comestible), le niveau de THC augmente et baisse plus lentement que s’il est fumé. Par ailleurs, chez les utilisateurs chroniques ou réguliers (y compris les utilisateurs de cannabis à des fins médicales), des niveaux détectables peuvent demeurer dans le sang (souvent appelés « charges corporelles ») longtemps après que sont disparus les effets incapacitants.

Le gouvernement reçoit des avis scientifiques sur la conduite avec capacités affaiblies par l’alcool et la drogue de deux sous-comités bénévoles de la SCJS : le CAA et le CDV. Le CDV a récemment publié un certain nombre de documents accessibles au public sur la conduite avec les capacités affaiblies par les drogues, notamment :

Les CDS proposées pour les infractions, y compris pour le THC, sont fondées en partie sur le rapport du CDV. Il est à signaler que le CDV n’a pas fait de recommandation relative aux niveaux de THC; il a plutôt fait ressortir les avantages et les inconvénients de deux approches possibles (2 ng de THC/mL et 5 ng de THC/mL), compte tenu de la littérature scientifique. Les niveaux proposés tiennent compte de l’approche adoptée dans d’autres administrations, tout particulièrement dans les administrations où il a eu légalisation du cannabis. En ce qui concerne le THC, le rapport final du CDV sur les limitesNote de bas de page 44 indique ce qui suit :

Lorsqu’elle a comparu devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles le 14 février 2018, la présidente du CDV, la Dre Amy Peaire, a affirmé qu’en raison de la grande diversité de drogues qui peuvent affaiblir les capacités des individus de différentes manières, « nous devons faire attention de ne pas simplifier à outrance la conduite avec capacités affaiblies par la drogue en nous attendant à ce qu’elle soit tout à fait semblable à la conduite avec capacités affaiblies par l’alcool ou en considérant que toutes les drogues font partie d’une seule catégorie Â». Selon la Dre Peaire, il n’existe pas une corrélation simple entre la concentration de THC dans le sang et les capacités affaiblies; cependant, le lien le plus important est « entre la présence de THC dans le corps et les capacités affaiblies. » Elle a aussi indiqué que des concentrations élevées de THC sont, de façon générale, liées à une consommation très récente. Plus la consommation de THC est récente, plus la personne est susceptible d’avoir les capacités affaibliesNote de bas de page 45.

3.5 Omission ou refus d’obtempérer (paragraphe 320.15(1))

L’infraction d’omission ou de refus d’obtempérer a été réédictée. Les infractions aggravées de refus d’obtempérer à une demande dans le cas où il y a eu des lésions corporelles ou un décès se retrouvent maintenant dans le même article. Dans l’ancien régime, ces infractions étaient réparties dans différents paragraphes des dispositions sur la conduite avec capacités affaiblies.

Un certain nombre de changements clés ont été apportés aux éléments essentiels de ces infractions. L’infraction simple a été modifiée pour clarifier l’élément de faute nécessaire à la preuve de l’infraction. Auparavant, l’infraction relative à l’omission ou refus d’obtempérer à un ordre ne faisait pas état de l’élément moral nécessaire pour obtenir une déclaration de culpabilité. La disposition prévoit maintenant qu’une connaissance du fait que l’ordre a été donné est suffisante pour établir l’élément moral.Note de bas de page 46

Les infractions de refus d’obtempérer dans le cas où il y a eu des lésions corporelles ou un décès ont aussi été modifiées (paragraphes 320.15(2) et (3). L’élément objectif, « aurait dû savoir Â», a été remplacé par l’élément de faute subjectif d’« insouciance Â» quant aux conséquences de l’accident. La poursuite devra donc prouver que l’accusé qui refuse de fournir un échantillon savait qu’il avait été impliqué dans un accident ayant causé des lésions corporelles ou la mort ou qu’il ne se souciait pas de le savoir.

L’insouciance est une norme bien connue de la responsabilité criminelle. Dans plusieurs décisions, la Cour suprême a confirmé que l’insouciance était une norme subjectiveNote de bas de page 47, ce qui veut dire qu’un accusé doit avoir perçu qu’un risque important était présent mais a agi malgré ce risque.

L’élément selon lequel le conducteur doit avoir « causé Â» l’accident qui a entraîné des lésions corporelles ou le décès a été modifié; il suffit maintenant que le conducteur ait été « impliqué Â» dans un accident. Cela simplifie pour les services de police le problème de déterminer qui a causé l’accident, ce qui n’est pas toujours facile à faire, en particulier lorsqu’il s’agit d’un accident de la route ayant causé des blessures et des décès.

La disposition selon laquelle une personne ne peut être accusée de plus d’une infraction lorsqu’elle refuse plusieurs fois d’obtempérer, dans le cadre d’une même enquête, a été réédictée.

3.6 Omission de s’arrêter à la suite d’un accident (paragraphe 320.16(1))

L’infraction relative au fait de quitter les lieux d’un accident a été réédictée, mais quelques changements importants ont été apportés. Le libellé de l’infraction indique désormais clairement les éléments de faute requis pour prouver cette infraction. Spécifiquement, il est clair désormais que le conducteur devait savoir ou ne pas se soucier de savoir qu’il avait été impliqué dans un accident avant de pouvoir être déclaré coupable d’avoir quitté la scène d’un accident. En outre, a été supprimée l’exigence voulant que le ministère public établisse qu’un conducteur qui a omis d’arrêter lors d’un accident l’a fait dans l’intention d’échapper à toute responsabilité civile ou criminelle. Au contraire, c’est à l’accusé de présenter une excuse raisonnable pour ne pas être déclaré coupable.

3.7 Fuite (article 320.17)

L’infraction simple de fuir un agent de la paix a été réédictée, mais elle a été modifiée et comprend la fuite d’un agent de la paix à bord d’un bateau, s’appliquant ainsi à cet acte dangereux. Le délinquant ayant causé des lésions corporelles ou la mort pendant la fuite de la police peut être accusé de conduite dangereuse causant des lésions corporelles ou la mort, ainsi que de fuite.

3.8 Conduite d’un moyen de transport durant l’interdiction (article 320.18)

L’infraction simple de conduire un moyen de transport durant l’interdiction a été réédictée. Tout comme dans la disposition antérieure, il n’existe pas d’infraction aggravée de conduite pendant une période d’interdiction causant des lésions corporelles ou la mort.

3.9 Infractions abrogées

L’infraction de « conduite dangereuse pendant une fuite d’un agent de la paix causant des lésions corporelles ou la mort Â» et les infractions relatives à des « courses de rue Â» ont été abrogées. Ces infractions avaient été promulguées afin de prévoir une peine maximale plus sévère pour la conduite dangereuse dans certaines situations. L’alourdissement proposé des peines maximales pour la conduite dangereuse rend ces infractions inutiles. La course de rue est une circonstance aggravante aux fins de la détermination de la peine.

En outre, les infractions du défaut de surveiller une personne remorquée et d’envoyer un bateau innavigable dans un voyage ont été supprimées. Ces infractions relèvent davantage de la réglementation que d’un comportement criminel et elles étaient rarement invoquées. Dans les cas les plus graves, elles pourront être associées aux dispositions existantes touchant la négligence criminelle ou la conduite dangereuse.

4. Peines et interdictions

La partie VIII.1 prévoit certaines nouvelles amendes minimales obligatoires plus élevées de même que certaines peines maximales d’emprisonnement plus sévères. Les peines minimales obligatoires (PMO) s’appliquent également désormais aux infractions de conduite dangereuse causant des lésions corporelles ou la mort de même qu’aux infractions liées à l’omission de s’arrêter lors d’un accident causant des lésions corporelles ou la mort. Vous trouverez à l’annexe 2 un tableau présentant les peines et les interdictions.

4.1 Peines minimales obligatoires (PMO) (articles 320.19, 320.2 et 320.21)

Les PMO font partie du régime concernant la conduite avec capacités affaiblies du Code criminel depuis l’adoption de la première disposition en 1921. À l’origine, l’infraction de conduite en état d’ébriété prévoyait une PMO de sept jours d’emprisonnement à la première infraction, 30 jours d’emprisonnement à la deuxième infraction et 90 jours d’emprisonnement à la troisième infraction ou dans le cas d’infractions subséquentes. C’est en 2008 que les PMO ont été augmentées la dernière fois pour atteindre les niveaux actuels : amende 1 000 $ pour une première infraction, 30 jours d’emprisonnement pour une deuxième infraction et 120 jours d’emprisonnement pour toute infraction subséquente. Les PMO prévues par le régime concernant la conduite avec capacités affaiblies ont, dans plusieurs cas, été maintenues en vertu de la Charte Note de bas de page 48.

Un délinquant primaire qui a une alcoolémie de 120 à 150 mg est passible d’une amende minimale obligatoire de 1 500 $ et, lorsqu’il affiche une alcoolémie de 160 mg ou plus ou, s’il refuse d’obtempérer à la demande, il est passible d’une amende minimale obligatoire de 2 000 $. Les amendes minimales obligatoires plus élevées tiennent compte, en partie, des préoccupations exprimées dans le rapport de 2009 Note de bas de page 49 du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes au sujet des conducteurs avec les capacités très affaiblies. Le Comité a recommandé l’introduction de peines spécifiques pour les conducteurs affichant une alcoolémie très élevé puisque ceux-ci posent le plus grave danger pour la sécurité publique.

4.2 Peines maximales (articles 320.19, 320.2 et 320.21)

La peine maximale d’emprisonnement pour toutes les infractions simples relatives aux moyens de transport a été augmentée à 2 ans moins un jour (auparavant, 6 ou 18 mois) sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et à 10 ans (auparavant, 5 ans) sur déclaration de culpabilité par mise en accusation. L’emprisonnement maximal de 10 ans permet au poursuivant de déposer une demande pour désigner le délinquant comme délinquant dangereux ou délinquant à contrôler. Cela peut être approprié dans les cas impliquant des multirécidivistes, plus particulièrement lorsque le conducteur refuse tout traitement.

Changement digne de mention, les infractions relatives aux moyens de transport causant des lésions corporelles ont été érigées en infractions mixtes. Ce changement permettra à la Couronne de décider si elle doit procéder par procédure sommaire ou par acte d’accusation, en tenant compte notamment de la gravité des blessures, du casier judiciaire et du dossier de conduite de l’accusé. Si la Couronne procède par procédure sommaire, la peine maximale d’emprisonnement serait de deux ans moins un jour. Si la Couronne procède par mise en accusation, la peine maximale serait de 14 ans d’emprisonnement (auparavant 10 ans). Cette peine est compatible avec les infractions précédentes de conduite dangereuse causant des lésions corporelles lors d’une fuite ou d’une course de rue.

Cependant, le fait d’ériger ces infractions en infractions mixtes ne change pas le principe fondamental de la détermination de la peine qui exige qu’une peine soit proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant (article 718.1). Il donnera plutôt aux poursuivants le pouvoir discrétionnaire dont ils ont besoin pour choisir le moyen le plus efficace de procéder, évalué au cas par cas. Cela réduira le temps consommé par des infractions moins graves, tout en libérant des ressources judiciaires pour des infractions plus graves.

4.3 Obligation du ministère public d’envisager une demande de déclaration de délinquant dangereux (article 752)

Huit infractions liées aux moyens de transportNote de bas de page 50 ont été ajoutées à la définition « d’infraction désignée Â» à l’article 752 du Code criminel. L’ajout de ces infractions à cette définition fera en sorte que, dans des circonstances appropriées, le poursuivant devra déterminer s’il doit demander une désignation de délinquant dangereux ou de délinquant à contrôler.

L’infraction relative à la CDS punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire n’est pas incluse, puisqu’il n’y a aucune situation dans laquelle une personne reconnue coupable de cette infraction pourrait être condamnée à une peine d’emprisonnement de deux ans ou plus. L’infraction liée à la conduite durant l’interdiction n’est pas incluse non plus puisque le comportement associé à cette infraction n’est pas intrinsèquement dangereux. Par exemple, une personne qui conduit durant l’interdiction peut être sobre et respecter le Code de la route, mais elle peut être interceptée par un agent de la paix aux fins de vérification de son permis de conduire, de son immatriculation, de ses assurances et de sa sobriété.

4.4 Circonstances aggravantes aux fins de la détermination de la peine (article 320.22)

L’article 320.22 renferme une liste non exhaustive de circonstances aggravantes dont le tribunal qui détermine la peine à infliger doit tenir compte pour toute infraction relative à des moyens de transport. Le fait d’avoir une alcoolémie de 120 mg/100 mL ne constitue pas une circonstance aggravante pour une première infraction simple de conduite avec capacités affaiblies étant donné qu’une amende minimale plus élevée est déjà prévue dans ce cas. Cependant, une telle alcoolémie constituerait une circonstance aggravante en cas de récidive ou si des lésions corporelles ou la mort ont été causées.

4.5 Exemption d’une PMO et report de la détermination de la peine (article 320.23)

Aux termes de la disposition législative antérieure, un conducteur pouvait recevoir une absolution conditionnelle en vertu du paragraphe 255(5) après avoir été reconnu coupable de conduite avec capacités affaiblies s’il avait pris part à une cure de désintoxication pour abus d’alcool ou de drogues. Toutefois, cette disposition entrait en vigueur dans une province seulement si le procureur général de la province en faisait la demande au gouverneur en conseil. L’absolution curative n’était pas en vigueur en Colombie-Britannique, en Ontario, au Québec et à Terre-Neuve-et-Labrador. Cela a suscité certaines critiques voulant que la disposition ne soit pas de portée nationale et qu’elle désavantage les individus dans les provinces où elle n’a pas été adoptée.

La partie VIII.1 offre une approche nationale uniforme : dans les cas où il n’y a pas eu de lésions corporelles ou de décès, le tribunal peut reporter la détermination de la peine afin de permettre au délinquant de participer à un programme de traitement approuvé par la province ou le territoire où il réside. La disposition prévoit également que le délinquant doit consentir au traitement puisque celui-ci doit être suivi de façon volontaire. Le poursuivant doit également donner son consentement, étant donné qu’il doit s’agir d’un cas approprié tenant compte de facteurs comme le casier judiciaire, le dossier de conduite et la question de savoir si le délinquant a déjà suivi un traitement.

Si le délinquant termine le programme de traitement avec succès, le tribunal n’est pas tenu de lui imposer la PMO ni de rendre l’ordonnance d’interdiction obligatoire (examinée ci-après). Toutefois, le tribunal n’est pas autorisé à ordonner une absolution en vertu de l’article 730 du Code criminel. L’infraction pour laquelle la personne a été déclarée coupable restera inscrite dans son casier judiciaire et servira d’infraction antérieure pour toute infraction subséquente de conduite avec capacités affaiblies.

Si le tribunal décide de reporter la détermination de la peine, il doit prononcer une ordonnance d’interdiction durant le traitement.

4.6 Interdictions et programmes d’antidémarreur provinciaux (article 320.24)

La partie VIII.1 maintient l’approche précédente relative aux ordonnances d’interdiction avec quelques changements (voir les tableaux de l’annexe 2). Elle encourage l’utilisation d’antidémarreurs éthylométriques en réduisant la période minimale obligatoire qu’une personne doit attendre avant de demander à la province d’être admise dans un programme d’antidémarreur. À la suite d’une première infraction, aucune période d’attente minimale n’est prévue. La période d’attente minimale obligatoire lors d’une deuxième infraction est de trois mois et de six mois à la troisième infraction. La province décidera s’il y a lieu d’accepter la demande de participation à un programme d’antidémarreur de la personne et de l’inscrire au programme.

De plus, le tribunal n’est pas tenu d’attirer l’attention de l’accusé sur la disposition du Code criminel qui érige en infraction le fait de conduire durant l’interdiction. Cette obligation est inutile, exagérément technique et contraire au principe selon lequel nul n’est censé ignorer la loi. Par conséquent, le paragraphe 320.24(6) exige seulement que le tribunal s’assure que le contrevenant a lu l’ordonnance ou qu’une copie lui en est remise.

Le paragraphe 320.24(5.1) aborde une question qui a été soulevée à la suite de la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire R c LacasseNote de bas de page 51. Dans cette affaire, la Cour a interprété que la disposition législative indiquait qu’une ordonnance d’interdiction débutait au terme de la période d’emprisonnement. Cependant, d’un point de vue pratique, cette interprétation a été très difficile à mettre en Å“uvre puisqu’il n’est pas toujours évident de savoir quand la peine d’emprisonnement d’un délinquant prend fin, et quand une ordonnance d’interdiction devrait commencer. Par exemple, l’ordonnance d’interdiction devrait-elle entrer en vigueur à la libération d’office, à la libération conditionnelle ou à la libération à l’expiration du mandat? Par ailleurs, les délinquants incarcérés sont parfois autorisés à faire une sortie sans escorte dans la collectivité; si l’ordonnance d’interdiction ne s’applique pas durant la peine d’emprisonnement, un délinquant aurait ainsi le droit de conduire durant ces sorties.

Le Code criminel établit maintenant clairement qu’une ordonnance d’interdiction prend effet à la date de son prononcé. Si la personne est emprisonnée, l’interdiction est pour la période indiquée majorée de toute la période d’emprisonnement, (c.à dire jusqu’à l’expiration du mandat). Par conséquent, les tribunaux devront déterminer la durée souhaitée d’interdiction compte tenu de la période d’emprisonnement. Prenons par exemple un cas où un délinquant serait reconnu coupable de conduite avec capacités affaiblies causant des lésions corporelles. La Couronne procède par voie de mise en accusation et le tribunal impose une peine d’emprisonnement de deux ans. Le tribunal détermine que la personne ne devrait pas conduire pendant cinq ans à compter de la détermination de la peine; par conséquent, le tribunal devrait prononcer une ordonnance d’interdiction de trois ans (peine d’emprisonnement de deux ans plus trois ans d’interdiction de conduite)Note de bas de page 52.

5. Questions relatives aux enquêtes

Aux termes de la partie VIII.1, un certain nombre de changements sont apportés à la façon d’enquêter sur les infractions de conduite avec capacités affaiblies, mais de nombreuses procédures demeurent les mêmes.

5.1 Dépistage obligatoire de l’alcool (paragraphe 320.27(2))

Un des principaux changements est l’introduction du dépistage obligatoire de l’alcool. Essentiellement, un policier qui intercepte légalement un conducteur (p. ex. en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par le code de la route de la province) peut exiger que ce dernier fournisse un échantillon d’haleine au moyen d’ADA, sans avoir de motifs raisonnables de soupçonner la présence d’alcool dans l’organisme de la personne.

Cette façon de faire diffère de ce qui était prévu dans la législation antérieure aux termes de laquelle l’agent ne pouvait ordonner à une personne de lui fournir un échantillon d’haleine au moyen d’un ADA que s’il avait des motifs raisonnables de soupçonner la présence d’alcool dans l’organisme de la personne.

Comme l’a souligné le Comité permanent de la justice et des droits de la personne dans son rapport de 2009, l’obligation de nourrir des soupçons « n’est pas toujours mise en pratique, car il n’existe pas de moyen fiable de détecter la consommation d’alcool par la seule observation Note de bas de page 53 Â». Le Comité a précisé qu’il n’est pas toujours facile de détecter l’alcool lors d’un bref échange en bordure de la route et que lorsqu’un conducteur en état d’ébriété est intercepté à un barrage routier, mais qu’il s’en tire sans que son état ait été détecté, cela risque de renforcer le comportement même que l’on cherche à interdire et d’accroître la probabilité de récidive. En outre, certaines études ont révélé que les policiers, selon l’approche fondée sur les soupçons, peuvent ne pas déceler jusqu’à la moitié de tous les conducteurs qui dépassent la limite permiseNote de bas de page 54.

L’ancienne ministre de la Justice et procureure générale du Canada a discuté à plusieurs reprises du dépistage obligatoire de l’alcool dans le cadre de l’examen parlementaire du projet de loi C-46. Lors du débat en deuxième lecture devant la Chambre des communes, la ministre a indiqué ce qui suit :

À ce moment, le dépistage obligatoire d’alcool permettrait aux policiers d’exiger un échantillon d’haleine préliminaire. Selon ce que dit présentement la loi, les policiers doivent avoir des doutes raisonnables pour exiger un échantillon d’haleine, mais les recherches réalisées jusqu’ici nous apprennent que près de la moitié des conducteurs qui dépassent la limite légale sont capables d’échapper à la vigilance des policiers Note de bas de page 55.

Quoiqu’inédit au Canada, le dépistage obligatoire d’alcool fait déjà partie des lois en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Irlande et dans de nombreux pays d’Europe, où il a permis de réduire de beaucoup le nombre de décès et de blessures causés par les conducteurs ivres. Je m’attends à ce que le dépistage obligatoire d’alcool ait le même effet ici, au Canada, pour la simple et bonne raison qu’il risque fort de changer la mentalité des conducteurs. Ces derniers ne pourront plus se convaincre que les policiers ne s’apercevront pas qu’ils ont bu si jamais ils se font intercepter.

[…]

L’exemple de l’Irlande est particulièrement frappant. Dans les quatre années qui ont suivi l’entrée en vigueur du dépistage obligatoire d’alcool, le nombre de décès sur les routes du pays et le nombre d’accusations pour conduite avec capacités affaiblies ont chuté de 40 %. Bref, les conducteurs ont cessé de penser qu’ils pouvaient déjouer le système et conduire quand ils ont bu. Devant des données aussi convaincantes, je considère comme mon devoir envers les Canadiens d’adopter la même approche ici, chez nousNote de bas de page 56.

En outre, lorsqu’elle a comparu devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne, elle a indiqué ce qui suit :

En tant que ministre de la Justice et procureure générale du Canada, je considère qu’il est de mon devoir de prendre toutes les mesures raisonnables en mon pouvoir pour réduire le nombre de conducteurs avec les capacités affaiblies, dans le but ultime de diminuer le nombre d’accidents de la route. Je suis convaincue que le dépistage obligatoire d’alcool parviendra efficacement à réduire les décès et les blessures sur nos routes et nos autoroutes. Je suis également convaincue que cette mesure est conforme à la Constitution, nous oblige à trouver le juste équilibre. Le dépistage obligatoire d’alcool est peu intrusif, mais il permettrait de sauver un nombre inestimable de vies. Autrement dit, il changera la mentalité des conducteurs, qui ne pourront plus se convaincre de pouvoir échapper à la détection de leur consommation d’alcool s’ils sont interpellés par la policeNote de bas de page 57.

Tel qu’il est indiqué dans l’Énoncé concernant la Charte, il existe un certain nombre de considérations qui militent en faveur d’une conformité de cet article avec la Charte :

La disposition s’applique seulement suite à l’interception légale d’un individu. Elle autorise légalement l’atteinte à la vie privée au moyen de la prise d’un échantillon d’haleine en vue de favoriser l’atteinte de l’objectif important, à savoir la sécurité accrue sur les routes. Le droit à la vie privée relativement à un échantillon d’haleine dans ce contexte est faible. La Cour suprême du Canada a reconnu comme étant raisonnable le pouvoir, en vertu du droit provincial et de la common law, des policiersd’arrêter des véhicules au hasard pour s’assurer que les conducteurs ont des immatriculations et des assurances, que le véhicule est en bon état de fonctionnement et que le conducteur est sobre. Les renseignements recueillis au moyen d’un échantillon d’haleine sont, à l’instar de la production d’un permis de conduire, simplement des renseignements permettant de savoir si un conducteur respecte l’une des conditions imposées dans le contexte hautement réglementé de la conduite. Ils ne font état d’aucun renseignement personnel ou de nature délicate. Le prélèvement d’un échantillon est rapide et n’est pas invasif sur le plan physique. Une indication « Ã©chec Â» ne constitue pas une infraction, mais simplement une étape qui pourrait mener à la réalisation d’un autre test au moyen d’un alcootest approuvé, généralement à un poste de policeNote de bas de page 58.

Cet appui pour la constitutionnalité du dépistage obligatoire de l’alcool a été partagé par le professeur Peter Hogg devant le Comité de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Il avait alors indiqué que le dépistage obligatoire résisterait aux contestions fondées sur les articles 8, 9 et 10 de la Charte car il vise à prévenir un comportement dangereux et à promouvoir la sécurité publiqueNote de bas de page 59.

5.1.1 Exigences opérationnelles relatives au dépistage obligatoire de l’alcool

Le dépistage obligatoire de l’alcool est assujetti à plusieurs exigences opérationnelles importantes. Premièrement, il s’applique uniquement à l’alcool et non aux drogues.

Deuxièmement, le dépistage obligatoire de l’alcool s’applique uniquement aux véhicules à moteur. Il existe plusieurs raisons à cela, la principale étant liée au fait qu’il n’y a pas suffisamment de preuves manifestes démontrant que le dépistage obligatoire de l’alcool est nécessaire pour les autres moyens de transport et qu’il n’y a pas de cadre de réglementation stricte qui régit la consommation d’alcool et de drogues chez les opérateurs d’autres mode de transport (par ex. les pilotes ou les conducteurs de train).

Troisièmement, avant qu’un dépistage obligatoire de l’alcool puisse être exigé, un agent doit avoir à portée de la main un ADA, soit sur lui ou dans son véhicule. Un agent ne peut pas exiger un tel test s’il doit communiquer avec le poste de police pour demander qu’on lui apporte un ADA.

Quatrièmement, le conducteur doit être au volant du véhicule automobile. Dans la plupart des cas, une telle demande sera faite lors de barrages ou de contrôles routiers de routine. Le conducteur sera simplement invité à fournir un échantillon d’haleine et s’il ne dépasse pas les limites prescrites criminelles et administratives, il n’y aura pas d’autre enquête. Les tribunaux ont interprété « conduire Â» et cette disposition ne change pas cette interprétationNote de bas de page 60.

Enfin, avant d’exiger le prélèvement préliminaire d’un échantillon d’haleine au moyen d’un ADA, l’agent doit se trouver dans l’exercice légitime de ses pouvoirs en vertu d’une loi fédérale, d’une loi provinciale ou de la common law.

Des préoccupations ont été exprimées par plusieurs intervenants concernant le risque de profilage racial. Le « profilage racial Â» a été décrit dans la jurisprudence comme étant [traduction] « le profilage criminel fondé sur la race Â», lequel s’entend [traduction] « du phénomène selon lequel certaines activités criminelles sont attribuées à un groupe identifié de la société, selon la race ou la couleur, se traduisant par le ciblage de certains membres de ce groupe. Dans ce contexte, le facteur racial est illégitimement utilisé comme indicateur de criminalité ou pour mesure la propension générale criminelle de tout un groupe racialNote de bas de page 61. Â»

Comme l’ancienne ministre de la Justice et procureure générale du Canada l’a indiqué ses remarques devant le Comité de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes : Même si cet enjeu [le profilage racial] est une grave source de préoccupation pour notre gouvernement, le dépistage obligatoire de l’alcool n’aura aucun effet sur cette pratique. La mesure n’a aucune incidence sur la responsabilité des forces de l’ordre en matière de formation et de surveillance, afin que l’application de la loi soit juste, égale et appropriéeNote de bas de page 62.

Par ailleurs, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a amendé le préambule afin de prévoir clairement que tous les pouvoirs d’enquête doivent exercés en conformité avec la Charte.

La Cour suprême a pris en considération la possibilité de l’abus par la police quand elle a appuyé les interpellations au hasard des conducteurs pour en vérifier la sobriété dans R. c. LadouceurNote de bas de page 63. Comme l’a indiqué le juge Cory (au paragraphe 60), s’exprimant au nom de la majorité, lorsqu’il examine la proportionnalité entre les effets des interceptions au hasard sur les droits garantis par la Charte et l’objectif de réduire le carnage sur les routes :

Ce qui nous préoccupe à ce stade-ci, c’est la perception du risque d’abus de ce pouvoir par les fonctionnaires chargés d’appliquer la loi. À mon avis, ces craintes ne sont pas fondées. Il y a déjà des mécanismes en place pour empêcher les abus. Les policiers ne peuvent interpeller des personnes que pour des motifs fondés sur la loi, en l’espèce des motifs relatifs à la conduite d’une automobile comme la vérification du permis de conduire, des assurances et de la sobriété du conducteur ainsi que de l’état mécanique du véhicule. Lorsque l’interpellation est effectuée, les seules questions qui peuvent être justifiées sont celles qui se rapportent aux infractions en matière de circulation. Toute autre procédure plus inquisitoire ne pourrait être engagée que sur le fondement de motifs raisonnables et probables. Lorsqu’une interpellation est jugée illégale, les éléments de preuve ainsi obtenus pourraient bien être écartés en vertu du par. 24(2) de la Charte. (non souligné dans l’original)

Comme les tribunaux l’ont déjà reconnu, toute interception effectuée sur la base du profilage racial serait illégitime, rendant ainsi nuls et sans effet cette interception et tout ce qui en découleNote de bas de page 64. Par ailleurs, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a ajouté à l’exigence d’examen dans les trois ans, prévue à l’article 31.1, une évaluation « du traitement différent de tout groupe de personnes fondé sur un motif de distinction illicite, le cas échéant, résultant de la mise en Å“uvre et de l’application de ces dispositions. Â»

5.2 Vérification fondée sur des motifs raisonnables de soupçonner (présence d’alcool ou de drogue) (paragraphe 320.27(1))

En plus du dépistage obligatoire de l’alcool, la partie VIII.1 maintient le pouvoir de l’agent de la paix, qui a des motifs raisonnables de soupçonner qu’une personne a de l’alcool ou de la drogue dans son organisme, de lui ordonner de se soumettre à des épreuves lors d’un contrôle routier (paragraphe 320.27(1)).

Les praticiens remarqueront que le texte de la version anglaise a été modernisé en remplacant « forthwith Â» par « immediately Â» en ce qui a trait aux analyses à l’aide d’un ADA et à l’aide du MDDA. Cette modification est compatible avec l’interprétation du mot « forthwith Â» dans la jurisprudenceNote de bas de page 65 et elle n’est pas destinée à modifier l’approche souple retenue par les tribunaux à l’égard de l’utilisation de l’ADA dans les situations où, par exemple, de l’alcool est présent dans la bouche. La version française continue d’utiliser le mot « immédiatement Â».

5.2.1 Alcool

En vertu de la partie VIII.1, comme dans le passé, les policiers peuvent continuer à obliger un conducteur à fournir un échantillon d’haleine prélevé au moyen d’un ADA ou à effectuer un test de sobriété normalisé s’ils ont des motifs raisonnables de soupçonner la présence d’alcool dans son organisme. L’obtention d’un résultat négatif au TSN ou un test positif au moyen d’ADA fournirait aux policiers l’information dont ils ont besoin pour conclure qu’il existe des motifs raisonnables de croire que le conducteur a commis une infraction; les policiers pourraient alors demander au conducteur de se soumettre à une analyse à l’aide d’un éthylomètre approuvé.

5.2.2 Drogues

La partie VIII.1 autorise également un policer à demander à un conducteur d’effectuer un test de sobriété normalisé ou de fournir un échantillon à l’aide du MDDA s’il a des raisons de soupçonner la présence de drogue dans l’organisme de la personne. À l’heure actuelle, ce matériel se limite aux appareils permettant de détecter la drogue à l’aide d’un échantillon de liquide buccal, mais la Loi a été formulée en termes plus généraux de façon à ce qu’elle puisse s’appliquer, sans qu’une modification législative soit nécessaire, à toute nouvelle technologie qui serait approuvée par le procureur général du Canada.

Le matériel de détection des drogues permet de déceler la présence de drogues dans le liquide buccal d’une personne. Le fait d’exiger qu'un agent ait des motifs raisonnables de soupçonner que le conducteur a de la drogue dans son organisme pour ordonner le prélèvement d’un échantillon de liquide buccal reflète la différence dans la technologie des deux appareils. Contrairement à l'ADA pour l'alcool, qui, en quelques secondes, indiquent de façon fiable l’alcoolémie, le matériel de détection des drogues prend plus de temps pour indiquer la présence d'une drogue dans le liquide buccal. En outre, contrairement à l'alcool, la concentration dans le liquide buccal ne peut pas être convertie à une concentration de la drogue dans le sang.

Compte tenu de la technologie d’immunoessais, la nouvelle législation ne propose pas d’utiliser le résultat obtenu à l’aide du matériel de détection des drogues dans le liquide buccal comme fondement d’une accusation criminelle. Un résultat positif ne ferait que fournir à l’agent de la paix des renseignements qui donnent fortement à penser que le conducteur a récemment consommé du cannabis. La plupart des consommateurs de cannabis ne devraient pas obtenir un résultat positif quatre heures après avoir consommé du cannabis.

Si le matériel de détection des drogues donne lieu à l’obtention d’un résultat positif pour l’une des drogues pour lesquelles le matériel est approuvé à l’issue d’un test effectué lors d’un contrôle routier, ce résultat, jumelé aux observations de l’agent qui a ordonné à la personne de se soumettre à un test à l’aide du MDDA, aidera l’agent à établir des motifs raisonnables de croire qu’une infraction de conduite avec capacités affaiblies par la drogue ou une infraction relative à une CDS a été commise, et de lui donner les motifs pour ordonner à la personne de se soumettre à une ERD et un prélèvement d’un échantillon de sang, ou à l’un ou l’autre.

Même si la technologie relative à la détection des drogues peut avoir un lien plus faible avec la CDS que celle de la détection de l’alcool, le lien est néanmoins suffisamment solide pour utiliser cette technologie pour aider les policiers à déterminer s’ils ont les motifs requis pour exiger une ERD ou un échantillon de sang.

Les procédures d’évaluation et normes relatives au matériel de détection des drogues dans le liquide buccalNote de bas de page 66, élaborées par le CDV, ont établi les niveaux de concentration du matériel de détection des drogues à 25 ng de THC/ml de liquide buccal, à 50 ng de cocaïne/ml de liquide buccal et à 50 ng de méthamphétamine/ml de liquide buccal. Puisque le matériel de détection des drogues dans le liquide buccal indique seulement une présence de drogues à ces niveaux, la personne pourrait avoir des concentrations de drogues dans le liquide buccal bien supérieures à ces seuilsNote de bas de page 67.

En ce qui concerne le THC, l’affaiblissement des capacités par le cannabis est étroitement lié au caractère récent de la consommation de la substance. Les scientifiques s’accordent pour dire que la présence de cette substance dans le liquide buccal est causée par le fait d’avoir fumé du THC ou d’en avoir consommé sous forme comestible. Si un test effectué à l’aide du MDDA détecte la présence de THC dans le liquide buccal d’un conducteur, l’on peut présumer que ce dernier a consommé du cannabis récemment. Le fait de détecter du THC dans le liquide buccal d’un conducteur au niveau seuil de 25 ng laisse fortement à croire que du THC se trouvera également dans son sang et que la concentration de THC pourrait être supérieure à la CDS interdite.

Les niveaux de CDS pour la méthamphétamine et la cocaïne sont fixés à des niveaux détectables. Ainsi, si l’on obtient un résultat positif à un test effectué à l’aide du MDDA, il est fort probable que l’on trouve de la drogue dans le sang du conducteur.

Par conséquent, les renseignements qui donnent aux policiers des motifs raisonnables de soupçonner la présence de drogue dans le corps d’un conducteur, jumelés à l’obtention d’un résultat positif à un test MDDA, aideraient les policiers à conclure qu’il existe des motifs raisonnables de croire que le conducteur a commis une infraction de conduite avec les capacités affaiblies par la drogue ou une infraction liée à la CDS, ce qui leur permettra d’aller de l’avant avec l’enquête, que ce soit par le prélèvement d’un échantillon de sang ou au moyen d’une ERD, ou les deux.

Tout comme les appareils de détection de l’alcool et les éthylomètres, le matériel de détection des drogues sera approuvé par le procureur général du Canada, par arrêté, lorsque le CDV présente une recommandation portant qu’un matériel particulier satisfait à ses normes et que son utilisation par les responsables de l’application de la loi est appropriée.

Les dispositions n’empêchent pas l’administration de plus d’un des tests de dépistage en bordure de route, dans les circonstances appropriées

Comme l’indique l’Énoncé concernant la Charte, il y a un certain nombre de considérations qui militent en faveur de la conformité de cet article avec la Charte:

Tout comme les appareils de détection de l’alcool servant dans les contrôles routiers qui sont utilisés dans le cadre actuel, un dispositif de dépistage de la drogue est un outil d’enquête utilisé lors de contrôles routiers dans le but d’aider un agent à déterminer s’il existe de motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise. Il ne serait pas utilisé au procès pour prouver l’infraction. À l’instar des appareils de détection de l’alcool servant dans les contrôles routiers, un dispositif de dépistage de la drogue est une méthode de recherche rapide et non intrusive qui révèle des renseignements à l’égard desquels les personnes ont des attentes réduites en matière de vie privée, compte tenu du contexte hautement réglementé de la circulation routière. La disposition exigerait qu’un agent, avant de demander un échantillon, ait des soupçons raisonnables selon lesquels la personne a de la drogue dans son organisme. De cette façon, l’administration inutile de tests s’en trouve réduite. Le recours à des dispositifs non-envahissants de dépistage de la drogue, assujetti au cadre actuel d’utilisation des ADA, représente une atteinte raisonnable aux intérêts en matière de vie privée, et sert l’objectif important de détecter des conducteurs ayant consommé de la drogueNote de bas de page 68.

5.2.2.1 Expérience internationale

Le matériel de détection des drogues dans le liquide buccal est largement utilisé dans d’autres administrations, notamment au R.-U. et en Australie.

En juin 2017, R.-U. a publié une étude de la première année de mise en Å“uvre de son nouveau cadre de conduite avec les capacités affaiblies par les drogues, cadre qui prévoit des mesures semblables (c.-à-d. des dispositions visant à interdire la conduite avec un THC de 2 ng/ml de sang, et à autoriser les policier à se servir de matériel de détection des drogues). En outre, la loi britannique autorise un policier à demander un échantillon de sang au conducteur si, en se fondant sur les résultats d’un test effectué au moyen d’un appareil de détection de drogues dans le liquide buccal, il a des motifs raisonnables ( appelé « reasonable cause ) de soupçonner la présence de drogue dans l’organisme du conducteur. Par conséquent, en pratique, l’obtention d’un résultat positif mène directement à une demande d’échantillon de sang. Selon l’étude, au cours de la première année suivant la mise en Å“uvre de la législation, dans 70 % des 4 292 cas dans lesquels un échantillon de sang avait été prélevé après un test positif du liquide buccal, l’échantillon de sang révélait un niveau supérieur à la limite de 2 ng de THC/mlNote de bas de page 69. Le seuil de détection pour le matériel de détection des drogues au R.-U. est établi à 10 ng de THC/ml de liquide buccal, ce qui est inférieur au seuil de 25 ng exigé par le CDV.

5.2.2.2. Fondement scientifique (matériel de détection des drogues)

Le CDV a adopté et appuyé les conclusions d’une récente évaluation du matériel de détection des drogues dans le liquide buccal, publiée en ligne en 2016 dans le Journal de la SCSJ. Sur le fondement de ce rapport, le CDV a indiqué que ce matériel pourrait constituer un outil utile pour la détection de drogues chez les conducteurs au CanadaNote de bas de page 70.

Ce matériel emploie une technologie d’immunoessais pour déceler la présence de drogues cibles dans le liquide buccal (technologie qui est largement utilisée dans les tests de grossesse à domicile). Ce matériel détecte la présence (essentiellement « oui Â» ou Â« non Â») de certaines drogues débilitantes, notamment le THC, dans le liquide buccal. Cependant, contrairement aux appareils de détection approuvés pour l’alcool, le MDDA ne permet pas de fournir une preuve directe de la concentration de drogues dans le sang, ni une preuve que le conducteur a les capacités affaiblies.

5.3 Demande d’échantillon d’haleine (sous-alinéa 320.28(1)a)(ii))

Les dispositions liées aux demandes d’échantillon d’haleine et de sang pour déterminer l’alcoolémie restent fondamentalement les mêmes. Si un agent de la paix a des motifs raisonnables de croire qu’un conducteur a les capacités affaiblies par l’alcool ou a un l’alcoolémie de 80 ou plus, il put lui ordonner de fournir un échantillon d’haleine pour analyse par un éthylomètre approuvé ou, si pour une raison quelconque cela n’est pas possible, il peut lui ordonner de fournir un échantillon de sang, et lui demander de l’accompagner afin de fournir l’échantillon. La demande doit être faite et le conducteur est tenu d’obtempérer dans les meilleurs délais.

Toutefois, puisque les délais associés à l’infraction ont été modifiés (l’alcoolémie doit être égal ou supérieur à 80 dans les deux heures suivant la conduite), il n’est plus nécessaire d’effectuer le premier test d’haleine à l’aide d’un éthylomètre approuvé dans les deux heures suivant la conduite pour qu’un certificat démontrant l’alcoolémie au moment de la conduite soit accepté devant le tribunal en tant que preuve.

5.4 Demande d’ERD (alinéa 320.28(2)a))

Les dispositions liées aux demandes d’ERD restent fondamentalement les mêmes, même si certaines modifications y ont été apportées pour préciser et renforcer le processus.

Aux termes du paragraphe 320.28(2), l’agent évaluateur a le pouvoir d’ordonner à une personne de fournir un échantillon de substance corporelle s’il a des motifs raisonnables de croire que la capacité de celle-ci de conduire un véhicule à moteur est affaiblie sur le fondement d’une ERD. En vertu des dispositions législatives antérieures, les motifs raisonnables de croire que la capacité de conduire de la personne était affaiblies devaient reposer « sur le fondement de cette évaluation ». Ces mots ne figurent pas au paragraphe 320.28(4). Ce qui permet d’assurer que l’agent peut témoigner de toutes ses observations, pas seulement de celles qui se rapportent spécifiquement aux étapes de l’ERD, pour déterminer s’il a des motifs raisonnables d’exiger un échantillon de substance corporelle. Par exemple, si la personne manifeste constamment des secousses musculaires, cela peut être un signe qu’elle est sous l’influence d’un stimulant, même si cela n’a peut-être aucun lien avec les étapes de l’ERD.

Un pouvoir serait également conféré afin de permettre à l’agent évaluateur d’exiger un échantillon d’haleine par éthylomètre approuvé si cette exigence n’a pas déjà été faite en vertu du paragraphe 320.28(1). Ce changement répond au défi que présentait la législation précédente qui prévoyait qu’une demande par éthylomètre approuvé ne pouvait pas être présentée s’il y avait déjà eu une demande à l’aide d’un ADA. Par exemple, dans certaines administrations, « WARN Â» sur un ADA indique que la personne a une alcoolémie variant de 50 Ã  99 mg/100 ml de sang, mais le résultat de l’ADA ne peut être utilisé devant le tribunal pour établir l’alcoolémie. Lorsque l’agent évaluateur croit que l’alcool est un facteur, il est essentiel qu’une analyse par éthylomètre approuvé soit effectuée pour prouver l’alcoolémie de la personne. Même une faible alcoolémie jumelée à une autre drogue, particulièrement le THC, peut affaiblir les capacités.

5.5 Demandes d’échantillon de sang par l’agent enquêteur (alinéa 320.28(2)b))

En vertu de la disposition antérieure, seuls les agents évaluateurs étaient autorisés à ordonner à la personne de fournir un échantillon de substance corporelle (notamment un échantillon de sang) à la suite d’une ERD. L’alinéa 320.28(2)b) autorise tout policier ayant des motifs raisonnables de croire qu’un conducteur a commis une infraction de conduite avec capacités affaiblies ou une infraction liée à la CDS à demander un échantillon de sang plutôt qu’une ERD.

Cette modification facilitera la collecte d’échantillons de sang en temps opportun, qui reste la seule façon de prouver une infraction liée à la CDS. Étant donné que les niveaux de drogue dans le sang diminuent rapidement, plus particulièrement les niveaux associés au cannabis fumé, le fait d’obtenir un échantillon de sang en temps opportun est essentiel pour prouver une infraction. Dès que l’agent a des motifs raisonnables de soupçonner qu’une infraction a été commise, il peut demander et obtenir un échantillon de sang. Dans bien des cas, les délais associés à l’ERD ne permettent pas de prouver une infraction liée à la CDS. En outre, il n’est pas possible de compenser ces délais en calculant de façon rétroactive la vitesse à laquelle la CDS diminue puisque, contrairement à l’alcool, la vitesse à laquelle les drogues sont éliminées de l’organisme varie grandement en fonction d’un certain nombre de variables. Ces considérations ont également été mentionnées dans l’Énoncé concernant la Charte comme appuyant la conformité avec la CharteNote de bas de page 71.

5.5.1 Personnes qualifiées pour prélever un échantillon de sang paragraphe 320.28(6)

En vertu de la disposition antérieure, à la suite d’une demande faite par la police, seul un médecin qualifié ou une personne agissant sous sa direction ne pouvait procéder à des prélèvements de sang. Puisqu’il est essentiel de prélever un échantillon de sang rapidement pour préserver l’élément de preuve, le paragraphe 320.28(6) autorise un technicien qualifié en prise de sang à prendre du sang dans les cas ordinaires au lieu d’exiger la supervision d’un médecin. Les techniciens qualifiés sont nommés par le procureur général provincial et ne sont autorisés à prendre des échantillons de sang que s’ils considèrent que cela ne constitue pas de danger pour la santé de la personne. Demander la supervision d’un médecin pour le prélèvement de l’échantillon est un processus long et fastidieux qui exige souvent d’amener un conducteur dont les capacités sont affaiblies par la drogue à un hôpital.

5.6 Mandats visant à obtenir des échantillons de sang (paragraphe 320.29(1))

La partie VIII.1 réédicte, avec certains changements importants, la disposition relative aux mandats visant à obtenir des échantillons de sang d’une personne qui ne peut pas donner son consentement et qui a été impliquée dans un accident causant des lésions corporelles ou la mort.

En premier lieu, le délai dont les policiers disposent pour demander l’obtention d’un mandat a été prolongé de quatre heures à huit heures. Cette prolongation reconnaît le fait que, dans ces situations, les policiers doivent souvent composer avec les conséquences de la collision avant de demander le mandat visant à obtenir un échantillon de sang.

Deuxièmement, les motifs pour accorder le mandat ont également été modifiés. En vertu de la disposition précédente, avant de pouvoir décerner un mandat, le juge de paix devait être convaincu qu’il existait des motifs raisonnables de croire que la personne avait commis une infraction de conduite avec capacités affaiblies ou de conduite après avoir dépassé la limite légale, et qu’elle avait été impliquée dans une collision causant des lésions corporelles ou la mort. Les nouvelles dispositions exigent que le juge de paix soit convaincu de ce qui suit :

Les accidents dans lesquels des personnes ont été blessées ou sont décédées sont les plus graves, et il est important de vérifier si l’alcool ou des drogues y ont joué un rôle.

Comme l’indique l’Énoncé concernant la Charte, il existe un certain nombre de considérations qui militent en faveur de la conformité de ces changements avec la Charte:

Actuellement, un mandat peut être obtenu uniquement lorsque le juge de paix a des motifs raisonnables de croire que la personne a commis une infraction de conduite avec facultés affaiblies. La nouvelle approche réduira le seuil requis à celui du soupçon raisonnable, afin de mieux servir l’objectif prévu de faciliter les enquêtes lorsqu’un conducteur est inconscient et incapable de consentir au prélèvement d’un échantillon de sang. En temps normal (c.-à-d. lorsque le conducteur est conscient), un policier peut faire subir à un individu un test à l’aide d’un ADA ou des tests de sobriété s’il a des motifs raisonnables de soupçonner que l’individu a de l’alcool ou de la drogue dans son organisme. Le test effectué à l’aide d’un ADA et les tests de sobriété, de concert avec des observations, peuvent être utilisés pour établir l’existence des motifs nécessaires pour présenter une demande relative à l’utilisation d’un appareil approuvé ou une demande de prélèvement de sang. On ne peut faire subir un test à l’aide d’un ADA ou un test de sobriété à un individu qui n’est pas en mesure de donner son consentement. Il est donc difficile de recueillir les renseignements permettant d’établir l’existence des motifs nécessaires pour obtenir un mandat. En prévoyant qu’il suffit de raisonnablement soupçonner que l’individu a de l’alcool ou de la drogue dans son organisme, cette disposition fait en sorte que les enquêtes peuvent être réalisées dans de telles circonstances. Cette disposition est raisonnable, en ce que l’exigence des « motifs raisonnables de croire Â» que l’individu était impliqué dans un accident est maintenue, ainsi que celle qu’un médecin soit de l’avis que le prélèvement de l’échantillon ne mettra pas en danger la santé de la personneNote de bas de page 72.

6. Questions relatives à la preuve

6.1 Preuve d’alcoolémie – Échantillons d’haleine (paragraphe 320.31(1))

Plusieurs modifications ont été apportées aux dispositions portant sur la preuve de l’alcoolémie, mais les principes sous-jacents demeurent les mêmes. La principale différence est que les procédures à suivre pour assurer une lecture exacte de l’alcoolémie sont énumérées. Si la Couronne peut établir hors de tout doute raisonnable que ces procédures sont respectées, l’alcoolémie est prouvée de façon concluante.

Comme l’indique l’énoncé des principes, le législateur a confiance dans l’exactitude et la fiabilité des éthylomètres approuvés par le procureur général du Canada après avoir été évalués et recommandés par le CAA.

Les éthylomètres effectuent des contrôles internes et sont programmés de sorte qu’ils ne s’activeront pas si un problème pouvait nuire aux résultats. Par exemple, les résultats d’un test de vérification de l’étalonnage utilisé pour déterminer si l’éthylomètre est bien calibré doit se trouver dans les paramètres établis, sinon l’éthylomètre ne fonctionnera pas. En outre, les éthylomètres modernes sont numériques, ce qui élimine le risque d’erreur humaine lors de la lecture ou de la transcription des résultats. Ils fournissent un imprimé indiquant les résultats d’un test à blanc du système, les tests de vérification de l’étalonnage et les tests du sujet, de telle sorte qu’il n’y ait aucune possibilité de dysfonctionnement d’un éthylomètre ou d’une mauvaise utilisation de celui-ci d’une manière qui ne serait pas indiquée sur le relevé du test imprimé.

Le paragraphe 320.31(1) prévoit que l’analyse d’échantillons de l’haleine par un éthylomètre approuvé fait foi de façon concluante de l’alcoolémie de la personne au moment des analyses si le poursuivant peut établir hors de tout doute raisonnable que les conditions suivantes ont été respectées :

  1. deux échantillons ont été prélevés, à 15 minutes d’intervalle;
  2. les résultats des deux analyses varient d’au plus 20 mg/100 ml;
  3. avant le prélèvement de chaque échantillon, un test à blanc du système, dont le résultat ne dépassait pas 10 mg/100 ml, a été effectué;
  4. avant le prélèvement de chaque échantillon, un test d’étalonnage ayant permis d’observer un écart maximal de 10 % par rapport à la valeur cible de l’alcool type a été effectué.

Ce sont les procédures opérationnelles recommandées par le CAA qui, si elles sont respectées, garantissent que le test d’haleine d’une personne a produit des résultats exactsNote de bas de page 73. Si les conditions prescrites sont respectées, l’alcoolémie au moment du test est un fait établi de façon concluante.

Certaines expressions qui correspondaient à l’ancienne technologie ou qui rendaient les dispositions plus complexes n’ont pas été reconduites. Par exemple, les exigences prévues à l’alinéa 258(1)c) du Code criminel selon lesquelles les échantillons d’haleine doivent être prélevés « conformément à un ordre donné en vertu du paragraphe 254(3) Â» et que l’échantillon soit « reçu directement Â» dans un éthylomètre n’apparaissent pas dans l’article 320.31. La précision de l’éthylomètre ne change pas, que l’échantillon d’haleine soit prélevé par suite d’un ordre donné dans le cadre d’une enquête sur la conduite avec les capacités affaiblies par l’alcool ou dans le cadre d’une évaluation des capacités affaiblies par la drogue ou sur consentement.

L’obligation que l’échantillon soit reçu « directement Â» dans l’éthylomètre se veut un reflet d’instruments historiques qui exigeaient qu’un ballon soit d’abord gonflé avec l’haleine, puis fixé à l’instrument aux fins d’analyse. L’utilisation d’instruments de ce genre n’a jamais été approuvée au Canada, et de fait l’exigence a été supprimée.

Comme l’indique l’Énoncé concernant la Charte, il existe un certain nombre de considérations qui militent en faveur de la conformité de cet article avec la Charte :

Cette disposition reflète la procédure qui a été établie par le Comité des analyses d’alcool de la Société canadienne des sciences judiciaires comme constituant une preuve, respectant un critère scientifique, du TA. Contrairement aux dispositions qui ont été invalidées par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. St-Onge Lamoureux (2012), il appartient toujours à la Couronne de prouver l’infraction hors de tout doute raisonnable, en prouvant que la précision des appareils a été vérifiée et que les tests ont été réalisés conformément aux procédures prescrites. L’exigence liée au délai de 15 minutes vise à éliminer la possibilité que la présence d’alcool dans la bouche vienne fausser le résultat du test. Lorsque ces faits ont été établis, il n’est pas possible de soulever un doute scientifique raisonnable quant au résultat de test d’alcoolémie supérieur à la limiteNote de bas de page 74.

6.2 Preuve de l’alcoolémie et de la CDS - Échantillons de sang (paragraphe 320.31(2))

Comme dans la disposition antérieure, en ce qui concerne l’analyse des échantillons de sang visant à déterminer l’alcoolémie ou la CDS, la personne qui conteste le résultat d’une analyse de sang faite en laboratoire doit faire valoir des éléments de preuve tendant à démontrer que l’analyse a été effectuée incorrectement, et ne peut pas se fonder seulement sur des éléments de preuve de consommation.

Comme dans la version précédente de la disposition législative, lorsqu’un deuxième échantillon de sang a été prélevé, l’accusé peut demander que ce dernier soit analysé de façon indépendante. Le processus antérieur pour prélever et conserver un deuxième échantillon de sang continue d’exister. Les modifications des dispositions reflètent les pratiques de rédaction modernes.

6.3 Présomption de l’alcoolémie - Échantillon prélevé plus de deux heures après avoir conduit (paragraphe 320.31(4))

Vu le nouveau libellé de l’infraction de conduite d’un moyen de transport avec une alcoolémie égale ou supérieure à 80 dans les deux heures après avoir cessé de conduire, la « présomption d’identité Â», telle qu’elle existait dans les dispositions antérieures, n’est plus nécessaire. Toutefois, le paragraphe 320.31(4) renferme une nouvelle présomption pour les situations dans lesquelles le premier échantillon d’haleine ou l’échantillon de sang a été prélevé plus de deux heures après la conduite du moyen de transport.

Dans un tel cas, selon la présomption, l’alcoolémie d’un conducteur dans les deux heures après la conduite est présumée correspondre à celle établie au moment du prélèvement, majorée de 5 mg d’alcool pour chaque période complète de 30 minutes qui excède ces deux heures.

Selon le CAA, l’élimination de l’alcool dans le corps humain est stable et uniforme dans l’ensemble de la population. Il est scientifiquement reconnu que l’alcool est éliminé de l’organisme à un taux de 10 à 20 mg par heure. La formule mathématique présume que l’alcool est éliminé au taux le plus faible et, en conséquence, elle produit un résultat inférieur à ce à quoi on s’attendrait dans la grande majorité des cas.

Cette présomption évitera la dépense inutile de demander à un toxicologue de procéder à un rétrocalcul de l’alcoolémie dans les deux heures après la conduite. Le poursuivant n’aura pas non plus à convoquer le toxicologue à témoigner.

Comme l’indique l’Énoncé concernant la Charte, il existe un certain nombre de considérations qui militent en faveur de la conformité de cet article avec la Charte :

Le taux de 5 mg/100 ml pour chaque tranche de 30 minutes reflète une estimation très prudente du taux d’élimination de l’alcool dans le sang par l’organisme. Autrement dit, les scientifiques s’accordent pour dire que l’alcool dans le sang est éliminé à un taux considérablement plus élevé que le taux de 5 mg/100 ml par 30 minutes, et ce, même chez les personnes qui métabolisent l’alcool plus lentement (autres que les cas d’une insuffisance hépatique presque complète qui rend normalement les sujets incapables de conduire). En conséquence, un TA calculé conformément à cette disposition sera inférieur au TA correspondant au niveau minimum absolu possible sur le plan scientifique qui aurait été établi pour une personne à l’intérieur de la période de deux heures. Il appartient aussi à la Couronne de prouver l’infraction hors de tout doute raisonnable, au moyen des résultats de l’alcootest approuvé et des connaissances scientifiques bien établies sur la métabolisation de l’alcoolNote de bas de page 75.

6.3.1. Exemples de la présomption appliquée à des scénarios hypothétiques

Exemple 1 : Un conducteur est arrêté à minuit. Il échoue le test de dépistage obligatoire de l’alcool. Il est conduit au poste de police et le premier échantillon d’haleine est prélevé à 2 h 15, 15 minutes après la fenêtre de deux heures. Le conducteur a un résultat de 200 mg d’alcool /100 ml de sang. Comme il ne s’est pas encore écoulé un intervalle complet de 30 minutes, l’alcoolémie de change pas. Cela étant, aux fins de l’infraction, l’alcoolémie serait de 200 mg d’alcool/100 ml de sang.

Exemple 2 : Un conducteur a la garde ou le contrôle d’un véhicule à moteur à minuit. Un agent sent de l’alcool et demande un test à l’aide d’un ADA que le conducteur échoue. Il est conduit au poste de police et le premier échantillon d’haleine est prélevé à 4 h 15, 2 heures et 15 minutes après la fenêtre de deux heures. Le conducteur a un résultat de 110 mg d’alcool/100 ml de sang. Comme le premier échantillon a été prélevé plus de deux heures après que le conducteur a cessé de conduire le moyen de transport, on ajouterait 5 mg pour chaque période complète de 30 minutes. Dans ce scénario, il y a quatre intervalles complets de 30 minutes à prendre en compte. Cela étant, 20 mg d’alcool (5 mg x 4 intervalles complètes de 30 minutes = 20 mg) seraient ajoutés à l’alcoolémie de 110 mg, ce qui donnerait une alcoolémie de 130 mg d’alcool/100 ml de sang.

Exemple 3 : Une conductrice est impliquée dans un accident à minuit et s’enfuit. La police la trouve plus tard à son domicile et elle échoue un test à l’aide d’un ADA. Elle est conduite au poste de police et le premier échantillon d’haleine est prélevé à 5 h 15, 3 heures et 15 minutes après la fenêtre de deux heures. La conductrice obtient un résultat de 60 mg d’alcool/100 ml de sang. Il y a six intervalles de 30 minutes. Cela étant, 30 mg d’alcool (5 mg x 6 intervalles complets de 30 minutes = 30 mg) seraient ajoutés à l’alcoolémie de 60 mg, ce qui donnerait une alcoolémie de 90 mg/100 ml de sang.

6.4 Admissibilité de l’opinion de l’agent évaluateur (paragraphe 320.31(5))

Les dispositions législatives ont été précisées afin de veiller à ce que l’opinion d’un agent évaluateur soit admissible au procès sans qu’il soit nécessaire de démontrer la qualité d’expert de l’agent. Cette précision reflète la confiance que le législateur a dans les agents évaluateurs qui ont reçu une formation spéciale. Elle tient également compte de l’arrêt R c BingleyNote de bas de page 76, rendu par la Cour suprême du Canada, dans lequel la Cour a conclu que le témoignage d’opinion d’un agent évaluateur est admissible sans qu’il soit nécessaire de tenir une audience pour le faire qualifié comme expert.

6.5 Présomption dans les cas d’ERD(paragraphe 320.31(6))

Certains tribunaux ont hésité à établir le lien entre les résultats d’un échantillon toxicologique dans une affaire d’ERD et l’affaiblissement des capacités observé par l’agent responsable de l’arrestation. Les dispositions législatives ont été changées pour édicter une présomption dans le contexte de l’ERD, qui permet d’établir le lien par inférence entre la présence de drogues identifiées par l’ERD comme causant un affaiblissement des capacités au moment de la conduite et l’affaiblissement des capacités observé au moment de la conduite. En vertu du paragraphe 320.31(6), si un agent évaluateur détermine qu’un type de drogue se trouve dans l’organisme d’une personne et cause un affaiblissement de la capacité de cette personne et que le type de drogue est confirmé par une analyse d’échantillon sanguine en laboratoire, cette drogue est présumée être celle qui était présente dans l’organisme de la personne au moment où elle a conduit, et être la cause des signes d’affaiblissement de la capacité, observés par l’agent de la paix lors du contrôle routier.

Cette présomption peut être réfutée par l’accusé s’il peut soulever un doute raisonnable, par exemple, en présentant des éléments de preuve portant que les signes d’affaiblissement pourraient avoir été causés par autre chose que la drogue.

Comme l’indique l’Énoncé concernant la Charte déposé par la ministre de la Justice le 11 mai 2017, il existe un certain nombre de considérations qui militent en faveur de la conformité de cet article avec la Charte :

La présomption reflète une conséquence logique des faits observés, notamment que l’affaiblissement était causé par la drogue identifiée par l’agent et trouvée dans l’échantillon. Elle ne libère pas la Couronne du fardeau de prouver la conduite avec les facultés affaiblies ou de prouver la présence d’une drogue. Elle est également réfutable, en ce sens que l’accusé a toujours la possibilité de soulever un doute raisonnable. La présence d’autres causes liées à l’affaiblissement des facultés observé constitue également des informations dont l’accusé possède la connaissance exclusive, et qui peuvent servir à réfuter la présomptionNote de bas de page 77.

6.6 Admissibilité des déclarations faites lors d’un contrôle routier (paragraphe 320.31(9))

Dans le passé, il existait une incertitude quant à l’utilisation susceptible d’être faite des renseignements qu’un conducteur était tenu, au titre d’une loi provinciale, de fournir à la police après un accident. Le paragraphe 320.31(9) précise qu’une déclaration faite par une personne à un agent de la paix, notamment une déclaration obligatoire au titre d’une loi provinciale, est admissible en preuve pour justifier tout ordre de fournir un échantillon d’haleine à l’aide d’un ADA et d’un éthylomètre approuvé.

Comme l’indique l’Énoncé concernant la Charte, il existe un certain nombre de considérations qui militent en faveur d’une conformité de cet article avec la Charte :

Bien que les déclarations forcées en vertu d’une loi provinciale sur la circulation routière ne puissent être utilisées pour prouver au procès un élément d’une infraction de conduite avec facultés affaiblies, les mêmes préoccupations ne s’appliquent pas lorsque la déclaration forcée doit être utilisée afin de justifier une demande d’utilisation d’un ADA. Les policiers devraient avoir le droit d’utiliser les faits dont ils disposent, y compris les déclarations forcées, pour établir les soupçons raisonnables requis pour présenter une demande d’utilisation d’un ADANote de bas de page 78.

6.7 Certificats

6.7.1 Contenu des certificats (paragraphe 320.32(1))

Au lieu d’avoir des dispositions pour plusieurs types de certificats précisant ce qui doit être inclus dans chacun d’eux, comme c’était le cas auparavant, le paragraphe 320.32(1) est une disposition générale concernant les certificats utilisés comme preuve des faits allégués.

Les certificats peuvent continuer d’être utilisés, en y apportant les mises à jour nécessaires pour prendre en compte les nouveaux numéros d’articles, ou d’autres mises à jour administratives.

6.7.2 Procédure relative au contre-interrogatoire portant sur un certificat (article 320.32)

La procédure est modifiée dans les cas où l’accusé souhaite contre-interroger la personne qui a signé le certificat. L’article 320.32 prévoit que la personne accusée doit présenter une demande écrite et donner des détails sur la pertinence possible de la preuve présentée par la personne ayant signé le certificat sur un point en litige qui va au-delà des faits établis dans le certificat. L’accusé doit donner un préavis de 30 jours au poursuivant et l’audience de la demande doit précéder le procès d’au moins 30 jours.

La disposition vise à garantir que la personne qui a signé le certificat n’est pas tenue d’assister au procès dans le cadre d’une recherche à l’aveuglette ou dans l’espoir qu’elle ne sera pas disponible à la date du procès.

6.8 Communication de renseignements relatifs à l’analyse de l’échantillon d’haleine (article 320.34)

L’article 320.34 précise les renseignements que le poursuivant doit communiquer à la défense visant à déterminer si le test d’haleine du sujet a fourni des résultats exacts. Essentiellement, la nouvelle disposition exige que les renseignements à communiquer soient ceux que le CAA considère comme pertinentsNote de bas de page 79. Si un accusé demande des renseignements supplémentaires, il doit convaincre un juge que ceux-ci sont vraisemblablement pertinents pour établir le bon fonctionnement de l’éthylomètre lorsqu’il a été utilisé pour analyser l’haleine de l’accusé et produire l’alcoolémie. Comme il a été signalé, l’accusé doit donner un préavis de 30 jours au poursuivant et l’audience de la demande doit se tenir au moins 30 jours avant le procès.

Il est reconnu qu’il est inhabituel que le Code criminel précise les renseignements devant être communiqués. Ce domaine du droit est régi par la common law, plus particulièrement par l’arrêt R c StinchcombeNote de bas de page 80 de la Cour suprême. Toutefois, dans le sillage des modifications de 2008 qui ont restreint la défense du « dernier verre Â» et de l’arrêt St-OngeNote de bas de page 81 de la Cour suprême de 2012, il y avait de l’incertitude concernant les renseignements devant être communiqués à l’accusé.

Ces nouvelles dispositions illustrent la confiance du législateur envers la fiabilité des éthylomètres approuvés et son acceptation de la position du CAA que les documents comme les dossiers d’entretien des éthylomètres approuvés ne sont pas scientifiquement pertinents pour déterminer la validité d’une analyse à l’aide d’un éthylomètre. Cette disposition est compatible avec la décision d’octobre 2018 par la Cour suprême du Canada dans R c GubbinsNote de bas de page 82.

Comme l’indique l’Énoncé concernant la Charte, il y a un certain nombre de considérations qui militent en faveur de la compatibilité de cet article avec la Charte :

Les précisions concernant les documents qui sont pertinents s’appuient sur le fait que, comme il est expliqué précédemment, les résultats des alcootests approuvés sont valides et concluants si les tests sont réalisés conformément aux procédures prescrites. En conséquence, seuls les documents qui permettent de déterminer si les procédures décrites ont été respectées sont pertinents. Cette disposition respecte l’obligation de la Couronne quant à la divulgation de tous les documents qui sont pertinents. Le tribunal conserve également le pouvoir de déterminer si d’autres documents sont pertinents si l’accusé présente une demande en vue d’obtenir d’autres renseignementsNote de bas de page 83.

6.9 Présomption relative à la conduite (article 320.35)

L’ancienne présomption « de la garde et du contrôle Â» a été reconduite, mais actualisée pour tenir compte de la terminologie modernisée. S’il est établi qu’une personne occupait le siège du conducteur d’un moyen de transport, elle est présumée l’avoir conduit et elle peut donc être accusée de conduite avec capacités affaiblies. Aucune modification n’est apportée en ce qui a trait à la réfutation de la présomption.

7. Dispositions générales

7.1 Utilisation non autorisée des substances corporelles (article 320.36)

L’article 320.36 interdit encore l’utilisation non autorisée des substances corporelles ou la communication des résultats des épreuves normalisées de sobriété administrées à un conducteur lors d’un contrôle routier ou l’évaluation ERD qui a été effectué dans le cadre d’un régime régissant la conduite avec capacités affaiblies.

Plus particulièrement, les échantillons ne peuvent être utilisés qu’aux fins du régime régissant la conduite avec capacités affaiblies ou de l’administration ou de l’application d’une loi fédérale ou provinciale relative aux drogues ou à l’alcool ou à la conduite d’un moyen de transport.

Cette disposition est destinée à éviter la mauvaise utilisation d’échantillons de substances corporelles ou des résultats d’évaluation. Par exemple, un échantillon de sang prélevé dans le cadre d’une enquête sur la conduite avec capacités affaiblies ne peut pas être analysé aux fins d’en extraire l’ADN du conducteur.

Elle interdit également l'utilisation ou la divulgation des résultats d'une évaluation ou d'un test de coordination physique ou d'une analyse d'une substance corporelle, à l'exception de l’exécution ou du contrôle d’application d'une loi fédérale ou provinciale. Si les résultats sont dépersonnalisés, ils peuvent être divulgués à des fins de statistiques ou de recherche.

7.2 Refus de prélever un échantillon (article 320.37)

L’article 320.37 reconduit la disposition selon laquelle aucun médecin qualifié ou technicien qualifié ne s’exposera à une responsabilité criminelle (p. ex. une accusation d’entrave à la justice) pour refuser de prélever un échantillon. Cette disposition a été légèrement modifiée afin de préciser que l’exemption de la responsabilité pour défaut de prélever un échantillon ne s’applique que si le médecin ou le technicien qualifié a une excuse raisonnable pour refuser de le faire. Cette disposition reconnaît que les praticiens médicaux sont tenus de respecter la Loi, notamment à l’égard de la prise d’échantillons de sang, lorsqu’il leur est demandé de le faire ou qu’ils y sont autorisés. L’exemption reconnaît que des situations peuvent surgir (p. ex. une urgence médicale dans un milieu hospitalier) qui justifieraient qu’un médecin refuse de prélever un échantillon de sang.

La disposition prévoit aussi qu’aucun médecin ou technicien qualifié ne risque d’être poursuivi au civil ou au pénal pour tout geste nécessaire au prélèvement posé avec des soins et une habileté raisonnables (p. ex. si une prise de sang est effectuée en accord avec les procédures normalisées, mais cause néanmoins une infection).

7.3 Pouvoir de réglementation (article 320.38)

L’article 320.38 confère au gouverneur en conseil le pouvoir de prendre des règlements. Il reconduit le pouvoir actuel d’établir les qualités des agents d’évaluation, les tests en bordure de la route qui aident à déterminer l’affaiblissement des capacités par l’alcool ou une drogue et les examens qu’un agent évaluateur doit effectuer pour établir l’affaiblissement des capacités.

Cette disposition autorise aussi le gouverneur en conseil à prendre des règlements pour établir les CDS pour les trois nouvelles infractions deCDS. C’est une façon plus efficace et souple de suivre l’évolution des connaissances scientifiques des drogues incapacitantes (p. ex. de nouvelles drogues pourraient être ajoutées et les CDS actuelles pourraient être modifiées plus rapidement).

La disposition autorisant l’incorporation d’autres documents par renvoi n’a pas été reconduite. Elle n’était jamais utilisée, puisque la documentation devant être incorporée (la documentation relative aux ERD de l’Association internationale des chefs de police) n’est pas disponible dans les deux langues officielles du Canada et ne reflète pas nécessairement la législation et la jurisprudence canadienne.

7.4 Pouvoir d’approuver des instruments (article 320.39)

L’article 320.39 confère au procureur général du Canada le pouvoir de publier des arrêtés afin d’approuver des instruments de dépistage d’alcool, du matériel de détection des drogues, d’instruments pour établir l’alcoolémie et des contenants destinés à recueillir et conserver des échantillons de sang. Selon les dispositions législatives antérieures, le pouvoir de prendre des arrêtés était implicite dans les définitions. La convention moderne en matière de rédaction législative consiste à conférer explicitement au procureur général le pouvoir de prendre des arrêtés.

7.5 Pouvoir de désigner (article 320.4)

L’article 320.4 confère au procureur général d’une province le pouvoir législatif de désigner des analystes et des techniciens qualifiés aux fins suivantes :

Dans les dispositions législatives antérieures, le pouvoir de désigner des analystes et des techniciens qualifiés était implicite dans les définitions des différents instruments. La convention moderne en matière de rédaction législative consiste à conférer explicitement au procureur général le pouvoir de faire ces désignations dans une disposition distincte de celle contenant les définitions.

8. Dispositions transitoires

L’article 32 de la Loi prévoit que les éléments liés à la preuve concernant l’alcoolémie au moment de l’analyse (c.-à-d. la présomption d’exactitude) et la communication s’appliqueront à tous les cas devant les tribunaux lorsque la partie VIII.1 entrera en vigueur. Il ne vise pas à avoir une incidence sur la présomption d’identité ou d’autres éléments à l’appui d’une poursuite visant l’infraction antérieure d’alcoolémie dépassant 80. Cet article donne suite à l’opinion des juges majoritaires dans l’arrêt R c DineleyNote de bas de page 84, qui avaient conclu que les modifications de 2008 portant sur la défense dite des deux bières ne s’appliquaient pas aux affaires dont les tribunaux étaient saisis lorsque les dispositions législatives sont entrées en vigueur. Les juges majoritaires ont affirmé : « Il n’y a aucune disposition transitoire indiquant expressément si les modifications s’appliquent rétrospectivement, c’est-à-dire aux actes commis avant leur entrée en vigueur Â».