Réponse du système de justice pénale à la non-divulgation de la séropositivité

Partie A : Le VIH et le Canada

Le virus d’immunodéficience humaine (VIH) est un rétrovirus qui cause l’infection par le VIH et, au fil du temps, le syndrome d’immunodéficience acquise (sida). Le sida affaiblit progressivement le système immunitaire, rendant les personnes atteintes vulnérables aux cancers et aux infections qui mettent la vie en danger. L’infection par le VIH peut être contractée par contact direct avec le sang, le sperme, les sécrétions vaginales, le liquide pré-éjaculatoire et le lait maternel. La Société canadienne du sida considère aussi que les sécrétions rectales peuvent contenir une concentration suffisante du virus de sorte que le VIH soit transmis lors de relations sexuelleNote de bas de page 3. Le VIH est à la fois une infection transmissible sexuellement et par le sang.

Selon les estimations nationales sur le VIH publiées en décembre 2016 par l’ASPCNote de bas de page 4, 65 040 personnes (fourchette de 53 980 à 76 100) vivaient avec le VIH au Canada à la fin de l’année 2014. De ce nombre, 52 220 personnes (fourchette de 47 230 à 57 440) ou 80 % (fourchette de 73 % à 87 %) avaient été diagnostiquées, c’est-à-dire qu’elles savaient qu’elles étaient séropositives. Parmi les personnes ayant reçu un diagnostic, 39 790 personnes (fourchette de 36 470 à 43 140) ou 76 % (fourchette de 70 % à 82 %) suivaient un traitement antirétroviral et, de ce nombre, 35 350 personnes (fourchette de 32 430 à 38 260) ou 89 % (fourchette de 84 % à 93 %) avaient une charge virale supprimée (soit moins de 200 copies du VIH par ml de sang).

Les données disponibles sur l’épidémiologie du VIH au Canada résumées ci-après présentent notamment les groupes qui sont touchés de façon disproportionnée par le virus, les conséquences du VIH pour les personnes infectées et les effets du traitement antirétroviral. Ces données révèlent que, bien que le VIH puisse maintenant être maîtrisé grâce aux progrès médicaux considérables au niveau du traitement du virus, il demeure incurable et a des répercussions graves, tant physiques que psychologiques, sur les personnes touchées. Les données montrent aussi qu’un nombre croissant de Canadiens vivant avec le VIH suivent un traitement, ce qui essentiel pour arrêter la propagation du VIH. L’amorce rapide d’un traitement médical contre le VIH et son maintien sont primordiaux pour supprimer la charge virale, un marqueur clé de la réussite du traitement, ainsi que pour prévenir les maladies associées au VIH et optimiser la santé des personnes infectées. Le maintien du traitement permet aussi d’aider à réduire le risque de transmission du VIH dans la collectivité.

1. Données statistiques sur le VIH au Canada

Hausse des diagnostics du VIH en 2015 par rapport à 2014

Selon les données de surveillance de 2015 de l’ASPCNote de bas de page 5, soit les plus récentes données disponibles, 2 096 cas d’infection au VIH ont été diagnostiqués en 2015, une hausse de 2,2 % par rapport aux 2 051 cas diagnostiqués en 2014. Le nombre le plus élevé de cas a été signalé en Ontario, puis au Québec, en Colombie-Britannique et en Alberta.

En 2015, l’augmentation la plus importante des diagnostics du VIH a été chez les personnes âgées de 25 à 29 ans

En 2015, 24,1 % des personnes infectées au VIH étaient des femmes, une légère baisse comparativement à 24,3 % en 2014. Les jeunes de 15 à 24 ans représentaient 10,8 % des cas en 2015, contre 11,4 % en 2014. Les hausses les plus marquées dans la proportion de diagnostics d’infection au VIH selon le groupe d’âge ont été observées chez les 25 à 29 ans (de 11,8 % en 2014 à 15,8 % en 2015) et chez les personnes de 50 ans ou plus (de 21,9 % en 2014 à 23,9 % en 2015).

En 2015, la catégorie d’exposition la plus courante était celle des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH), suivie de l’exposition par contacts hétérosexuels

En 2015, les catégories d’exposition (aussi appelées facteurs de risque) signalées pour les adultes (15 ans et plus) diagnostiqués du VIH ont été les suivantes :

Chez les hommes, la catégorie des HARSAH représentait 59,7 % des cas, suivie de l’exposition par contacts hétérosexuels, 21,4 %, et de l’utilisation de drogues injectables, 12,5 %. Chez les femmes, les cas où les contacts hétérosexuels étaient en cause représentaient 64,4 %, et ceux liés à l’utilisation de drogues par injection, 27,9 %.

En 2015, 45,6 % des cas signalés touchaient des personnes de « race blanche », 18,7 %, des personnes de « race noire », et 17,5 %, des « Autochtones ». Toujours en 2015, il y a eu 232 cas de nourrissons exposés au VIH durant la période périnatale et l’infection au VIH a été confirmée dans trois de ces cas.

Les personnes provenant de pays où le VIH est endémique continuent d’être surreprésentées parmi les personnes qui vivent avec le VIH au Canada

Selon les estimations de 2014 de l’ASPCNote de bas de page 6, un nombre estimé de 358 nouvelles infections (fourchette de 250 à 470) impliquaient des relations hétérosexuelles chez des personnes nées dans un pays où le VIH est endémique (principalement des pays d’Afrique subsaharienne et des Caraïbes). Cette catégorie représentait 13,9 % des nouvelles infections au Canada en 2014, alors que les personnes nées dans des pays où le VIH est endémique représentaient environ 2,5 % du total de la population canadienne. Le taux d’incidence du VIH au sein de cette population était 6,3 fois plus élevé que le taux chez les autres Canadiens.

Les Autochtones continuent d’être surreprésentés parmi les personnes qui vivent avec le VIH au Canada

Selon les estimations de 2014 relatives au VIH de l’ASPCNote de bas de page 7, un nombre estimé de 278 nouvelles infections au VIH (fourchette de 200 à 360) se sont produites chez les Autochtones en 2014, ce qui correspond à 10,8 % de toutes les nouvelles infections cette même année. En revanche, les Autochtones représentent environ 4,3 % de l’ensemble de la population canadienne. L’estimation de 2014 est légèrement inférieure à celle de 2011, qui correspondait à 349 (fourchette de 250 à 450) nouvelles infections et à 12,5 % du total des nouvelles infections. Le taux d’incidence du VIH chez les Autochtones était 2,7 fois plus élevé que celui de la population canadienne non autochtone en 2014. Près de la moitié (45,3 %) de ces nouvelles infections était attribuée à l’utilisation de drogues par injection, suivie des contacts hétérosexuels (40,3 %), des HARSAH (10,4 %) et d’une combinaison de l’utilisation de drogues par injection et des HARSAH (4,0 %).

2. Transmission du VIH par des personnes non diagnostiquées par rapport à celle par des personnes diagnostiquées

Selon des données américaines, la majorité des nouvelles infections en 2009 étaient imputables à des personnes diagnostiquées, mais non traitées

Le Canada n’a pas de données nationales sur le taux de transmission du VIH imputable aux personnes diagnostiquées par rapport à celui imputable aux personnes non diagnostiquées. Toutefois, une étude américaine de 2015 a révélé que les personnes infectées mais non diagnostiquées (soit 18,1 % du total de la population infectée) étaient responsables de 30,2 % du total estimé des cas de transmission du VIH aux États-Unis en 2009, et que 61,3 % des cas de transmission étaient attribuables aux personnes diagnostiquées, mais qui ne recevaient pas de traitement médicalNote de bas de page 8.

Selon des données du Québec, les infections récentes au VIH représentaient la moitié des cas de transmission en 2007

En 2007, des chercheurs du Québec ont publié les résultats d’une étude indiquant que les infections récentes au VIH, c.-à-d. celles se produisant moins de six mois après la formation d’anticorps anti­VIH décelables dans le sang à la suite d’une infection (c.-à-d., la séroconversion), représentaient 49 % des cas de transmission du VIH en milieu urbainNote de bas de page 9. Les infections récentes au VIH sont souvent non diagnostiquées.

3. Taux de mortalité associés au VIH/sida

Les décès liés au VIH connaissent une baisse constante

Selon les plus récentes statistiques de l’état civil, il y a eu 241 décès liés au VIH au Canada en 2013. Ces données montrent une baisse constante des décès liés au VIH depuis 2009 : le nombre de ces décès s’élevait à 276 en 2012, à 306 en 2011, à 336 en 2010 et à 355 en 2009Note de bas de page 10. Toutefois, il y a plusieurs limites associées à l’utilisation des statistiques de l’état civil pour estimer le nombre de décès liés au VIH, notamment des retards au niveau des déclarations et la sous-déclarationNote de bas de page 11.

Par ailleurs, des chercheurs ont récemment constaté qu’il y avait eu d’importantes baisses quant au nombre de décès liés au VIH chez les personnes recevant un traitement antirétroviral en Colombie-Britannique entre 2001-2002 et 2011-2012 (soit de 2,34 décès par 100 personnes-annéesNote de bas de page 12 en 2001-2002 à 0,56 par 100 personnes-années en 2011-2012Note de bas de page 13).

4. Taux de dépistage du VIH

Augmentation des taux de dépistage du VIH depuis 1996

Bien qu’il n’y ait pas de taux de dépistage du VIH disponible à l’échelle nationale, le Centre d’excellence de la Colombie-Britannique a signalé une hausse générale du dépistage du VIH de 2009 à 2014 dans la province (de 3 674,3 à 5 942,7 tests par 100 000 habitants, soit une hausse de 61,7 %Note de bas de page 14). Dans d’autres provinces qui ont publié leur taux de dépistage du VIH, une hausse générale de ces taux a aussi été observée, par exemple, en Saskatchewan de 2006 à 2015 (de 42 955 à 72 659 tests, soit une hausse de 69,2 %Note de bas de page 15), en Ontario de 1996 à 2012 (de 2 520,0 à 3 230,0 tests par 100 000 habitants, soit une hausse de 28,2 %Note de bas de page 16) et au Québec de 2005 à 2014 (de 3 655,0 à 4 056,0 tests par 100 000 habitants, soit une hausse de 11,0 %Note de bas de page 17). Toutefois, la hausse au Québec était moins marquée que celles dans d’autres provinces.

5. L’incidence du VIH et du traitement antirétroviral

Le VIH a d’importantes répercussions sur la santé et le bien-être des personnes infectées

Les personnes vivant avec le VIH peuvent être touchées par différentes conditions médicales se rapportant à leur infection au VIH, y compris des maladies liées au sida, les effets secondaires du traitement et des affections associées au VIH, autres que le sida. L’ASPC fait état des répercussions suivantesNote de bas de page 18 :

La transmission du VIH peut être empêchée par la prophylaxie postexposition

La prophylaxie postexposition (PPE) est une intervention de prévention consistant à administrer une combinaison d’antirétroviraux dans les 72 heures suivant l’exposition, puis de manière quotidienne pour une durée de quatre semaines. La PPE peut être utilisée en cas d’exposition professionnelle, lorsqu’une personne est exposée dans le cadre de son travail à des liquides corporels susceptibles de contenir du VIH (par exemple, un travailleur en soins de santé qui se pique accidentellement sur une aiguille usagée). La PPE peut aussi être utilisée après une exposition potentielle au VIH dans d’autres situations (non professionnelles) afin de réduire les risques d’infection, par exemple, après un rapport sexuel sans condom, un rapport sexuel pendant lequel un condom s’est déchiré, un cas de partage de seringue ou une agression sexuelleNote de bas de page 20. La PPE réduit le risque de transmission du VIH par plus de 80 %Note de bas de page 21.

Certaines difficultés peuvent toutefois nuire au suivi complet des traitements de PPE qui sont offerts présentement. Parmi celles-ci, notons le fardeau de devoir prendre jusqu’à quatre comprimés par jour, devoir prendre des comprimés plus d’une fois par jour, ainsi que les coûts et la toxicité associés aux médicaments. Les effets secondaires de la PPE incluent des nausées et des vomissements, la diarrhée, des maux de tête, la fatigue et des faiblesses. Des essais cliniques menés dans différents pays ont permis d’observer une plus grande tolérance, de meilleurs taux d’achèvement de traitement et un moins grand nombre d’interactions médicamenteuses grâce à la prise d’agents antirétroviraux plus récentsNote de bas de page 22.

En grande partie en raison des médicaments antirétroviraux, le VIH est maintenant considéré comme une maladie chronique, mais gérable

Des améliorations progressives et appréciables ont été observées quant à l’augmentation de l’espérance de vie et à la diminution de la mortalité chez les personnes vivant avec le VIH qui ont suivi un traitement antirétroviral (TAR), aussi désigné « traitement antirétroviral hautement actif » (TARHA) ou « traitement antirétroviral combiné » (TARc). La disponibilité et la prise accrues de médicaments antirétroviraux ont été associées à des résultats virologiques améliorés, à une pharmacorésistance réduite, ainsi qu’à des diminutions importantes quant à  l’incidence de maladies définissant le sida.

Différentes difficultés sont associées au traitement

Dans le cadre d’une étude portant sur les effets du traitement antirétroviral sur la qualité de vie, les personnes vivant avec le VIH ont dit percevoir le traitement comme un compromis entre une moins bonne qualité de vie et une espérance de vie plus grande. Elles ont relevé certains problèmes comme les conséquences des effets secondaires, y compris les répercussions sur l’estime de soi, et sur la santé sociale et sexuelle, et l’incidence des toxicités médicamenteuses. D’autres facteurs négatifs comprenaient les tensions avec les travailleurs de la santé, la perte de prise de décisions indépendantes, la dissuasion à retourner au travail, le fardeau de prendre des médicaments, et le stress lié au fait de cacher leur état séropositif.

Le traitement antirétroviral est offert publiquement au Canada par l’entremise des systèmes de santé provinciaux et territoriaux

La plupart des personnes vivant avec le VIH accèdent au traitement, aux soins et au soutien disponibles. Toutefois, ce ne sont pas toutes les personnes vivant avec le VIH au Canada qui peuvent avoir ou ont accès au traitement recommandé. Les personnes doivent tenir compte d’un certain nombre de considérations importantes lorsque vient le temps de décider du moment opportun pour commencer le traitement. Une fois le traitement commencé, les patients sont avisés de le suivre pour le reste de leur vie. Différents obstacles personnels et sociaux peuvent avoir une incidence sur la capacité et la volonté des personnes vivant avec le VIH de suivre le traitement recommandé par un médecin.

Divers facteurs ont une incidence sur le succès du traitement

Les personnes vivant avec le VIH doivent prendre leurs médicaments quotidiennement; une interruption au niveau du traitement peut nuire à son efficacité, faire augmenter la charge virale et risquer d’entraîner une pharmacorésistance. De plus, les patients peuvent répondre différemment aux divers régimes thérapeutiques et le fait de retarder la prise de médicaments a une incidence sur la mortalité. On associe l’insécurité alimentaire, caractérisée par un accès limité ou instable à des aliments adéquats sur le plan nutritif, à des interruptions de traitement, de faibles résultats liés au traitement et des décès liés au VIH.

Les régimes thérapeutiques peuvent causer des effets secondaires

Les effets secondaires du traitement peuvent nuire à la santé et à la qualité de vie des personnes atteintes. Il peut être difficile de déterminer si les problèmes de santé et les symptômes dont souffrent les personnes vivant avec le VIH sont causés par les médicaments contre le VIH ou par le virus lui-même. Dans de nombreux cas, ces problèmes de santé peuvent être à la fois le résultat des effets secondaires du traitement et de l’infection au VIH. Les effets secondaires du traitement contre le VIH varient selon les patients et les régimes thérapeutiques antirétroviraux. Alors que certains patients ont de graves effets secondaires découlant du traitement, d’autres n’en ont que de légers, voire aucun. Parmi les effets secondaires signalés, notons la perte d’appétit, des nausées et vomissements, des problèmes digestifs, par exemple la diarrhée et des flatulences, la redistribution des tissus adipeux, des problèmes cardiovasculaires, y compris les accidents vasculaires cérébraux et les crises cardiaques, la résistance à l’insuline et le diabète, des problèmes osseux, y compris la mort de tissus osseux, des problèmes de foie, des pancréatites, des problèmes de peau, des douleurs musculaires et articulaires, une faiblesse musculaire, des maux de tête, et des troubles de santé mentale, comme la dépression et l’anxiété. Malgré tout, le traitement a beaucoup amélioré la vie des personnes vivant avec le VIH en dépit des répercussions négatives liées aux effets secondaires chez certaines d’entre elles.

Le dépistage et le diagnostic tardifs du VIH donnent lieu à des périodes plus longues de transmission à l’insu des personnes infectées et sont associés à des taux de morbidité et de mortalité plus élevés

Dans les premiers stades de l’infection, le risque de transmission est accru puisque la personne nouvellement infectée a une charge virale plus élevée pendant cette période. Ces personnes sont plus susceptibles de ne pas avoir été diagnostiquées et de continuer d’avoir des comportements à risque, alors que celles qui connaissent leur séropositivité sont plus susceptibles de prendre des mesures actives pour prévenir la transmission du virus. De plus, le dépistage et le traitement précoces du VIH contribuent à l’amélioration des résultats en matière de santé pour les personnes infectées.