Opinion des minorités sur la Loi Antiterroriste
4. Analyse Détaillée
4.1 Points de vue sur le terrorisme
Les participants de diverses localités ne comprenaient pas très bien ce qu'était le terrorisme ni ce qu'était un acte terroriste. Cela est apparu très tôt dans les groupes quand il a été question des actes terroristes perpétrés au Canada avant le 11 septembre et tout au long des discussions concernant plusieurs aspects de la LA.
4.1.1 Connaissance des actes de terrorisme perpétrés au Canada avant le 11 septembre
Les participants des 5 localités et de tous les groupes-cibles étaient très peu au courant des actes de terrorisme perpétrés au Canada.
Dans l'ensemble, les participants ont mentionné qu'il n'y avait eu aucun incident qui puisse se comparer au 11 septembre. Toutefois, plusieurs participants des 5 localités se sont vaguement souvenus de la crise du FLQ en 1970, de même que de l'écrasement de l'avion d'Air India quoique ce dernier incident a davantage préoccupé les participants des minorités visibles et non-visibles. Quelques participants du groupe des minorités visibles de Calgary savaient qu'une personne avait tenté, récemment, de transporter une bombe aux États-Unis.
D'autres incidents qui ont été mentionnés au début des discussions démontrent à quel point les participants étaient confus relativement à la définition du terrorisme. Il s'agit de la crise d'Oka (mentionnée à Montréal), du massacre des étudiantes de Polytechnique (mentionné tant à Montréal qu'à Halifax) et de l'assassinat par balle de médecin qui pratiquait des avortements (mentionné à Calgary et à Vancouver.)
4.1.2 Probabilité d'une attaque terroriste au Canada
Dans le cadre de son introduction, l'animateur a demandé aux participants si le Canada pourrait être victime d'une attaque terroriste. (Soulignons que les 13 groupes de discussion qui ont eu lieu après ceux de Halifax, l'animateur a demandé si le Canada pourrait être victime d'une telle attaque au cours des deux prochaines années.)
De façon générale, les participants à la présente étude ne pensaient pas que la situation actuelle était exceptionnelle ou particulièrement menaçante, et cela malgré le climat tendu qui sévissait avant la guerre en Iraq.
La plupart des participants de toutes les localités ont répété que le risque de terrorisme en sol canadien était faible parce que le Canada était un « pays sécuritaire et paisible »
contrairement à d'autres (le Moyen-Orient, l'Europe et l'Angleterre) où le terrorisme existe depuis longtemps.
Nous [le Canada] ne sommes pas sur la liste noire des terroristes. (Halifax, groupe 1]
Les participants avaient également l'impression que le Canada était: « un pays neutre »
qui ne menaçait personne, «surtout si on le compare aux États-Unis »
, un pays « très multiculturel »
qui « accueille tout le monde »
, qui « est paisible »
, qui est un « suiveur »
sur le plan de la politique plutôt qu'un « leader »
, et un pays qui n'appuie pas les États-Unis dans la guerre contre l'Iraq.
Les participants de diverses localités ont mentionné que le faible risque d'une guerre ou d'actes terroristes était en fait l'une des raisons pour lesquelles ils avaient émigré au Canada. Toutefois, dans certains groupes, les participants ont dit que le Canada avait été et pourrait encore être un « refuge pour les terroristes. »
En fait, plusieurs participants de Vancouver étaient d'avis qu'il y avait de fortes chances que des « terroristes en veilleuse vivent ici »
. Des participants de Montréal pensaient que non seulement il y avait des terroristes au Canada mais qu'ils étaient « prêts à attaquer »
. Ils ont dit que le Canada était menacé parce qu'il était situé tout près des États-Unis, mais que nous ne serions pas visés directement, qu'il y
aurait peut-être des incidents mineurs mais rien de très grave.
Préoccupation typique des participants - « On ne sait jamais »
!
4.2 Connaissance des dispositions législatives
En règle générale, les participants connaissaient peu les dispositions législatives relatives au terrorisme dans les 3 groupes-cibles et dans les 5 localités que ce soit la Loi antiterroriste, le Code criminel ou toute autre mesure d'ordre juridique.
4.2.1 La Loi antiterroriste
Dans l'ensemble, les participants des 3 groupes-cibles et de toutes les villes connaissaient très peu la nouvelle législation antiterroriste. Quelques-uns en avaient entendu parler dans les bulletins de nouvelles mais il s'agissait de notions très vagues. Plusieurs participants de diverses localités ont mentionné que la LA avait été adoptée très rapidement après les événements du 11 septembre à cause des pressions exercées par les États-Unis.
Depuis le 11 septembre, nous suivons les règles des États-Unis. (Halifax groupe 1)
D'autres participants ont mentionné que le gouvernement avait adopté la LA sans consulter la population et sans publicité. Une femme de Toronto avait lu que le SCRS pouvait maintenant accuser une personne sans révéler les éléments de preuve qu'il avait contre elle (même à l'avocat de l'accusé). Quelques participants de Montréal ont dit qu'il s'agissait d'une nouvelle loi, alors que d'autres n'étaient pas de cet avis - quoi qu'il en soit, personne n'a pensé qu'il s'agissait d'un changement majeur.
Plusieurs individus connaissaient un peu mieux la LA. Un participant du groupe 1 de Calgary avait tenté de lire la loi, mais puisqu'elle comportait plus de 100 pages, il n'y était pas arrivé. Une participante du groupe 2 de Vancouver, secrétaire juridique, avait entendu ses employeurs en discuter au travail. Et une étudiante du groupe 2 de Halifax avait récemment rédigé une étude sur cette question à la faculté de droit. Elle en cité une partie:
Les changements apportés au système judiciaire, les nouveaux pouvoirs de la police, la surveillance accrue, les pertes des droits de chacun de se défendre, l'atteinte à la vie privée et à la liberté expression, une augmentation des mesures de sécurité dans les aéroports et aux frontières, l'établissement de profils fondés sur la race, l'immigration (la sécurité, la détention et l'identification), l'établissement de listes de terroristes et le financement des activités terroristes (blanchiment d'argent, dons aux organismes de charité).
4.2.2 Dispositions antérieures du Code criminel sur le terrorisme
Dans l'ensemble, les participants ne pouvaient pas dire si certaines mesures avaient été adoptées à l'égard des activités terroristes avant l'adoption du projet de loi C-36 - la plupart des participants n'en avaient aucune idée.
Les groupes francophones de Montréal et les groupes de Calgary ont été l'exception. À Montréal, quelques participants de chaque groupe étaient d'avis que la Loi antiterroriste venait renforcer les dispositions législatives qui existaient déjà dans le Code criminel, mais ils ne pouvaient pas dire comment. À Montréal également, un répondant croyait que la Loi sur les mesures de guerre visait les activités terroristes avant la LA. Un répondant de Calgary se souvenait vaguement qu'une personne avait été renvoyée en Syrie en vertu d'une certaine « loi sur les soupçons »
mais il ne pouvait pas en dire davantage.
4.2.3 Mesures de sécurité publique après le 11 septembre
Les participants ne savaient pas exactement qu'elles avaient été les modifications législatives apportées après le 11 septembre, mais une importante majorité semblait être au courant de certaines mesures de sécurité publique adoptées par le gouvernement du Canada pour combattre le terrorisme.
La plupart des participants ont mentionné des mesures prises par le gouvernement dans les domaines du transport, des douanes et de l'immigration – savoir qu'il faut des pièces d'identité pour se rendre aux États-Unis et ailleurs. Selon les participants, il faut « plus de temps pour obtenir un passeport »
, les « cartes de résident permanent avec photo »
sont nécessaires, et les passeports ne sont plus tamponnés comme autrefois.
En outre, il était plus « difficile »
d'aller aux États-Unis. À Montréal, les participants ont surtout attribué ce fait à la décision américaine que le Canada a dû accepter sans dire un mot. Toutefois, certains participants montréalais ont apprécié le fait que le gouvernement canadien proteste contre l'insistance des Américains à ficher systématiquement certains résidents canadiens nés à l'étranger.
Les participants ont également mentionné les « vérifications de sécurité plus nombreuses »
dans les aéroports et aux frontières et une « sélection plus sévère des nouveaux immigrants »
. On utilise aujourd'hui de « meilleures techniques de fouille »
et les « portes de poste de pilotage sont plus sécuritaires »
. Les frais de sécurité imposés par les compagnies d'aviation seraient un moyen détourné d'imposer le contribuable aux fins de défrayer ces coûts.
Certains étaient d'avis que l'augmentation des fonds du gouvernement fédéral permettait de « financer le SCRS »
et d'assurer la sécurité dans les aéroports. D'autres ont vaguement parlé de législation mais n'ont pas mentionné la LA. Par exemple, on a parlé de la loi en matière d' « investissement »
ou de « financement du terrorisme »
, de « l'interdiction officielle »
de certains groupes du Canada et des « restrictions applicables en matière d'expédition. »
Un répondant de Montréal avait entendu dire, pendant la rencontre au sommet du G8 à Québec, qu'on « pouvait maintenant arrêter une personne sans mandat »
et il craignait « les abus de la police »
et une atteinte aux droits civils, notamment le « droit de contester »
.
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