La prostitution chez les jeunes – incidence de la violence familiale : analyse documentaire

3. Rapports et activités de gouvernements (aussi bien les articles critiques qu’élogieux)

3. Rapports et activités de gouvernements
(aussi bien les articles critiques qu’élogieux)

Il y a eu trois interventions importantes du gouvernement fédéral depuis 1981 : le Rapport Badgley (1984), le Rapport Fraser (1985) et le Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution (1998). De plus, les autorités provinciales et municipales ont créé de nombreux comités, rapports et groupes de travail afin de se pencher sur les préoccupations engendrées par la présence des jeunes dans le commerce du sexe et de proposer des mesures pour lutter contre ce phénomène. Dans la section qui suit, nous passons en revue ces rapports ainsi que les ouvrages qui en appuient ou critiquent les conclusions et les recommandations.

3.1 Le Comité Badgley

Le Rapport Badgley (1984) renfermait plusieurs constatations et conclusions qui faisaient suite à des entrevues réalisées auprès de 229 jeunes prostitués. Le Comité a constaté qu’une majorité des répondants étaient de sexe féminin (1984, p. 969) et que 27,6 % des jeunes filles et 13,1 % des garçons interrogés avaient moins de 16 ans (1984, p. 984). Les membres du Comité ont aussi appris que les jeunes prostitués venaient de familles représentant différentes classes sociales même si une « forte proportion » des jeunes avait grandi dans des familles de la « classe moyenne » (1984, p. 973). Lowman (1987, p. 102) a laissé entendre que le sondage effectué par le Comité Badgley sur la prostitution chez les jeunes ne comportait pas les détails nécessaires pour tirer des conclusions sur les origines sociales des jeunes prostitués.

Le Comité Badgley a révélé d’importants renseignements sur la vie de famille des jeunes fugueurs avant qu’ils se livrent à la prostitution de rue. Pour bien des jeunes, le choix de fuguer a été précipité par une situation familiale qu’ils qualifiaient d’intolérable :

Les conclusions du Sondage national sur la prostitution juvénile montrent clairement que la fugue est une expérience commune à la plupart des jeunes qui sont devenus depuis des jeunes prostitués. Pour un bon nombre d’entre eux, la fugue représentait un moyen immédiat d’échapper à un aspect quelconque de leur milieu familial qu’ils trouvaient impossible à supporter et non une solution leur permettant de poursuivre des objectifs positifs à long terme (Comité Badgley, 1984, p. 983).

En général, une majorité de jeunes ont qualifié leur enfance et leur adolescence de période troublée et malheureuse (Badgley, 1984, p. 985).

Le Comité Badgley a également déterminé que beaucoup de jeunes prostitués de sexe masculin ont fait une fugue parce qu’ils étaient ridiculisés et ostracisés en raison de leurs préférences homosexuelles (1984, p. 969). Étant donné le peu de soutien des membres de leur famille et leur milieu scolaire homophobe, bien des jeunes garçons se sont retrouvés à la rue où « […] ils pensaient pouvoir rencontrer des personnes ayant les mêmes préférences sexuelles que les leurs et où ils pourraient échapper à l’hostilité et à dérision de leur famille et de leurs camarades » (Comité Badgley, 1984, p. 970). À cet égard, les sentiments homophobes de la « bonne société » a poussé certains jeunes garçons dans la rue, où les conditions de vie ont contribué à leur décision de se livrer à la prostitution (Visano, 1987).

Le Comité Badgley (1984) s’est rendu compte également que les jeunes prostitués étaient relativement peu instruits comparativement aux autres Canadiens du même âge. Il a noté que les services sociaux offerts aux jeunes prostitués de la rue étaient « […] inefficaces et […] leur avaient procuré une protection et une aide inadéquates » (1984, p. 986). Il a recommandé la mise sur pied de services spécialisés pour aider les jeunes prostitués et empêcher les jeunes à risque de se livrer à la prostitution (1984, p. 986).

On a demandé aux jeunes interrogés pour le Rapport Badgley de se remémorer leurs premières expériences sexuelles, y compris les cas où ils avaient été victimes de violence sexuelle de la part de membres de leur famille (1984, p. 976). Le Comité a comparé les données des entrevues avec les jeunes prostitués aux données obtenues au moyen de l’Étude nationale sur la population pour déterminer s’il y avait un rapport entre les expériences sexuelles antérieures et le fait de se livrer à la prostitution. Le résultat a amené le Comité à soutenir que « …les jeunes qui se sont livrés plus tard à la prostitution juvénile n’ont pas, pendant leur enfance, été plus exposés aux risques d’agressions sexuelles que d’autres enfants et adolescents du Canada » (1984, p. 978).

Plusieurs commentateurs ont critiqué les conclusions du Comité Badgley concernant les expériences sexuelles antérieures (c’est-à-dire Lowman et coll., 1986; Bagley, 1985).

  1. Le Comité aurait eu recours à des données disproportionnées lorsqu’il a comparé les résultats de l’Étude sur la prostitution chez les jeunes, dans laquelle on a posé aux jeunes des questions au sujet d’actes sexuels non sollicités comportant « des menaces ou l’usage de la force » et auxquels ils s’étaient soumis à contrecœur, avec les données de l’Étude nationale sur la population, qui contenait des questions sur la première expérience sexuelle non désirée des personnes interrogées (Bagley, 1985, 1986  Brock, 1998; Lowman, 1986 et 1987).
  2. Les entrevues menées pour le Rapport Badgley visaient les jeunes victimes d’exploitation sexuelle de moins de 20 ans tandis que l’Étude nationale sur la population a été menée auprès de personnes de 17 à 70 ans (Bagley et Young, 1987). Lowman (1986) a soutenu que les différences d’âge peuvent avoir amené les répondants des deux études à se remémorer différemment des expériences sexuelles antérieures (p. 197). En outre, en raison de leurs expériences dans la rue, les jeunes prostitués peuvent interpréter un « acte sexuel non désiré » très différemment des non-prostitués (Lowman, 1986, p. 197).
  3. Selon Bagley, le Comité Badgley a minimisé la gravité de la violence subie par les jeunes prostitués et n’a pas expliqué non plus que les jeunes prostitués étaient agressés à un âge beaucoup plus jeune que la population générale (Bagley, 1987).
  4. Pour l’Étude nationale sur la population, on a eu recours à des questionnaires auto-administrés, alors que les données produites pour le Comité Badgley provenaient d’entrevues directes; ces méthodes différentes peuvent également donner différents types de réponses (Bagley, 1986; Lowman, 1987).

Lowman (1987, p. 103) a contesté l’interprétation du Comité Badgley concernant les expériences sexuelles antérieures en comparant les catégories de l’Étude nationale sur la population et celles de l’Enquête sur la prostitution chez les jeunes, qui portait sur les expériences sexuelles non désirées comportant « des menaces ou l’usage de la force ».

[Traduction] Il semble donc que les prostitués risquaient deux fois plus d’avoir été victimes dans leur famille d’un premier acte sexuel non désiré comportant des menaces ou l’usage de la force que les autres membres de la population canadienne. La statistique importante non fournie par le Comité Badgley était le nombre de prostitués dont la première « expérience sexuelle non désirée » pendant l’enfance ne comportait pas « de menaces ou le recours à la force » (Lowman, 1987, p. 103).

Bagley a également réinterprété les données du Comité Badgley et conclu qu’avant de se réfugier dans la rue, les jeunes prostitués avaient été deux fois plus victimes de violence que la population générale. Ce ne sont pas tous les jeunes prostitués qui ont été victimes d’actes sexuels non désirés pendant leur enfance (par ailleurs, les jeunes victimes de violence sexuelle ne deviennent pas tous des prostitués) (Lowman, 1987, p. 104; Brock, 1998, p. 113), néanmoins, le Comité Badgley (1984) aurait sous-estimé cet important facteur ayant trait à la décision de certains jeunes de quitter leur famille à un jeune âge et à leur choix ultérieur de vivre de la prostitution de rue.

Le Comité Fraser (1985) n’a pas souscrit à la recommandation du Comité Badgley visant à imposer des sanctions criminelles aux jeunes prostitués afin de les protéger. Il a soutenu que la création d’une infraction en fonction de l’âge allait à l’encontre de l’esprit de la Loi sur les jeunes contrevenants. D’autres chercheurs ont soutenu que la recommandation du Comité d’imposer des sanctions criminelles aux jeunes prostitués ne servirait qu’à enfoncer davantage ces derniers dans la prostitution et qu’elle ne tient pas compte des facteurs qui incitent certains jeunes à choisir la prostitution (Appleford, 1986; Brock, 1998, p. 116; Lowman, 1986, p. 212). En outre, Brock fait remarquer ce qui suit :

[Traduction] Cette mesure de « protection » des jeunes prostitués va à l’encontre des propos du Comité qui déclarait ne pas avoir l’intention d’apposer une étiquette de « criminel » au jeune qui se prostitue et de son argument d’après lequel l’imposition de sanctions criminelles ne servirait pas à dissuader des jeunes de commencer à se prostituer (1998, p. 106).

Dans l’ensemble, le Comité Badgley a prêté le flanc à la critique parce qu’il n’a pas tenu compte des nombreux facteurs structurels à la base de la prostitution chez les jeunes. Lorenne Clark (1986) a critiqué le Comité en raison de son ton paternaliste et de son incapacité de reconnaître que la socialisation sexuelle masculine constitue un facteur atténuant dans l’exploitation sexuelle des enfants et des jeunes :

[Traduction] Le Comité [Badgley] estime qu’il n’est pas nécessaire de s’arrêter pour réfléchir au fait que ce sont les hommes qui sont en grande partie responsables de cet état de fait. Nulle part dans son rapport le Comité ne discute de cette situation et de la façon de la modifier. Il semble simplement supposer que nous nous en rendons tous compte évidemment : les garçons restent des garçons, après tout (p. 98).

De même, Brock et Kinsman (1986) ont critiqué le Comité Badgley parce qu’il obscurcissait les rapports de pouvoir entre les sexes qui contribuent à la violence sexuelle des hommes envers les enfants et les jeunes (p. 110 et 123). Aux yeux de Brock et Kinsman, le Comité a écarté le processus historique qui a structuré les relations patriarcales, l’oppression de jeunes et les politiques actuelles en matière de règles sexuelles, nous amenant ainsi à les juger naturelles et nous confinant à une vision étroite circonscrite en fonction du droit (1986, p. 124). Sullivan (1986) a reproché au Comité de ne pas avoir tenu compte de bon nombre des facteurs socioéconomiques qui font de la prostitution un point d’entrée important dans la population active pour certains jeunes travailleurs. En outre, Lowman (1986, p. 212) a critiqué le Comité Badgley pour ne pas avoir abordé le contexte structurel de la prostitution chez les jeunes, comme les discussions sur le sexe, la classe et le déséquilibre du pouvoir entre les adultes et les jeunes, facteurs qui contribuent tous à l’exploitation sexuelle des jeunes.

3.2 Le Comité Fraser

Le Comité Fraser (1985) a été mis sur pied en raison de l’insatisfaction croissante à l’égard de la législation sur la prostitution (Lowman, 1986) et des préoccupations féministes au sujet de la pornographie (McLaren, 1986, p. 40). Le Comité a reçu pour instruction d’examiner la pornographie et la prostitution puis de recommander des façons de s’attaquer aux questions pertinentes (Fraser, 1985, p. 5). Il avait aussi pour mandat d’étudier les problèmes liés à la pornographie et à la prostitution et d’entreprendre un programme de recherche sociologique servant de base à ses travaux (Lowman et coll., 1986, p. xiii). Il a publié ses recommandations le 23 avril 1985[2].

Quant à la recherche et aux questions concernant la prostitution chez les jeunes, le Comité Fraser s’en est en grande partie remis au Comité Badgley (1984). Cependant, le Rapport Fraser a porté aussi sur l’implication des jeunes dans la prostitution (voir les sections ci-dessus).

3.3 Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution

En 1992, les sous-ministres fédéraux-provinciaux-territoriaux (FPT) de la Justice ont demandé à un groupe de travail d’examiner la « législation, les politiques et les pratiques concernant les activités liées à la prostitution et de formuler des recommandations en vue de régler les problèmes soulevés par la prostitution. » Le Groupe de travail sur la prostitution s’est donc penché sur la prostitution chez les jeunes, la violence à l’endroit des prostitués et les préoccupations des habitants des quartiers au sujet du commerce du sexe dans la rue comme principaux sujets de préoccupation. Il a publié son rapport final en décembre 1998 et y faisait plusieurs recommandations concernant la prostitution chez les jeunes.

Il préconisait ainsi d’élaborer des stratégies d’interventions juridiques et sociales pour lutter contre la prostitution chez les jeunes et de considérer que les jeunes ayant commis des infractions à l’article 213 ont besoin d’aide et ne doivent pas être considérés comme des délinquants. Il également recommandé ce qui suit au sujet des jeunes qui se livrent à la prostitution : accroître la sensibilisation à la dynamique de la prostitution chez les jeunes au sein du personnel chargé de la justice pénale; modifier le paragraphe 212(4) afin qu’il soit plus facile pour la police d’arrêter les clients des jeunes prostitués; établir des programmes spéciaux de protection des témoins pour aider les jeunes prostitués à témoigner devant les tribunaux contre les souteneurs et les clients; élaborer des « protocoles interdisciplinaires » faisant intervenir les organismes de protection de l’enfance, la police et la Couronne – en recourant en dernier ressort au système de justice pénale; opter pour des mesures de rechange à l’intention des jeunes qui se livrent à la prostitution; améliorer les services (éducation, prévention, réduction des préjudices et aide à l’abandon de la prostitution) à l’intention des jeunes qui s’adonnent au commerce du sexe ou qui risquent de le faire.

3.4 La violence à l’endroit des prostitués

D’autres ouvrages portent sur l’incidence de la violence à l’égard des prostituées de sexe féminin. Selon le Comité Badgley (1984), environ les deux tiers des jeunes interrogés dans le cadre de lEnquête sur la prostitution chez les jeunes ont déclaré qu’ils avaient été victimes de violence physique au moment de la vente de services sexuels (voir Groupe de travail FPT, 1988). Les données produites par Statistique Canada révèlent que 63 prostitués ont été assassinés au Canada de 1991 à 1995, dont 60 étaient des femmes et sept avaient moins de 18 ans (voir Duchesne, 1997; Wolff et Geissel, 1993; Lowman, 1997).

Miller et Schwartz (1995) ont interrogé 16 prostitués de la rue pour examiner en quoi consistait la violence subie par les prostitués. Les répondants ont déclaré qu’ils étaient souvent victimes de viol et de violence dans leurs activités liées à la prostitution. Les auteurs soutiennent que les mythes stéréotypés au sujet des viols ne se rencontrent que dans le cas des prostitués et alimentent la violence et la dévalorisation qui permettent à la société de passer sous silence un tel traitement et que la violence à l’endroit des prostitués de la rue s’inscrit dans la violence dirigée contre les femmes en général. Schissel et Fedec (1999) ont examiné la « culture de la violence » dans laquelle vivent les jeunes prostitués en analysant les dossiers de probation des jeunes de Regina et de Saskatoon. En plus de constater les niveaux élevés de violence physique et sexuelle subis par les jeunes prostitués pendant leur enfance, les auteurs ont trouvé plusieurs exemples de victimisation indirecte et directe. Comme ils le font remarquer : [Traduction] « La prostitution crée un contexte où les jeunes prostitués courent un risque élevé de subir des préjudices causés par un prédateur ou par eux-mêmes – que ce soit directement par suite d’une agression ou d’une automutilation, ou indirectement à cause d’un comportement à risque élevé » (Schissel et Fedec, 1999, p. 51).

En 1993, une coalition d’organismes de Vancouver a commandé une étude pour examiner la violence à l’endroit de femmes de la rue (Currie, Lalibertie, Bird, Rosa, Noelle et Springs, 1995). D’après les entrevues approfondies menées auprès de 85 femmes de la rue, les auteurs ont conclu que la majorité des répondantes avaient connu la violence (sexuelle et physique) chez elles et après qu’elles eurent commencé à se prostituer. En outre, 98 % des femmes ont subi des actes de violence aux mains de la personne qui les accompagnait (les jeunes prostitués étaient considérés plus vulnérables que les adultes).

Réagissant aux déclarations voulant que la loi perpétue la violence envers les prostitués, le ministère de la Justice du Canada a parrainé une série d’études régionales pour examiner l’incidence de la violence, avant et après la présentation des dispositions sur le racolage (projet de loi C-49) (voir Brannigan, 1996; Fleischman, 1996; Lowman et Fraser, 1996). Les chercheurs sont parvenus à certaines conclusions. 1) D’après les données composites d’études réalisées en Colombie-Britannique, il y a eu 67 homicides de prostitués depuis 1978 (60 depuis 1982). Selon une analyse des journaux, l’âge des victimes variait de 15 à 41 ans et quatre jeunes prostitués (de moins de 18 ans) ont été assassinés entre 1974 et 1994. Lowman et Fraser (1996) ont conclu que, selon l’analyse préliminaire, le taux de meurtre des prostituées de la rue dans la région est de 60 à 120 fois plus élevé que celui des femmes non prostituées. Les auteurs ont établi un lien indirect entre l’application de la loi sur le racolage et la violence à l’endroit des prostituées (Lowman et Fraser, 1996). 2) Les études effectuées à Halifax ont permis de relever de nombreux actes de violence commis par les souteneurs et les clients à l’endroit des prostituées. Cependant, la police, la Couronne, la défense et les organismes sociaux ont déclaré que le projet de loi C-49 n’avait pas créé un milieu de travail plus dangereux pour les prostituées de la rue (Fleischman, 1995). 3) Les études réalisées à Calgary et Winnipeg ont révélé que 20 homicides de prostituées ont été commis depuis 1985. L’auteur estime que l’intensification de la violence envers les prostituées correspond à la hausse de la violence envers les femmes (Brannigan, 1996).

3.5 Autres rapports et initiatives portant sur la prostitution chez les jeunes

Les autorités provinciales et municipales ont créé de nombreux rapports, comités, groupes de travail, programmes et initiatives sur la prostitution chez les jeunes. Certains projets étaient conçus pour aider à comprendre les caractéristiques et la dynamique du commerce du sexe chez les jeunes (par exemple, voir LeBlanc, 1997; Sas et Hurley, 1997). Des initiatives et des rapports visent à prévenir la prostitution chez les jeunes, notamment des programmes de prévention pour les familles et les écoles et des services améliorés destinés aux prostitués de la rue (par exemple, voir Colombie-Britannique, 1994; C/S Resors Consulting, 1996; Daum et Dion, 1996; recommandations du Prostitution Policy, Service and Research Committee for the Calgary Community, 1996; Madsen et Moss, 1996). D’autres rapports s’attachent aux stratégies de réduction des préjudices à l’intention des jeunes prostitués, cest-à-dire des programmes de prévention de la toxicomanie, des initiatives visant à réduire la violence contre les prostitués et à protéger les jeunes témoins (par exemple, voir le Committee for Sexually Exploited Youth in the CRD, 1997; Colombie-Britannique, 1994; Halldorson Jackson, 1998). Enfin, plusieurs comités et rapports recommandent la prestation de services en matière de counseling, d’éducation, d’emploi, de logement et de soutien pour les jeunes qui veulent quitter la prostitution (par exemple, voir C/S Resors Consulting, 1996; Association canadienne daide à lenfance en difficulté, 1987; Safer City Task Force, 1993).

Plusieurs initiatives et rapports récents font ressortir la nécessité de la coopération et de la communication entre les organismes qui s’occupent de la prostitution chez les jeunes. Dans son rapport, le Working Group on Juvenile Prostitution (Manitoba Child and Youth Secretariat, 1996) a recommandé que le ministère des Services à la famille favorise le réseautage et la coordination entre les organismes de Winnipeg qui offrent des services importants aux jeunes prostitués et aux jeunes de la rue. En 1996, le gouvernement de la Colombie-Britannique a lancé un plan d’action provincial sur la prostitution qui encourageait les policiers, les fournisseurs de services, les parents, les jeunes et les collectivités à conjuguer leurs efforts afin d’élaborer des initiatives ciblant les souteneurs et les clients, la violence envers les prostitués ainsi que les questions relatives à la sécurité et à la nuisance dans les quartiers. En outre, Sas et Hurley (1997, p. 185) ont recommandé un protocole d’enquête interorganismes encadrant la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants, qui s’appliquent à des organismes importants comme la Société daide à lenfance, la police, le bureau des procureurs de la Couronne, les conseils scolaires locaux et l’unité de services de santé. Les auteurs ont également recommandé l’élaboration d’une stratégie nationale pour lutter contre la violence sexuelle à l’endroit des enfants.

3.6 Thèmes communs sous-tendant les interventions contre la prostitution chez le jeunes

L’examen des divers rapports, initiatives et recommandations met en lumière l’inquiétude grandissante que suscitent la victimisation et l’exploitation des jeunes qui se livrent à la prostitution. Dans plusieurs provinces et territoires canadiens, on a tenté d’assimiler la prostitution des jeunes à une forme d’exploitation sexuelle des enfants et de violence sexuelle à leur endroit (par exemple, voir les recommandations du Prostitution Policy, Service and Research Committee for the Calgary Community, 1996; Manitoba Child and Youth Secretariat, 1996). De nouveaux programmes et stratégies ont aussi vu le jour afin de protéger les jeunes qui se livrent à la prostitution et sont victimes d’exploitation sexuelle (Colombie-Britannique, 1994, 1996 et 1997). Ailleurs, on a recommandé de modifier les dispositions législatives régissant la protection de lenfance pour considérer l’exploitation sexuelle des jeunes comme de la violence faite aux enfants (recommandations du Prostitution Policy, Service and Research Committee for the Calgary Community, 1996; Manitoba Child and Youth Secretariat, 1996). Ces mesures contrastent avec les efforts précédents qui appuyaient l’imposition de sanctions criminelles aux jeunes qui se livraient à la prostitution pour les protéger (par exemple, voir Badgley, 1984).

Les tentatives visant à tenir les proxénètes des jeunes responsables de leurs actes sont un corollaire des efforts déployés récemment pour protéger les jeunes prostitués. En 1996, le Manitoba Child and Youth Secretariat a suggéré que les entremetteurs des jeunes prostitués reconnus coupables figurent dans un registre des personnes condamnées pour violence envers les enfants, et il a présenté un projet de loi permettant de saisir les véhicules utilisés pour commettre des infractions liées à la prostitution (communiqué de presse du gouvernement du Manitoba, 1998). En outre, diverses initiatives ont été entreprises en vue de mettre au point des mécanismes servant à appliquer le paragraphe 212(4) du Code criminel et à cibler les proxénètes (par exemple, voir la Colombie-Britannique, 1996 et 1997).


[2] Pour une critique du Rapport Fraser, voir Kanter (1985), Lowman et coll. (1986) et O’Connor (1988).