Rapport final du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial spécial chargé d'examiner les politiques et les dispositions législatives concernant la violence conjugale

RÉSUMÉ

En septembre 2000, les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la justice ont approuvé la mise sur pied d’un groupe de travail fédéral–provincial–territorial spécial chargé d’examiner la mise en œuvre et l’état des politiques nécessitant ou favorisant l’inculpation et les poursuites dans les cas de violence conjugale, ainsi que plusieurs propositions de réforme législative. Le Groupe de travail devait présenter les résultats de cet examen aux ministres au cours de l’année.

Le Groupe de travail fédéral–provincial–territorial spécial chargé d’examiner les politiques et les dispositions législatives concernant la violence conjugale, créé en novembre 2000, est coprésidé par les ministères de la Justice du Canada et de la Nouvelle–Écosse. Le Groupe a présenté son premier rapport aux ministres concernés à leur réunion du 11 septembre 2001. On trouve dans ce document un rapport final sur les propositions de réforme du Code criminel et un rapport provisoire au sujet des politiques en matière d’inculpation et de poursuite dans les cas de violence conjugale.

Les ministres ont répondu à ce premier rapport en approuvant la recommandation faite à l’unanimité par le Groupe de travail de modifier l’article 127 du Code criminel (« Désobéissance à une ordonnance du tribunal »), prévoyant une infraction mixte passible d’une peine maximale de deux ans d’emprisonnement si son auteur est poursuivi par voie de mise en accusation. Les ministres ont aussi élargi le mandat du Groupe de travail pour lui permettre de compléter l’examen des politiques sur la violence conjugale.

Les politiques favorisant l’inculpation et la poursuite dans les cas de violence conjugale doivent être considérées, en réalité, comme des normes applicables à tout acte criminel. Leur application aux « cas de violence conjugale » souligne le besoin d’opérer une importante distinction entre, d’une part, le traitement réservé par le système de justice pénale à de tels cas envisagés comme des affaires « criminelles » et, d’autre part, leur traitement traditionnel comme des affaires « privées ». Bien que des politiques favorisant l’inculpation et la poursuite dans les cas de violence conjugale aient été établies aux niveaux fédéral, provincial et territorial depuis le milieu des années 1980, l’examen de ces politiques par le Groupe de travail est le premier qui s’étende à l’ensemble du Canada.

Le Groupe de travail a procédé à un examen exhaustif des travaux de recherche, notamment les données statistiques. Il s’est aussi efforcé de solliciter la participation des intervenants de première ligne du système de justice pénale pour connaître leur opinion sur la manière dont les politiques sont appliquées, et relever toute contradiction entre le texte des politiques et leur application régulière. Le Groupe de travail s’est également penché sur la façon dont les politiques reflètent les différences entre les victimes de violence conjugale et répondent à ces différences.

Le présent rapport donne un aperçu de la nature et de l’incidence actuelle de la violence conjugale au Canada. Des femmes et des hommes sont victimes de violence conjugale, mais la nature et la gravité de tels incidents sont bien pires dans le cas des femmes. Ainsi, la violence conjugale demeure avant tout un problème de violence des hommes envers les femmes.

Le rapport fait remonter les premières politiques concernant la violence conjugale au Canada à 1981. Il résume les expériences de la police, des procureurs de la Couronne, des intervenants du système correctionnel et des victimes relativement aux politiques. Le Groupe de travail constate que toute réponse du système de justice pénale à la violence conjugale comporte trois objectifs principaux : criminaliser la violence conjugale; promouvoir la sécurité de la victime; et préserver la confiance dans l’administration de la justice.

Le Groupe de travail estime que la politique d’inculpation a contribué de façon significative au renforcement de la réponse du système de justice pénale à la violence conjugale. L’établissement de la politique favorisant l’inculpation a certaines répercussions non intentionnelles défavorables, mais la majorité des victimes l’appuie vigoureusement. Elle permet aux intervenants du système de justice pénale de répondre, dès le départ, à la violence conjugale de manière efficace et de promouvoir la sûreté et la sécurité des victimes de violence conjugale. Le Groupe de travail recommande le maintien de la politique.

Pour ce qui est de la politique sur la poursuite, le Groupe mentionne que sa mise en œuvre a donné des résultats mitigés. Toutefois, bien interprétée et appliquée, cette politique a contribué au renforcement de la réponse du système de justice pénale à la violence conjugale et peut continuer de le faire. Le Groupe de travail recommande son maintien.

Le Groupe de travail a aussi examiné les nombreuses mesures innovatrices qui ont été prises par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux pour assurer l’efficacité accrue des politiques sur la violence conjugale en particulier, et pour améliorer la réponse du système de justice pénale à la violence conjugale de manière plus générale. Enfin, il importe de préciser que certains gouvernements (fédéral, provinciaux et territoriaux) se sont dotées de politiques et de pratiques qui touchent non seulement la violence conjugale mais aussi la violence familiale. Le Groupe reconnaî;t, à ce sujet, que dans bien des cas, les mesures reliées à la violence conjugale relevaient d’une stratégie plus vaste visant à s’attaquer au problème de la violence familiale.

Le Groupe de travail a examiné les structures et modèles innovateurs nombreux, y compris les tribunaux chargés d’instruire les causes de violence conjugale, les lois en matière civile pour mieux protéger les victimes contre la violence conjugale ainsi que les stratégies et les initiatives de coordination intersectorielles dans l’ensemble du pays. Le Groupe s’est également penché sur la disponibilité des programmes de soutien dont : les services offerts aux victimes; les maisons d’hébergement et les programmes de soutien non résidentiels conçus pour les femmes victimes de violence conjugale et leurs enfants; les interventions faites auprès des enfants exposés à la violence conjugale; les programmes d’intervention destinés aux conjoints violents; l’élaboration de moyens d’évaluation du risque et de systèmes de suivi et de repérage; et la formation.

Le Groupe de travail conclut que ces mesures et approches innovatrices ont contribué de façon importante à la mise en œuvre des politiques concernant la violence conjugale. Elles ont aussi renforcé la réponse du système de justice pénale à la violence conjugale en offrant aux gouvernements de nouveaux moyens de s’assurer que le système tient compte des particularités de ce problème. Le Groupe de travail recommande donc de continuer à financer l’élaboration de réponses nouvelles et innovatrices du système de justice pour mieux appuyer et protéger les victimes tout au long du processus de justice pénale, pour réadapter les délinquants et pour assurer une coordination intersectorielle énergique en réponse à la violence conjugale. La formation continue des intervenants du système de justice pénale et l’évaluation des nouvelles mesures sont essentielles à des réponses fermes et efficaces du système face à la violence conjugale.

Finalement, le Groupe de travail reconnaît qu’il existe encore de nombreuses lacunes dans notre compréhension des causes de la violence conjugale, de l’effet de la réponse du système de justice à cette forme de violence, et de l’efficacité des divers programmes et services offerts aux victimes et aux délinquants. Le Groupe recommande que les gouvernements soutiennent la recherche et comblent les lacunes en matière d’information afin d’assurer un solide fondement à une intervention plus efficace dans le domaine de la violence familiale. On trouvera à la section V du présent rapport la « Liste des recommandations » du Groupe de travail.