Rapport final du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial spécial chargé d'examiner les politiques et les dispositions législatives concernant la violence conjugale
SECTION V : LISTE DES RECOMMANDATIONS
Politique favorisant l’inculpation
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1. Le Groupe de travail recommande le maintien des politiques favorisant l’inculpation dans les cas de violence conjugale. À cet égard, il faut continuer d’appliquer le critère actuel en portant des accusations lorsqu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise. Pour ce qui est des gouvernements exigeant l’approbation du procureur de la Couronne préalable à l’inculpation, ils doivent de plus déterminer s’il est dans l’intérêt public de porter des accusations[196].
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2. Le Groupe de travail reconnaît que les politiques « favorisant l’inculpation » dans les cas de violence conjugale doivent être considérées, en réalité, comme des normes applicables à tout acte criminel. Leur application aux cas de violence conjugale souligne le besoin d’opérer une importante distinction entre, d’une part, le traitement réservé par le système de justice pénale à de tels cas envisagés comme affaires « criminelles » et, d’autre part, leur traitement traditionnel comme affaires « privées ».
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3. Le Groupe de travail recommande également d’élaborer des politiques favorisant l’inculpation dans les cas de violence conjugale pour traiter, à tout le moins, les points importants qui suivent.
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Critère d’inculpation non applicable : S’il n’y a pas de motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise mais que la police estime néanmoins que la victime craint pour sa sécurité, la police devrait envisager de recourir à d’autres moyens mis à sa disposition. Par exemple, elle peut demander une ordonnance de protection civile prévue par une loi provinciale ou territoriale sur la violence conjugale s’il y a lieu (voir la section II, sous-section 3, du présent rapport) ou une ordonnance d’engagement de ne pas troubler l’ordre public prévue à l’article 810 du Code criminel. Cependant, il ne faut pas avoir recours à ces solutions de rechange dans les cas qui répondent au critère.
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Arrestation : La politique favorisant l’inculpation ne saurait être considérée comme modifiant les critères prévalant en matière d’arrestation. La police doit évaluer toutes les circonstances avant de déterminer s’il faut arrêter le délinquant avec ou sans mandat.
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Double accusation : Lorsque les circonstances d’un cas en particulier laissent croire qu’il faut inculper les deux parties, la police doit déterminer qui est « l’agresseur principal » ou demander au procureur de la Couronne d’examiner et d’approuver la proposition de double accusation dans les cas de violence conjugale ou faire l’un et l’autre.
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Non-judiciarisation avant la mise en accusation et orientation vers un processus alternatif de justice : La majorité des membres du Groupe de travail s’oppose à la non-judiciarisation avant la mise en accusation dans les cas de violence conjugale au profit d’un processus alternatif de justice. Un nombre minoritaire de membres (Colombie-Britannique et Île-du-Prince-Édouard) autorise les mesures de rechange avant la mise en accusation dans les cas de violence conjugale dans le cadre d’un programme de mesures de rechange mis en place conformément au Code criminel, et ce, avec l’approbation du procureur de la Couronne – un processus amplement détaillé dans la section I, sous-section 5, du présent rapport. Le Québec ne possède aucun programme officiel en matière de mesures de rechange. Il ne saurait donc prendre position quant à l’application d’un tel programme dans les cas de violence conjugale.
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Enquête : La police appelée sur les lieux de l’incident doit mener une enquête complète et recueillir tous les éléments de preuve disponibles. Le simple témoignage de la victime ne suffit pas toujours.
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Évaluation du risque : Lorsqu’elle recourt aux méthodes d’évaluation du risque, la police doit utiliser des outils, dûment validés, pour faire le point sur la sécurité de la victime à toutes les étapes du processus, notamment lors de l’enquête sur le cautionnement. Il faut aider la police à assumer cette tâche en donnant une formation continue et des cours sur l’évaluation du risque dans les cas de violence conjugale.
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Libération d’un accusé par l’agent responsable : Au moment de déterminer s’il y a des motifs raisonnables de croire que l’accusé ne doit pas être relâché, et pour assurer la sécurité de la victime, l’agent responsable doit prendre en considération, s’il y a lieu, les antécédents de violence de l’accusé, notamment toute violation antérieure des dispositions concernant le cautionnement ou la probation ainsi que des ordonnances des tribunaux civils et criminels. S’il décide de libérer l’accusé, l’agent responsable doit obliger celui-ci à contracter un engagement comportant les modalités nécessaires telles que l’interdiction de communiquer avec la victime, de s’absenter (par exemple au domicile, à l’école ou au travail), de posséder des armes à feu et de consommer de l’alcool ou de la drogue. Il faut aviser la victime de la libération de l’accusé et de toutes les modalités pertinentes.
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Aide aux victimes : La police doit aviser les victimes des services disponibles et des autres organismes qui peuvent les aider (les maisons d’hébergement par exemple) et les inciter à s’en prévaloir.
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Politique favorisant la poursuite
4. Le Groupe de travail recommande le maintien des politiques actuelles favorisant la poursuite dans les affaires de violence conjugale. À cet égard, le critère actuel doit continuer de s’appliquer, à savoir qu’il y a lieu d’engager une poursuite dans les cas de violence conjugale lorsque, compte tenu de l’ensemble de la preuve, il existe un espoir raisonnable d’obtenir une condamnation et qu’il est dans l’intérêt public d’engager une poursuite[197].
5. Le Groupe de travail reconnaît que les politiques favorisant la poursuite dans les cas de violence conjugale doivent être considérées, en réalité, comme des normes applicables à tout acte criminel. Leur application aux cas de violence conjugale souligne le besoin d’opérer une importante distinction entre, d’une part, le traitement réservé par le système de justice pénale à de tels cas envisagés comme affaires « criminelles » et, d’autre part, leur traitement traditionnel comme affaires « privées ».
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6. Le Groupe de travail recommande aussi que, dans l’élaboration des politiques favorisant la poursuite dans les cas de violence conjugale, on aborde au moins les principales questions suivantes.
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Mise en liberté provisoire par voie judiciaire : Le procureur de la Couronne doit obtenir de la police (si l’enquête sur le cautionnement est menée par la police, l’agent enquêteur fournit les renseignements nécessaires) suffisamment d’information pour évaluer le risque de préjudice à la sécurité de la victime si l’accusé est mis en liberté sous caution (par exemple les résultats de l’application des outils d’évaluation du risque, dûment validés, ou les éléments de preuve exposant les antécédents de violence, les menaces de violence grave, les manquements précédents aux ordonnances judiciaires de protection, l’utilisation ou la présence d’armes, les problèmes d’emploi, la consommation de drogue ou d’alcool et les menaces de suicide). Il y aurait lieu de vérifier les appréhensions de la victime auprès de celle-ci avant l’audition. S’il est décidé de mettre l’accusé en liberté avant son procès, le procureur de la Couronne doit tenter de faire assortir la mise en liberté des conditions appropriées, y compris une ordonnance de non-communication avec la victime et les interdictions relatives aux armes à feu et à la consommation d’alcool et de drogue. Il y aurait lieu d’aviser la victime de l’issue de l’enquête sur la mise en liberté sous caution et des conditions de la mise en liberté. Dans les cas de manquement aux conditions de la mise en liberté, le procureur de la Couronne devrait envisager d’engager des poursuites relatives au manquement et de faire révoquer la mise en liberté de l’accusé.
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Information, avis et appui aux témoins : Le procureur de la Couronne, lui—même ou par l’entremise de la police ou de personnes chargées de l’aide aux victimes et aux témoins, devrait transmettre en temps utile aux victimes de violence conjugale de l’information au sujet de leur dossier. Les victimes devraient aussi profiter d’une aide constante (par exemple par l’entremise des personnes chargées de l’aide aux victimes et aux témoins) tout au long du processus.
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Témoins réticents ou qui se rétractent : Si une victime refuse ou est incapable de témoigner ou d’appuyer la poursuite, le procureur de la Couronne devrait (par l’entremise de la police ou de l’agent des services d’aide aux victimes) chercher à déterminer les raisons de l’hésitation de la victime (par exemple se rétracte-t-elle parce qu’il n’y a pas eu de violence conjugale ou parce qu’elle a été menacée par l’accusé ou a subi des pressions?). Si la rétractation n’est pas crédible, le procureur de la Couronne devrait chercher à savoir s’il existe d’autres éléments de preuve crédibles sur lesquels il peut fonder la poursuite en l’absence du témoignage de la victime. S’il n’existe plus d’espoir raisonnable d’obtenir une condamnation compte tenu de la preuve disponible, la poursuite devrait être abandonnée.
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Engagement de ne pas troubler l’ordre public : Lorsque les critères énoncés dans la politique favorisant la poursuite ont été respectés, l’engagement de ne pas troubler l’ordre public prévu à l’article 810 du Code criminel ne doit pas être utilisé au lieu d’une poursuite[198].
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Déjudiciarisation après la mise en accusation et orientation vers un processus alternatif de justice : La majorité des membres du Groupe de travail recommande de ne pas déjudiciariser après accusation dans les affaires de violence conjugale, sauf conformément aux critères résumés dans la section I, sous-section 5, du présent rapport. Un nombre minoritaire de membres (Colombie-Britannique et Île-du-Prince-Édouard) autorise un programme de déjudiciarisation après la mise en accusation dans les cas de violence conjugale dans le cadre d’un programme de mesures de rechange mis en place conformément au Code criminel, et ce, uniquement avec l’approbation du procureur de la Couronne – un processus amplement détaillé dans la section I, sous-section 5, du présent rapport[199].
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Détermination de la peine : Dans ses recommandations en matière de détermination de la peine, le procureur de la Couronne devrait :
- tenir compte de l’article 718.2 du Code criminel, lequel prévoit que les mauvais traitements contre son époux ou son enfant constituent un facteur aggravant aux fins de la détermination de la peine;
- veiller à ce que la victime ait l’occasion de préparer et de présenter une « déclaration de la victime » (article 722.2 du Code criminel);
- dans le cadre de la détermination de la peine, tenter d’assortir les ordonnances des tribunaux des conditions nécessaires, y compris les conditions ayant trait à l’interdiction de communiquer avec la victime, de s’absenter, de posséder des armes à feu ou de consommer de la drogue et de l’alcool et, le cas échéant, de demander une évaluation en vue d’une session d’orientation ou d’un traitement dans le cadre d’un programme d’intervention auprès d’un conjoint violent.
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Programme alternatif de justice
- 7. La majorité des membres du Groupe de travail recommande de ne pas utiliser de processus alternatifs de justice, notamment des mesures de rechange, dans les cas de violence conjugale, sauf dans les circonstances suivantes.
- Le renvoi au processus alternatif de justice s’effectue après le dépôt des accusations, et ce, avec l’approbation de la Couronne.
- Le dossier est considéré comme ne comportant pas un risque élevé à la suite de l’application, par une personne qualifiée, d’outils d’évaluation du risque, dûment validés (c’est-à-dire qu’après avoir pris en compte une gamme de facteurs, y compris les antécédents de violence, les menaces de violence grave, les manquements aux ordonnances de protection rendues préalablement par les tribunaux, l’utilisation ou la présence d’armes, les problèmes d’emploi, la consommation de drogue ou d’alcool et les menaces de suicide, le délinquant est considéré comme ne présentant qu’un faible risque de récidive et donc un faible risque pour la sécurité de la victime, de ses enfants et des autres personnes à charge, durant le processus judiciaire et à l’issue de celui-ci).
- Le processus alternatif de justice offre la même protection ou une plus grande protection à la victime que le système traditionnel de justice.
- La victime connaît bien le processus alternatif de justice proposé et sa volonté est prise en compte. De plus, non seulement le consentement de la victime est requis mais des services de soutien devront lui être fournis lorsqu’elle sera appelée à participer au programme.
- Le délinquant accepte pleinement la responsabilité de ses actes.
- Le processus alternatif de justice peut traiter les cas de violence conjugale et s’inscrit dans un programme de mesures de rechange approuvé par le procureur général[200] visant à offrir des mesures de rechange dans les cas de violence conjugale, le processus faisant l’objet d’un suivi par le procureur général ou le tribunal.
- Le processus alternatif de justice est transparent (c’est-à-dire qu’il requiert que l’on conserve des dossiers officiels indiquant les actions prises par les participants) et il est utilisé en temps opportun et de manière raisonnable.
- Le processus alternatif de justice peut traiter les cas de violence conjugale. Sa mise en œuvre et son suivi sont assurés par des personnes possédant les habiletés, la formation et la capacité requises, y compris celle de reconnaître les déséquilibres de pouvoir et les différences culturelles et d’y donner suite.
- Il est toujours possible d’obtenir une condamnation pénale et l’imposition d’une peine en cas d’échec de la démarche.
Le Groupe de travail recommande également que l’utilisation du processus alternatif de justice dans les cas de violence conjugale soit appuyée par les mesures suivantes :
- l’élaboration et la prestation d’une formation permanente et de cours appropriés à l’intention des personnes participant à l’évaluation du risque ainsi qu’à la prestation et au suivi des processus alternatifs de justice, y compris le personnel du système de justice pénale;
- l’élaboration et l’application des outils d’évaluation du risque, dûment validés, dans les cas de violence conjugale;
- l’évaluation constante des processus alternatifs de justice, y compris ceux qui sont appliqués dans les cas de violence conjugale, grâce à de nouvelles recherches, fondées sur des preuves, concernant l’efficacité de ces programmes, leur capacité à assurer la sécurité de la victime et de ses enfants et à diminuer le risque de récidive.
Position minoritaire du Groupe de travail :
La Colombie-Britannique et l’Île-du-Prince-Édouard autorisent les mesures de rechange avant et après la mise en accusation dans les cas de violence conjugale conformément au Code criminel, et ce, avec l’approbation de la Couronne.
Le Québec n’a aucun programme officiel en matière de mesures de rechange. Il ne saurait donc prendre position quant à l’application d’un tel programme dans les cas de violence conjugale.
Coordination et collaboration intersectorielle
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8. Le Groupe de travail recommande que les gouvernements appuient et renforcent, grâce à l’engagement de leurs hauts fonctionnaires, la coordination des initiatives en faveur d’une intervention auprès des victimes de violence familiale, tant au sein des ministères responsables de la justice qu’à l’extérieur de ceux-ci, de manière à assurer la participation des multiples intervenants gouvernementaux et communautaires. Les modèles de coordination peuvent varier d’un gouvernement à l’autre, mais tous devraient comporter les éléments clés d’une intervention efficace présentés ci-dessous. Une intervention intégrée efficace exige un leadership et une bonne coordination des initiatives gouvernementales de lutte contre la violence familiale, avec les éléments qui suivent :
- l’autorité nécessaire pour façonner des politiques en vue d’obtenir un cadre stratégique coordonné et uniforme applicable au sein de différents ministères;
- la représentation de tous les ministères concernés, et ce, au niveau de gestionnaires supérieurs pouvant influencer les politiques du ministère et ayant accès auprès du sous-ministre;
- les ressources nécessaires pour mettre en application un cadre stratégique coordonné;
- un cadre de responsabilité avec des mécanismes pour assurer le suivi du processus et faire rapport;
- une forme quelconque de représentation et de participation ou de partenariat avec les intervenants de la collectivité, en précisant bien les rôles des parties;
- des procédures visant à améliorer l’établissement de relations à tous les niveaux, entre tous les intervenants, et à promouvoir un sentiment de partenariat et une même vision basée sur une compréhension commune du problème;
- l’existence de tables intersectorielles locales;
- au niveau local, le soutien sur le terrain aux employés du gouvernement afin de mettre en application les politiques provinciales ou territoriales et de participer activement aux débats entre organismes pour créer des relations de travail constructives et pour trouver des solutions aux problèmes recensés;
- une gestion conjointe de cas entre les organismes afin d’élaborer des plans coordonnés pour les familles où la violence est un problème (c’est-à-dire des protocoles régissant l’échange de renseignements et la prestation de services, des rôles et des façons de travailler ensemble).
Tribunaux d’instruction des causes de violence conjugale et administration de la justice pénale spécialisée
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9. Il est recommandé que les gouvernements continuent d’envisager des façons d’améliorer la gestion des cas de violence conjugale en mettant en œuvre une intervention coordonnée du système de justice pénale, y compris la création de tribunaux spécialisés, et ce, en se fondant sur les éléments essentiels énumérés ci-dessous. L’adoption de structures et de processus spécialisés doit être guidée par les recherches et l’évaluation effectuées au Canada et ailleurs.
Suivant l’expérience vécue jusqu’à présent, il semble que les éléments essentiels d’un modèle réussi soient les suivants :
- des méthodes pour accélérer les cas;
- un service confidentiel, bien fondé et pertinent offert par des professionnels de la justice possédant une bonne formation;
- la coordination de l’intervention du système de justice pénale (politiques et pratiques);
- la coordination avec une gamme de fournisseurs de services;
- l’accès rapide au traitement pour les délinquants (pour tirer profit de la motivation des délinquants de changer et pour permettre une intervention plus immédiate);
- le suivi des délinquants pour s’assurer qu’ils respectent les conditions assortissant les sanctions significatives qui leur ont été infligées afin de les tenir responsables;
- l’accès au soutien, à de l’information et à des services auxquels sont renvoyées les victimes;
- le suivi et l’évaluation des systèmes pour juger de leur efficacité et pour déterminer les secteurs nécessitant des modifications et des améliorations.
Mesures législatives sur la violence familiale
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10. Il est recommandé aux gouvernements d’examiner si l’adoption de dispositions législatives civiles en matière de violence familiale fournirait des voies de recours plus immédiates et générales que les dispositions actuelles, celles par exemple du Code criminel. Il est recommandé d’examiner les importantes dispositions autorisant l’occupation exclusive du foyer, la possession temporaire de biens personnels, les soins et la garde temporaire des enfants, et interdisant la vente, la conversion ou l’endommagement des biens personnels. Les dispositions prescrivant l’expulsion du conjoint violent et la saisie d’armes sont également importantes. Dans les gouvernements où elle a été adoptée, la loi civile ne doit pas être utilisée pour éviter de porter des accusations au criminel lorsqu’il existe des motifs raisonnables de porter de telles accusations. Toutefois, des procédures criminelles et civiles peuvent être intentées parallèlement.
Les facteurs de réussite suivants devraient guider la mise en application de la loi :
- La formation devrait être offerte bien avant l’entrée en vigueur de cette loi et devrait inclure des renseignements concernant son rapport avec le Code criminel.
- Il est important de s’assurer du soutien de la collectivité et des principaux intervenants.
- Des mécanismes et des comités de coordination devraient être établis pour que les problèmes soient définis et abordés tôt (par exemple les problèmes de formation et d’interprétation).
- La loi devrait faire l’objet d’un suivi attentif et d’une évaluation minutieuse; on devrait prévoir des moyens de repérer les inobservations à la loi.
- L’éducation du public devrait accompagner cette législation afin d’assurer la conscientisation des victimes et des collectivités à l’égard de la loi.
- Les problèmes liés à l’application de la loi dans les réserves ou sur les terres octroyées à la suite d’une entente devraient être abordés en consultation avec les collectivités concernées afin d’obtenir leur appui pour assurer la protection des victimes et de leurs enfants et offrir le même niveau de protection aux personnes qui résident dans les réserves et hors de celles-ci.
- L’apport de ressources juridiques appropriées sera nécessaire pour aider les femmes visées par des ordonnances d’assistance aux victimes à plus long terme pour que ces mesures correctives soient efficaces.
Services aux victimes[201]
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11. Il est recommandé que les gouvernements, de concert avec les organismes communautaires, continuent d’assurer la prestation de services de soutien aux victimes afin de les aider lorsqu’elles collaborent avec le système de justice pénale. Ces services doivent au moins comprendre :
- des renseignements concernant la violence, le système de justice pénale, le rôle des victimes et des témoins et l’évolution des cas;
- l’accès à des spécialistes et à une gamme d’organismes et de services de soutien pour satisfaire aux multiples besoins des victimes;
- un avis aux victimes au sujet de leur participation aux décisions concernant la libération des accusés et des délinquants et les conditions connexes à la libération;
- le soutien psychologique et l’intervention au moment d’une crise;
- une aide à la préparation des déclarations de la victime sur les répercussions de l’infraction;
- l’évaluation du risque et la planification en matière de sécurité.
Parmi les composants clés d’un service efficace, il faut noter :
- une intervention le plus rapidement possible après l’événement;
- la prestation continue de services vers lesquels les victimes sont dirigées;
- des services prenant en compte les besoins uniques des victimes de violence conjugale;
- la collaboration et la coordination entre les organismes offrant les services;
- une description détaillée des rôles respectifs (des services aux victimes assurés par le système de justice pénale et des organismes de soutien communautaires);
- la disponibilité de l’information et de mécanismes de communication efficaces entre les intervenants du système de justice pénale et à l’extérieur de celui-ci.
Maisons d’hébergement, services de liaison, défense des droits et autres services de soutien aux victimes
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12. Il est recommandé que les gouvernements envisagent des façons d’assurer la prestation continue de services communautaires et gouvernementaux accessibles, complets et coordonnés aux victimes de violence conjugale et à leur famille, notamment les maisons d’hébergement et les services de liaison. La formation des professionnels du système de justice pénale et des fournisseurs dans diverses disciplines appelés à offrir des services aux femmes victimes de violence et à leurs enfants est nécessaire pour renforcer les relations de travail, comprendre les objectifs divergents et assurer une intervention efficace.
Parmi les services nécessaires, notons les suivants :
- l’accès en cas d’urgence à un endroit sûr (y compris le transport d’urgence et l’hébergement de nuit, surtout pour les femmes vivant dans des régions rurales et éloignées);
- le counseling et le soutien psychologique (immédiatement après la crise, et grâce à un service de suivi et de liaison pour les résidents et les non-résidents);
- les renseignements et l’orientation vers des services appropriés;
- l’accès à des services abordables et sûrs, qu’il s’agisse d’hébergement, de services juridiques ou de services médicaux;
- un soutien à l’emploi et au revenu;
- des services d’aide à la santé mentale et en matière de toxicomanie, au besoin;
- des services de garde et d’aide à l’enfance et des séances de counseling pour les enfants afin de les aider à surmonter les traumatismes, de même que la planification en matière de sécurité;
- une aide en matière de droit familial (pension alimentaire pour le conjoint, garde et droit de visite, pensions alimentaires pour enfants et lieu de résidence).
Interventions auprès des enfants exposés à la violence familiale
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13. Il est recommandé que les gouvernements préparent, avec la collectivité, les partenaires en matière de justice et les autres intervenants gouvernementaux, une intervention coordonnée à l’intention des enfants exposés à la violence familiale, selon les éléments clés d’une intervention efficace décrits ci-dessous. Un cadre stratégique et procédural coordonné devrait être établi, avec des services à l’appui, pour tenir le délinquant responsable de ses actes, fournir un soutien aux parents pour qu’ils puissent protéger leurs enfants et ne pas victimiser à nouveau les femmes victimes de violence conjugale et leurs enfants.
Bien que ce sujet doive encore faire l’objet de recherches, les points suivants sont suggérés comme étant des éléments clés d’une intervention efficace auprès des enfants exposés à la violence familiale :
- une coordination basée sur les principes de la responsabilité du délinquant, de la protection et du soutien offerts aux victimes pour leur permettre de protéger et d’aider leurs enfants (lorsqu’elles en sont capables) et de la prestation de services de soutien aux enfants;
- une meilleure communication, notamment en ce qui a trait aux mécanismes et aux formulaires de déclaration et de consultation, entre la police et les organismes de protection de l’enfance, en ce qui a trait aux enfants exposés à la violence familiale;
- des protocoles entre la police, l’aide sociale à l’enfance, les maisons de transition et les programmes à l’intention des conjoints violents, ainsi qu’une formation afin d’assurer une intervention uniforme entre toutes les parties, et ce, pour rendre les femmes victimes de violence conjugale davantage autonomes et les protéger, tout comme leurs enfants, et donner aux conjoints violents la responsabilité du comportement violent;
- un programme d’intervention auprès des conjoints violents avec une composante à l’intention des conjoints non violents; ce programme devrait contenir un volet traitant des effets de la violence conjugale et de la violence du conjoint sur les enfants;
- un lien avec les lois sur la violence familiale (comme autre outil visant à protéger et à soutenir les victimes et leurs enfants dans leur foyer);
- l’accès aux programmes pour enfants et jeunes exposés à la violence familiale afin de traiter les questions touchant la récupération à la suite de traumatismes et celles concernant les personnes qui affichent un comportement agressif;
- un comité consultatif interdisciplinaire composé de plusieurs intervenants afin de se pencher sur les questions de politiques (y compris les rôles respectifs, l’échange de renseignements et les autres éléments d’intervention collective).
Programmes d’intervention auprès des conjoints violents
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14. Il est recommandé que les gouvernements continuent d’élaborer des programmes pour les conjoints violents qui tiennent compte des pratiques fondées sur l’expérience. Il faut soutenir les recherches et les évaluations rigoureuses afin d’offrir l’orientation nécessaire à une intervention efficace.
Bien qu’il soit nécessaire de poursuivre la recherche compte tenu des résultats contradictoires obtenus jusqu’à présent, les éléments clés d’une intervention efficace semblent être les suivants :
- l’inclusion d’un volet de sensibilisation du partenaire, peu importe si le conjoint violent participe ou non régulièrement à un programme d’intervention qui lui est destiné;
- l’inclusion d’un volet qui traite des conséquences de la violence du conjoint violent pour ses enfants;
- l’établissement de liens entre le programme d’intervention auprès des conjoints violents et les services offerts aux victimes et à leurs enfants, pour permettre à ces victimes de faire des choix éclairés concernant leur sécurité;
- l’évaluation de la capacité du conjoint violent à profiter du programme (sélection et évaluation en vue de l’admissibilité au programme; pertinence du programme par rapport aux caractéristiques du conjoint violent);
- l’admission du conjoint violent au programme le plus tôt possible après l’arrestation pour un incident avec violence;
- des liens étroits avec les services de probation et le tribunal pour assurer un suivi continu du conjoint violent, pour réagir rapidement aux manquements éventuels, et pour fournir des renseignements à jour sur la participation du conjoint violent au programme d’intervention en rapport avec l’imputabilité du conjoint violent;
- l’établissement de mécanismes de suivi et d’évaluation pour examiner l’incidence des programmes sur les conjoints violents et pour s’attaquer au problème du taux d’abandon élevée (y compris les sanctions importantes en cas de non-conformité);
- la définition uniforme et acceptée de « réussite ».
Évaluation du risque
15. Il est recommandé de reconnaître l’importance des outils d’évaluation du risque, dûment validés, pour aider à la prise de décision aux diverses étapes du système de justice. Il est aussi recommandé que les gouvernements examinent plus à fond les outils d’évaluation du risque et prennent des précautions nécessaires lorsqu’ils donnent des directives concernant une intervention fondée sur les résultats découlant de leur utilisation. Les limites liées à leur utilisation devraient être exposées au cours de toute formation offerte.
Mécanismes de suivi et d’évaluation
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16. Il est recommandé que les gouvernements élaborent et améliorent les mécanismes d’imputabilité pour faire le suivi de la performance du système de justice lors d’une intervention dans les cas de violence familiale et pour appuyer toute décision judicieuse des cadres supérieurs et mesurer les répercussions des nouvelles initiatives. Il est recommandé que les gouvernements appuient l’élaboration de systèmes d’information, basés sur la cueillette d’indicateurs de performance clés communs, et ce, afin de permettre l’évaluation de la performance du système de justice. L’élaboration de méthodologies communes servant à examiner les programmes est également recommandée (par exemple lors de l’évaluation des programmes d’intervention destinés aux conjoints violents) afin de faciliter l’échange et l’avancement des connaissances.
Parmi les éléments d’une intervention efficace, il faut noter :
- l’utilisation, dans tous les systèmes de collecte de données, d’un « indicateur » de violence familiale (par exemple un moyen d’identifier un cas comme étant un cas de violence conjugale);
- la définition et la collecte d’indicateurs de rendement clés du système de justice pénale (le taux d’accusation et d’arrestation, le taux d’abandon, le taux de condamnation, les dispositions, la durée du traitement et de la supervision des délinquants, le respect des conditions par les délinquants, les accusations en cas de manquement, le taux de récidive, etc.) pour faire des comparaisons au sein d’un gouvernement et entre tous les gouvernements;
- la capacité de produire des rapports de gestion sur le rendement du système de justice (produits dérivés des systèmes opérationnels) dans le but de permettre aux gestionnaires supérieurs de prendre des décisions;
- l’intégration du système d’information (police, tribunaux, services correctionnels) afin de permettre le suivi d’un cas particulier;
- l’utilisation de la recherche pour étayer les politiques et les pratiques;
- la gestion du rendement pour s’assurer que les employés sur le terrain respectent les politiques et les procédures.
Formation
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17. Il est recommandé que chaque gouvernement élabore et mette en application un plan pour le développement et la prestation continue d’une formation intersectorielle sur les questions de violence familiale à l’intention du personnel, nouveau ou déjà en place, du système de justice pénale. Cette formation devrait être fondée sur les facteurs essentiels de réussite définis ci-dessous afin d’assurer une intervention efficace en situation de violence familiale. On suggère que les gouvernements partagent les ressources de formation pour éviter le dédoublement des efforts et réduire au maximum le fardeau lié à l’élaboration de matériel didactique. Il faudrait appuyer les travaux de l’Institut national de la magistrature de sorte que les magistrats continuent de recevoir une formation sur la dynamique de la violence faite au conjoint et sur l’incidence de l’intervention du système de justice pénale.
Les pratiques optimales suivantes ont été retenues :
- l’intégration de la formation sur la violence familiale à la formation préalable à l’entrée en fonction et présentation de séances annuelles de formation supplémentaires pour une mise à jour des renseignements;
- l’attribution de la coordination de la formation à une personne ou à un groupe donné;
- un volet qui porte sur la problématique de la violence familiale, les solutions législatives et les options disponibles – autant en droit pénal qu’en droit civil – et les interrelations entre elles; et sur les rôles particuliers importants des intervenants (les études de cas constituent une méthode utile pour « mettre à l’épreuve » la capacité, pour la personne qui apprend, d’appliquer les politiques et les procédures, ainsi que de faire comprendre à tous les « situations concrètes » et les approches à employer);
- une formation spécialisée à l’intention de la police et des procureurs de la Couronne sur la collecte d’éléments de preuve et sur la poursuite dans les cas de violence familiale;
- une formation spécialisée portant sur la problématique de la violence conjugale, élaborée à l’intention des intervenants du système correctionnel;
- la formation d’instructeurs pour qu’ils puissent, à leur tour, former un grand nombre de personnes, et ce, à moindre coût;
- une formation dispensée localement afin de tirer profit des ressources disponibles dans la collectivité; pour être fructueuse, la formation nécessite une collaboration entre les professionnels de la justice pénale et les représentants de la collectivité pour miser sur le partenariat entre ces deux groupes d’intervenants; en plus de servir à communiquer des renseignements, la formation renforce la capacité de la collectivité et améliore les liens importants entre les intervenants; cette approche contribue à une compréhension commune du problème au choix d’outils d’intervention appropriés, ainsi qu’à l’instauration d’un sens des responsabilités;
- une formation qui met l’accent sur un partenariat entre les spécialistes de la violence familiale et les personnes que l’on veut former et qui possèdent déjà une connaissance des secteurs et des professions concernés, et ce, afin d’assurer une base solide pour le développement du contenu de formation et de la façon de la dispenser.
Prévention
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18. Il est recommandé que les ressources engagées par les gouvernements, les ministères et la collectivité soient affectées à des activités de prévention de grande portée. Une stratégie de prévention efficace doit porter sur toutes les étapes du continuum de la violence familiale et comprendre les éléments suivants :
- des programmes pour les enfants et les jeunes exposés à la violence familiale ou démontrant un comportement agressif;
- une formation scolaire en matière de relations saines, d’une part, pour enseigner tant les éléments composant de tels rapports que les comportements acceptables, et non acceptables, aux adolescents et aux adolescentes qui commencent à se fréquenter; et dans les petites classes, d’autre part, pour enseigner les concepts de respect envers les autres et les techniques de résolution de conflits, et élaborer des programmes ainsi que des campagnes de lutte contre la violence, y compris la prévention contre le harcèlement et l’agression sexuels;
- l’éducation du public pour faire changer les attitudes qui contribuent à perpétuer la violence familiale; pour aider les victimes à discerner un comportement agressif et les informer de l’aide disponible; et pour encourager l’intervention individuelle et communautaire;
- des mesures précoces pour intervenir rapidement dans les relations agressives, avant qu’elles ne prennent de l’ampleur, et pour éviter tout autre danger;
- des programmes qui permettent au conjoint violent de se pencher sur leur comportement violent afin d’éviter qu’ils ne fassent mal à d’autres personnes.
Résumé
Une stratégie efficace pour intervenir dans les cas de violence familiale
Les éléments d’une intervention efficace auprès des familles victimes de violence familiale sont les mêmes, peu importe l’initiative particulière qui est adoptée ou l’accent qui est mis lors de l’intervention :
- des buts et des objectifs communs (assurer, par exemple, la sécurité de la victime et tenir le délinquant responsable de ses actes) pour tous les intervenants des diverses disciplines;
- un cadre procédural solide accompagné de protocoles clairs, concernant l’intervention et l’échange de renseignements pour chaque composante, secteur et discipline;
- l’engagement à la coordination, à la collaboration et à la coopération de la part de tous les partenaires;
- une formation qui met l’accent sur les rôles particuliers et les responsabilités individuelles et sur les liens avec d’autres composantes;
- des politiques uniformes qui soulignent l’engagement pris envers les objectifs visés à tous les niveaux de l’organisation;
- des ressources adéquates pour la prestation des services;
- des mécanismes d’imputabilité (pour les délinquants, le personnel du système de justice et les professionnels d’autres systèmes et disciplines).
Une stratégie complète et coordonnée, au sein de chaque gouvernement, est nécessaire pour s’attaquer au problème de la violence familiale et aux facteurs qui y contribuent. Cette stratégie doit être assurée dans tous les secteurs de politiques (sociale, judiciaire, éducatif et de la santé) et à tous les niveaux au sein de chaque gouvernement : au niveau provincial (pour élaborer un cadre stratégique); au niveau communautaire (pour coordonner les services et déterminer les besoins, les lacunes et les solutions); niveau individuel (pour offrir des mécanismes de gestion de cas et de consultation efficaces). Les ingrédients essentiels d’une stratégie efficace pour s’attaquer à la violence familiale sont : des ressources, un bon leadership, une excellente coordination, l’engagement et le soutien des gestionnaires supérieurs dans la mise en œuvre de ces initiatives et un cadre de responsabilité basé sur l’engagement envers une vision à long terme.
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