La victimisation avec violence : répercussions sur la santé des femmes et des enfants

3. Conséquences pour la santé de la victimisation avec violence

Au Canada et partout dans le monde, la violence est une importante cause de morbidité et de mortalité chez les femmes de 15 à 44 ans (OMS, 2005). Les répercussions à long terme de la violence sur la santé sont bien documentées et varient selon la forme (soit un conflit bilatéral dans le couple ou le terrorisme conjugal), la gravité et la fréquence de la violence, ainsi qu'en fonction de l'exposition à de multiples types d’abus (physique, sexuel, psychologique) qui peuvent coexister et être récurrents au cours d'une vie. Ainsi, la santé des femmes est minée non seulement par la VPI mais aussi par l'accumulation des expériences de violence au cours de toute une vie, y compris d'autres formes d'agression sexuelle et de maltraitance durant l'enfance (Scott-Storey, 2011).

On trouvera dans la présente section des données sur les répercussions sur la santé physique et mentale des différents types de violence faisant l'objet de ce rapport. Même si la violence envers les femmes et les enfants a d'importantes répercussions sur leur santé physique, dont les lésions corporelles, la mort et certaines maladies infectieuses et chroniques, une grande partie des souffrances découlant de l'exposition à la violence prennent la forme de troubles aigus et chroniques de santé mentale. Les troubles mentaux représentent en général 13 % de la charge mondiale de morbidité (Organisation mondiale de la santé, 2011), et même si la prévalence globale des problèmes de santé mentale est similaire chez les hommes et chez les femmes, ces dernières souffrent presque deux fois plus de dépression et d'anxiété que les hommes (Johnson et Stewart, 2010). Ces différences sont en partie attribuables à des événements plus négatifs de la vie, dont un plus lourd fardeau de victimisation avec violence (Astbury et Cabral, 2000; Hegarty, 2011).

Comme il est indiqué ci-dessous, les principaux types de troubles de santé mentale associés à la violence, selon les recherches, sont les troubles de l'humeur, principalement la dépression, les troubles d'anxiété dont surtout l’état de stress post-traumatique (ESPT), les troubles liés à l’abus d’une substance et les troubles somatiques. Ces troubles, et d'autres mentionnés plus bas, sont brièvement définis et décrits à l'Annexe 1.

Une autre façon utilisée dans la recherche pour évaluer les séquelles de la violence ainsi que les répercussions des interventions visant à la réduire passe par le concept de qualité de la vie, plus particulièrement la qualité de la vie au plan de la santé. Nous présentons aussi des données de ce type lorsqu'elles sont disponibles et pertinentes.

La section est structurée de façon à ce que les principaux types d'exposition à la violence – VPI et enfants témoins de VPI, agressions sexuelles de femmes et abus sexuels d’enfants – sont tour à tour examinés sous l'angle de ce que la recherche nous enseigne sur leurs répercussions pour la santé physique et mentale. Lorsque disponibles, les données canadiennes sont présentées en priorité, mais dans bien des cas, ces données ne sont pas disponibles ou ne sont pas de portée ou de qualité suffisante pour donner un portrait juste de la situation. Nous présentons alors des données provenant de contextes et de pays similaires (États-Unis d'Amérique, Royaume-Uni, Australie). L'objectif est de présenter les « meilleures données disponibles » pour chaque type de problème de santé, quelle que soit leur provenance, en faisant ressortir leurs forces et leurs faiblesses. On pourra ainsi faire la distinction entre ce qui est « très pertinent », « probablement pertinent » et « probablement pas pertinent » pour le Canada, et déceler les lacunes dans nos connaissances.

3.1 Répercussions sur la santé de la violence entre partenaires intimes

3.1.1 Répercussions sur la santé physique

3.1.1.1 Blessures et mort

Entre 2000 et 2009, et il y a eu 738 homicides commis sur la personne d'un conjoint au Canada, ce qui représente 16 % de tous les homicides résolus et presque la moitié (47 %) de tous les homicides familiaux; les femmes étaient environ trois fois plus susceptibles d'être la victime d'un tel homicide conjugal (Statistique Canada, 2011). En 2010, il y a eu 89 victimes d'homicide commis par un partenaire intime (y compris une simple fréquentation). Cependant, ces types d'homicides suivent une tendance graduellement à la baisse (Statistique Canada, 2011; Hotton Mahoney, 2011). Plus précisément, le taux d'homicide commis par un partenaire intime a chuté de 32 % entre 1980 et 2010 (Hotton Mahoney, 2011). Cette baisse a été attribuée à différents facteurs, dont une amélioration de la situation socio-économique des femmes et la disponibilité accrue de ressources à l’intention des victimes de violence (Dawson et coll. 2009; Pottie Bunge 2002; Dugan et coll. 1999).

Il existe peu d'études comparatives qui ont examiné les différences particulières dans les types de blessures associées à la VPI, comparativement à d'autres causes possibles (comme les blessures non intentionnelles). Cependant, une récente étude systématique et méta-analyse effectuée par des chercheurs de l'université McMaster au Canada a passé en revue toutes les études disponibles comportant des données comparant les types de blessures subies par des personnes exposées et non exposées à la VPI qui se présentaient dans les urgences des hôpitaux (Wu, Huff et Bhandari, 2010). Wu et coll. ont constaté que des types particuliers de blessures pouvaient permettre de distinguer les personnes exposées à la VPI contrairement à des blessures attribuables à d’autres causes; en particulier, certaines blessures à la tête, au cou ou au visage étaient absentes (comme à la suite d'un accident d'automobile); de même, certaines blessures multiples étaient associées à une exposition à la VPI, alors que d'autres blessures au thorax, à l'abdomen, à la région pelvienne ou uniquement aux extrémités ne permettaient pas de différencier les femmes violentées de celles qui ne l'étaient pas (Wu et coll., 2010). Ces résultats sont compatibles avec ceux d'autres études individuelles et non comparatives qui ont également relevé que les blessures à la tête, en particulier à la bouche et aux dents, les lésions oculaires, les marques d'étranglement, les commotions cérébrales, les contusions internes et externes, les fractures et les plaies ouvertes étaient fortement associées aux agressions violentes entre partenaires intimes (OMS, 2005; Fanslow et coll., 1998; Sheridan et Nash, 2007).

Au Canada, les femmes autochtones exposées à la VPI sont plus susceptibles de rapporter avoir subi des blessures que les femmes non autochtones (59 % contre 41 %), et aussi plus susceptibles de rapporter qu'elles craignent pour leur vie (52 % contre 31 %) (Brannen, 2011).

3.1.1.2 Autres problèmes de santé physique

La violence entre partenaires intimes est associée à plusieurs autres problèmes de santé physique, dont la santé génésique ainsi que les maladies chroniques et infectieuses. Dans une étude internationale systématique et méta-analyse réalisée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), il a été constaté que la VPI, en sus des blessures mentionnées plus haut, était associée aux troubles suivants : syndromes de douleur chronique (voir aussi ci-aprèes), invalidité, fibromyalgie, troubles gastro-intestinaux, syndrome du côlon irritable, troubles du sommeil et réduction généralisée du fonctionnement physique et de la qualité de la vie liée à la santé (AuCoin et Beauchamp, 2007; OMS, 2005).

La VPI est aussi associée aux troubles gynécologiques, à l'infertilité, aux atteintes inflammatoires pelviennes, aux complications lors de la grossesse et aux fausses couches, à la dysfonction sexuelle, aux maladies transmissibles sexuellement dont le VIH/sida, aux avortements risqués et aux grossesses non désirées (OMS, 2005). Plusieurs études portant sur la VPI pendant la grossesse indiquent qu'elle est étroitement associée au femicide (Campbell et coll., 2003), et qu'elle cause des dommages directs au foetus, susceptibles de provoquer des naissances prématurées et des bébés ayant des malformations ou un faible poids à la naissance (OMS, 2005; Campbell et coll., 1999; Murphy et coll., 2001; Shah et Shah, 2010; Cokkinides et coll., 1999).

La VPI est associée à des comportements risqués pour la santé, y compris l'abus d'alcool et de drogue, le tabagisme les comportements sexuels à risque et l'inactivité physique (OMS, 2005).

3.1.2 Répercussions sur la santé mentale

La VPI est systématiquement associée à des taux élevés de dépression, à des troubles d'anxiété (notamment l’ESPT), à des troubles du sommeil gravement incapacitants, à des phobies et aux accès de panique, à des troubles psychosomatiques, à des comportements suicidaires et à l’automutilation (voir les études de l’OMS, 2005 et Jordan et coll., 2010). La dépression et l’ESPT sont les problèmes de santé mentale les plus répandus découlant de la VPI, les deux ayant une importante comorbidité (Jordan et coll., 2010, Basile et coll., 2004). Une méta-analyse des études portant sur les victimes féminines de la VPI a estimé que la prévalence moyenne de dépression se situait à 47,6 % et l’état de stress post-traumatique (ESPT), à 63,8 % (de trois à cinq fois et de cinq fois plus élevées que les taux dans la population féminine en général, respectivement) (Golding, 1999). Les sentiments de perte, de honte et de culpabilité, l'humiliation, l'impuissance et la perte de contrôle contribuent à l'affaiblissement de l'estime de soi et à la dépression (OMS, 2005; Astbury et Cabral, 2000), données qui ont aussi été constatées dans l'Enquête sociale générale de 2004 au Canada (AuCoin et Beauchamp, 2007).

D'autres études ont aussi révélé des taux accrus de troubles de l'alimentation, de toxicomanie, de troubles de la personnalité antisociale et de psychose non affective (OMS, 2005; Jordan, 2010; Danielson et coll., 1998; Golding, 1999; Afifi et coll., 2009; Ehrensaft et coll., 2006; Ellsberg et coll., 2008; Golding, 1999).

Chez les femmes autochtones ayant des antécédents de violence, la colonisation et le racisme peuvent contribuer à des taux plus élevés de troubles mentaux comme la dépression et la toxicomanie que chez les femmes non autochtones (MacMillan et coll., 2008; Varcoe et Dick, 2008). Cependant, les données de l’Enquête sociale générale de 2009 au Canada indiquent que l'état de santé physique et mentale tel que rapporté par les femmes autochtones elles-mêmes n'est pas différent de celui rapporté par les femmes non autochtones (Brannen, 2011), même si, comme nous avons dit plus haut, la fréquence et la gravité de leur exposition à la violence sont beaucoup plus grandes.

Puisqu’il y a de plus de en plus de données indiquant que la dépression et l’ESPT causés par la violence ont des répercussions sur la santé physique (Sutherland et coll., 2002; Weaver et Resnick, 2004; Wuest et coll., 2009),il pourrait donc être important de s'attaquer à ces troubles de santé mentale afin de prévenir les problèmes de santé physique comme les douleurs chroniques ou les maladies cardiaques. On a aussi constaté que lorsque la violence diminue ou disparaît, la santé tant physique que mentale s’améliore (Bybee et Sullivan, 2002). Cependant, le simple fait de mettre fin à la relation ne signifie pas que la violence et le harcèlement cessent, comme le montrent les données sur le harcèlement criminel au Canada présentées dans la section 1 (Milligan, 2011). Des données canadiennes récentes indiquent que les intrusions persistantes d’ex-conjoints dans la vie des femmes entraînent des séquelles pour leur santé pendant des années après la fin d’une relation abusive (Wuest et coll., 2009).

3.2 Répercussions des agressions sexuelles sur la santé

Plusieurs des répercussions des agressions sexuelles commises par des non-partenaires sur la santé physique et mentale des victimes sont similaires à celles décrites plus haut, à l'importante différence près que ces agressions prennent en général une forme aiguë comparativement à la nature plus chronique de la VPI, qui prend souvent des formes multiples d'abus et de domination physiques, sexuels et psychologiques. Cet aspect de chronicité explique peut-être pourquoi la plupart des études qui portent surtout sur les répercussions de la victimisation avec violence sur la santé mentale estiment que la VPI a des conséquences plus graves et plus étendues sur ces aspects de la santé des femmes. Cela dit, le type particulier d'agression sexuelle subie par une femme ainsi que tout antécédent de traumatisme et d'abus feront en sorte que la réaction de chaque femme à la victimisation sera unique. Nous présentons ci-dessous des données provenant d'études de haute qualité indiquant les principaux types de séquelles pour la santé découlant des agressions sexuelles commises contre des femmes par des personnes autres que des partenaires intimes.

3.2.1 Répercussions sur la santé physique

Comme l'exprime succinctement le Rapport mondial sur la violence et la santé de l’OMS (Krug et coll., 2002), « [l]a force physique n’est pas nécessairement employée dans les viols, raison pour laquelle il n’en résulte pas toujours des traumatismes physiques. Il arrive que des viols entraînent la mort, encore que la prévalence de la mortalité varie considérablement d’un endroit à l’autre du monde. Les conséquences pour la santé génésique, la santé mentale et le bien-être social comptent parmi les conséquences les plus courantes de la violence sexuelle ». (p. 180). Ainsi, alors que les données de l'Enquête sociale générale de 2004 au Canada indiquent que la plupart (93 %) des victimes d’agression sexuelle n’avaient pas subi de blessures corporelles, cela est particulièrement vrai pour les victimes de contacts sexuels (96 %) par rapport aux victimes d’attaque de nature sexuelle (78 %) (Brennan et Taylor-Butts, 2008). Il reste que les données publiées dans le rapport de l’OMS, qui s'est aussi penchée sur les agressions sexuelles commises en situation de guerre, etc., établissent l'existence d'un lien entre ces types d'agression et des problèmes de santé génésique chez les victimes, dont les complications gynécologiques lors de la grossesse (saignements ou infections vaginales, fibromes, baisse du désir sexuel, irritations génitales, douleurs durant les rapports sexuels, douleurs pelviennes chroniques et infections des voies urinaires), ainsi que les maladies transmissibles sexuellement, dont l'infection par le VIH (Krug et coll., 2002).

3.2.2 Répercussions sur la santé mentale

Les répercussions d'une agression sexuelle sur la santé mentale sont semblables à celles décrites plus haut dans le cas de la VPI, la dépression et l'anxiété, surtout l’ESPT, étant les plus étroitement associés à ce type de victimisation (Krug et coll., 2002). Le rapport de l’OMS, qui examine globalement l'ensemble des types de victimisation avec violence, peu importe l'âge, le sexe, la situation (individuelle, familiale, communautaire) et le pays, ainsi que leurs répercussions sur la santé, fait ressortir l'importance de la stigmatisation sociale et de l'ostracisme qui frappent les femmes agressées, ainsi que les risques de comportement suicidaire qui en découlent.

3.3 Répercussions sur la santé des mauvais traitements et autres traumatismes subis durant l'enfance

3.3.1 Enfants témoins de VPI

Les personnes ayant été témoins de VPI durant leur enfance sont davantage susceptibles de connaître des problèmes d'ordre psychologique, social et comportemental, dont l'anxiété et les troubles de l'humeur (voir ci-dessous), ainsi que des problèmes de toxicomanie et des problèmes scolaires pendant l'enfance et l'adolescence (Gilbert et coll., 2009; Kitzmann et coll., 2003; Evans et coll., 2008; Osofsky, 2003).

Ces problèmes risquent de se perpétuer à l'âge adulte et de faire partie d'un cycle de violence intergénérationnel (Gilbert et coll., 2009; Osofsky, 2003; Dube et coll., 2002; Doumas et coll., 1994); en particulier, les enfants qui sont témoins de violence à la maison sont plus susceptibles de maltraiter leurs propres enfants (Doumas et coll., 1994; Schwartz et coll., 2006) et sont plus susceptibles d'avoir des fréquentations et des relations intimes violentes une fois devenus adultes (soit comme victimes ou comme auteurs de la violence) (Stith et coll., 2000; Ehrensaft et coll., 2003; Carr et VanDeusen, 2002). Les enfants exposés à la VPI courent des risques plus élevés d'être victimes d'autres formes de mauvais traitements (physiques et sexuels) de la part des personnes en ayant la garde (Margolin, 1998; McCloskey et coll., 1995).

3.3.2 Abus sexuel d’enfants

L'exposition à l'ASE est associée à des troubles dans de nombreux domaines, y compris ceux de la santé mentale, de la santé physique, de l'éducation, du comportement criminel et du fonctionnement interpersonnel (Gilbert et coll., 2009; Friesen et coll., 2010), tous ces types de problèmes se chevauchant les uns les autres. Par exemple, une petite fille qui a été victime d'abus sexuel et qui éprouve des problèmes de santé mentale risque aussi d'avoir des difficultés à l'école et des démêlés avec la justice, entre autres conséquences négatives.

Chez les petites filles, l'abus sexuel est associé à des effets négatifs à court et à long terme sur la santé mentale, selon la gravité, la persistance et la présence de facteurs de risque et de protection, aussi bien génétiques qu'environnementaux (Fergusson et coll., 1996a,b; Banyard et coll., 2001; Putnam, 2003). Fait à noter, les enfants victimes d'abus sexuel courent un risque accru d'être exposés à d'autres types de mauvais traitements, y compris la violence physique et la négligence (Fergusson et Mullen, 1999), et d'être à nouveau victimes d'abus sexuel dans les années qui suivent (Roodman et Clum, 2001). Les facteurs associés à des répercussions plus négatives chez les enfants victimes d'abus sexuel comprennent la gravité des gestes (contact ou rapport sexuel plutôt qu'abus sexuel sans contact), leur fréquence, leur durée et l'existence d'autres types de mauvais traitements (Andrew et coll., 2004).

L’ASE est un facteur de risque non spécifique d'internalisation et d'externalisation des troubles chez les jeunes filles et les femmes adultes; il est associé aux dérèglements neurobiologiques à la fois chez l'enfant et chez l'adulte, y compris aux altérations de l'axe hypothalamique - pituitaire - surrénal (HPS), du système nerveux sympathique et plus récemment, du système immunitaire (Nunes et coll., 2010). Même si les personnes exposées à l’ASE ne développent pas de trouble psychiatrique spécifique, elles risquent de connaître des difficultés touchant la régulation, la maîtrise des impulsions, la somatisation, les distorsions cognitives, l'altération de la perception de soi et des problèmes de socialisation (Putnam, 2003).

Les enfants qui ont été victimes d'abus sexuel peuvent présenter une grande variété de symptômes, y compris l'absence de symptômes (Kendall-Tackett et coll., 1993). Un recensement exhaustif des études portant essentiellement sur un échantillonnage de programmes d'évaluation ou de traitement des cas abus sexuels a permis de constater qu'entre 21 % et 49 % de ceux-ci ne présentaient aucun symptôme au moment de l'évaluation initiale. Les enfants victimes d'abus sexuel présentaient plus de symptômes que les enfants n'ayant pas subi d'abus dans un grand nombre de domaines, dont la dépression, l’ESPT, les troubles somatiques, l’agressivité, les problèmes de comportement et les attitudes à caractère sexuel. Dans deux autres domaines, le comportement suicidaire et la faible estime de soi, on a constaté des différences minimes.

Les répercussions de l’ASE sur la santé mentale continuent de se faire sentir à l'âge adulte (Mullen et coll., 2000; Andrew et coll., 2004). Chez les femmes adultes, tout indique qu'il existe une forte association entre l’ASE et la dépression, l’ESPT, les crises de panique, la dépendance à la drogue et à l'alcool et les tentatives de suicide (Andrew et coll., 2004). Il y a d'autres problèmes de santé mentale reliés à l’ASE comme la somatisation, les troubles de l'alimentation, les troubles de la personnalité et plus récemment, les symptômes psychotiques (Maniglio, 2009; Afifi et coll., 2011). La plupart des études révèlent que même si les effets de l’ASE sur les problèmes de santé mentale sont réduits lorsque le milieu familial est contrôlé, l’ASE demeure toujours fortement associé à un vaste éventail de problèmes de santé mentale à l'âge adulte.

Certaines études indiquent que l'exposition à l’ASE est liée à des risques accrus d’affaiblissement des capacités chez les femmes adultes comparativement aux hommes adultes (MacMillan et coll., 2001; Molnar et coll., 2001), alors que d'autres concluent à l'absence de différence significative (Andrew et coll., 2004) ou que les hommes ont des taux plus élevés de capacités affaiblies dans certains cas (Rhodes et coll., 2011). Il demeure certain toutefois qu’en raison de sa prévalence plus marquée chez les filles, l’ASE est associé à un pourcentage plus élevé d'« années de vie corrigées de l’incapacité » (AVCI) chez les femmes que chez les hommes (Andrew et coll., 2004).

3.4 Multiples formes de violence envers les enfants et d’expériences négatives vécues durant l'enfance

La VPI, la violence sexuelle et la violence envers les enfants se chevauchent souvent dans les familles (Gilbert et coll., 2009; Dong et coll., 2004), et comme nous l'avons mentionné plus haut, de nombreuses études évaluent en même temps les répercussions des multiples formes de violence envers les enfants, dont les abus physiques et sexuels, la négligence et l'exposition à la VPI. Dans les sections qui précèdent, nous avons traité des études qui ont examiné les répercussions des deux types de victimisation avec violence chez les enfants, lesquels font l'objet principal de ce rapport, nous présentons dans la prochaine section un aperçu des principales études qui se sont penchées plus globalement sur les cas de violence envers les enfants et les différents types de répercussions sur la santé aux différents moments de la vie.

Les données de l’Étude canadienne sur l’incidence des signalements (ECIS) de cas de violence et de négligence envers les enfants (ASPC, 2010) indiquent que peu de cas corroborés d'abus impliquent des blessures physiques, qui comptent pour 8 % et dont la majorité des cas (6 %) sont des coupures, des éraflures et des contusions. Lorsqu'on fait la distinction entre les types d'abus, les données indiquent que les abus sexuels sont plus souvent à l’origine de ces blessures (11 %) que le fait d'être témoin de VPI (1 %) (la violence physique à l’origine de 26 % de ces blessures, les mauvais traitements psychologiques, de 5 % et la négligence, de 6 %).

En termes de séquelles psychologiques à court terme, l’ECIS a révélé que 29 % des cas corroborés de mauvais traitements étaient la cause d'une forme ou d'une autre de problème observable aux yeux des chercheurs (sans pour autant avoir fait l'objet d'un diagnostique clinique), dont l'incontinence, les cauchemars et le retrait social. Ventilées selon les types de mauvais traitements, les données indiquent que l'abus sexuel était plus souvent responsable de ce type de sévices (47 %), plus grave, que le fait d'avoir était témoin de VPI (26 %) (les sévices physiques comptaient pour 26 % des sévices psychologiques, 36 % des mauvais traitements psychologiques et 30 % des cas de négligence). L’ECIS n'assure pas de suivi pour évaluer les répercussions à long terme de ces mauvais traitements.

L'étude menée aux États-Unis sur les « expériences négatives vécues durant l’enfance » (ACE)Note de bas de la page 1 est une étude longitudinale de très vaste portée visant à évaluer les répercussions à l'âge adulte de l'exposition à 10 types de ces expériences, regroupées en trois catégories et vécues durant les 18 premières années de vie des participants. Ces catégories sont les suivantes :

  1. abus psychologique, physique ou sexuel;
  2. négligence psychologique ou physique;
  3. cinq types de dysfonction au foyer :
    • mère violentée;
    • consommation d'alcool ou de drogue à la maison;
    • présence de maladie mentale à la maison;
    • séparation ou divorce des parents;
    • membre de la famille incarcéré.

La valeur attribuée à ces « expériences négatives » est calculée en évaluant l'exposition cumulative aux différents types d’expériences. En général, plus la valeur est élevée, plus l'association avec des répercussions négatives pour la santé est marquée.

Les principales conclusions des diverses analyses portant sur l'étude ACE font état des liens suivants entre l'exposition aux expériences négatives durant l’enfance et la santé à l'âge adulte :

Même si l'échantillon de l'étude américaine est très important (plus de 17 000 participants) et que l'étude est longitudinale, les participants étaient des patients d'une organisation de soins intégrés de santé (HMO) aux États-Unis, de sorte qu'il peut être difficile d'en généraliser les résultats à d'autres groupes, comme les personnes plus démunies ou marginalisées n'ayant pas d'assurance-maladie (dans le contexte des États-Unis), ou à d'autres pays ayant des systèmes de santé différents.