Étude sur la violence envers les femmes en milieu rural ontarien (ORWAS) rapport final

5. RECOMMANDATIONS

5. RECOMMANDATIONS

Les participantes aux entretiens et aux groupes de discussion ont formulé des recommandations et des suggestions pénétrantes au sujet des changements nécessaires au traitement des cas de violence conjugale dans les régions rurales.

5.1 Améliorer les réactions et les attitudes de la collectivité face à la violence conjugale

Les collectivités sont toutes d’accord qu’il faut mieux éduquer le public au sujet de la violence conjugale. Plusieurs ont souligné que cette éducation devrait couvrir d’autres formes de violence en plus de la violence physique. Dans une collectivité, on a recommandé d’embaucher quelqu’un expressément pour faire de la sensibilisation et de la prévention dans la collectivité. (rapport de Stormont, Dundas et Glengarry)

On a laissé entendre que la collectivité doit faire une déclaration publique témoignant de sa détermination à ne pas tolérer la violence conjugale. Dans une collectivité, on a recommandé de publier dans les journaux locaux des statistiques sur la violence conjugale. (rapport de Stormont, Dundas et Glengarry)

Plusieurs collectivités se sont attaquées au problème de l’étroitesse d’esprit qui y règne. Nous avons noté le sentiment général à l’effet que des collectivités limitent les possibilités des femmes en stigmatisant les victimes de violence. Les résidents doivent faire preuve d’une plus grande ouverture d’esprit.

L’Église doit parler plus honnêtement de la violence conjugale. On a mentionné qu’il faut rééduquer le clergé au sujet de la violence conjugale et que les églises devraient présenter des ateliers ou des séminaires structurés de manière à ce que les congrégations puissent apprendre à faire face aux situations de violence.

«Quand vous parlez à l’église de la violence conjugale, vous dites à toutes les femmes de cette congrégation: je suis une personne à qui vous pouvez parler en toute confiance de ces problèmes parce que je vous comprends et je vous crois.»  (informatrice clé de Grey-Bruce)

Dans plusieurs collectivités, on a dit que les membres de la collectivité doivent avoir ou acquérir un sentiment de responsabilité individuelle face aux femmes victimes de violence.

Dans quelques collectivités, on a recommandé de mobiliser davantage les hommes dans les activités de lutte contre la violence pour montrer aux autres hommes que «ce n’est pas uniquement un problème de femmes»  (groupe de discussion d’une collectivité du comté d’Oxford).

Dans toutes les collectivités, on a recommandé de débuter l’éducation sur la violence conjugale dans les écoles. Plusieurs membres de la collectivité croient qu’on doit sensibiliser les enfants à la violence conjugale à un très jeune âge. D’autres croient que le sujet devrait faire partie du programme scolaire.

Il faut faire plus d’efforts pour coordonner les services sociaux.

« ... là où il manque des services dans la région et où la coordination des services est absente. Il y a moins de compréhension entre les services et entre les employés des services. Il n’y a pas de cohérence entre les ressources offertes.»  (fournisseur de services de Vermilion Bay)

L’information au sujet des services doit être plus facile d’accès.

5.2 Améliorer le système de justice pénale

5.2.1 Pratiques policières

La recommandation qui revient le plus souvent est que l’on devrait mieux former les policiers dans le domaine de la violence conjugale. Cela comprendrait des cours de recyclage et une formation obligatoire pour tous les corps policiers, y compris les policiers des petites municipalités.

«Je crois qu’ils devraient recevoir une bonne formation à ce sujet et je crois aussi qu’on devrait les réprimander s’ils ont des propos sournois ou sarcastiques.»  (victime de Grey-Bruce)

La police devrait avoir pour politique systématique de retirer l’agresseur du foyer au lieu de retirer les femmes et les enfants.

La police doit adopter une politique de tolérance zéro face à la violence conjugale et la mettre systématiquement en application afin de gagner la confiance de la collectivité.

Si possible, les policiers devraient intervenir plus rapidement lorsqu’un cas de violence familiale leur est signalé.

Il faut plus de femmes policières pour répondre aux appels de violence familiale.

La police devrait mettre au point un protocole avec d’autres organismes comme les refuges, les services d’aide aux victimes et les hôpitaux pour offrir une réponse plus concertée aux femmes victimes de violence.

On doit encourager les policiers à fournir aux femmes victimes de l’information sur d’autres services disponibles dans la région.

5.2.2 Sanctions cohérentes

Dans une très forte majorité de collectivités, on a demandé que les tribunaux prennent la violence conjugale plus au sérieux. Entre autres suggestions, mentionnons la nécessité de peines cohérentes et le counselling obligatoire pour l’agresseur pendant qu’il est en détention.

«Appliquer un degré de tolérance zéro, comme pour la conduite en état d’ébriété. Si ces agresseurs faisaient à un étranger ce qu’ils nous font, les tribunaux les traiteraient différemment. Pourquoi le fait de vivre ensemble rendrait-il l’agression acceptable?» (victime d’Espanola)

5.2.3 Pratiques judiciaires

On recommande qu’un membre du personnel de la cour joue un rôle clé pour communiquer avec la femme avant l’audience et la tenir au courant tout au long du processus.

Le processus judiciaire est souvent long et déroutant. Dans la mesure du possible, il faudrait accélérer le processus.

Les participants ont aussi recommandé que les tribunaux reconnaissent officiellement la violence affective et psychologique comme un comportement criminel et ne limitent pas la définition de la violence à ses manifestations physiques. On pourrait appeler des témoins experts pour expliquer l’impact de ces formes de violence sur la vie des femmes.

«Et il [l’avocat] m’a dit: “en cour, vous allez devoir vous exprimer en noir et blanc seulement”. Eh bien, la violence n’est pas noire et blanche… il disait simplement de la présenter comme telle, pour que ce soit clair… mais ce n’est pas clair.» (victime de Vermilion Bay)

On a mentionné que les agresseurs récidivistes savent souvent qu’ils peuvent violer une ordonnance de probation. Il est donc important d’exécuter les ordonnances de probation et de punir les manquements à ces ordonnances, y compris l’absence aux séances de counselling pour hommes violents.

Il faut valoriser le travail des femmes à la maison et en tenir compte dans les décisions relatives à la garde des enfants et à la répartition des biens.

De nombreuses victimes ont recommandé de ne pas exiger que la femme fournisse l’adresse de son agresseur quand elle demande une ordonnance de non-communication.

«Ils ont un mandat d’arrêt [contre l’agresseur] mais vous ne pouvez pas obtenir une ordonnance de non-communication contre lui si vous ne savez pas où il vit. Ça, c’est ridicule.» (rapport de Stormont, Dundas et Glengarry)

Une façon d’améliorer le système de justice pénale, selon plusieurs victimes, est de modifier la façon dont les juges dans les régions rurales interprètent la violence conjugale. (rapport de la collectivité de Cochrane)

5.2.4 Décisions relatives à la garde des enfants et au droit de visite

On a recommandé que les tribunaux de la famille tiennent compte du comportement de l’agresseur pour statuer sur la garde des enfants et les droits de visite. Il est important de consigner tous les incidents de violence.

5.2.5 Soutien pour les hommes

Les collectivités ont été unanimes à recommander le counselling pour les hommes violents ou une certaine forme de soutien pour ces derniers. Les fournisseurs de services, des membres de la collectivité, des dirigeants et des victimes ont souligné l’importance de programmes de traitement continus et obligatoires.

«Faites-en une obligation… que les agresseurs obtiennent l’aide dont ils ont besoin afin de ne pas continuer à agresser d’autres femmes.»  (victime de Vermilion Bay)

5.2.6 Soutien pour les femmes

Les participantes aux groupes de discussion ont fait les recommandations suivantes:

5.3 Améliorer les services sociaux

L’information sur les refuges doit être très publique et accessible. Les services fournis par les refuges et la façon de communiquer avec eux devraient être expliqués clairement.

Les groupes de soutien destinés aux femmes qui quittent des relations violentes revêtent une importance vitale.

Les programmes de counselling externe sont des services essentiels pour les femmes victimes de violence dans les régions rurales. Les collectivités qui n’en ont pas veulent en avoir et celles qui en ont disent qu’elles ont besoin d’un plus grand nombre d’intervenants.

«Je sais que le programme d’approche fonctionne parce qu’il y en avait un avant qu’on coupe le financement… Le nombre d’aiguillages était phénoménal parce que quelqu’un dans la collectivité entrait en contact avec les femmes qui n’avaient pas accès aux ressources et qui étaient très isolées.» (fournisseur de services de Vermilion Bay)

Il faut une meilleure concertation entre les fournisseurs de services.

Le transport vers les refuges est un problème pour les femmes des milieux ruraux. Le soutien financier des conducteurs bénévoles est la clé.

Les programmes adaptés du point de vue culturel pour les femmes autochtones sont importants.

Un refuge est nécessaire dans la collectivité. On a suggéré de créer des maisons d’hébergement sûres, comme solution de rechange ou complément à un nombre accru de refuges.

On a recommandé de rendre les services aux victimes largement disponibles afin qu’on assigne aux femmes, au moment de l’agression, un intervenant connaissant bien la problématique de la violence.

Il faudrait mieux éduquer le public.

«Après chaque séance d’éducation publique, au moins deux femmes venaient nous parler de leurs filles, de leurs mères, d’elles-mêmes, de leurs sœurs et quand vous leur dites que le refuge peut leur fournir des services de counselling externe, elles sont soulagées et reconnaissantes parce qu’un lien a été établi.» (fournisseur de services de Vermilion Bay)

Des services de garde d’enfants d’urgence et un soutien au rôle parental qui ne menacent pas de retirer la garde des enfants aux femmes demandant de l’aide seraient très utiles.

Dans une collectivité, on a recommandé que des services de santé mentale soient plus faciles d’accès.

«Nous avons besoin de plus de gens ici pour aider parce que quand j’ai finalement appelé pour faire mon admission, eh bien il leur a fallu six à huit mois pour me rappeler. C’était vraiment décourageant.» (victime de Cochrane)

5.4 Améliorer les services médicaux, de santé et de santé mentale

Dans toutes les collectivités, on s’entend pour dire que les professionnels de la santé ont besoin d’une meilleure formation sur la violence. Avec une telle formation, les médecins et les conseillers aideraient les femmes à comprendre qu’elles ne sont pas responsables de leur victimisation.

On a aussi recommandé d’améliorer les services destinés aux femmes victimes de violence en diminuant les délais d’intervention, en offrant davantage de séances de counselling, en réduisant les périodes d’attente et en offrant des services de santé mentale à temps plein plutôt qu’à temps partiel dans la collectivité. On a reconnu que cela nécessiterait toutefois un financement accru pour les programmes de santé et de santé mentale. Selon plusieurs infirmières qui ont participé aux groupes de discussion, on a besoin d’un plus grand soutien professionnel quand les femmes victimes de violence se présentent à l’hôpital.

On a recommandé que les médecins soient plus conscients du rôle clé qu’ils jouent dans le traitement des femmes victimes de violence. Ils doivent apprendre à prendre le temps d’examiner les signes de violence, de mettre le doigt sur la violence et d’aiguiller leurs patientes vers d’autres organismes d’aide. De nombreuses femmes ont dit avoir essayé de parler à leur médecin, mais que ce dernier leur a simplement prescrit des médicaments «pour les nerfs».

«Je sais que nous sommes à une époque où les médicaments semblent être la réponse à tout, où on tente de faire disparaître le problème par des médicaments, mais bien des fois, je crois que si on prenait simplement un peu de temps pour parler de la situation, nous n’aurions pas besoin d’autant de médicaments… Je pense donc qu’il faut revenir au temps où le médecin était formé à écouter et à traiter ce qu’il ou elle entend.» (victime de Cochrane)

5.5 Suggestions pour les femmes qui vivent actuellement avec la violence

On a aussi demandé aux participantes de faire des suggestions pour les femmes qui vivement actuellement avec la violence dans des régions rurales. Voici ce qu’elles ont suggéré.