« Créer un cadre de sagesse communautaire » : examen des services aux victimes dans les territoires du Nunavut, du Nord-Ouest et du Yukon

2.0 Nunavut (suite)

2.0 Nunavut (suite)

2.5 Recommandations sur les services aux victimes au Nunavut

2.5.1 Introduction

Les recommandations examinées dans la présente section résultent de plusieurs processus de consultation différents. Le sondage téléphonique mené auprès de tous les fournisseurs de services du Nunavut comprenait une question sur les recommandations concernant les services aux victimes éventuels au Nunavut. En outre, des fournisseurs de services clés du Nunavut (qui figurent à l'annexe A) ont reçu la section précédente décrivant les pratiques exemplaires en matière de services aux victimes dans d'autres collectivités autochtones éloignées. Leurs réactions au sujet de ces initiatives prises en matière de services aux victimes dans d'autres provinces et territoires, ainsi que leurs propres opinions concernant la prestation des services au Nunavut, ont permis de formuler d'autres recommandations. Toutes ces recommandations servent de base à la présente section.

En outre, la Conférence sur l'aide aux victimes des Territoires du Nord-Ouest a eu lieu à Yellowknife en 2001 pendant l'étape de la collecte des données de la présente étude. Dans le cadre de ce projet de recherche, nous avons pu tirer parti des discussions tenues à cette conférence. Les recommandations des délégués figurent ici.

Les recommandations concernant l'amélioration des services aux victimes au Nunavut peuvent se classer dans quatre catégories, à savoir :

Les recommandations dans la présente section sont précédées d'extraits d'énoncés formulés au cours des entrevues téléphoniques et des entrevues sur place avec les répondants du Nunavut.

2.5.2 Formation, soutien et rétablissement pour les fournisseurs de services

En ce qui concerne la prestation de services sociaux, les répondants ont insisté sur le fait qu'il n'y avait pas assez d'Autochtones ayant reçu une formation au niveau de la collectivité pour offrir une gamme de services sociaux, y compris des services aux victimes. Les personnes ayant reçu une formation deviennent rapidement submergées de demandes et elles disposent de peu de ressources supplémentaires auxquelles elles peuvent recourir.

À cet égard, les répondants ont indiqué que pour accroître l'aide aux victimes, il faut tirer parti des points forts des fournisseurs de services autochtones et non autochtones actuels. Il faut offrir à ces fournisseurs de services plus de possibilités de formation, de soutien et de rétablissement personnel pour qu'ils répondent adéquatement aux besoins des victimes de violence. À leur avis, les fournisseurs de services qui travaillent avec les victimes doivent avoir une formation dans les domaines suivants :

Selon les répondants, les questions de guérison et de rétablissement des fournisseurs de soins actuels et éventuels et du personnel chargé de la prestation des services devraient inclure :

De plus, les répondants ont indiqué que les intervenants actuels et éventuels en matière de services aux victimes devront avoir la possibilité d'élargir leurs horizons dans les domaines généraux suivants :

En ce qui concerne les pratiques exemplaires décrites à la section précédente, les répondants ont indiqué que les programmes de rétablissement des victimes de courte durée et de longue durée ne peuvent pas être exécutés efficacement au niveau de la collectivité sans qu'on offre d'abord des possibilités de guérison et de formation aux fournisseurs de services aux victimes et aux fournisseurs de soins communautaires actuels et éventuels. De plus, les répondants ont déclaré qu'il sera impossible d'établir une approche des services aux victimes axée sur le développement communautaire comme celle décrite à la section précédente avant de répondre aux besoins en matière de formation et de guérison des fournisseurs de services actuels et éventuels.

Les répondants ont formulé plusieurs suggestions pour offrir les possibilités de formation, de soutien et de rétablissement nécessaires à l'établissement d'un noyau de services communautaires à long terme aux victimes de violence, notamment :

2.5.3 Formation, soutien et rétablissement pour les collectivités

Les répondants ont indiqué qu'il faut absolument que la collectivité prenne davantage conscience des besoins et même de l'existence des victimes de crime. Ce manque de sensibilisation se complique du fait que dans bien des collectivités, il est difficile d'amener les gens à participer à des ateliers ou à des activités qui portent sur des questions relatives au crime, comme la toxicomanie, la violence familiale, la violence à l'endroit des enfants et les compétences parentales. Par conséquent, les répondants ont suggéré les façons suivantes de joindre les membres de la collectivité au moyen de renseignements et d'encouragements :

En plus de la sensibilisation de la collectivité, nombre de répondants ont formulé des observations sur la nécessité d'encourager une plus grande collaboration entre les organismes communautaires actuels. Ils ont indiqué que la police, les services sociaux et de santé, les écoles, les bureaux de hameau, les organisations de loisirs, les Églises et d'autres organismes doivent établir des relations de travail plus étroites afin de répondre aux besoins des victimes. Même si ce n'est pas toujours le cas, bon nombre de ces fournisseurs de services travaillent isolés les uns des autres. Les recommandations concernant l'accroissement de la coordination des services au niveau de la collectivité sont les suivantes :

Selon les répondants, l'approche idéale dans chaque collectivité comprendrait un intervenant en matière de services aux victimes, un refuge pour femmes battues ou des maisons d'hébergement, des centres d'hébergement pour jeunes et des installations récréatives, des possibilités de consultation familiale et de formation, des intervenants en soutien familial à domicile, des centres d'hébergement comprenant des cercles de guérison pour chaque groupe d'âge, des services aux victimes en milieu scolaire pour les enfants et les adolescents, des possibilités d'évaluation et de traitement des enfants, des soins de longue durée pour les enfants handicapés, des lignes d'écoute téléphonique, des refuges pour sans-abri, des programmes de traitement des toxicomanes, des services de santé mentale et des logements publics plus nombreux.

2.5.4 Leadership et systèmes législatif, judiciaire et correctionnel

Loi

La plupart des répondants qui ont lu la section précédente sur les services offerts aux victimes dans les autres collectivités autochtones éloignées hors Nunavut estimaient que la loi, qui protège la sécurité et les droits des victimes, décrite dans cette section, est un objectif valable pour le Nunavut. En particulier, selon la plupart des répondants, la Loi sur la prévention de la violence familiale du Yukon peut constituer une méthode efficace d'intervention d'urgence immédiate. En fait, plusieurs répondants étaient d'avis que l'amélioration de la loi sur la protection immédiate des victimes pendant la période d'accalmie était la première priorité sur le plan de l'amélioration des services aux victimes au Nunavut.

À cet égard, les répondants, dont plusieurs sont cités plus haut, ont insisté sur le fait qu'il faut de toute urgence rendre les droits des victimes et des délinquants plus équitables aux yeux de la collectivité. Ils croient que la loi sur les droits des victimes sert de base à une approche plus équitable des droits de la personne et qu'elle est donc essentielle à l'établissement éventuel de services aux victimes vraiment efficaces au niveau de la collectivité.

Un répondant a indiqué que la loi de l'Alaska sur l'information des victimes était utile. Toutefois, la majorité des répondants ont dit que les collectivités et les victimes au Nunavut connaissaient presque toujours la date de mise en liberté d'un délinquant et les plans postlibératoires; par conséquent, une loi concernant la communication de l'information aux victimes revêt moins d'intérêt.

Toutefois, quelques répondants ont fait certaines mises en garde concernant les dispositions de la loi qui touchent les victimes de crime. Ces répondants estiment que les victimes de crime doivent être libres de faire leurs propres choix au sujet d'une intervention dans leur cas. Ils ne veulent pas que les victimes soient obligées sur le plan juridique d'appliquer un plan d'action particulier contraire à leurs propres intérêts. Ces répondants ne s'opposent pas à une loi comme celle du Yukon. Ils veulent seulement qu'une loi de ce genre offre à la victime le maximum de choix possibles dans les circonstances.

Enfin, sur le plan législatif, les répondants ne veulent pas que les victimes se trouvent dans une situation telle que leur principal rôle consiste à « renforcer le système judiciaire. . Bon nombre de répondants croient que les victimes n'ont vu leur crédibilité assurée et n'ont reçu une aide que dans leur rôle de témoins au sein du système judiciaire. En bref, les répondants ont indiqué qu'on n'accorde pas beaucoup d'attention aux victimes, sauf lorsqu'il faut en faire des témoins crédibles pour les procureurs de la Couronne. À cet égard, une loi qui répondrait seulement aux besoins du système judiciaire et qui n'accorderait pas de ressources supplémentaires aux victimes n'intéresserait pas les fournisseurs de soins et les défenseurs des victimes.

Système judiciaire

Les répondants avaient plusieurs observations à formuler au sujet du système judiciaire actuel du Nunavut décrit plus haut. Ils sont ouverts aux méthodes de règlement des différends de rechange décrites à la section précédente. Les initiatives en matière de justice réparatrice comme celles de Buffalo Narrows en Saskatchewan (Services aux victimes régionaux Buffalo) étaient considérées comme des objectifs à long terme susceptibles de revêtir beaucoup de valeur.

Toutefois, la majorité des répondants estimaient que les comités sur la justice communautaire, les fournisseurs de soins communautaires et les défenseurs des victimes, le cas échéant, ont besoin de plus de formation et de soutien pour aider les victimes à recourir à ces processus de rechange. Certains répondants ont indiqué que les ressources offertes actuellement aux victimes, comme la déclaration de la victime, ne sont pas utilisées. Ils aimeraient que ces services et d'autres services de base aux victimes soient en place avant de lancer des initiatives de justice réparatrice, du moins dans la mesure où elles se rapportent à la violence conjugale ou aux agressions sexuelles.

La plupart des comités sur la justice actuels au Nunavut suivent actuellement certaines procédures en matière de justice réparatrice ou alternative. Toutefois, les cercles de détermination de la peine et les programmes de déjudiciarisation servent presque exclusivement dans les cas d'infractions mineures et de jeunes. Les spécialistes de la justice communautaire du Nunavut ont indiqué que les victimes participent parfois à ces procédures, mais en général, les comités n'ont pas mis l'accent sur les victimes de crime.

De plus, en ce qui concerne les processus judiciaires de rechange actuels et nouveaux, les répondants ont indiqué que les préjugés actuels à l'égard des victimes qui ont cours dans bien des collectivités pourraient jouer et jouent souvent en défaveur des victimes. Si la victime ne bénéficie pas d'un soutien adéquat et(ou) d'un certain appui de la collectivité, elle court le risque d'être de nouveau victime de violence au lieu de recevoir de l'aide.

Beaucoup de répondants ont fait état de la durée de la période de traitement des affaires judiciaires, et tous estimaient que les longues périodes d'attente ne permettaient pas de rendre la justice ni de répondre aux besoins de la collectivité, de la victime ou du délinquant. Ils veulent que les affaires judiciaires soient traitées plus rapidement pour que la guérison de toutes les parties puisse commencer pendant que l'incident est encore récent.

En ce qui concerne les peines imposées dans le cadre du processus judiciaire ordinaire, les répondants étaient d'avis qu'elles étaient trop légères. Bien des répondants ont fait remarquer que les ordonnances de sursis et les condamnations avec sursis ne convenaient pas dans les cas de violence à l'endroit des enfants, d'agression sexuelle et de violence conjugale et que ces peines ne transmettaient pas le bon message aux délinquants, aux victimes et à l'ensemble de la collectivité. De plus, bon nombre estimaient que la Loi sur les jeunes contrevenants n'était pas appliquée adéquatement.

Enfin, même si la section précédente n'a pas abordé la question en détail, plusieurs répondants ont dit qu'ils aimeraient examiner la possibilité d'un tribunal pour l'instruction des causes de violence conjugale[39]. Ils ont entendu dire que cette option judiciaire est envisagée ailleurs et ils se demandent si elle est applicable au Nunavut, où la plupart des crimes se classent dans la catégorie de la « violence familiale. .

Leadership

En ce qui concerne la discussion sur la loi concernant la violence familiale, les répondants ont également indiqué qu'il serait difficile de rédiger et d'adopter une loi visant à soutenir les victimes au Nunavut étant donné que la majorité des élus, tant à l'Assemblée législative qu'au sein de certaines organisations inuites, n'ont pas fait des problèmes sociaux, encore moins des droits des victimes, une priorité. Ils ont également dit que certains représentants au niveau territorial, communautaire et régional ont été réélus à des postes de commande même s'ils avaient déjà été condamnés pour agression et violence.

À cet égard, les répondants estimaient que les élus au sein du gouvernement et des organismes qui protègent les droits des bénéficiaires inuits devraient appliquer une politique de « tolérance zéro à l'égard de la violence » et un code de conduite et prêter un serment de fonction.

Les répondants avaient également des suggestions à formuler en ce qui concerne la participation des Aînés et des femmes en matière de leadership. Certains répondants croient que les Aînés devraient faire fonction de conseillers, au niveau de la collectivité, dans le cadre d'un éventuel programme d'aide aux victimes. De plus, ils estimaient que les conseillers spirituels locaux auxquels l'ensemble de la collectivité fait confiance devraient jouer un rôle de leader pour aider les victimes.

Ils ont aussi suggéré d'améliorer l'éducation politique des femmes pour qu'elles puissent occuper des postes de commande politiques plus en vue.