Recueil des recherches sur les victimes d’actes criminels, no 5
Le côté obscur de la technologie : Réflexions d’experts sur la meilleure façon de répondre aux besoins des victimes
Susan McDonald, LL . B., Ph. D. est chercheuse principale à la Division de la recherche et de la statistique du ministère de la Justice du Canada, à Ottawa. Elle est responsable de la recherche concernant les victimes d’actes criminels pour le compte du Ministère et possède une expérience considérable de la recherche sur un vaste éventail de questions liées aux victimes
De nos jours, la technologie, et particulièrement le réseautage social, fait partie intégrante de pratiquement tous les aspects de la vie des jeunes. Les plus simples conversations se font par l’échange de messages textes, et le moindre incident est capté sous forme numérique et immédiatement mis en ligne à la vue du monde entier. Même pour les personnes qui ne sont pas encore entrées de plain-pied dans l’ère numérique, la technologie gagne du terrain dans leurs échanges interpersonnels et leurs interactions publiques, qu’il s’agisse de lire les informations, de faire des réservations de voyage ou encore d’assister en temps réel à des événements qui se déroulent de l’autre côté de la planète.
On ne doit donc pas s’étonner du
recours à la technologie pour faciliter
la perpétration de crimes de tous
genres, y compris les crimes liés à
l’identité comme la fraude par carte
de crédit et les crimes violents tels
que les agressions sexuelles.
Kowalski et coll. (2002) fournissent
une définition utile de la ,« cybercriminalité
»
, soit « les infractions
criminelles ayant l’ordinateur pour
objet ou pour instrument de perpétration
principal
». Ce qui nous vient
peut-être immédiatement à l’esprit,
c’est l’exploitation sexuelle des
enfants sur Internet, mais la technologie
est aussi utilisée pour
espionner, suivre la piste, repérer et
menacer des personnes en contexte
de harcèlement criminel et de violence
conjugale.
On résume dans le présent article les conclusions d’une étude de recherche qui a permis de recueillir les réflexions de fournisseurs de services de première ligne aux victimes et d’autres experts dans le domaineNote de bas de la page 1 sur la meilleure façon de répondre aux besoins des victimes de crimes violents commis à l’aide de la technologie. On s’est penché dans l’étude sur une vaste gamme d’infractions, pour ne pas laisser de côté certaines des innombrables manières dont la technologie est utilisée, ainsi que sur les victimes adultes et les jeunes victimes, pour veiller à mettre l’accent sur l’utilisation de la technologie.
Ce que nous savons
Nous savons que la plupart des Canadiens utilisent régulièrement Internet. L’Enquête canadienne sur l’utilisation d’Internet de 2007 a révélé qu’un peu plus des deux tiers des personnes âgées de 18 ans ou plus qui utilisaient Internet à la maison avaient été en ligne au moins une fois par jour et un peu moins de la moitié avaient été en ligne cinq heures par semaine ou plus (Middleton et coll., 2010). Nous savons également que pratiquement tous les jeunes (les moins de 18 ans) utilisent Internet. Selon la recherche effectuée par le Réseau Éducation-Médias, 94 % des jeunes ont dit avoir utilisé Internet à la maison en 2005, alors qu’ils étaient 79 % à le faire en 2001 (ERIN Research, 2005).
Bien qu’au Canada des données nationales
sur les crimes violents déclarés
par la police et par les victimes ellesmêmes
soient disponibles, on en sait
moins, à quelques exceptions près, sur
le recours à la technologie dans la perpétration
de ces crimes. On a modifié
le Code criminel en 2002 pour y inclure
comme crimes l’utilisation d’Internet
pour commettre des infractions liées à
la pornographie juvénile et le
« leurre
»Note de bas de la page 2. Depuis, au fur et à mesure
que les policiers sont devenus plus
habiles dans les enquêtes judiciaires
visant la cybercriminalité et que le
public a pris conscience de l’existence
de ces crimes, le nombre d’incidents
signalés à la police n’a cessé de croîtreNote de bas de la page 3.
En 2010, on a signalé à la police
2 190 incidents de pornographie juvénile
et 494 incidents de leurre.
Toutefois, on a moins facilement accès à des données sur le harcèlement criminel commis à l’aide de la technologie, puisque les données sur le harcèlement criminel qui sont déclarées par la police et par les victimes elles-mêmes et celles qui proviennent des cours pénales ne nous apprennent rien sur l’utilisation de la technologie dans la perpétration de cette infraction. On ne sait donc pas combien des 21 108 incidents de harcèlement criminel signalés à la police en 2010 ont été commis à l’aide d’une technologie quelconque (Brennan et Dauvergne, 2011).
En 2009, l’Enquête sociale générale– Victimisation (ESG) comportait pour la première fois des questions sur le leurre et la cyberintimidation (se reporter à Perreault, 2011). Des questions portaient également sur la victimisation sans violence sur Internet, sous forme par exemple de fraude bancaire ou d’escroquerie en ligne (l’hameçonnage, etc.). L’ESG a révélé qu’environ 7 % des internautes adultes avaient fait l’objet de cyberintimidationNote de bas de la page 4; la proportion était semblable pour les hommes et pour les femmes. Certaines personnes risquaient davantage d’être intimidées, notamment les jeunes adultes (âgés de 18 à 24 ans) (17 %), les célibataires (15 %) et les utilisateurs de sites de réseautage social (11 %). Un peu moins d’un adulte sur dix (9 %) a fait état de cyberintimidation à l’endroit d’au moins un des enfants au foyer et 2 % des adultes ont fait état de leurre d’enfant. Dans ces cas, la plupart des adultes (71 %) ont déclaré que l’enfant intimidé était une fille. Relativement peu d’incidents de cyberintimidation ont été signalés à la police. Cependant, les incidents visant des enfants étaient plus fréquemment signalés que ceux visant des adultes (14 % à comparer à 7 %).
Nombre de rapports et d’études ont été commandés pour nous en apprendre davantage sur l’incidence et la nature de ces crimes et sur la façon de les prévenir. Il y a eu notamment le travail réalisé aux États-Unis par le National Network to End Domestic Violence Fund dans le cadre du Safety Net Project (Southworth et coll., 2005), et au Canada, le travail du Centre canadien de protection de l’enfance.Note de bas de la page 5 De nombreux documents ont été rédigés sur l’exploitation sexuelle des enfants sur Internet, notamment l’excellente étude des Nations Unies sur la violence contre les enfants (se reporter par exemple à Muir, 2005; Quayle et coll., 2008; EPCAT, 2009). Au Canada, le Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels a également traité de ces questions dans son rapport intitulé Chaque image, chaque enfant (2009), dans lequel il a demandé que des mesures soient prises, tout comme l’a fait le Comité permanent du Sénat sur les droits de la personne dans son rapport de 2011 intitulé Exploitation sexuelle des enfants au Canada : une action nationale s’impose.
Les experts à qui nous avons parlé
À l’automne 2010, la Division de la recherche et de la statistique du ministère de la Justice du Canada a procédé à 31 entrevues téléphoniques semi-structurées auprès de spécialistes divers travaillant dans le domaine, y compris une entrevue de groupe réunissant cinq participants et une autre en réunissant deux. Pour choisir les personnes interrogées, on a recouru à la technique d’échantillonnage en « boule de neige » et on a demandé aux directeurs des Services aux victimes des provinces et des territoires d’aider à repérer des fournisseurs de services de première ligne aux victimes travaillant directement avec des victimes de crimes violents commis à l’aide de la technologie. Les personnes interrogées provenaient de presque toutes les régions du Canada. On a aussi interrogé des professionnels de l’application de la loi et des services de santé, ainsi que des experts (en recherche, en défense des droits et en politique) dans le domaine de la criminalité violente facilitée par la technologie au Canada, aux É-U et au R-U. Tous les participants ont reçu une lettre d’information et ont signé une lettre de consentement. Les entrevues ont duré de 40 à 90 minutes. Elles ont été enregistrées, et des notes ont été prises.
Ce qu’ont dit les experts
[Traduction] C’est triste à dire mais il y a toujours eu de la violence sexuelle et physique à l’endroit des enfants, et cette violence a le plus souvent été commise par les membres de la famille. Ce qui est différent maintenant, c’est le mode d’échange de ces images.
Travailler avec les victimes
Le commentaire précédent est celui d’une femme qui travaille directement avec de jeunes victimes et qui fait profiter de son expérience autant de spécialistes qu’elle le peut. Il s’agit là du message essentiel de tous ceux qui travaillent auprès des victimes : quel que soit l’outil utilisé pour commettre l’infraction, l’exploitation sexuelle demeure de l’exploitation sexuelle, et le harcèlement criminel demeure du harcèlement criminel. De plus, le mobile des infractions, qu’il s’agisse d’exercer une emprise ou du pouvoir sur la victime, n’est pas affecté par la technologie. Au fur et à mesure qu’il y aura des avancées technologiques, ces avancées serviront à la perpétration d’infractions.
La technologie utilisée peut prolonger l’enquête ou la rendre plus complexe et elle peut mener à des mesures additionnelles pour aider les victimes, mais les réactions et les besoins de celles-ci sont essentiellement les mêmes que ceux des victimes de crimes violents sans lien avec la technologie. Les experts ont donné des exemples d’éléments à retenir lorsqu’on travaille avec les victimes. Par exemple, lorsqu’on procède à une enquête judiciaire, il se peut que l’ordinateur ou le téléphone cellulaire en cause (vraisemblablement celui de la victime) doive être saisi et que l’enquête dure fort longtemps. Cela peut s’avérer extrêmement difficile à comprendre pour un « enfant de la génération numérique » et tout aussi difficile à expliquer à ses pairs. Plusieurs experts ont suggéré de prêter un autre téléphone cellulaire ou un autre ordinateur à la victime pendant la durée de l’enquête.
Un sujet soulevé lors de nombreuses entrevues était le moment le plus opportun pour dire à une victime que des photos d’elle circulent sur Internet. Tous les experts étaient d’accord que lorsqu’un enfant est très jeune (moins de 6 ans), il vaut mieux ne pas lui faire part immédiatement de l’existence de telles photos. Ils étaient moins d’accord en ce qui concerne les enfants d’âge intermédiaire (7 à 9 ans). On a convenu que les enfants plus âgés allaient vraisemblablement déjà connaître ou soupçonner l’existence des photos et qu’en cas contraire, ils l’apprendraient probablement de leurs pairs, ce qui pourrait avoir un effet dévastateur. L’information devrait donc leur être communiquée le plus tôt possible, dans un environnement sûr et en présence de personnes de confiance (p. ex. les parents).
Comment expliquer à quelqu’un que
ces photos existeront toujours? Il n’y
a pas à cela de réponse facile, pas plus
qu’il n’y en a à la question « Comment
expliquer à un enfant que sa mère a été
tuée par son père? »
Tout au long de leur travail, les fournisseurs de services
aux victimes ont été confrontés à la
lourde tâche de communiquer de telles
tragédies. Ils ont dû apprendre aussi à
gérer les traumatismes indirects subis
dans pareilles circonstances. L’un des
sentiments les plus difficiles à vivre
pour une victime est sans doute la perte
de contrôle. Et la prolifération d’images
sur Internet ou le harcèlement criminel
en ligne peut assurément provoquer ce
type de sentiment.
Plusieurs personnes interrogées ont indiqué que lorsqu’il y a harcèlement criminel ou violence conjugale, les victimes ont probablement déjà eu recours à des stratégies pour assurer leur sécurité avant de demander de l’aide. Il est important de respecter ces stratégies et de les utiliser comme points de départ.
Tous les experts interrogés ont souligné l’importance d’apporter un soutien clair et constant à la victime et à sa famille à toutes les étapes du processus de justice pénale, depuis l’enquête jusqu’à la détermination de la peine. Au cours des dernières années, plusieurs administrations au Canada ont mis en oeuvre des approches coordonnées. En Ontario, par exemple, la Stratégie de protection des enfants contre l’exploitation sur Internet veille à ce que partout dans la province les policiers et les procureurs obtiennent la formation nécessaire pour mener les enquêtes et les poursuites dans de tel cas et à ce que les victimes aient accès à des services de counseling spécialisésNote de bas de la page 6. Les procureurs utilisent tous les outils que leur offre le Code criminel pour faciliter le témoignage de jeunes victimesNote de bas de la page 7. Le modèle des Child Advocacy CentresNote de bas de la page 8 (centres d’appui aux enfants ou CAE) mis sur pied aux États-Unis et qui existe également au Canada peut apporter ce type de soutien. Fondés sur l’approche des équipes multidisciplinaires, les CAE offrent un soutien et des services intégrés tant à la victime qu’aux membres non agresseurs de la famille. Le Zebra Centre for Child Protection à Edmonton est un exemple de ce type de centreNote de bas de la page 9. À l’heure actuelle, le gouvernement du Canada appuie la mise sur pied de nouveaux centres ou l’amélioration de centres existant déjà dans plusieurs endroits au paysNote de bas de la page 10.
Dans l’ensemble, comme l’a fait remarquer un défenseur international des droits des victimes, les fournisseurs de services aux victimes ne doivent pas oublier que
[Traduction] [n]ous excellons dans ce que nous faisons et cela va continuer; il n’y a donc pas lieu de se sentir dépassé par la criminalité sur Internet. Les modes de traitement demeureront essentiellement les mêmes.
Travailler avec les familles
Bon nombre des personnes interrogées ont souligné à quel point il est essentiel de répondre aux besoins des familles des victimes, puisque l’aptitude des victimes à se rétablir est directement liée au soutien qu’elles reçoivent de ceux qui leur prodiguent des soins. Dans le cas de jeunes enfants, ces pourvoyeurs de soins sont la famille immédiate et l’école. Quant aux adolescents et aux adultes, le rôle des membres de leur famille demeure essentiel, mais celui de leurs pairs gagne sans cesse en importance. Lorsque la victime est un adolescent, il serait peut-être indiqué dans certains cas de travailler avec le groupe des pairs de la victime.
Dans les cas de leurre, particulièrement
lorsqu’il n’y a pas de préjudice
physique, les parents ou les tuteurs
sont souvent en colère contre la victime.
Il se peut qu’au départ on
entende des commentaires comme
« Elle le savait pourtant! Nous le lui
avons appris »
ou encore « Je ne peux
pas croire que cela soit arrivé. Après
tout ce qu’il a appris concernant ce
qu’il ne faut pas faire! »
Même si de
tels commentaires ne sont pas exprimés
ouvertement, les sentiments
peuvent tout de même être là. Les
parents peuvent se sentir d’autant plus
frustrés et en colère que dans bien des
cas les victimes, le plus souvent des
jeunes filles âgées de 13 à 15 ans,
considèrent légitimes les activités auxquelles elles se sont adonnées. Une telle colère est compréhensible, mais
blâmer la victime n’est pas constructif
et ne permet pas à la victime de disposer
chez elle de l’environnement
de soutien dont elle a besoin.
Il est donc extrêmement important d’éduquer les familles. Tout en devant apporter leur soutien, les fournisseurs de services aux victimes doivent également montrer aux parents comment passer de la colère à l’appui de la victime. Le matériel pédagogique est très utile dans tous les cas, mais tout particulièrement lorsqu’au départ on est en présence d’émotions intenses. Il peut s’avérer très difficile d’assimiler beaucoup d’information nouvelle, qu’elle soit de nature technique ou concerne le système de justice pénale, lorsqu’une personne est submergée par de vives émotions. Il peut ainsi être indiqué d’envoyer au domicile, pour lecture future, du matériel tel que des brochures rédigées en langage simple (de préférence dans la langue maternelle des victimes et des parents).
D’excellents sites Web sont également disponibles, quoique les membres de la famille ne voudront peut-être pas utiliser la technologie pendant un certain temps. Il se peut toutefois que les familles démontrent un grand intérêt pour ces sites afin de se prendre en charge en apprenant tout ce qu’ils peuvent pour empêcher une nouvelle victimisation par le biais d’Internet.
En général, les personnes interrogées ont souligné qu’il importait beaucoup de comprendre le point de vue des membres de la famille, de les aider à se remettre de leurs émotions et de veiller à leurs autres besoins, mais qu’il était surtout essentiel pour la famille de créer un environnement favorable et bienveillant pour la victime. L’information, sur toute une gamme de sujets et sous de multiples formes, peut jouer un rôle de premier plan dans le travail auprès des familles.
Travailler avec les spécialistes
Toutes les personnes interrogées travaillent de concert avec d’autres spécialistes au sein du système de justice pénale ainsi que dans d’autres domaines, comme la santé et l’éducation. Afin d’offrir les meilleurs services possibles, les personnes interrogées font de leur mieux pour agir sous un mode collaboratif et partager leurs connaissances sur le travail auprès des victimes de la criminalité facilitée par la technologie. Les centres d’appui aux enfants sont dotés d’équipes multidisciplinaires et ils concluent des ententes avec des organismes partenaires pour favoriser une telle collaboration et un tel échange d’information.
En Alberta, les policiers de toute la province peuvent, grâce à une ligne sans frais, obtenir l’aide du Zebra Centre for Child Protection avant de soumettre une victime ou un témoin à une entrevue judiciaire. On leur conseille de demander à l’auteur de toute déclaration si une caméra de n’importe quel type, comme celle sur un téléphone cellulaire, a été utilisée. Dans l’affirmative, il faut poser toute une série de questions supplémentaires et procéder à d’autres enquêtes. On informe également les policiers que la présence d’une caméra durant la perpétration de l’infraction peut rendre difficile l’enregistrement sur film d’une déclaration de la police ou le témoignage en cour au moyen d’une télévision en circuit fermé.
Au moins un centre spécialisé a reconnu qu’il ne serait pas possible de mettre sur pied de nombreux centres spécialisés (de type CAE ou autre) pouvant dispenser sur l’ensemble d’un ressort des services aux victimes de crimes commis à l’aide de la technologie. Un grand pas serait fait, toutefois, si suffisamment de ressources étaient disponibles pour former et sensibiliser tous les spécialistes qui en ont besoin. Il faudrait notamment former ceux qui procèdent à des entrevues judiciaires (les policiers et souvent les intervenants en protection de l’enfance) et à des examens médico-légaux (les professionnels de la santé), ainsi que les procureurs de la Couronne et ceux qui travaillent auprès des victimes et des membres de leur famille.
Tous les spécialistes concernés doivent bien comprendre le rôle joué par chacun aux différentes étapes du processus de justice pénale ainsi que la technologie ayant facilité la perpétration d’un crime prétendu. Comme on l’a déjà dit, les fournisseurs de services aux victimes ont déjà une bonne connaissance du système de justice pénale. Offrir une formation à tous les spécialistes en cause peut beaucoup aider à démystifier la technologie. À titre d’exemple, les experts de SafetyNet aux États-Unis (ils sont aussi venus au Canada!)Note de bas de la page 11 dispensent régulièrement aux intervenants de refuges, aux agents d’application de la loi et aux procureurs une formation détaillée sur les logiciels espions et d’autres dispositifs qui permettent d’espionner, de repérer et de menacer les victimes de violence familiale et de harcèlement criminel.
Cela ne veut pas dire que tous les fournisseurs de services aux victimes devraient avoir les compétences nécessaires pour procéder à des enquêtes judiciaires informatiques. Il leur faut plutôt être en mesure d’expliquer simplement, quoique de manière exhaustive, le motif de la saisie de l’ordinateur de la victime. Lorsque les fournisseurs de services aux victimes comprennent la complexité de ces enquêtes, il leur est beaucoup plus facile d’en donner l’explication à leurs clients.
À la fin des entrevues, les experts ont insisté sur la nécessité de veiller à ce que tous les spécialistes du système de justice pénale reçoivent une formation régulière sur la criminalité facilitée par la technologie et, autant que possible, sachent qui appeler pour obtenir l’aide d’experts.
Travailler avec le public
Durant les deux dernières années, les médias ont fait état de plusieurs affaires qui ont souligné les dommages considérables que la technologie peut causer en très peu de temps. Et ces dommages, on ne peut malheureusement pas les effacer. Chaque participant à la présente étude a fourni à partir de son travail des exemples semblables : un site Facebook qui dénonce la victime et appuie le délinquant reconnu coupable; une femme dépistée par son conjoint grâce à un système GPS alors qu’elle fuyait son foyer violent pour se rendre dans un refuge; une affaire d’exploitation sexuelle d’enfants sur Internet qui était devant les tribunaux et dans le cadre de laquelle on a trouvé des milliers d’images de garçons de moins de 8 ans.
Les fournisseurs de services aux victimes qui ont été interrogés ont souligné que leur rôle consistait à répondre en première ligne aux besoins immédiats des victimes et de leur famille et que faire oeuvre d’éducation en sensibilisant le public et en favorisant les efforts de prévention constituait trop souvent un luxe qu’on pouvait rarement se permettre. Nous avons parlé à deux fournisseurs de services oeuvrant dans de petites collectivités rurales où, hormis euxmêmes, aucune ressource n’existe pour du travail de prévention ou de sensibilisation. Pourtant, il se pourrait parfois qu’un crime commis à l’aide de la technologie retienne l’attention du public et que des séances d’éducation publique s’avèrent utiles pour l’ensemble de la collectivité — tout autant les adultes que les enfants et les adolescents. Un expert a fait état du rôle que les fournisseurs de services aux victimes peuvent jouer dans de telles séances en parlant des services qu’ils prodiguent.
La sensibilisation et la prévention sont jugées essentielles pour le public, particulièrement pour les familles dont les enfants ou les adolescents utilisent Internet. Plusieurs experts ont souligné l’existence de nombreuses organisations qui, au Canada et à l’étranger, se consacrent surtout à la sensibilisation des enfants et des adolescents face à Internet. Les enseignants peuvent recourir en classe à des programmes et à des cours de prévention de tous les niveaux facilement accessibles et fréquemment mis à jour pour tenir compte des rapides avancées technologiques.
Les experts ont pour rôle clé de fournir une information précise et malgré tout facile à comprendre sur la meilleure façon de demeurer bien renseigné et vigilant afin de prévenir la criminalité violente facilitée par la technologie. Les membres du public, particulièrement les parents de jeunes enfants et d’adolescents, ont aussi un rôle important à jouer.
Dernières remarques
Il n’est pas difficile d’imaginer qu’un jour tout le monde communiquera par le biais des réseaux sociaux et les adolescents s’échangeront plus de messages textes qu’ils ne parleront. Au fur et à mesure que se répand l’accès à la technologie et que s’accroît le nombre de nos activités quotidiennes en ligne, il est réaliste de s’attendre à ce que de plus en plus de crimes soient commis au moyen d’ordinateurs et d’autres technologies nouvelles.
Sans exception, tous les experts interrogés ont souligné de manière générale qu’il ne fallait jamais oublier les principes fondamentaux du travail effectué auprès des victimes de crimes. Quel que soit l’outil ou l’instrument utilisé pour faciliter le crime, il faut utiliser envers la victime une approche adaptée à son âge et à sa situation. Certaines victimes peuvent avoir des besoins particuliers en raison d’une déficience ou d’un autre facteur de vulnérabilité. Toutes auront besoin d’information sur tout ce qui leur arrive, et toutes auront besoin de soutien tout au long du processus de justice pénale et même au-delà.
Les experts ont donc conseillé au bout du compte qu’on cherche à obtenir une formation spécialisée qui permettrait une meilleure compréhension sociaux et des façons dont ils peuvent être utilisés pour créer des victimes et qu’on détermine comment instaurer des mécanismes de sécurité qui peuvent s’avérer nécessaires dans la planification de la sécurité, particulièrement dans les cas de harcèlement criminel et de violence conjugale. Il faudrait qu’on obtienne cette formation avant qu’elle ne devienne nécessaire. Il faudrait aussi que les connaissances et l’expérience soient partagées. En établissant une communauté du savoir et de soutien, tous les spécialistes du système de justice pénale partagent les défis que présente ce travail essentiel mais difficile. Il est important aussi que, ce faisant, tous se rappellent de prendre bien soin d’eux-mêmes.
Références
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