Section 3 : Résultats et examen des constatations

A. Contexte

Il faut garder à l’esprit le contexte des T.N.-O. tout au long de l’examen. Selon les estimations du Bureau de la statistique des T.N.-O. pour juin 2021, la population des T.N.-O. est composée de 45 504 habitants. Environ 50 pour 100 de la population des T.N.-O. s’identifie comme autochtone. Les Dénés (14 857) sont le plus grand groupe autochtone, suivis des Inuits (5 273) et des Métis (2 594).

Près de 50 pour 100 de la population des T.N.-O. (21 775 personnes) habitent à Yellowknife, la seule ville des T.N.-O., et environ 75 pour 100 des résidents de Yellowknife sont non autochtones. Bien que les résidents autochtones représentent 23 pour 100 de la population de Yellowknife, ils représentent 91,5 pour 100 de la population des sans-abri (source : 2021 Yellowknife Point - In - Time Homeless Count At A Glance). De plus, 62 pour 100 ont indiqué qu’au moins un de leurs parents avait fréquenté un pensionnat.

Le territoire est divisé en six régions qui comptent environ 33 collectivités. Bien que certaines collectivités du sud des T.N.-O. soient accessibles par la route, d’autres ne sont accessibles que par voie aérienne, par traversier ou par route de glace pendant l’hiver.

Un certain nombre de collectivités, allant de moins de 50 à 1 000 résidents, ont un accès routier toute l’année et en toutes saisons; toutefois, il y a moins de commodités et de services offerts comparativement aux plus grandes collectivités du Sud du Canada. D’autres collectivités isolées ne sont accessibles que par des vols réguliers ou des vols nolisés pendant la plus grande partie de l’année. Certaines sont accessibles pendant une courte période grâce à des routes de glace. Elles comptent de 100 à 500 résidents qui reçoivent leurs provisions et d’autres fournitures par voie aérienne. Les collectivités sur le fleuve Mackenzie sont approvisionnées annuellement par une barge qui livre des marchandises sèches, des produits non périssables et d’autres articles commandés par des membres de la collectivitéNote de bas de page 2.

B. Personnes confrontées à de graves problèmes juridiques

Un certain nombre de graves problèmes juridiques ont été signalés lors des entrevues. Il s’agissait de problèmes que les personnes perçoivent comme étant de nature juridique et qui les préoccupaient sérieusement. L’examen qui suit donne un aperçu de la nature des problèmes, de la façon dont ils ont été traités, et de leur incidence sur la personne.

1) Problèmes liés à l’emploi

a) Louise

Le problème

LouiseNote de bas de page 3 est une femme métisse d’une quarantaine d’années qui a travaillé dans un milieu scolaire pendant plusieurs années, mais qui a perdu son emploi. Il y a quelques années, il a été décidé de rehausser le niveau d’instruction pour son poste, qui exigerait désormais une maîtrise. Louise n’avait pas de diplôme d’études supérieures. Cependant, elle a des antécédents professionnels en travail social et en formation des enseignants. De plus, elle comptait de nombreuses années de service dans son poste, avait reçu des évaluations positives de la part de son superviseur, et avait une excellente relation avec les étudiants. Cependant, on lui a dit qu’à moins d’améliorer son éducation, elle ne serait pas autorisée à conserver son poste. Elle croit que sa cessation d’emploi a été « faite sous de faux prétextes […] [et était] une gifle en plein visage ».

Louise croit que ceux qui ont pris la décision de rehausser les qualifications « écoutaient les experts » des établissements du Sud qui n’avaient pas les « valeurs des peuples autochtones en matière de gouvernance et d’éducation ».Comme l’a déclaré Louise, « le niveau d’éducation ne signifie pas toujours que l’on fournit les meilleurs services à la population étudiante autochtone ». Elle a précisé que la majorité des élèves de l’école sont autochtones. De plus, elle a déclaré que son poste avait été initialement créé pour permettre aux élèves d’avoir une personne autochtone locale dans le but d’améliorer les niveaux de diplomation dans la collectivité.

Par coïncidence, l’une des prestataires de services interrogées a mentionné Louise. Elle a déclaré : « nous avions à l’école une personne qui était excellente ». Elle était autochtone, entretenait des liens étroits avec les élèves et avait leur confiance. Elle « aidait vraiment les enfants à guérir […] s’ils n’agissaient pas de façon appropriée, elle les invitait dans son bureau et leur parlait ». La prestataire de services mentionne qu’elle lui avait aiguillé « des cas très sensibles – agressions sexuelles, partenaires violents, coups de couteau, difficultés familiales ». Depuis qu’elle a été remplacée, aucun étudiant n’a été recommandé au prestataire de services, parce qu’il « faut avoir quelqu’un à ce poste qui ait la confiance des étudiants."

Le problème a-t-il été résolu?

On a offert à Louise la possibilité de prendre un congé d’études pour améliorer ses qualifications afin d’obtenir une maîtrise. Cependant, cela était irréaliste, car elle aidait à élever un petit-enfant. Si elle prenait un congé d’études, elle devrait déménager à des centaines de kilomètres de chez elle et de son petit-enfant. En outre, en tant que seul soutien économique, elle ne pouvait pas accepter une réduction de ses revenus. Dans une tentative de conserver son poste, Louise a écrit des lettres au député local de l’Assemblée législative (député territorial) et à d’autres dirigeants politiques pour leur demander de défendre sa cause.

Le poste de Louise a été affiché par voie de concours. Toutefois, aucun candidat n’a été retenu. Le député s’est renseigné sur les circonstances entourant ce poste auprès du ministre de l’Éducation, après quoi Louise s’est vu offrir une entrevue informelle. On l’a ensuite informée qu’elle n’avait pas réussi l’entrevue. Après un autre concours, un candidat du Sud a été retenu.

Un deuxième poste a été ajouté et un concours a été mis en place. Louise n’a pas présenté sa candidature, car on lui a dit qu’elle n’avait pas les qualifications requises pour le poste. Elle ne comprenait pas : même après avoir reçu des évaluations positives chaque année, elle n’était plus capable de répondre aux exigences du poste.

Louise croit qu’il faut renforcer la communication entre le gouvernement et la collectivité locale lorsqu’il y a des changements afin que ceux-ci soient conformes aux normes de la communauté. La culture et la communauté autochtones doivent jouer un rôle important dans la prise de décisions lorsqu’il est question de la réussite des étudiants autochtones. Louise pense que le gouvernement doit mieux s’informer sur la population autochtone, les mécanismes de la colonisation et les objectifs de la Commission Vérité et Réconciliation..

Les répercussions personnelles

Louise a indiqué qu’elle trouvait ce sujet difficile à verbaliser. Le fait d’avoir été forcée de quitter son poste a eu un certain nombre de répercussions négatives sur sa vie. La perte de revenus a eu des effets négatifs sur sa capacité d’aller de l’avant et d’acheter une maison. Elle vit maintenant dans un appartement au sous-sol dans la maison d’un membre de sa famille. Louise cherche un emploi permanent depuis un certain temps déjà. Cependant, il n’y a actuellement aucun poste permanent ouvert dans son domaine d’expertise dans sa collectivité. Louise a le sentiment d’avoir laissé tomber ses élèves en n’étant pas là pour eux.

b) Shirley

Le problème

Shirley, une Aînée métisse au milieu de la soixantaine, a parlé de la décision prise par son organisation de mettre fin à un programme d’études postsecondaires dans le cadre duquel elle enseignait. Shirley a été informée au printemps 2021 qu’elle serait transférée à un programme de perfectionnement des étudiants. Étant donné que Shirley détient des diplômes d’études supérieures et qu’elle compte de nombreuses années d’enseignement postsecondaire, elle était inquiète au sujet de son transfert pour enseigner dans un programme de perfectionnement au niveau secondaire.

Le problème a-t-il été résolu?

En fin de compte, aucun étudiant ne s’est inscrit au programme et Shirley s’est retrouvée dans un poste qui n’avait plus de fonctions. Elle croyait qu’il n’y avait personne vers qui elle pouvait se tourner. Elle a commencé à chercher un nouvel emploi. Elle a fini par trouver un emploi dans la collectivité où vit un membre de sa famille et y a déménagé. Elle croit que sa situation d’emploi est fortement liée au racisme systémique auquel les femmes et les hommes autochtones sont confrontés dans le monde du travail. Elle a laissé entendre que les décisions prises découlent souvent de la pensée coloniale, selon laquelle les façons de faire des peuples autochtones n’existent pas dans le monde du travail. Shirley estime qu’il y a peu de compréhension dans un système qui ne reconnaît pas les luttes des travailleurs autochtones qui est orienté vers l’Occident. Shirley s’est sentie discriminée de diverses façons pendant son emploi, malgré le grand nombre de politiques et de protocoles mis en place pour prévenir la discrimination. Elle souligne également que la discrimination est difficile à prouver.

Les répercussions personnelles

Shirley indique que l’ « invisibilité » qu’elle a vécue était « mentalement stressante et débilitante ». Elle se sentait géographiquement et intellectuellement isolée. Elle se sentait aussi socialement isolée et a attribué sa situation à la « violence latérale » et à l’« ignorance » de ses pairs et des membres de la direction. Pour empirer les choses, elle a connu le même manque de soutien dans sa collectivité et a éprouvé un stress financier, car elle subvenait aux besoins d’un parent handicapé vivant dans une autre collectivité.

c) Thelma

Le problème

Thelma, une Aînée métisse d’une cinquantaine d’années, ayant un diplôme d’études postsecondaires, travaille au gouvernement territorial depuis de nombreuses années. Au fil des ans, Thelma a tenté d’accéder à des postes de direction au sein des ministères pour lesquels elle travaillait. Chaque fois qu’elle a présenté une demande, quelqu’un d’autre a été choisi. Elle a dit que le poste est souvent octroyé à une personne non autochtone qui a moins d’années d’expérience et qui est souvent un nouveau venu dans le Nord. Thelma a déclaré qu’elle avait constaté comment les gestionnaires « changent les descriptions d’emploi pour favoriser leurs amis ». Elle a laissé entendre que ce problème est répandu dans le Nord et qu’il constitue souvent un sujet de conversation dans la salle de café ou dans les corridors.

Thelma considère que son manque d’avancement est intrinsèquement lié à des pratiques discriminatoires. Elle croit qu’il existe au sein du gouvernement une division entre la façon de penser du Sud et celle du Nord qui n’a pas été réglée. Elle voit des résidents autochtones du Nord bloqués à des niveaux inférieurs de l’échelle de rémunération, tandis que les non-Autochtones passent librement et rapidement d’un niveau à l’autre.

Le problème a-t-il été résolu?

Thelma croit qu’il n’y a personne à qui elle peut s’adresser pour traiter la question relative à la discrimination dont elle se sent victime lorsqu’elle présente une demande pour des postes de direction. Elle a tenté de faire appel aux différents moyensNote de bas de page 4 offerts aux employés du gouvernement, mais en vain. Elle a cessé de communiquer avec les gens au sujet de situations spécifiques, bien qu’elle en parle parfois avec désinvolture à un superviseur ou à un autre collègue. Elle a aussi essayé « d’encaisser et de jouer leur jeu ».

Après avoir postulé à différents postes pendant des années, Thelma s’est récemment vu proposer une « affectation de transfert de perfectionnement », c’est-à-dire une formation pour accéder à un poste de direction. Thelma n’est pas certaine de ce qui se passera après qu’elle aura terminé cette affectation, bien qu’elle croie qu’un poste lui est garanti par la suite.

Les répercussions personnelles

Thelma se sent à la fois « frustrée et impuissante » dans ses efforts pour obtenir une formation en gestion ou un poste de direction. Elle voit des gens arriver dans le Nord et être promus régulièrement à des postes supérieurs. Même si Thelma aimerait parler des expériences qu’elle a vécues au sein du gouvernement, elle a deux avis sur la façon de s’y prendre. Si elle s’exprime, elle risque de subir des représailles, mais si elle ne s’exprime pas, elle souffre alors en silence et rien ne change. Bien qu’elle se sente victime de discrimination, elle ne connaît aucune solution qui y mettrait fin.

d) Earl

Le problème

Earl est un homme déné/métis dans la fin de la soixantaine qui avait travaillé comme conseiller pour une Première Nation pendant de nombreuses années. Quand sa collègue a pris sa retraite, on lui a remis les dossiers de ses clients et peu de temps après, il a été congédié par le gestionnaire de bande. Selon Earl, l’une des raisons qui lui ont été données pour son congédiement était qu’il travaillait avec un client Métis. Il a précisé qu’en vertu de la politique de l’organisation, ils ne refusaient pas de clients. Il voyait même des clients non autochtones sans aucun problème. À son avis, le gestionnaire de bande faisait preuve de discrimination à l’endroit d’un client métis précis et que, selon lui, il s’agissait de racisme.

Le problème a-t-il été résolu?

Earl a envisagé de prendre un avocat afin d’intenter une poursuite civile contre la Première Nation. Cependant, il a fini par laisser tomber. Il a dit qu’il était « en quelque sorte sous le choc » que cela lui arrive après tant d’années de travail à ce poste. Il a précisé qu’il est difficile de gérer les conflits dans une petite collectivité où tout le monde est lié soit par le sang, soit par le mariage. « Il y a des liens familiaux ou des amitiés qui nuisent à la prise de décisions. »

Earl a reçu huit semaines de rémunération lorsqu’il a été congédié. Après avoir entendu parler de sa situation, le Conseil des Métis de la région l’a embauché. Il songe encore à prendre un avocat afin d’intenter une poursuite contre la Première Nation pour congédiement injustifié. Toutefois, il n’est pas sûr qu’il soit trop tard pour entamer une procédure judiciaire. S’il portait l’affaire devant les tribunaux, il devrait également payer son propre avocat spécialisé en droit du travail, et sa situation financière nelui permettat de le faire. De plus, les réalités de la COVID-19 ont interféré avec les délais de traitement de sa plainte « étant donné que les bureaux étaient fermés et que parler aux gens de sa situation était compliqué », compte tenu des relations étroites au sein de la collectivité.

Les répercussions personnelles

Earl a déclaré que sa situation l’a dérangé et l’a affecté mentalement et émotionnellement. Il a également des problèmes médicaux liés au stress en raison de cette situation qu’il continue de gérer.

2) Problèmes liés au logement

a) Teresa

Le problème

Teresa est une Aînée métisse au début de la soixantaine, qui est en congé d’invalidité depuis un certain nombre d’années en attendant une chirurgie de remplacement du genou. Teresa occupait un poste permanent au gouvernement avant d’être « mise en congé d’invalidité ». Dans le cadre du programme d’invalidité, elle est admissible au programme de subvention pour le combustible domestique qui fournit du combustible aux personnes âgées de 65 ans et plus ainsi qu’aux personnes en congé d’invalidité. Les demandeurs admissibles reçoivent des subventions pour le combustible d’une valeur maximale de 2 900 $ par année. Lorsque Teresa a présenté sa demande, elle avait moins de 60 ans et cette subvention lui a immédiatement été refusée en raison de son âge, malgré la documentation appropriée de son médecin confirmant son incapacité.

Le problème a-t-il été résolu?

Teresa a écrit plusieurs fois au personnel responsable du programme de subvention pour le combustible. Elle a aussi appelé plusieurs fois. Teresa n’a pas l’habitude de s’affirmer et ne savait pas vers qui se tourner pour obtenir de l’aide, compte tenu deu refus de sa demande. Elle a plutôt passé les dernières années à communiquer avec le personnel responsable du programme pour demander la subvention pour le combustible à laquelle elle était admissible en raison de son invalidité. Teresa pense qu’elle les a « progressivement épuisés », puisqu’elle reçoit maintenant la subvention pour le combustible, ce qui aide à chauffer sa maison pendant qu’elle est en congé d’invalidité.

Les répercussions personnelles

Teresa a précisé que le fait qu’elle ait dû « se battre » pour la subvention pour le combustible était « frustrant et fatigant ». Elle était souvent en colère qu’on lui refuse ce à quoi elle pensait avoir droit. Le refus lui a coûté 2 900 $ de plus par année, ce qui a réduit sa pension d’invalidité. Teresa aide sa fille et ses petits-enfants, ce qui limite son budget déjà serré. Elle a fait remarquer que la subvention pour le combustible aurait grandement atténué ses contraintes budgétaires.

b) Edgar

Le problème

Edgar est un Aîné métis qui approche les quatre-vingts ans et qui possédait sa maison jusqu’à ce qu’un événement météorologique rare cause des dommages excessifs à sa maison. Sa femme et lui ont immédiatement emménagé avec l’un de leurs enfants adultes et ont commencé le processus de déterminer comment reconstruire leur maison. Il n’y avait pas d’agent immobilier dans sa collectivité. Il a donc communiqué avec un courtier immobilier de Yellowknife pour évaluer les dommages et la viabilité de sa maison. Il a payé des frais de 500 $ pour l’inspection de la maison et a été informé que la maison était condamnée et qu’ils ne pouvaient pas y retourner.

Edgar et son épouse ont vécu les trois mois suivants avec un membre de leur famille qui vit dans une unité de logement public. À la fin de la période de trois mois, le gestionnaire du logement a communiqué avec la personne en question pour lui dire que le fait d’avoir des parents dans sa maison était contraire à la politique du logement et qu’elle risquait d’être expulsée. Edgar et son épouse n’avaient nulle part où aller.

Ils touchent tous les deux une pension d’invalidité. Edgar a communiqué avec les services chargés du logement public. On lui a fourni un logement locatif dans des unités d’habitation locales construites pour les personnes handicapées. Son revenu a été évalué et on lui a dit qu’il devait payer 1 280 $ par mois pour l’unité. On l’a informé qu’il s’agissait d’un bail à court terme pour une période de six mois, parce qu’il possède une propriété et que les gens qui vivent dans les logements pour personnes âgées handicapées ne peuvent pas être propriétaires d’une propriété. Pendant ce temps, Edgar devait essayer de voir comment se réinstaller dans sa propre maison, ou s’en débarrasser. Il a communiqué avec les responsables du Programme de logement pour voir s’il pouvait obtenir de l’aide pour reconstruire sa maison. Toutefois, au cours des trois mois où il vivait avec un membre de sa famille, une pluie torrentielle s’est abattue sur la région, causant l’effondrement du plafond de sa maison, détruisant les murs et les meubles.

Le problème a-t-il été résolu?

Edgar a finalement été informé que la Société d’habitation des T.N.-O. achèterait sa maison pour la somme de 53 000 $. Cependant, ils lui factureraient l’enlèvement de la structure, ce qui lui laisserait 25 000 $. Il a déclaré que sa maison avait été évaluée à 180 000 $ six ans plus tôt, avant l’événement météorologique. Edgar a continué à négocier pour obtenir une somme d’argent plus appropriée afin qu’il puisse acheter une nouvelle maison pour lui et son épouse; toutefois, on lui a dit que l’entente de 25 000 $ était une décision « à prendre ou à laisser ». Edgar s’est ensuite adressé à son député local de l’Assemblée législative (député territorial) pour voir s’il pouvait présenter son problème à l’Assemblée législative des T.N.-O. et au ministère du Logement des T.N.-O. en son nom.

Le bail d’Edgar arrivait à sa fin et il n’avait pas d’argent pour la mise de fonds nécessaire à l’acquisition d’une nouvelle maison dans la collectivité. Edgar pensait que son seul recours était de prendre les 25 000 $ pour se débarrasser de sa propriété et rester dans le logement. Il continue de discuter de sa situation avec la Société d’habitation des T.N.-O. au sujet de son loyer. Il a déclaré que son évaluation mensuelle de loyer est fondée sur le revenu brut, ce qui signifie qu’il paie environ 900 $ de plus par mois que si l’évaluation avait été faite en fonction du revenu net. Edgar a indiqué qu’il avait rencontré le nouveau surintendant du logement de la collectivité à la mi-novembre 2021 au sujet de son problème. Il estime que la réunion lui a donné plus d’espoir que sa situation sera résolue en sa faveur. Le Conseil des Métis de la collectivité locale s’intéresse aussi à son cas et travaille en son nom pour trouver une solution plus respectueuse à sa situation, d’autant plus qu’il est un Aîné dans la collectivité.

Les répercussions personnelles

Cette situation a eu une incidence majeure sur Edgar. Les complications concernant la maison et l’ultimatum qu’il a reçu lui ont causé beaucoup de stress. Il a eu une crise cardiaque au printemps 2021. Sa situation financière est précaire, car il apporte une aide financière à deux de ses enfants qui vivent également dans une unité de logement public. Il paie maintenant environ 1 300 $ par mois de loyer, une dépense qu’il n’avait pas auparavant. Pour Edgar, les répercussions ont été physiques, émotionnelles, psychologiques, spirituelles et financières. Edgar prend maintenant des médicaments pour le cœur. Il a indiqué que cette situation avait affecté toute sa famille, pas seulement lui et son épouse. Edgar est découragé de voir que le gouvernement peut traiter un Aîné de manière si irrespectueuse. Il a travaillé pour le gouvernement pendant plus de 40 ans, a été autonome toute sa vie et avait fini de payer son prêt hypothécaire. Il aurait aimé que la Société d’habitation des T.N.-O. lui verse au moins le montant total correspondant à l’évaluation de sa maison.

Edgar aimerait retrouver sa vie d’avant. Il aimerait avoir sa propre maison sans prêt hypothécaire à payer. Cependant, comme il a presque 80 ans, il n’a pas l’impression d’avoir l’énergie ou les moyens financiers nécessaires pour revenir à cette situation.

c) Mary

Le problème

Mary est une mère célibataire métisse dans la trentaine qui vit dans une unité de logement public. Au cours de la dernière année, elle a continuellement reçu des factures d’électricité extrêmement élevées. Elle a trouvé cela étonnant, car elle pense être attentive à sa consommation d’électricité et ne pas surconsommer. Elle a communiqué avec le responsable du logement pour lui demander d’évaluer le fonctionnement de ses appareils, de son chauffe-eau et de sa fournaise. Cela fait, on lui a dit que tous ses appareils sont écoénergétiques. Elle a alors communiqué avec la compagnie d’électricité et leur a demandé de vérifier son compteur pour voir s’il fonctionnait correctement. La compagnie d’électricité a effectué une vérification et a déclaré que le compteur fonctionnait correctement. La compagnie d’électricité a continué à lui envoyer des factures d’électricité plus élevées que d’habitude. Mary a un revenu fixe et ne pouvait pas continuer à payer ces factures, en plus des dépenses de ménage pour un parent célibataire.

Le problème a-t-il été résolu?

Mary a continué de communiquer avec la compagnie d’électricité et a demandé que celle-ci remplace son compteur. Elle croyait que le compteur était à l’origine des problèmes liés à ses factures d’électricité. La compagnie d’électricité a refusé sa demande et a insisté sur le fait que le compteur fonctionnait correctement. Marie a trouvé un leader local qui était disposé à l’aider. Cette personne a communiqué avec le siège de la compagnie d’électricité et a demandé la tenue d’une enquête approfondie sur les causes de ces factures d’électricité élevées. La compagnie d’électricité a envoyé un représentant muni d’un autre compteur, qui a été échangé contre celui de Mary. Celle-ci a continué à recevoir des factures d’électricité élevées avec le nouveau compteur, alors elle a communiqué avec le gestionnaire du logement et la compagnie d’électricité en insistant sur le fait qu’il y avait un problème. Marie a même communiqué avec une amie qui avait un logement semblable et elles ont comparé la consommation d’électricité d’un mois à l’autre. Selon Mary, les factures d’électricité de son amie étaient beaucoup moins élevées.

Après de nombreuses discussions entre le gestionnaire du logement, la compagnie d’électricité et le leader local qui l’a défendue, Mary a été transférée dans un autre logement. Elle a maintenant un plus petit logement et ne semble pas avoir le même problème d’électricité.

Les répercussions personnelles

Le fait de devoir combattre le système a mis Mary en colère. Elle estime que les organisations et les personnes avec lesquelles elle a eu affaire ne la croyaient pas capable de réfléchir par elle-même. De plus, elle croit qu’ils ne la prenaient pas au sérieux. Selon Mary, de nombreuses personnes pensent et agissent ainsi parce qu’elle vit dans un logement public à faible revenu, qu’elle est un parent célibataire et qu’elle a un revenu fixe. Elle n’aurait pas dû être forcée de consacrer tant de temps et d’énergie à essayer de convaincre les gens de l’écouter. Elle a précisé qu’elle a passé des mois à essayer de faire en sorte qu’ils répondent à ses préoccupations et que la seule solution était de la déplacer. Mary aimerait être prise au sérieux et bénéficier d’une réponse plus humaine lorsqu’elle a des préoccupations qui doivent être traitées.

3) Problèmes liés à la dette

a) Diane

Le problème

Diane est une femme métisse au milieu de la cinquantaine qui a été adoptée dans le cadre de ce qu’on appelle la « rafle des années soixanteNote de bas de page 5 ». Elle a grandi loin de sa culture dans une partie urbaine du Sud du Canada. Elle est retournée à la maison de ses parents biologiques il y a un certain nombre d’années pour renouer avec sa culture et sa famille élargie. Son retour a donné des résultats mitigés en ce qui concerne la connexion avec sa famille et sa culture. Son adoption avait également donné lieu à des résultats mitigés, ce qui complique encore davantage l’histoire de son retour.

Diane a quitté une union de fait ratée dans laquelle des enfants étaient impliqués. Elle doit maintenant faire face à des obligations alimentaires alors que sa situation financière actuelle ne le lui permet pas. Elle doit fait face à des ordonnances inter-juridictionnelles rendues dans le cadre d’un Programme d’exécution des ordonnances alimentaires qui l’oblige à payer environ 170 $ par mois, en plus de ses paiements de pension alimentaire pour enfants en souffrance. Elle est au chômage depuis trois ans et survit grâce à l’aide au revenu. Elle doit actuellement plus de 10 000 $ de pension alimentaire pour enfants qu’elle tente de rembourser au moyen d’une allocation mensuelle provenant de son aide au revenu.

Diane s’est remariée peu après son retour dans la collectivité de ses parents biologiques. Son époux travaillait. Cependant, il a perdu son emploi à cause des répercussions de la COVID-19. Il y a quelques années, alors qu’il avait un emploi, le couple a acheté une maison qui avait besoin de rénovations importantes. Ils ont tenté de bénéficier des avantages d’un programme d’aide à la rénovation résidentielle. Toutefois, ces tentatives ont échoué. Diane et son époux sont retournés dans leur maison qui était à peine habitable.

Étant donné qu’ils reçoivent de l’aide au revenu, ils n’ont pas la capacité de respecter les paiements hypothécaires, les versements de la pension alimentaire, le paiement des frais d’exécution des ordonnances, et de subvenir aux dépenses quotidiennes. Une partie du revenu de l’époux de Diane est saisi pour payer des dettes qu’il avait contractées avant le début de leur relation. Ils sont lourdement endettés et essaient de trouver une solution pour stabiliser leur situation financière.

Le problème a-t-il été résolu?

Diane fait de son mieux pour payer ce qu’elle peut chaque mois afin de régler l’une de ses dettes. Cela la force à prendre du retard sur les autres dettes, et elle doit régulièrement composer avec des agents de recouvrement et des avis d’expulsion menaçants.

Elle aimerait embaucher un avocat, mais elle n’a pas la capacité financière pour le faire. Elle aimerait que l’avocat l’aide à négocier des paiements raisonnables de la pension alimentaire, des frais d’administration pour le Programme d’exécution des ordonnances alimentaires, ou des paiements hypothécaires auprès de la banque. Diane tente d’agir pour son propre compte lorsqu’elle traite avec les agents de recouvrement et les avocats qui communiquent fréquemment avec elle pour demander des paiements.

Jusqu’à présent, rien n’a fonctionné pour Diane et son époux. Ils continuent de faire face à des menaces de saisie de leur propriété, ainsi qu’à une dette croissante de pension alimentaire pour enfants. Diane s’est adressée au bureau d’aide juridique pour voir si elle pouvait obtenir de l’aide pour déterminer les aspects juridiques de ses dettes. Elle a été informée qu’il y avait conflit pour le bureau d’aide juridique en raison de la menace de saisie de la banque qui détient son hypothèque. Diane a tenté de trouver un avocat ailleurs qui pourrait l’aider à régler sa situation. Toutefois, elle a indiqué qu’elle n’avait pas pu trouver un avocat qui pouvait traiter son cas complexe.

Diane a communiqué avec le Bureau de l’ombudsman pour discuter de sa situation. L’ombudsman a fourni à Diane une liste d’endroits où elle pouvait aller pour obtenir une réponse à ses préoccupations. Diane voulait que l’ombudsman conteste certains projets de loi et actes relatifs à sa situation, mais il était réticent à le faire. Elle croit qu’il y a eu un « préjugé fondé sur le profil en raison de l’histoire de la rafle des années soixante ».

Diane et son époux continuent de vivre avec peu de revenus, des dettes croissantes et une maison qui a vraiment besoin d’être rénovée. Ils ont essayé de vendre la maison, mais le marché du logement dans leur collectivité est stagnant.

Diane trouve qu’il est « impossible de franchir les obstacles » et croit « qu’il n’y a pas de transparence dans la prise de décision ». Elle ne sait pas ce qu’elle peut faire pour avoir accès à des programmes offerts au public. Elle a dit que les gens « ne devraient pas être pauvres pour pouvoir obtenir de l’aide ». Diane dit que la COVID-19 a encore compliqué le processus, rendant encore plus difficile l’accès aux services dont elle a besoin.

Les répercussions personnelles

Selon Diane, même si cette situation a été préjudiciable pour elle, elle « ne s’est pas affaiblie spirituellement » et elle sait qui elle est. Elle a dit que toute cette situation était débilitante. Bien qu’elle reconnaisse qu’elle est confrontée à ces difficultés, elle n’est pas la seule, « il y a d’autres personnes qui sont dans des situations semblables ». Diane se sent aussi assez forte pour travailler et changer les choses. À son avis, un facteur qui a compliqué la situation est qu’elle est retournée dans une collectivité où elle est considérée comme une étrangère. Elle a parfois des « remords de survivante », car elle a eu accès à une bonne éducation grâce à son adoption et au fait qu’elle vivait loin de la collectivité de ses parents biologiques. Elle a le sentiment que les membres de la collectivité travaillent contre elle, car ils n’ont pas entièrement accepté son retour dans la collectivité.

4) Problèmes médicaux

a) Peter

Le problème

Peter, qui est dans la cinquantaine, s’identifie à la fois comme Métis et Indien inscritNote de bas de page 6. Peter éprouve des problèmes qu’il croit être liés à la discrimination contre les Autochtones. Bien qu’il ait la capacité de régler ses préoccupations, il a déclaré qu’il oscillait souvent entre le choix de se battre pour ses droits et celui de se soumettre au système colonial. Il a longuement parlé de la façon dont « la colonisation a affecté sa vie à presque chaque tournant ». Il croit que les gens qui quittent « le Sud » pour s’installer dans sa collectivité doivent être éduqués pour comprendre l’histoire autochtone et les revendications territoriales. Il a dit que tous les employés du gouvernement (y compris la Gendarmerie royale du Canada [GRC] et le système judiciaire) devraient suivre une formation sur la sensibilité culturelle avant d’obtenir un emploi dans les T.N.-O. Selon Peter, « les peuples autochtones ont subi des traumatismes, et si les personnes de l’extérieur ne sont pas conscientes de l’histoire ou du traumatisme, elles peuvent radier une personne ».Les personnes de l’extérieur qui ne comprennent pas l’histoire des peuples autochtones décident souvent d’appeler la police ou un agent de sécurité lorsque des Autochtones tentent d’avoir accès à des services. Il a dit que ces gens « voient la vie selon une perspective coloniale ».

Peter est aux prises avec des préoccupations concernant des traitements médicaux récurrents. Ce problème l’oblige à avoir affaire avec les gens de la profession médicale dans sa collectivité, et à se rendre dans d’autres établissements médicaux à l’extérieur de la collectivité. Jusqu’à présent, il a eu des interactions avec trois médecins. Selon lui, les deux premiers ne l’ont pas écouté et ne voulaient pas « me donner l’heure juste ». Le troisième médecin l’a effectivement écouté et « [lui] a donné de bons conseils », ce qui l’a aidé dans sa situation.

Peter a récemment dû se déplacer pour une consultation médicale à l’extérieur de sa collectivité. Lorsqu’il est arrivé à l’hôpital pour le traitement, on lui a dit qu’il devait payer pour le traitement, parce que sa carte de soins de santé était expirée, ce qu’il ne savait pas. Peter a expliqué que son numéro de carte de soins de santé n’avait jamais changé et qu’il n’avait pas remarqué qu’elle comportait une date d’expiration. Il n’a pas reçu d’avis de renouvellement puisqu’il ne possède pas d’ordinateur et il a indiqué que les résidents des T.N.-O. reçoivent leur avis de renouvellement par courriel.

Après avoir reçu son traitement médical, il a été conduit au service des finances et on lui a remis une facture pour les services rendus. Peter a un revenu fixe et a peu d’argent pour des articles de luxe ou les factures supplémentaires qui surviennent. Peter n’a pas pu payer le montant et a depuis lors été « harcelé » par le service des finances pour qu’il paye sa dette en souffrance.

Peter reçoit maintenant des appels d’une agence de recouvrement alors qu’il tente de renouveler sa carte de soins de santé. Il pense que ce traitement est une réaction à la croyance selon laquelle il « obtient tout gratuitement », parce qu’il est autochtone. Peter a vécu toute sa vie aux T.N.-O. et n’a pas changé d’adresse. Il ne peut donc pas comprendre pourquoi le centre de santé le considérerait autrement que comme un résident des T.N.-O.

Le problème a-t-il été résolu?

Peter continue de recevoir des appels de la part d’agences de recouvrement et il éprouve encore des difficultés pour renouveler sa carte de soins de santé. L’agence de recouvrement menace de saisir son remboursement d’impôt pour couvrir le coût de la facture ainsi que les frais de l’agence. Puisque Peter reçoit un revenu fixe, les factures supplémentaires l’ont mis dans une position difficile. Il vit seul et n’a aucun moyen d’obtenir d’autres formes d’aide financière.

Peter compte souvent sur plusieurs membres de sa famille pour l’accompagner au centre de santé. Il a constaté que, s’il est accompagné d’un parent autochtone, il rencontre les mêmes obstacles que lorsqu’il demande des services. Cependant, lorsqu’il est accompagné d’un parent non autochtone, la réponse est plus favorable et il réussit à obtenir l’aide dont il a besoin. Peter demande maintenant au parent qui l’aide à recevoir une réponse efficace de l’aider dans les différentes situations qu’il doit aborder. Il sait maintenant quand il a besoin d’un accompagnateur autochtone ou non autochtone.

Les répercussions personnelles

Peter croit que « la façon canadienne de faire est de payer de sa propre poche » et que les gens « pensent que j’exploite le système ». La façon dont il est traité fait qu’il se sent « moins valorisé que les autres ». Peter est pauvre et n’a pas besoin de dépenses supplémentaires ni du fardeau supplémentaire de gérer le stress. Il n’a pas l’énergie nécessaire pour faire face à la discrimination chaque fois qu’il essaie d’avoir accès à des services. Comme il l’a fait remarquer, « [c’est] dur pour nous de rester forts » et « la capacité d’être humble et mentalement fort est érodée par le système ». Peter « se sentait sale et indigne » lorsqu’il avait affaire à ces différents systèmes. Il croit que’« je suis égal à tout le monde » et qu’il devrait être traité comme tel.

Peter estime qu’il doit « accepter le respect générationnel pour l’autorité sans la remettre en question ». Il a appris de ses grands-parents que « le médecin est le patron, le policier est le patron, le prêtre est le patron, l’infirmière est la patronne, l’administration est la patronne ». En apprenant cela des générations qui l’ont précédé et qui ont dû composer avec les répercussions de la colonisation et l’élimination de l’autonomie signifie que, parfois, il peut s’affirmer, et parfois il est juste « plutôt d’accord » quand il a affaire à ces gens. Il a dit qu’à cause du traumatisme dont il a hérité, il peut être naïf et penser que les gens ont ses intérêts à cœur. Parfois, « au lieu de me mettre en colère [je veux] insister pour que ma dignité soit reconnue ».

5) Problèmes liés au voisinage

a) Frankie

Le problème

Frankie est une femme métisse dans la fin de la cinquantaine qui a des enfants adultes et un petit-enfant qui vivent encore à la maison. Elle réside dans sa maison depuis de nombreuses années. Elle a d’autres enfants adultes qui ne résident pas là, mais qui lui rendent visite à l’occasion, tout comme des amis et d’autres membres de la famille.

Frankie habite à côté d’une résidence qui abrite un grand nombre de chiens sur la propriété, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la maison. À un moment donné, le voisin avait des chiens de traîneau qui étaient attachés et utilisés pour tirer des traîneaux. Cependant, plus récemment, le voisin a adopté des chiens errants et il les laisse se promener en liberté toute la journée. Frankie et sa famille s’inquiètent pour leur sécurité, parce que les chiens sans laisse s’approchent d’elle d’une manière menaçante. Au cours des deux dernières années, ce comportement a été renforcé et, pour cette raison, elle a tenté de régler ce problème. Il a finalement été résolu, de sorte qu’elle peut maintenant s’asseoir à l’extérieur de sa maison, ou aller faire une promenade, sans crainte d’être attaquée.

Le problème a-t-il été résolu?

Frankie a communiqué avec la GRC locale, l’agent chargé de faire appliquer les règlements municipaux, ainsi qu’avec le maire et le conseil municipal à ce sujet. Selon elle, la GRC a indiqué qu’à moins qu’un crime ne soit commis, elle ne pouvait pas répondre à ses préoccupations au sujet des chiens. La GRC lui a suggéré de se tourner vers la mairie pour faire valoir ses préoccupations. Frankie indique que la ville l’a informée d’un processus qui doit être effectué pour appréhender les chiens nuisibles, ainsi que pour traiter la question du nombre de chiens sur une propriété. Le règlement municipal actuel ne permet pas plus de deux chiens sur une propriété. La propriété de son voisin comptait beaucoup plus que deux chiens.

Frankie a déclaré que, peu importe le moyen qu’elle a pris pour régler la situation, rien ne changeait. Elle a finalement décidé de publier ses inquiétudes sur Facebook pour avertir d’autres personnes au sujet des chiens. Plusieurs autres habitants de la ville se sont joints aux conversations en faisant part de leurs expériences, mais en vain. Certaines personnes ont mis en ligne des vidéos des chiens qui s’approchaient agressivement d’elles quand elles marchaient près de cette propriété. Frankie a communiqué avec une personnalité médiatique nordique, mais on lui a dit que des articles avaient déjà été publiés sur cette situation. Elle a continué à publier des messages sur la page Facebook de la collectivité pour avertir les piétons de la région. Frankie s’inquiète aussi de la possibilité de représailles si elle communiquait avec ses voisins. Elle a appris à faire attention aux chiens en liberté et évite de marcher dans le voisinage. Frankie a aussi érigé une clôture, afin qu’elle puisse s’asseoir dehors sans crainte d’être attaquée.

Après que plusieurs autres personnes aient répondu à ses publications sur Facebook, Frankie a été informée par l’agent chargé de faire appliquer le règlement que la ville avait mis en œuvre un plan pour retirer les chiens. Elle a été informée que plusieurs des chiens ont récemment été retirés de la propriété.

Les répercussions personnelles

Frankie indique qu’elle n’a pas été traumatisée par cette situation. Cependant, elle a été perturbée de voir des enfants pourchassés par ces chiens. Elle était également frustrée de devoir vivre au quotidien dans un secteur où le contrôle des chiens pose un tel problème. Elle a dit qu’elle avait l’impression que tout ce qu’elle pouvait faire était d’ériger une clôture pour protéger sa famille et apprendre à vivre en gardant un œil ouvert sur les chiens.

6) Résumé

Il existe de nombreuses ressemblances dans les récits qui sont rapportés. Les personnes ont parlé de leurs expériences en matière de discrimination et de la façon dont elle a affecté leur vie. Il s’agissait de problèmes juridiques graves pour ces personnes qui, dans bien des cas, ont eu le sentiment d’être invisibles et non respectées. On pense que ces sentiments sont le résultat d’une approche coloniale qui existe toujours et qui manque de respect envers les peuples autochtones.

J’espère que le ministère de la Justice du Canada constatera que les peuples autochtones éprouvent encore de nombreux traumatismes et que le chemin est encore long pour qu’ils puissent se remettre des séquelles de la colonisation. J’ai constaté, au cours de ma carrière, et grâce à mon expérience personnelle, que de nombreux peuples autochtones ont une méthode passive/agressive d’aborder les traumatismes et les conflits auxquels ils sont confrontés. […] Je pense que cela ressort clairement de nombreuses entrevues. Il est également important de souligner que, même si certains sont très disposés à raconter leur histoire, d’autres ne veulent parler à personne, en raison de problèmes de confiance à l’égard de la profession d’aide, qui persisteront tout au long de leur vie.[…] La perception des personnes de l’extérieur joue un grand rôle; je pense que c’est plus vrai pour les gens des T.N.-O. où les collectivités sont plus petites, et où il y a des distinctions évidentes entre les Autochtones et les non-Autochtones. Les personnes de l’extérieur doivent faire plus d’efforts pour devenir des membres acceptés de la collectivité.[…] De nombreux Autochtones ne font toujours pas confiance aux motivations des nouveaux arrivants dans les collectivités..

– Observation de l’intervieweur

Ces récits nous montrent comment les Autochtones sont souvent confrontés à une décision dichotomique difficile : accepter ou refuser de jouer le jeu! Les voix que nous avons entendues parlent de la frustration et de leurs décisions de s’affirmer ou de rester passives. Des décisions prises par autrui ont profondément affecté leur vie et celle de leurs proches. Les décisions qui semblent manquer de clarté et de transparence engendrent de la méfiance. Celles prises par les personnes et les organisations ne tiennent pas souvent compte des réalités de la collectivité et de leur incidence sur les personnes. Cette situation semble être l’héritage durable du colonialisme qui continue de hanter nos vies quotidiennes en tant que Canadiens.

C. Fournisseurs de services

Comme nous l’avons mentionné précédemment, cinq fournisseurs de services ont été interrogés. Les répondants comprenaient : une personne travaillant dans le domaine de la justice réparatrice, deux personnes dans différentes collectivités qui travaillent dans les services aux victimes, une travailleuse de première ligne qui offre un soutien aux personnes ayant des besoins complexes, et une personne qui travaille avec les victimes d’actes criminels. Des pseudonymes ont été utilisés pour les fournisseurs de services interrogés.

1) Questions juridiques

Comme on pouvait s’y attendre, compte tenu des différentes positions des fournisseurs de services interrogés, les problèmes et enjeux auxquels ils sont confrontés sont extrêmement variés, même si bon nombre d’entre eux concernent des affaires criminelles. Les enjeux comprennent :

2) Sources de référence

Comme on pouvait s’y attendre, il existe un certain nombre de sources d’aiguillage différentes, compte tenu de la nature diversifiée du travail des fournisseurs de services et des collectivités dans lesquelles ils travaillent. Bien que certaines personnes s’adressent elles-mêmes aux fournisseurs de services pour obtenir l’appui dont elles ont besoin, d’autres sont aiguillées par diverses organisations et personnes. Par exemple, certaines des sources d’aiguillage liées à la justice comprennent le tribunal pour adolescents, le tribunal pour adultes, les bureaux territoriaux ou fédéraux des procureurs de la Couronne et l’aide juridique, ainsi que la GRC. Parmi les exemples de sources d’aiguillage de la collectivité, il y a lieu de mentionner les services de counseling communautaire, les premiers intervenants, les écoles, les ministères du gouvernement territorial, les hôpitaux et les centres de santé. En outre, la famille et les amis peuvent également aiguiller les membres de leur famille, leurs amis et connaissances qui, selon eux, ont besoin de soutien.

3) Services et soutiens

a) Justice réparatrice

Helen

Les problèmes

Helen est témoin de nombreux problèmes, mais les plus fréquents sont les suivants :

Elle ne travaille pas sur des crimes contre les enfants ou des crimes de nature sexuelle; ceux-ci demeurent la responsabilité du tribunal. Elle reçoit des aiguillages du procureur de la Couronne et de la GRC.

Helen a expliqué que les personnes qui commettent leur première infraction sont aiguillées au programme de justice réparatrice. Les accusations seront retenues, mais si la personne termine le programme avec succès, le procureur de la Couronne retirera les accusations. Helen explique que le programme vise à permettre de « garder les gens hors du système, pas de criminaliser les gens qui ont simplement commis des erreurs ».Le programme offre aux personnes la possibilité d’acquérir une compétence plutôt que d’être punies.

Helen travaille en étroite collaboration avec la GRC qui est « très ouverte aux pratiques de justice réparatrice ».À titre d’exemple, si une personne crève les pneus d’un véhicule appartenant à quelqu’un d’autre et que la GRC est certaine qu’elle connaît le coupable et qu’il s’agit d’une première infraction, la GRC aiguillera la personne au programme de justice réparatrice. Ensuite, la GRC a six mois pour porter des accusations. Helen travaille avec le délinquant et la victime, qui a le droit de participer. Il est possible que la victime souhaite simplement que les pneus soient remplacés et payés et que des excuses lui soient présentées. Helen explique que « l’idée derrière les pratiques de justice réparatrice est que vous n’êtes pas jugé. Elles offrent un espace qui permet à quelqu’un de régler ses problèmes. »Lorsque Helen organise un cercle, la victime et le délinquant y assistent et peuvent se faire accompagner de personnes de soutien ou envoyer un défenseur au cercle. Helen invite parfois des Aînés. Par exemple, lorsqu’une fenêtre d’école est brisée, un représentant de l’école serait une victime, mais les autres personnes concernées seraient invitées au cercle. Helen essaie de trouver une solution de compréhension et de réparer le préjudice. Si elle réussit, Helen soumet son rapport et le délinquant n’a pas à se présenter devant le tribunal.

Dans un autre scénario, si la personne est arrêtée et accusée, Helen doit alors se présenter devant le tribunal. Encore une fois, s’il s’agit d’une première infraction, le procureur de la Couronne peut proposer que la personne soit orientée vers un autre processus. L’accusation est retenue, mais lorsque Helen présente son rapport, le procureur de la Couronne peut retirer l’accusation. On a laissé entendre que cette approche « garde les gens en dehors du système judiciaire et les aide à suivre la bonne voie ».

Si la personne qui commet l’infraction se présente devant le tribunal et est inscrite au registre de la cour, Helen rencontre l’avocat et/ou un représentant de l’aide juridique. La personne est maintenant dans le système et devra attendre la prochaine séance du tribunal pour la fixation d’une date pour un plaidoyer. Si la personne plaide coupable, il faut alors déterminer si elle souhaite poursuivre le programme de justice réparatrice ou non. Les avocats vérifieront auprès d’Helen le statut du délinquant dans le programme de justice réparatrice. Si le délinquant ne participe pas au programme, l’accusation reste dans le tribunal et le délinquant est placé en probation.

Helen a fait valoir que « notre GRC est vraiment ouverte aux pratiques de justice réparatrice et tient à prendre une part active dans la collectivité. Elle constitue un véritable atout! » Helen croit qu’elle peut s’adresser à la GRC à tout moment pour parler des clients et que la GRC vérifie les clients et leurs progrès.

Les obstacles et les répercussions personnelles

Helen a parlé d’un cas où quelqu’un avait reçu une lettre d’une organisation que le destinataire ne pouvait pas comprendre. La langue maternelle de la personne était le déné et la lettre était écrite dans un « langage bureaucratique ». La personne lui a apporté la lettre, car elle devait répondre aux accusations, mais elle ne les comprenait pas. Helen s’est présentée en tant que personne de soutien. « Les T.N.-O. comptent 11 langues officielles autochtones et les services de traduction sont habituellement accessibles. Par exemple, dans un hôpital, une personne peut composer un numéro 1-800 pour parler avec un traducteur. » Dans ce cas-ci, l’organisation n’a pas fourni ce service.

Helen croit que l’un des obstacles est le manque de confiance que les gens ont en eux-mêmes : « certaines personnes ont tendance à abandonner rapidement. Elles pensent qu’elles ne méritent pas un meilleur résultat ».

Les défis

Helen a laissé entendre qu’il est nécessaire d’adopter davantage de pratiques de justice réparatrice aux T.N.-O. Compte tenu de l’importante population autochtone, des répercussions des pensionnats indiens et des traumatismes intergénérationnels, il est nécessaire d’offrir davantage d’occasions d’« établir un lien avec la culture et de guérir ». Elle a mentionné qu’il est nécessaire d’avoir des programmes de transition pour permettre aux anciens prisonniers de réintégrer la collectivité. « Les gens retournent à la collectivité et au lieu d’origine de leur traumatisme et nous nous attendons à ce qu’ils changent […] les gens retournent à ce qu’ils connaissent ».

b) Fournir des services et du soutien aux victimes

Il y a 11 bureaux territoriaux de services aux victimes dans l’ensemble du territoire qui desservent toutes les collectivités. Ils sont communautaires et ont des coordonnateurs de programme pour couvrir les différentes régions du territoire. Comme l’a souligné Helen, la priorité consiste à « aider les victimes d’actes criminels ou de tragédies » et l’on s’occupe de « tout type de crime en vertu du Code criminel ». Le travail est fait dans l’intérêt de la victime, « non dans l’intérêt de la GRC ou de la Couronne ».

Sophie

Les problèmes

Sophie a précisé qu’elle traite de « tout type de crime en vertu du Code criminel, des agressions sexuelles, des abus commis dans les pensionnats, de l’agression armée, de l’introduction par effraction, de la séquestration, des problèmes et des préoccupations d’ordre familial ».Sophie explique que la majorité des clients sont des femmes victimes de violence conjugale, d’agressions domestiques, de séquestration, et des victimes indirectes, notamment les membres de la famille qui sont aux prises avec des traumatismes comme le suicide, ou le parent d’un enfant qui a été agressé. En général, les hommes ne sont pas victimes de séquestration. « Si [une personne] se tient dans l’embrasure d’une porte et vous empêche de partir, c’est de la séquestration, c’est habituellement un geste commis par une personne plus grande et plus forte, donc il est rare de voir des contrevenantes. »

Sophie se rend dans un certain nombre de collectivités et a décrit un scénario qui se produit parfois. La GRC est appelée à une résidence à cause d’un partenaire violent. Il en découle que la personne contrevenante n’est pas autorisé à entrer en contact avec la victime. Toutefois, cela met parfois la victime dans une situation précaire, car la personne contrevenante peut être le principal soutien financier ou le soutien des enfants. Lorsque cela se produit, Sophie tente de « travailler avec les tribunaux, pas vraiment de contourner l’ordonnance, mais de trouver des moyens d’aider la victime ».

Sophie réfléchit continuellement à la sécurité de ses clientes pour aider à prévenir d’autres actes de violence. « Nous devons être conscients qu’il s’agit d’une période vulnérable [pour elles]. » Sophie a souligné que c’est particulièrement vrai si la cliente veut retourner chez l’agresseur, étant donné que certaines femmes ont été tuées dans le passé. est L’outil d’Évaluation du risque de violence familiale de l’Ontario est l’une des ressources utilisées. Le pointage de l’agresseur indique un risque de récidive potentielle. Si la personne a un pointage élevé, « nous recommandons fortement à la victime de rester dans un refuge ». Dans la mesure du possible, on essaie de s’assurer que la victime bénéficie d’une « protection supplémentaire autour des portes et des fenêtres, que sa famille séjourne chez elle, qu’elle s’assure d’avoir un téléphone de sécurité, et qu’elle examine comment nous pourrions l’aider à quitter la collectivité ».

Lorsque les victimes ont des démêlés avec le système de justice pénale conventionnel, Sophie leur offre du soutien, car elles n’ont habituellement pas d’avocat. Comme elle l’a souligné, le procureur de la Couronne n’est pas un avocat de la victime. Son travail est d’intenter des poursuites en justice, en se fondant sur le Code criminel. Le procureur de la Couronne n’appuie pas nécessairement les préférences de la victime ou ce qui est le plus sain pour elle, à tel point où certaines victimes ont été emprisonnées ou menacées d’emprisonnement après avoir refusé de témoigner. « Même si la victime ne veut pas coopérer, notre travail consiste à travailler avec elle et à la protéger de la meilleure façon possible. »

Les personnes qui ne font pas affaire avec le système de justice pénale conventionnel traitent leur situation de façon informelle en faisant appel à leur famille ou à leurs amis. Selon Sophie, les événements qui sont susceptibles d’être traités de façon informelle pourraient comprendre : les traumatismes, les morts soudaines et les suicides. Elle fait valoir que, si quelqu’un se présente aux services aux victimes, cela veut dire qu’il s’occupe lui-même de son problème. Sophie mentionne que « si quelqu’un n’a pas recours au processus judiciaire, cela ne veut pas dire qu’il ne s’occupe pas du problème. Il s’agit peut-être d’une idée fausse de ce que les gens font avant d’entreprendre un processus judiciaire. Ils peuvent choisir de ne pas communiquer avec la GRC, les services aux victimes ou l’aide juridique, mais cela ne veut pas dire qu’ils ne s’occupent pas de leur sécurité. »

Les obstacles et les répercussions personnelles

Sophie croit que certaines personnes « ont de la difficulté à demander de l’aide afin d’obtenir un soutien extérieur en raison de leur expérience en matière de discrimination ». Elle mentionne qu’il est parfois difficile de faire le premier pas et que « lorsque le premier pas n’est pas respecté, [elles] peuvent abandonner ».Sophie souligne que le système intégré d’intervention des organisations est beaucoup plus utile pour obtenir des services. « Vous devez vous assurer que la personne ne part pas sans un plan. Donc, elle n’est pas simplement jetée à la rue. »

Les défis

Le logement est un défi. Sophie a donné l’exemple d’une personne qui vit dans un logement public avec un partenaire violent. La GRC pourrait expulser le partenaire violent; cependant, la personne qui reste dans le logement doit toujours payer le même loyer, même si le partenaire ne vit plus là. Cela ne changera pas à moins que le partenaire abusif ne se retire du bail. La personne qui vit encore dans l’unité de location peut demander le divorce ou signer un document indiquant qu’elle ne vit plus en union de fait. Cependant, si elle bénéficie d’avantages médicaux et de santé qui sont liés à la relation, il est fort probable qu’elle choisisse de ne pas signer le document. Un autre défi en ce qui concerne le logement est que si le partenaire violent décide de revenir, les services chargés du logement ne lui permettront pas de « changer les serrures ou de faire quoi que ce soit pour empêcher que la porte ne soit défoncée ».

Sophie mentionne un autre défi :

[traduction]
Il y a une stigmatisation liée au mot « victime ». Les gens diront : « Je ne suis pas une victime ». Être une victime veut dire que quelque chose vous est arrivé sans que vous l’ayez voulu et qu’il s’agissait d’un crime; cela ne veut pas dire que vous ne réagissez pas de manière forte. Vous ne vouliez pas que cela arrive et cela vous a fait du tort, mais le mot « victime » est accompagné d’une certaine stigmatisation. Parfois, selon la taille de la collectivité, certaines personnes ont des liens de parenté avec le travailleur des services aux victimes ou craignent de subir des représailles.

Lucy

Les problèmes

Lucy travaille directement avec les victimes d’actes criminels et explique que son travail consiste à aider les victimes à mieux comprendre le système de justice. Elle travaille avec des victimes de violence familiale et d’agressions sexuelles. Malgré l’aide fournie par la GRC, les renseignements sur le lieu de résidence de la victime ne sont pas toujours à jour. Par conséquent, l’un des plus grands obstacles est de trouver des gens qui ont peut-être quitté la collectivité. « Certaines personnes hésitent à répondre au téléphone ou nous n’avons pas leur numéro […] Lorsque vous appelez le bureau du conseil de bande, [vous devez faire attention parce que] cela peut être trop personnel. [Nous] cherchons parfois dans des refuges de jour et des refuges pour femmes. » Lorsqu’on trouve la victime, on communique avec elle et on fait le point. Lucy explique en quoi consiste le plaidoyer et si la personne doit se présenter au tribunal pour témoigner. Elle travaille avec les victimes pour veiller à ce qu’elles comprennent la déclaration et les aide à se préparer pour le procès. Lucy se rend également dans les collectivités et assume les mêmes fonctions.

Si la victime décide d’aller de l’avant et se présente devant le tribunal, Lucy continue de fournir à la victime des renseignements et un soutien jusqu’à la clôture du procès. Selon Lucy, son rôle consiste à « travailler avec les victimes d’actes criminels et à essayer de leur donner des renseignements, afin qu’elles puissent prendre la meilleure décision possible dans leur intérêt ».

Les obstacles et les répercussions personnelles

Selon Lucy, pour diverses raisons, certaines victimes ne veulent pas que leur affaire aille de l’avant. Dans les petites collectivités, les victimes veulent maintenir leurs relations dans la collectivité. Les victimes de « violence conjugale sont réticentes à avoir recours au système […] parfois [à la] dernière minute et elles ont peur. En particulier, les femmes ne veulent pas témoigner. Le résultat est difficile. »

Lucy mentionne que parfois, vous connaissez l’histoire d’une personne et ses difficultés. Elle a donné l’exemple d’une jeune femme qui « se bat pour récupérer ses enfants, se bat pour devenir sobre ».Cette personne avait fait « de grands efforts pour changer, mais c’est une énorme bataille et elle a dû quitter une collectivité pour obtenir de l’aide. Elle était une sans-abri dans sa collectivité, avec tout ce que cela comporte comme tragédie. »

Les défis

Pour Lucy, c’est difficile quand les victimes ne comprennent pas qu’elle n’est pas leur avocate. « [Je suis] juste un soutien qui leur communique des renseignements sur lesquels elles peuvent fonder leurs décisions. »Elle travaille avec des femmes qui ne veulent pas témoigner et elle leur explique les « avantages et inconvénients de l’abandon d’une poursuite ».Bien qu’elle explique la loi à la victime, elle croit qu’il serait préférable que les victimes aient leur propre avocat, un défenseur des victimes semblable à un défenseur des enfants. « Nous essayons d’être honnêtes, mais parfois, ce serait bien si quelqu’un d’autre pouvait leur parler et les préparer différemment pour leur comparution devant le tribunal. »

Lucy croit qu’il serait utile que les fournisseurs de services aux victimes passent plus de temps dans les collectivités pour soutenir les gens. Elle croit également qu’un élargissement des programmes et services de justice réparatrice est important, car « peut-être que nous pouvons éviter que les gens se retrouvent en prison ».

Sharon

Les problèmes

Sharon offre un soutien aux personnes qui ont des besoins complexes et qui se heurtent à des obstacles. Elle essaie de les aider à naviguer le système, car elles ont souvent des problèmes, comme des troubles de santé mentale, des troubles cognitifs et des dépendances, qui font qu’il leur est difficile d’avoir accès aux services. Comme l’a déclaré Sharon, elle se concentre sur la collaboration avec les personnes pour les aider à « résoudre les problèmes qu’elles ne pouvaient résoudre par elles-mêmes en leur fournissant du soutien et en leur permettant de créer des liens ».

Sharon a fourni comme exemple une situation où elle a travaillé avec une jeune femme qui a de graves problèmes de santé mentale et de toxicomanie. Cette personne a eu des démêlés avec la justice, habituellement en tant que victime. Cependant, elle a été accusée de voies de fait. Elle a fait des allers-retours dans l’unité psychiatrique et a des problèmes de mémoire. Sharon communique avec son avocat, lui rappelle les dates de comparution et la conduit au tribunal.

Dans un autre cas, Sharon offre du soutien à une personne sourde et muette. Cette personne ne peut communiquer que par écrit ou par le langage des signes. Elle a été victime « son partenaire l’a presque tuée », mais elle l’a ensuite agressé et a été accusée. Toutefois, selon Sharon, il n’y a personne dans le système de justice qui utilise le langage des signes, ce qui rend la communication extrêmement difficile, et fait en sorte que Sharon joue le rôle d’intermédiaire entre l’ancienne victime, maintenant l’accusée, et le système de justice.

Sharon a également mentionné un autre scénario dans lequel elle a fourni du soutien à une victime autochtone qui était censée témoigner dans une affaire d’agression sexuelle notoire. Sharon a rencontré la victime à plusieurs reprises avant le procès. Elle a également trouvé un traducteur pour la victime et l’a accompagnée au tribunal. Étant donné que les accusations initiales ont été retirées, l’avocat voulait s’assurer que la victime ne retirerait pas les accusations une nouvelle fois. Sharon croit que, « parce qu’une personne de soutien était avec elle, elle [la victime] a été capable d’aller de l’avant. Si nous n’étions pas là, je ne suis pas certaine [qu’elle aurait persévéré]. »

Les obstacles et les répercussions personnelles

Sharon mentionne que les gens avec qui elle travaille ont « beaucoup de méfiance ».Lors des audiences du tribunal des loyersNote de bas de page 7, Sharon est assise à côté d’eux et les aide. Ils lui demandent d’assister « non pas parce qu’ils ne savaient pas ce qu’ils faisaient, mais parce qu’ils ne pensaient pas qu’on les croirait ». On lui a dit : « Ils ne me parlent pas comme ça quand tu n’es pas là. »Ils pensent que, sans elle,« le processus est plus menaçant, plus punitif, et on ne les croit pas sur parole ». Sharon fait remarquer que « le fait que quelqu’un soit présent avec eux change la façon dont la conversation se déroule ».

Les défis

Selon Sharon, il serait utile qu’il y ait « quelqu’un pour expliquer les choses. Ce que cela signifie si vous faites ceci ou cela ou si vous ne vous présentez pas. Par exemple, un deuxième défaut de comparution donnera lieu à un mandat ou à une violation. » Elle ajoute que cela permettrait de régler des problèmes s’il y avait au service du logement une personne de soutien « qui peut les aider dans le cadre de l’audience du tribunal des loyers » et qui peut expliquer les répercussions et les droits.

Un autre défi est le traitement des cas de violence familiale et de violence conjugale. Elle dit que, si vous êtes un partenaire intime, des mesures sont en place; « vous pouvez obtenir une ordonnance de protection d’urgence », mais si vous n’êtes pas un partenaire intime, rien ne peut être fait immédiatement. Prenons l’exemple d’un individu qui a des problèmes de santé mentale et de toxicomanie et qui vit avec sa mère. Il commence une relation avec une femme qui a elle aussi des problèmes de toxicomanie. Cela affecte sa mère et sa résidence, mais Sharon ne peut rien faire immédiatement, notamment obtenir une ordonnance de protection d’urgence, parce que la femme n’est pas une « partenaire intime ».

Quelquefois, les délais présentent un défi. « Parfois, nous ne savons pas que la personne est concernée avant de voir le nom au registre de la cour. »Les gens qui connaissent Sharon n’ont pas de problème à communiquer avec elle et à lui parler. Cependant, d’autres sont parfois trop embarrassés, ne lui disent rien au début, puis paniquent.

Melva

Les problèmes

Melva traite d’un éventail de questions, y compris le logement, la protection de l’enfance, l’abus et la violence à la maison, les mauvais traitements envers les personnes âgées et les problèmes de santé mentale. Elle accompagne également les personnes qui ont besoin d’escortes pour avoir accès aux services. Le logement est un problème grave aux T.N.-O., qu’il s’agisse de la grande population itinérante à Yellowknife ou de « beaucoup de personnes qui vivent dans une seule maison dans les petites collectivités ». Melva indique que les problèmes de toxicomanie et de santé mentale représentent aussi des difficultés qu’elle doit souvent traiter.

Parfois, Melva reçoit un appel des ressources communautaires au sujet d’une personne. Elle obtiendra le consentement de la personne et la mettra en contact avec des soutiens communautaires comme les services aux adultes, la santé mentale communautaire, les services aux victimes, la probation ou le Programme de gestion intégrée des cas. Melva souligne qu’elle ne fait pas d’aiguillage sans le consentement de la personne.

Les obstacles et les répercussions personnelles

Melva affirme qu’il est parfois difficile de « les mettre en contact avec des ressources communautaires qui sont insuffisantes dans le Nord ». Une fois de plus, l’un des obstacles qu’elle a mentionnés lorsqu’elle a affaire à des cas de toxicomanie est le manque de ressources communautaires. Il y a le Programme de bien-être des Autochtones de l’Arctique, qu’elle décrit comme étant « fantastique ». Elle a également fait remarquer qu’il y avait un autre programme de traitement sur le terrain qui a commencé récemment et qui est important. Toutefois, compte tenu du nombre limité de soutiens communautaires, les personnes ayant des problèmes de toxicomanie sont envoyées à Edmonton ou en Colombie-Britannique pour recevoir des traitements. Melva souligne que les gens « ne veulent pas quitter le territoire pour recevoir un traitement. Lorsqu’ils apprennent qu’on doit les envoyer ailleurs, ils ne veulent pas suivre un traitement. C’est difficile d’être loin de votre famille. »

Un autre obstacle à l’accès des personnes aux services découle de leurs expériences antérieures dans leur collectivité d’origine; « [ils] n’ont pas eu une bonne expérience ou la personne qui offrait ce service dans la collectivité est un membre de la famille ou un ami ». Compte tenu de la taille de certaines collectivités, il peut y avoir une seule personne de soutien dans la collectivité et cette personne peut ne pas être autochtone, ce qui fait que la personne qui demande des services peut ne pas se sentir à l’aise avec elle. « Le simple fait de s’asseoir dans une pièce où l’autre personne est derrière un bureau et être entre quatre murs, ce n’est pas ce qu’ils veulent. [Ils] veulent un traitement sur le terrain. C’est la rétroaction que je reçois. Le service peut être là, mais il ne répond pas à leurs besoins. »Melva a également expliqué que le gouvernement des T.N.-O. a démontré beaucoup d’efforts pour permettre l’accès aux services par l’entremise « d’applications et de services en ligne que les gens peuvent utiliser et que le gouvernement a financés. Mais il faut ensuite disposer d’un téléphone ou d’un accès à internet, ce qui pose certaines limites aux personnes qui peuvent y accéder. »

Melva croit que le fait de devoir faire face à des problèmes juridiques a été « très difficile pour eux ». Elle mentionne que les personnes « ont de la difficulté à naviguer le système ou à avoir accès aux soutiens […] elles ont de la difficulté à comprendre l’ensemble du système de justice ».Selon Melva, « beaucoup de gens laissent tomber tout simplement, parce qu’ils sont frustrés par tout le processus ». Elle croit qu’ils ont une connaissance limitée du processus judiciaire. Un autre facteur qui complique les choses est que la personne ne comprend pas la langue parlée, qu’il s’agisse du domaine juridique ou médical. Comme elle l’a souligné, nous devons parler « en utilisant des mots qu’une personne ordinaire peut comprendre ».

Les défis

Melva croit qu’il doit y avoir « davantage d’accès à l’aide juridique pour les personnes qui n’ont pas les moyens pour embaucher un avocat ».De plus, les personnes ont besoin de « plus de soutien pour [aider les gens] à naviguer le système », ainsi que davantage de travailleurs sociaux et d’agents de libération conditionnelle. En pensant à la population itinérante, elle a demandé : « Comment se rendent-ils au tribunal, comment se souviennent-ils du jour et de l’heure, est-ce que quelqu’un a pu communiquer avec eux? »

L’un des défis que Melva a relevés était l’échange de renseignements lorsqu’elle devait travailler avec d’autres administrations. Elle a fait remarquer que « si la personne a un agent de libération conditionnelle ou un avocat, nous devons obtenir le consentement pour pouvoir nous parler. Je comprends le raisonnement, mais parfois cela peut être un gros obstacle. La raison d’être de la communication est d’aider cette personne. Si la personne est d’accord, pourquoi y a-t-il tous ces obstacles pour communiquer? » Elle croit que les gens travaillent encore en vase clos et ne collaborent pas dans l’intérêt de la personne.

D. Résumé

Les fournisseurs de services et de soutien ont affaire à des personnes qui ont une gamme de problèmes juridiques graves, dont bon nombre concernent des affaires criminelles. Cependant, il n’est pas surprenant que de nombreux récits qui ont été rapportés correspondent à ce qui a été dit par les personnes métisses interrogées. Encore une fois, les fournisseurs de services parlent de personnes qui sont confuses ou qui ne comprennent pas le système de justice. Les répercussions de la colonisation, des pensionnats et des expériences vécues, y compris la discrimination, ont laissé chez de nombreux peuples autochtones un manque de confiance en eux-mêmes et une méfiance à l’égard du système de justice. Dans les petites collectivités, les victimes de violences familiales hésitent parfois à porter des accusations et à courir le risque de subir des sanctions de la part de la collectivité. Il faut qu’un défenseur des victimes travaille avec celles-ci afin de veiller à ce qu’elles comprennent mieux le système de justice et le processus auquel elles prennent part. Le renforcement de la justice réparatrice est perçu comme une façon moins punitive de traiter les personnes qui ont commis un crime.