Les programmes de participation et de soutien à l'intention des enfants dont les parents se séparent ou divorcent
4. PARTICIPATION DE L'ENFANT
Deux motifs sont invoqués pour que les enfants participent aux décisions en matière de garde et de droit de visite. Il s'agit premièrement d'une question de droit, du fait que les enfants ont le droit de donner leur avis relativement à des décisions qui influeront sur leur vie. Deuxièmement, il s'agit d'une question d'intérêt. La participation des enfants aux décisions en matière de garde et de droit de visite serait dans leur intérêt fondamental soit parce qu'elle aurait des répercussions directes sur eux, soit parce qu'elle influerait sur la qualité des décisions prises.
4.1 Le droit de s'exprimer
La signature en 1989 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant (par ex. : Australian Law Reform Commission, 1997) a amené les gouvernements de divers pays, notamment le Canada, à se montrer plus intéressés à donner aux enfants l'occasion d'être entendus dans les instances judiciaires et administratives et dans les décisions qui influent sur leurs vies. La Convention exige des gouvernements qu'ils fassent en sorte que les enfants qui sont capables de se former une opinion aient le droit d'exprimer librement cette opinion relativement aux questions qui les touchent et de donner cette opinion dans le cadre des instances décisionnelles (p. ex. : Brown 1996a). À cette fin, les enfants doivent avoir l'occasion d'être entendus dans toute instance judiciaire et administrative les concernant, soit directement, soit par l'entremise d'un représentant ou d'un organisme compétent. Le Canada, l'Australie et le Royaume‑Uni (mais non les États‑Unis) ont ratifié la Convention.
Ceux qui invoquent la primauté du droit inhérent pour soutenir que les enfants doivent pouvoir s'exprimer dans les décisions en matière de garde et de droit de visite ne prétendent pas que les enfants savent toujours quel est leur intérêt, ni que l'expression de leur opinion ne peut jamais leur nuire. Il s'ensuit donc que permettre à un enfant d'avoir voix au chapitre peut, dans certaines situations, être contraire à son intérêt. La plupart des observateurs estiment que les souhaits exprimés par les enfants sont souvent en conflit avec leur intérêt (p. ex. : Austin et al. 1991; Huddart et Ensminger 1995; Brown 1995 1996a).
Les décideurs doivent donc déterminer quand et comment il faut tenir compte des droits des enfants dans une décision en matière de garde et de droit de visite et dans quelles circonstances il convient de passer outre à ce principe, compte tenu de leur intérêt.
4.2 La participation et l'intérêt des enfants
On prétend, deuxièmement, qu'il y va de l'intérêt de l'enfant qu'il participe aux décisions en matière de garde et de droit de visite. Dans la plupart des pays de langue anglaise, notamment le Canada, ces décisions sont régies par le principe de l'intérêt de l'enfant. Dans plusieurs pays, la loi précise qu'en tranchant un litige en matière de garde et de droit de visite, le juge doit tenir compte notamment des désirs de l'enfant.
Les processus traditionnels en matière de garde et de droit de visite permettent aux parents de conclure des ententes au nom de l'enfant. Cette manière de procéder est fondée en partie sur l'hypothèse selon laquelle les parents sont les personnes les mieux placées pour décider de l'intérêt de leur enfant ou, s'ils en sont incapables, les tribunaux peuvent jouer ce r ôle. En 1994‑1995, l'union brisée de 38 p. 100 des couples canadiens séparés et divorcés était régie par une ordonnance judiciaire (10 p. 100 de plus en instance) (équipe sur les pensions alimentaires pour enfants, 2000). Seul un minuscule pourcentage de couples qui divorcent ou se séparent demandent au tribunal de trancher leur litige; la plupart des couples s'entendent avant d'en arriver à l'audience finale. Dans les affaires qui ne sont pas tranchées par les tribunaux, les parents concluent eux-mêmes un accord ou le font avec l'aide d'avocats ou de médiateurs.
La plupart des observateurs et des chercheurs doutent que les parents ou les tribunaux savent toujours o ù est l'intérêt de l'enfant.
4.2.1 Capacité des parents d'évaluer l'intérêt de l'enfant
Comme il est mentionné à la section 1, la capacité de nombreux parents de répondre aux besoins de leur enfant ou de communiquer avec lui diminue pendant la période de la séparation et du divorce. Par conséquent, souvent les chercheurs et les observateurs doutent que les décisions que prennent les parents pendant cette période soient toujours fondées sur l'intérêt de l'enfant tel qu'ils le con çoivent. L'augmentation fulgurante du nombre de programmes d'éducation des parents reflète ce scepticisme.
Le problème est exacerbé par la tendance du système judiciaire à tenir pour acquis que l'intérêt de l'enfant est naturellement le même que celui de ses parents (L'Heureux-Dubé 1998), et à accepter sans sourciller que les processus judiciaires et les ententes conclues par les parents qui sont conformes aux désirs des parents sont dans l'intérêt des enfants. La recherche renferme plusieurs exemples d'accords entre les parents qui ne tiennent pas compte des besoins de jeunes enfants tant du point de vue des émotions que du développement, mais qui répondent à tous les besoins des parents. Cette situation peut tout aussi bien se produire lorsque les parents concluent facilement un accord à l'amiable que lorsque l'accord est conclu dans le cadre de graves conflits. Des exemples comprennent un accord selon lequel l'enfant passe une année avec chaque parent ou des bébés passent plusieurs mois avec un parent puis avec l'autre (p. ex. : Wallerstein 1986‑1987; Beck et Bianck 1997).
Un accord entre les parents qui est efficace lorsque les enfants sont jeunes ne fonctionne pas toujours très bien quand les enfants atteignent l'adolescence, lorsque les intérêts des parents et des enfants ne sont plus les mêmes (p. ex. : Wallerstein 1986-1987). Le père et la mère passent moins de temps avec leurs enfants au fur et à mesure que ceux-ci vieillissent (Thompson 1986, cité dans Nord et Zill 1996), en partie du moins parce que les enfants ont d'autres intérêts (Wallerstein et Lewis 1998). Néanmoins, certains parents continuent à appliquer d'une manière rigide les accords originaux en matière de garde et de droit de visite (parce que ces accords leur conviennent toujours) au prix de l'évolution émotionnelle et sociale de l'adolescent. L'étude longitudinale effectuée en Californie a révélé que les enfants avaient l'impression qu'on leur imposait le silence et qu'ils étaient forcés de se conformer strictement à l'accord original. Cette situation est devenue une question importante pour ces adolescents, particulièrement pendant la période des vacances (p. ex. : Wallerstein et Lewis 1998).
Les chercheurs ont également constaté qu'aucun des enfants qui avaient été obligés de voir leur père (en vertu d'une ordonnance du tribunal appliquée strictement ou d'un accord parental non modifié) avaient de bons rapports avec lui à l' âge adulte. Le fait de ne pas tenir compte de l'opinion des enfants et plus particulièrement de ne pas permettre que les préférences des enfants plus âgés jouent un r ôle continu dans les accords de garde et de droit de visite pourrait nuire à leur bien‑être en tant qu'adultes d'une manière autre que celle habituellement décelée par la recherche sur les résultats.
Les problèmes mentionnés semblent suffisamment fréquents pour conclure que même les parents qui collaborent à l'éducation de leurs enfants après la séparation et sont très peu en conflit n'agissent pas toujours dans l'intérêt de leurs enfants et ne sont pas toujours conscients de cet intérêt. Même les chercheurs qui prétendent que la plupart des parents (et les tribunaux) croient sincèrement qu'ils agissent dans l'intérêt de l'enfant estiment également que, néanmoins, les parents et l'État tendent à réagir de manière à protéger les intérêts des adultes (voir les citations dans L'Heureux-Dubé 1998).
4.2.2 Capacité du tribunal d'évaluer l'intérêt de l'enfant
Certains observateurs, notamment les juges, sont également sceptiques quant à la capacité du tribunal de déterminer l'intérêt de l'enfant (L'Heureux-Dubé 1998; Brown 1996). Les études révèlent que les juges tendent à fonder leurs décisions sur les qualités des parents en tant que personnes plut ôt que sur la qualité de la relation parents‑enfant lorsqu'ils rendent des décisions en matière d'accès et de droit de visite (cité dans Brown 1996; L'Heureux-Dubé 1998). Une étude (certes un peu désuète) effectuée en 1982 auprès de juges et commissaires américains révèle que les juges fondent leur décision principalement sur la stabilité mentale et le sens des responsabilités familiales des parents. En outre, ils appliquent des critères différents pour évaluer la mère et le père sur le plan moral : le père a des carences du point de vue moral s'il ne subvient pas aux besoins de sa famille ou s'il maltraite ses enfants et la mère, si elle commet l'adultère ou s'adonne à la prostitution (Settle et Lowery 1982, cité dans Brown 1996a). Une étude subséquente auprès de psychologues et de travailleurs sociaux a révélé qu'ils appliquaient le plus souvent le même critère sauf qu'ils accordaient moins d'importance au rapport biologique et à la préservation du lien entre un jeune enfant et sa mère (Lowery 1985, cité dans Brown 1996a).
Une autre étude de peu d'envergure effectuée par des évaluateurs canadiens en matière de garde a révélé que les trois principaux critères étaient l'attachement de l'enfant envers son parent, les désirs de l'enfant et la nécessité d'assurer la continuité des soins (Parry et al. 1986, cité dans Brown 1996a).
De nombreux indices montrent que les enfants, eux aussi, sont souvent mécontents des décisions des juges (p. ex. : Lyon et al. 1998; Wallerstein et Kelly 1980, cités dans L'Heureux-Dubé 1998). Par exemple, l'étude californienne longitudinale a révélé que les décisions des tribunaux étaient rarement celles que voulaient les enfants.
Les observateurs en viennent à la conclusion que si on permet aux enfants de s'exprimer dans les audiences en matière de garde et de droit de visite, les tribunaux ainsi que les parents pourront prendre des décisions qui sont davantage dans l'intérêt de l'enfant (p. ex. : L'Heureux-Dubé 1998).
4.2.3 Participation et adaptation à long terme des enfants
Une certaine recherche montre qu'en tenant compte du désir des enfants dans les décisions qui réglementent leur vie, notamment les décisions des tribunaux en matière de droit de visite et de garde, on contribue directement à leur bien-être et à leur adaptation et par conséquent, on défend leur intérêt.
La recherche sur le développement des enfants laisse à penser que l'estime de soi, la compétence, l'auto‑efficacité et la connaissance de soi contribuent sensiblement au développement de la capacité de l'enfant de résister. Les personnes qui font de la recherche sur la résistance prétendent que, pour favoriser un moi psychologique sain essentiel pour pouvoir résister, et pour le garder, l'enfant doit avoir le sentiment qu'il exerce un contr ôle sur sa vie et qu'il est capable d'agir pour lui-même, particulièrement dans les périodes importantes de transition. La résistance exige plus qu'une simple acceptation passive (Rutter 1989, cité dans Family Law Council of Australia 1996). Le Family Law Council d'Australie a récemment cité ce genre d'avantages en demandant que l'on tienne compte davantage de l'opinion des enfants dans toute décision en matière de garde et de droit de visite (Family Law Council of Australia 1996).
4.3 Quand et comment l'enfant doit-il participer
Puisqu'il y va de l'intérêt de l'enfant d'exprimer son opinion, les spécialistes en orientations politiques doivent en priorité déterminer quand et comment il faut faire participer les enfants aux décisions en matière de garde et de droit de visite. La documentation propose quatre moyens. Premièrement, les désirs et les préférences de l'enfant peuvent être déterminants. Deuxièmement, leurs désirs et préférences peuvent influer directement sur les décisions. Troisièmement, les besoins et les intérêts exprimés par les enfants constituent la base ou le fondement des décisions prises en matière de garde et de droit de visite. Quatrièmement, les enfants sont continuellement informés et les décisions et les événements, de même que leurs répercussions, leur sont clairement expliqués.
Lorsqu'il s'agit d'enfants plus âgés, il est surtout question des deux premiers moyens mentionnés. Les enfants plus âgés, particulièrement les adolescents, veulent exprimer leurs désirs et très souvent, ils veulent qu'on respecte ces désirs. La discussion concernant ces derniers porte en grande partie sur l' âge auquel leurs désirs doivent être traités comme ceux d'un adulte, c'est‑à‑dire être déterminants, ou sur les critères à respecter avant que ce soit le cas. Le problème le plus urgent consiste à déterminer quand le tribunal devrait ne pas tenir compte des désirs d'un enfant lorsque ces désirs sont manifestement contraires à son intérêt. Il s'agit en grande partie d'une question de politique et de pratique judiciaire. À l'heure actuelle, les tribunaux accordent beaucoup d'importance au choix des enfants de 14 ans et plus en matière de garde et apparemment, on commence à accorder plus de poids aux préférences des enfants plus jeunes (Brown 1996).
Lorsqu'il s'agit d'enfants plus jeunes, ce sont surtout les deux derniers moyens mentionnés plus haut qui entrent en jeu. Bien des éléments permettent de dire que les enfants ne veulent pas prendre les décisions importantes concernant le parent avec qui ils vont vivre et la fréquence à laquelle ils verront leur autre parent (p. ex. : Huddart et Ensminger 1995; L'Heureux-Dubé 1998; Pruett 1999). Il se peut qu'un enfant s'intéresse davantage à des questions moins importantes, par exemple, s'il est obligé de se rendre à la partie de football tous les samedis avec son père.
Il semble plus difficile d'obtenir que les jeunes enfants expriment leurs désirs et préférences relativement à des questions plus importantes. Il est peu probable que les jeunes enfants puissent exprimer leurs préférences spontanément et logiquement comme nous le verrons dans la section qui suit. Peu d'observateurs semblent dire que l'opinion de l'enfant devrait toujours être déterminante parce que c'est une question de principe, que l'enfant soit plus jeune ou plus âgé (p. ex. : Huddart et Ensminger 1995; L'Heureux-Dubé 1998; Brown 1996).
Il est clair cependant que les enfants veulent que leurs parents reconnaissent leurs besoins et leurs intérêts et qu'ils en tiennent compte dans les décisions concernant la garde et le droit de visite. Quant aux responsables des orientations politiques, ils doivent surtout se demander comment permettre aux jeunes enfants de participer aux instances de manière à ce que les décisions prises tiennent compte de leur intérêt et soient le moins possible susceptibles de leur causer du tort. Le tort causé à un enfant peut aller de la vengeance d'un parent jusqu'au fait que l'enfant sente qu'il prend seul les décisions et qu'il a la responsabilité de voir à ce que tout se passe bien. Les questions stratégiques précises consistent notamment à déterminer si l'enfant doit participer directement aux procédures (et, si oui, à quelles procédures) et quand il doit le faire. Il faut également déterminer si et quand il doit être entendu indirectement, par l'entremise d'un tiers neutre, notamment un médiateur, un évaluateur de garde ou un témoin expert ou tout autre tiers jouant le r ôle de défenseur des intérêts de l'enfant.
Puisque les jeunes enfants ont du mal à s'exprimer, il faut également décider dans quel type de décisions et de délibérations il faut tenir compte de leur opinion.
Une étude des moyens par lesquels il serait possible de tenir compte de l'opinion des enfants dans les audiences au Canada — p. ex. : témoignage direct, entrevues judiciaires, participation à l'instance en tant que partie ayant la capacité légale ou par l'entremise d'un avocat chargé de représenter l'intérêt de l'enfant — vient d'être achevée (Bessner 2002). À la section 5, nous examinons comment obtenir l'opinion des enfants dans toute procédure préalable ou à l'extérieur de la salle d'audience (notamment la préparation des évaluations de garde) dont le tribunal tiendra compte dans sa décision.
4.4 Capacité des enfants d'exprimer leurs besoins et leurs désirs
Les arguments fondés sur le droit des enfants, de même que ceux fondés sur leur intérêt, tiennent pour acquis que les enfants sont capables d'exprimer leurs besoins ou leurs désirs d'une manière authentique et rationnelle. S'ils en sont incapables, on pourrait prétendre qu'ils n'ont pas le droit d'être entendus puisque ce qu'ils diraient ne serait pas très utile aux fins de déterminer leur intérêt.
La rationalité est la capacité d'avoir des préférences rationnelles ou plus précisément, d'avoir des préférences qui sont conformes aux critères applicables aux personnes rationnelles et autonomes, normalement des adultes. L'authenticité est la capacité d'exprimer des préférences ou des besoins réels dans des situations o ù l'enfant est aux prises avec un conflit de loyauté déchirant ou quand il tente de calmer les autorités et ses parents et de leur plaire.
4.4.1 Rationalité
Certaines études montrent que les enfants peuvent avoir des préférences et des désirs raisonnables qui témoignent d'une pensée rationnelle (par ex. : analyse des risques et avantages futurs). Une étude effectuée auprès d'enfants de 9 à 14 ans de familles intactes a révélé que si on leur présente deux problèmes de garde et qu'on leur demande de décider en indiquant leurs préférences et leurs motifs, les motifs et préférences invoqués ressemblent beaucoup aux facteurs énumérés dans les dispositions législatives américaines actuelles (Garrison 1991, cité dans Brown 1996). Les juges à qui on a demandé de trancher les mêmes situations ont accordé une importance moyenne aux motifs invoqués par les enfants. La recherche montre également que les enfants se souviennent de plus de choses que ce qu'ils disent. Il a été démontré que l' âge de l'enfant influe sur la quantité de souvenirs, mais non sur leur exactitude (voir les citations dans Brown, 1996). Toutefois, en règle générale, les enfants sont confus quand on leur pose des questions directes, et les questions qui appellent un « oui » ou un « non » sont les plus difficiles (voir les citations dans Brown, 1996). D'autres études laissent à penser que la capacité des enfants d'analyser rationnellement une question est très limitée (voir p. ex. : Bowen 1998).
Selon la recherche, la capacité d'un enfant de réfléchir d'une manière rationnelle a ses limites, mais il n'en découle pas qu'il faut pour autant faire fi de ses préférences. Même si les désirs exprimés par un enfant ne sont pas le fruit de la pensée logique que nous attribuons aux adultes, il n'y a peut‑être aucune raison de ne pas accorder beaucoup de poids, voire un poids déterminant à ses désirs quand ils ne sont pas contraires à son intérêt ou qu'ils ne lui causeront aucun tort. Les préoccupations concernant la rationalité de l'enfant surviennent principalement dans des discussions concernant le poids qu'il faut accorder à ses désirs et à ses préférences.
4.4.2 Authenticité
La plupart des praticiens et des fournisseurs de services se préoccupent surtout de savoir si un enfant est capable d'exprimer ses préférences réelles en matière de garde et de droit de visite (Brown 1996; Austin et al. 1991). Le principe de l'intérêt de l'enfant s'inscrit dans l'objectif plus large qui est de diminuer le nombre d'audiences contradictoires. Cependant, on semble largement s'entendre sur le fait que les enfants sont souvent manipulés ou pressés par les parents, qu'on les rend (ou qu'ils se sentent) responsables de leurs parents, et qu'ils sont souvent déchirés entre les deux parents au point o ù il leur est extrêmement difficile de dire ce qu'ils veulent, et même de le savoir eux‑mêmes (p. ex. : Austin et al. 1991).
Les préoccupations concernant l'authenticité visent tout autant la capacité d'un enfant d'indiquer ses besoins et ses intérêts, que sa capacité d'exprimer ses préférences. Toutefois, nombre de personnes sont d'avis que si les conditions sont bonnes, les enfants sont capables de préciser quels sont leurs besoins et leurs intérêts dès leur très jeune âge (p. ex. : citations de Wallerstein dans L'Heureux-Dubé 1998; Brown 1996). En règle générale, ces conditions ne sont pas présentes dans une salle d'audience. Elles sont notamment le fait d'être interviewé par des personnes qui savent écouter et qui comprennent bien le processus de développement des enfants et le contexte plus large de la situation familiale (Brown 1996). Les compétences et les connaissances demeurent les mêmes dans le cas d'enfants plus jeunes et de plus, il faut pouvoir interpréter tant le comportement que les paroles (Brown 1996).
Compte tenu des pressions, notamment parentales, exercées sur les enfants lorsqu'il y a un litige en matière de garde ou de droit de visite, la plupart des praticiens et des chercheurs sont prudents quand il s'agit d'affirmer qu'un enfant a exprimé sa véritable opinion dans une décision en matière de garde et de droit de visite (p. ex. : Austin et al. 1991; Brown 1996). Pour la plupart des praticiens et des chercheurs, les difficultés liées à la détermination de l'authenticité et de la rationalité ne doivent pas entraver l'expression des enfants dans le processus décisionnel en matière de garde et de droit de visite. Toutefois, comme le montre l'analyse à la section 5, beaucoup estiment néanmoins que ces problèmes limitent la participation des enfants et l'importance qu'il faut accorder à leur opinion.
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