Les programmes de participation et de soutien à l'intention des enfants dont les parents se séparent ou divorcent
5. PARTICIPATION DE L'ENFANT AUX INSTANCES EN MATIÈRE DE GARDE ET DE DROIT DE VISITE
Chaque année, un peu plus de 67 000 couples canadiens divorcent et 50 p. 100 d'entre eux ont des enfants à charge (équipe sur les pensions alimentaires pour enfants 2000). En outre, des milliers de couples en union libre se séparent annuellement et bon nombre d'entre eux ont également des enfants. Environ la moitié des couples qui divorcent ou qui se séparent au Canada disposent d'une ordonnance judiciaire précisant les modalités de garde et de droit de visite après la séparation (Marcil-Gratton et Le Bourdais 1999), tandis que les autres ont sans doute des ententes formelles conclues avec l'aide d'avocats ou encore des ententes informelles. Les programmes et les instances judiciaires qui aident les familles qui se séparent ou qui divorcent à résoudre des litiges en matière de garde et de droit de visite influent donc sur la vie de plusieurs milliers d'enfants canadiens chaque année.
5.1 La procédure judiciaire dans les litiges en matière de garde ou de droit de visite
Il est rare que les litiges qui opposent les couples qui se séparent ou qui divorcent et qui font appel au système judiciaire canadien aux fins de régler les questions de garde et de droit de visite soient tranchés par un juge. La plupart des couples soit en arrivent eux-mêmes à un accord, soit concluent un accord avec l'aide de médiateurs ou de conseillers. Bien des couples qui parviennent à s'entendre le font rapidement. Presque tous ceux qui n'arrivent pas à s'entendre pendant le processus de médiation ou qui ne font pas appel au processus de médiation en arrivent à un accord avant l'audience finale, souvent lorsque l'évaluation en matière de garde est terminée et que le couple a accepté les recommandations, quelquefois avec l'aide d'autres intervenants dans le cadre du programme judiciaire.
L'opinion des enfants peut être entendue à plusieurs étapes pendant le litige. Les deux étapes les plus importantes sont la médiation ou la conciliation et la préparation de l'évaluation en matière de garde (appelées étude familiale ou évaluation familiale dans certaines administrations) puisque ces renseignements aident le juge à rendre une décision. Il existe parfois d'autres programmes pour les cas plus difficiles (p. ex. : les programmes du Bureau de l'avocat des enfants de l'Ontario mentionnés plus loin) qui aident les familles à conclure une entente avant l'audience finale.
Les enfants peuvent également s'exprimer devant le tribunal soit directement, en tant que partie représentée par un avocat qui agit conformément à leurs instructions, soit par l'entremise d'un avocat ou d'un autre représentant juridique qui a pour mandat de défendre leurs intérêts et de donner des renseignements concernant leurs besoins et intérêts qui ne seraient pas pris en compte autrement. (Toutefois, la présente section traite principalement de la possibilité de faire participer les enfants aux programmes et aux procédures à l'extérieur de la salle d'audience.) Dans certaines administrations, les enfants peuvent également se faire entendre par des représentants non spécialistes mais, comme il est mentionné ci‑dessus, le présent rapport n'examine pas cette possibilité.
La plupart des lois fédérales et provinciales canadiennes permettent aux enfants de participer aux instances en matière de garde et de droit de visite même si elles ne le prévoient pas explicitement. Le Québec est une exception : le Code civil exige que les tribunaux donnent aux enfants l'occasion d'être entendus si leur âge et leur pouvoir de discernement le permettent (L'Heureux-Dubé 1998; Bessner 2001).
La plupart des autres pays de langue anglaise permettent, mais ne prévoient pas explicitement la participation des enfants. L'Écosse fait exception. La Children Act 1995 exige que les enfants aient leur mot à dire dans le processus décisionnel concernant les questions de garde et de droit de visite. Les parents qui ont déposé un bref de garde et de droit de visite (présentation et demande) doivent « réclamer » (demander) qu'un avis soit envoyé à chacun de leurs enfants leur demandant s'ils veulent donner leur opinion au shérif sur la question. Puis, le tribunal accueille ou rejette la demande. Les parents qui ne veulent pas que leurs enfants participent doivent réclamer qu'aucun avis ne soit envoyé (Samuel 1999).
Les provinces canadiennes qui n'ont adopté aucune disposition législative précise peuvent néanmoins faire participer les enfants au processus décisionnel en matière de garde et de droit de visite au moyen de procédures et de programmes précis. Toutefois, les parents contr ôlent souvent leur participation. On trouvera, à l'annexe B, une description des moyens par lesquels les provinces et les territoires du Canada tiennent compte de l'opinion des enfants dans ces types de procédures.
5.2 Participation des enfants aux processus de médiation et de counseling
La plupart des pays de langue anglaise ont adopté ou vont adopter des programmes de counseling, de médiation ou d'arbitrage pour aider les parents à résoudre les litiges en matière de garde et de droit de visite avant l'audience finale. Les tribunaux de plusieurs provinces canadiennes offrent maintenant la médiation et la conciliation aux parents qui se séparent ou qui divorcent.
La médiation vise essentiellement la conclusion d'un accord entre les parties tandis que le counseling (non thérapeutique) fait usage à la fois de techniques susceptibles de favoriser un changement de comportement chez les parents et de techniques favorisant un accord (Nicholson 1994). Toutefois, la distinction peut s'avérer subtile et le tribunal de la famille d'Australie a récemment renommé « services de médiation » ses services de counseling et de conciliation.
Nous ne savons pas combien de parents canadiens ont recours au counseling ou à la médiation pour régler des questions de garde ou de droit de visite. Dans son rapport, le tribunal fédéral de la famille d'Australie mentionne que 95 p. 100 des familles en litige sur des questions de garde et de droit de visite s'entendent avant l'audience finale et que 75 p. 100 d'entre elles s'entendent pendant les processus de conciliation ou de médiation qu'offrent tous les tribunaux (Australian Law Reform Commission 1997).
Les parents peuvent avoir recours à la médiation pour conclure un accord concernant la garde et le droit de visite au moment du divorce et de la séparation, pour modifier un accord existant ou pour résoudre d'autres questions relatives au droit de visite, notamment le refus de permettre l'exercice du droit de visite ou la violation des conditions de visite. Les parents peuvent utiliser la médiation pour des questions précises ou pour résoudre ensemble toutes les questions qui ont rapport à leur r ôle de parent après la séparation (médiation globale).
Les fonctionnaires des cours provinciales s'entendent pour dire que ce n'est qu'à l'occasion que les médiateurs font participer les enfants au processus de médiation rattaché au tribunal. Lorsque les enfants participent, ils sont souvent plus âgés (12 ans et plus). Leur participation varie toutefois selon le médiateur. Une récente étude a révélé que 87 des 250 médiateurs en pratique privée qui s'occupent principalement de médiation familiale ne font pas participer les enfants au processus de médiation. Vingt‑huit médiateurs ont dit que l'examen des sentiments des enfants directement avec eux faisait partie de la stratégie qu'ils appliquaient pendant le processus de médiation et 30 ont dit utiliser une stratégie qui prévoyait des rencontres avec les enfants (Kruk 1998). Nous ignorons la fréquence d'utilisation de ces stratégies.
La province de Québec envisage d'accroître le financement accordé pour ses services gratuits de médiation afin d'inclure des rencontres entre les médiateurs et les enfants seuls. À l'heure actuelle, la province ne finance que les rencontres entre les médiateurs et les parents ou entre les parents et les enfants (Tanguay, communication personnelle, voir l'annexe D).
5.2.1 Participation des enfants dans d'autres pays
Les praticiens d'autres pays font eux aussi rarement participer les enfants au processus de médiation. Par exemple, les services de conciliation familiale d'Écosse ont fait participer les enfants dans 20 p. 100 de leurs 186 dossiers de médiation entre 1986 et 1988, même si la politique établie prévoyait leur participation chaque fois que c'était possible (Garwood 1990). À la fin des années 1990, la plupart des enfants ne participaient toujours pas au processus de médiation en Écosse malgré l'adoption de la Children Act 1995 etmême si les chercheurs avaient prédit que la situation serait différente quand la loi serait appliquée davantage (Lewis 1999). L'étude des conciliateurs de Lothian (Garwood 1990) a révélé que tous les enfants qui avaient participé au processus de médiation avaient rencontré les médiateurs séparément (les frères et sœurs étaient rencontrés ensemble). Vingt pour cent des enfants avaient également participé à une entrevue familiale avec les parents et le médiateur.
Une étude menée plus t ôt en Angleterre (Ogus 1989, cité dans Garwood 1990) a révélé qu'encore moins d'enfants d'Angleterre et du pays de Galles participaient au processus de conciliation. Ils n'ont participé qu'à 13 p. 100 des processus de conciliation qui n'étaient pas rattachés aux tribunaux et à 15 p. 100 de ceux rattachés aux tribunaux. Un sondage effectué au hasard auprès de médiateurs privés d'Australie au cours de la première partie de l'année 1997 a révélé que les enfants n'avaient participé directement qu'à 11 p. 100 des processus de médiation dont avaient bénéficié les familles comptant des enfants. (Strategic Partners 1999). Toutefois, la moitié des 70 conseillers du tribunal de la famille interviewés ont dit qu'ils faisaient participer les enfants plus de 25 p. 100 du temps.
Une étude antérieure auprès de médiateurs privés en Californie est arrivée à des conclusions semblables. L'étude permet également de mieux comprendre quels enfants avaient participé au processus et comment ils avaient participé (Paquin 1988). La moitié des 124 médiateurs ont dit qu'ils ne faisaient jamais participer les enfants d' âge préscolaire, mais 90 p. 100 d'entre eux faisaient participer les enfants d' âge scolaire; tous étaient d'avis que les adolescents devaient participer. En pratique, les médiateurs font habituellement participer les adolescents, notamment si les parents ne s'entendent pas sur les sentiments ou les besoins de l'adolescent, si ce dernier le demandait ou si la médiation en était à une impasse. Ils faisaient participer les enfants d' âge préscolaire surtout lorsqu'ils craignaient ou soup çonnaient que les parents négligeaient ou maltraitaient leurs enfants, lorsque l'enfant avait peur de son père ou de sa mère ou s'il était très stressé. En règle générale, ils faisaient participer les enfants d' âge scolaire lorsque les parents ne s'entendaient pas du tout ou s'ils s'étaient entendus pour permettre à l'enfant de participer à certaines décisions.
5.2.2 Moyens de faire participer des enfants au processus de médiation
Les enfants peuvent participer à la médiation de diverses fa çons (Saposnek 1991). Ils peuvent être présents pendant le processus, soit à toutes les séances, soit à l'occasion. Comme dans l'étude écossaise, les enfants peuvent rencontrer le médiateur séparément et ce dernier peut transmettre leurs préoccupations et leurs intérêts à la table de négociation en leur nom. Les médiateurs californiens rencontraient plus souvent seuls les enfants plus âgés; ils étaient également plus susceptibles de rencontrer les enfants d' âge préscolaire seuls ou avec leurs père et mère (Paquin 1988). Dans un processus de médiation indirecte, l'enfant rencontre le médiateur au début de la médiation ou plus tard. La participation directe et indirecte permet de tenir compte des intérêts et des besoins pendant le processus de médiation, si on suppose que le médiateur transmet fidèlement l'opinion des enfants. Bien entendu, la participation directe des enfants au processus de médiation en fait des participants potentiels aux délibérations.
Les enfants peuvent participer à la médiation d'autres fa çons. On peut les amener à la salle de médiation quand un accord a été conclu. Le médiateur et les parents peuvent dire ce qui a été décidé et obtenir leur consentement.
Comme il est indiqué à la section 2, les programmes qui ont pour objet d'aider les enfants à s'adapter à la séparation et au divorce peuvent être rattachés à un processus de médiation. Le cas échéant, la médiation a comme second objectif d'incorporer les besoins et les intérêts des enfants pendant les délibérations (comme dans le programme Confidences des Centres jeunesse de Montréal ou le programme Giving Children Hope du Family Centre de Winnipeg). Ces programmes offrent aux enfants un moyen sécuritaire de participer. Les enfants seront également plus enclins à être réceptifs au médiateur si leur rencontre se produit à la fin d'un programme qui a pour objet de les aider à exprimer leurs sentiments et d'atténuer leur souffrance.
5.2.3 Arguments relatifs à la participation des enfants au processus de médiation
Les chercheurs et les praticiens ne sont pas du tout d'accord sur la question de savoir s'il faut faire participer les enfants aux processus de médiation et de conciliation. Une des difficultés découle du fait que les intervenants ne font pas toujours la distinction entre les diverses fa çons d'inclure les enfants. Ils peuvent dire qu'ils s'y opposent, mais en réalité, ils ne font qu'appuyer ou rejeter certaines mesures d'inclusion.
Les chercheurs et les praticiens qui sont favorables à la participation des enfants disent qu'elle est bénéfique pour l'enfant, qu'elle aide les parents à se centrer sur l'intérêt de l'enfant, que les parents comprennent mieux globalement les sentiments et les désirs de leur enfant, qu'elle favorise la conclusion de meilleurs accords concernant les enfants et le respect de ces accords par les parents (Drapkin et Bienenfeld 1985, Landau 1990, et Saposnek 1983, cité dans Saposnek 1991; Brown 1995). Les supposés avantages comprennent :
- l'enfant peut communiquer ses véritables sentiments au médiateur, sentiments qu'il ne peut pas toujours ou ne veut pas révéler à ses parents;
- le médiateur joue le r ôle de confident neutre pendant que les parents de l'enfant se livrent bataille, ce qui peut atténuer les craintes et l'anxiété de l'enfant et lui donner le sentiment que quelqu'un se soucie de lui;
- l'enfant a l'impression qu'il peut participer davantage et qu'il a un certain contr ôle, même limité, à un moment o ù toute sa vie est chamboulée;
- l'enfant est plus en mesure de faire face à ses propres sentiments en parlant de ses préoccupations et intérêts;
- l'enfant est souvent confus et le fait d'apprendre le contenu des accords de ses parents peut l'aider;
- l'enfant est plus en mesure de s'adapter au changement s'il en connaît les raisons et s'il les comprend;
- les parents sont encouragés à tenir compte de l'autonomie grandissante de leur enfant adolescent et de sa capacité d'organiser sa propre vie.
Certains partisans soutiennent également qu'il faut inclure les enfants parce qu'ils ont le droit de savoir (Brown 1995).
Il est évident que les enfants peuvent retirer la plupart des avantages énumérés ci-dessus s'ils rencontrent le médiateur séparément plut ôt que de participer directement aux discussions. Toutefois, certains chercheurs prétendent que les enfants ont besoin d'être présents à la table pour forcer leurs parents à mettre de c ôté leur propre sentiment d'injustice et à se concentrer sur la résolution de problèmes afin d'aider leurs enfants (par ex. : Saposnek 1983, cité dans Saposnek 1991; Paquin 1988). Ces chercheurs sont fermement convaincus qu'il faut absolument que les enfants participent au processus de médiation quand la situation est très conflictuelle et que les parents font face à une impasse à cause des sentiments d'hostilité qu'ils ressentent l'un envers l'autre. Ils disent que l'exposition momentanée des enfants à l'intensité du conflit vaut la peine compte tenu des avantages à long terme d'un accord équitable et d'une atténuation du conflit qui s'ensuit (Paquin 1988).
D'autres chercheurs et praticiens habituellement favorables à la participation des enfants disent qu'il faut les exclure lorsqu'ils sont susceptibles de se sentir responsables du règlement des différends entre leurs parents. Toutefois, il semble y avoir peu de recherche sur la question de savoir si la participation directe des enfants est toujours susceptible de les faire se sentir responsables ou sur les effets à long terme de la participation directe (McKenzie, communication personnelle). De nombreux experts semblent croire que la participation directe des enfants n'est pas à conseiller dans la plupart des cas à cause du fardeau imposé aux enfants (Kruk, McKenzie, communication personnelle, voir l'annexe D; voir également Brown, 1995).
Compte tenu des risques que comporte la participation directe des enfants, il a été proposé que les parents et le médiateur décident ensemble, dès le début du processus de médiation, de s'entendre sur le r ôle des enfants et sur le comportement des parents eux-mêmes au cours du processus (Austin et al. 1991). Puis, le médiateur peut utiliser son discernement pour déterminer, en tenant en compte de cette rencontre, les risques que présente l'inclusion des enfants. La rencontre peut également permettre de demander aux parents de s'engager à réagir plus positivement face à leurs enfants si ces derniers participent.
Certains chercheurs estiment que les enfants ne devraient participer qu'à un nombre limité de séances (Austin et al. 1991). Les chercheurs sont davantage enclins à permettre aux adolescents qui veulent s'exprimer pendant le processus de médiation d'y participer, mais ils disent que les médiateurs doivent se montrer prudents (Kruk, communication personnelle, voir l'annexe D).
Les médiateurs des tribunaux australiens ont dit qu'ils excluraient l'enfant si :
- les parents pouvaient mal utiliser l'information;
- les parents étaient susceptibles de manipuler l'enfant;
- l'un ou l'autre des parents n'étaient pas intéressé à connaître les besoins de l'enfant;
- les parents ne voulaient pas que l'enfant participe ou ne s'entendaient pas sur cette question;
- l'enfant était trop jeune (la limite d' âge variait);
- la participation de l'enfant ne serait pas utile;
- il s'agissait d'un cas d'abus sexuel de l'enfant (Strategic Partners 1999).
Récemment, le procureur général d'Australie a appuyé la participation des enfants au processus de médiation au cas par cas (Australian Law Reform Commission 1997a). Le gouvernement a soutenu que les enfants auraient une image positive de leurs parents s'ils communiquent entre eux, s'ils négocient et concluent une entente, et que les parents seraient plus susceptibles de respecter l'entente (Australian Law Reform Commission 1997a). L'Australian Law Reform Commission a également insisté pour que les enfants participent au processus de médiation et de conciliation s'ils le désirent, et a indiqué qu'il faudrait trouver des moyens d'encourager leur participation (Australian Law Reform Commission 1997).
5.2.4 Les arguments contre la participation des enfants au processus de médiation
Les chercheurs et les praticiens qui s'opposent à la participation des enfants au processus de médiation prétendent que celle-ci nuit aux enfants et sape l'autorité parentale. Voici quelques effet négatifs mentionnés pour ce qui concerne les enfants (Marlow et Sauber 1990, Emery 1994, Meggs 1993, cité dans Brown 1995; (Australian Law Reform Commission 1997a; Strategic Partners 1999; Myers et Wasoff, 2000) :
- on confie à l'enfant la responsabilité de prendre les décisions que ses parents ne sont pas en mesure de prendre;
- il s'agit d'un autre facteur de stress pour l'enfant qui se sent déchiré entre ses deux parents;
- l'enfant est exposé à des représailles de la part de parents dé çus;
- l'enfant est exposé davantage au conflit entre ses parents;
- l'enfant est en position de pouvoir, ce qui peut nuire à la relation parents-enfant;
- l'enfant devient la victime des « abus du système » lorsque des spécialistes lui posent trop de questions;
- l'enfant devient une source de problème lorsque les parents ne veulent pas qu'il participe.
Bien des médiateurs rejettent aussi la participation des enfants parce que, selon eux, il s'agit d'une violation de leur propre neutralité qui irait par conséquent à l'encontre de leur responsabilité professionnelle envers leurs clients, les parents. Lorsque les sentiments, les besoins et les intérêts de l'enfant sont intégrés au processus (ceux‑ci pouvant être contraires aux ententes que les parents tentent de négocier), le médiateur est contraint de défendre l'enfant (Beck et Bianck 1997; Wallerstein 1986-1987). Cette question semble préoccuper davantage les médiateurs privés que ceux nommés par les tribunaux, la t âche de ces derniers étant dictée par le principe de l'intérêt de l'enfant. Néanmoins, certains praticiens prétendent que les médiateurs privés ne manquent pas à leurs obligations en intégrant les préoccupations de l'enfant au processus (p. ex. : Beck et Bianck 1997).
Dans une étude récente, des médiateurs et conseillers australiens ont dit qu'ils hésitaient à inclure les enfants parce qu'ils n'avaient pas la confiance ou l'expertise requise (Strategic Partners 1999). Les médiateurs nommés par les tribunaux voulaient presque tous une formation supplémentaire, même si la moitié d'entre eux possédaient déjà une formation universitaire axée sur les enfants. D'autres experts ont également mis en doute les compétences des médiateurs pour ce qui est de travailler efficacement avec les enfants (p. ex. : Brown 1995; Beck et Bianck 1997; Austin et al. 1991). Habituellement, les jeunes enfants s'expriment en actions plut ôt qu'en paroles; d'ailleurs, il arrive qu'ils ne communiquent pas verbalement ou encore, que ce qu'ils disent puisse être mal interprété. Les praticiens et fournisseurs de services canadiens qui ont été interviewés ont répété qu'il fallait, pour bien interpréter le comportement d'un enfant, beaucoup d'habiletés et une grande connaissance de son développement. En règle générale, les médiateurs n'ont pas acquis ce type de connaissance pendant leur formation.
Nombre de praticiens et de chercheurs ne veulent pas que les enfants participent au processus de médiation, ni indirectement ni directement. Par exemple, l'Association of Social Workers d'Australie a dit à la Law Reform Commission de ce pays qui s'était penchée sur la question de la participation des enfants en matière de garde et de droit de visite que les enfants disaient notamment, pendant les séances de counseling, qu'ils voulaient que leurs parents ne les mêlent pas à leur conflit (Australian Law Reform Commission 1997a).
5.2.5 Recherche sur les effets de la participation indirecte des enfants au processus de médiation
De plus en plus de personnes semblent appuyer la participation indirecte des enfants au processus de médiation. Récemment, des chercheurs australiens ont examiné un programme de participation indirecte dans le cadre de leur récente étude des enfants et de la médiation. Les études effectuées tant sur la pratique en matière de médiation en Écosse avant la réforme que sur le programme pilote en Australie ont exploré les réactions des enfants et des parents à la participation indirecte; cependant, les répercussions à long terme sur les enfants et sur leur situation avec leurs parents ne sont pas encore connues.
La petite étude écossaise a examiné les effets de la participation des enfants au processus de conciliation de leurs parents par des rencontres distinctes avec les conciliateurs (Garwood 1990). La plupart des 186 familles du programme du Lothian Family Services entre 1986 et 1988 ont participé afin de conclure des accords de garde et de droit de visite, mais quelques parents ont participé dans le but de commencer à exercer un droit de visite avant de conclure un accord distinct. Habituellement, l'enfant (ou s'il y avait plus d'un enfant, les frères et sœurs) rencontrait seul le conciliateur au début de la conciliation et le conciliateur transmettait les désirs, les préoccupations et les sentiments de l'enfant aux parents pendant les séances subséquentes avec eux. Quelques conciliateurs ne faisaient participer les enfants qu'aux séances familiales parce qu'ils étaient d'avis que ce serait saper l'autorité parentale que de les rencontrer séparément. Ce sont des aspects précis du droit de visite plut ôt que le droit lui-même qui préoccupaient les enfants, par exemple le fait d'être obligé d'aller à la partie de football avec leur père tous les samedis après‑midi. Quelques enfants voulaient réduire ou limiter le droit de visite.
Un suivi auprès de quelques-unes des familles a révélé que 25 des 28 enfants qui avaient rencontré un conciliateur séparément pendant le processus communiquaient mieux avec leurs parents et étaient davantage en mesure d'exprimer leurs sentiments. Pour plusieurs, l'expérience avait amélioré ou renouvelé leurs contacts avec leurs parents. Les enfants dont les parents n'avaient pas tenu compte de leurs demandes (et s'étaient retrouvés devant les tribunaux) étaient plus susceptibles de dire que l'expérience n'avait pas été utile. Les enfants ont aimé les conciliateurs et les séances (Garwood 1990). Bien des enfants ne savaient pas très bien pourquoi ils avaient rencontré le conciliateur (même si les conciliateurs croyaient qu'ils l'avaient soigneusement expliqué) et certains ont dit qu'ils n'avaient presque rien compris de ce que le conciliateur avait dit. Certains enfants auraient préféré des rencontres individuelles sans la présence de leurs frères et sœurs. Toutefois, aucun des enfants n'a semblé s'inquiéter du fait que leurs parents pouvaient entendre ce qu'ils disaient (cela inquiétait toutefois certains conciliateurs).
Dans l'étude australienne, les chercheurs ont examiné les effets de la participation des enfants à la médiation au moyen d'une séance privée de consultation dans le cadre d'une étude plus large sur la participation des enfants aux processus de counseling et de médiation à l'intention des familles et des enfants (Strategic Partners 1999). Ils ont été obligés de mettre sur pied un projet pilote après avoir constaté que les enfants participaient très peu aux programmes de médiation et de counseling. Le projet pilote était calqué sur le programme de « représentation distincte » du U.S. Center for Families in Transition. La petite étude de Melbourne a révélé que presque tous les 17 enfants qui avaient participé à la séance unique de consultation étaient d'avis que cette expérience avait été positive (McIntosh 2000). Les enfants ont mentionné que les principaux avantages avaient été l'occasion de parler à quelqu'un et d'exprimer leurs sentiments, et le fait que leurs parents avaient pris connaissance de leurs sentiments et désirs. Ils ont mentionné ces avantages même quand leurs parents n'avaient pas donné suite à leurs commentaires. Seulement quatre enfants ont dit que leur participation serait inutile dans certaines situations; il s'agissait d'enfants dont la participation n'avait entraîné aucun changement chez leurs parents ou d'enfants qui ne voulaient pas participer ou qui ne ressentaient pas le besoin de le faire.
Le projet pilote de médiation comprenait quatre séances. Un conseiller pour enfants a interviewé les enfants après la première séance de médiation avec les parents, puis le résultat a été communiqué aux parents pendant la médiation. Les enfants ont été informés que les séances ne pouvaient pas durer plus de 60 à 70 minutes et on leur a dit que leurs parents seraient avisés de la fa çon dont ils semblaient réagir en général aux changements familiaux. On leur a également dit qu'on n'aborderait pas les questions dont les enfants ne voulaient pas parler. Dans les séances avec les parents, le médiateur présentait son évaluation générale de l'impact de la séparation sur l'enfant, les besoins courants de l'enfant, de même que les questions qu'il soulevait.
Presque tous les parents dont les enfants avaient participé à la médiation étaient d'avis que celle‑ci avait été utile à leurs enfants, comparativement à environ 60 p. 100 d'un autre groupe de parents dont les enfants n'avaient pas participé. Les familles participaient à l'étude si les parents et l'enfant avaient accepté de participer, et que les parents étaient disposés, avec l'aide du médiateur, à entendre l'opinion de leur enfant et à en discuter. La plupart des familles vivaient une situation de conflit minime ou moyen, mais deux familles vivaient un conflit très grave. Des parents qui étaient en médiation uniquement pour des questions matérielles ont également participé. Des études antérieures sur les services de médiation de Melbourne et de Sydney (Moloney et al. 1996, 1995, cité dans Strategic Partners 1999) ont révélé que 40 p. 100 des parents de Melbourne qui avaient participé étaient d'avis que leur enfant avait bénéficié de la médiation (processus auquel participaient très rarement les enfants) en ce qu'il y avait eu une amélioration des communications entre les parents ou de meilleurs accords parentaux.
Dans le projet pilote Strategic Partners, les parents dont les enfants avaient participé ont dit que leurs enfants avaient eu l'occasion de se « défouler », d'échanger et de trouver des solutions. Ils ont souvent dit que cette participation avait amélioré les communications entre eux et leurs enfants et que les enfants avaient bénéficié du fait d'avoir réglé des conflits. Plusieurs parents ont déclaré que c'était une bonne chose que leurs enfants puissent parler à quelqu'un de l'extérieur, une personne à qui ils pouvaient parler ouvertement, parce que leurs propres conflits et souffrances étaient grands. Les parents ont également mentionné que la participation à la médiation plut ôt qu'au counseling permettait que l'enfant ne soit pas considéré comme perturbé et lui donnait l'impression que le médiateur cherchait à régler les problèmes tout comme ses parents.
La très grande majorité des médiateurs était favorable à la participation des enfants. Néanmoins, ils avaient certaines réserves dans certains cas, et ils ont dit que le modèle n'était pas efficace lorsque les parents étaient dépassés, lorsque le conflit était très grave, lorsqu'on accordait trop d'importance aux observations de l'enfant ou lorsque les parents ne pouvaient s'entendre sur les accords parentaux.
Les études écossaises et australiennes laissent à penser que la participation indirecte de l'enfant au processus de médiation ne lui cause probablement aucun tort et peut aider les parents à conclure une entente qui tient compte de l'intérêt de l'enfant, tout en améliorant la communication entre les parents et l'enfant. Cependant, en l'absence d'une étude longitudinale de suivi, il est difficile d'évaluer les répercussions à long terme de la participation de ces enfants sur leur bien‑être, sur la durabilité des accords conclus avec leur participation ou de déterminer si ces accords tenaient davantage compte de l'intérêt de l'enfant.
Néanmoins, certains experts demeurent prudents au sujet des entrevues individuelles entre un médiateur et un enfant (Kruk, communication personnelle, annexe D). Les experts insistent pour dire que, lorsqu'un enfant participe à la médiation, il faut lui dire clairement que le médiateur communiquera tout le contenu de la discussion à ses parents et peut-être aux avocats et aux juges (Brown 1996). Néanmoins, même si les conciliateurs étaient convaincus qu'ils avaient expliqué clairement la situation aux enfants, de nombreux enfants de l'étude écossaise, par exemple, ne savaient pas pourquoi ils avaient rencontré le médiateur ni, par conséquent, que leurs paroles seraient transmises à leurs parents au cours du processus de médiation.
À cause de ces problèmes, les experts disent qu'il ne faut pas pousser les enfants quand ils parlent aux médiateurs puisqu'ils pourraient bien en payer le prix plus tard de la part de parents qui voudraient se venger (Brown 1996). En outre, même si les parents ne sont pas présents, il est difficile de connaître les sentiments réels de l'enfant. Les experts semblent s'accorder pour dire qu'il ne faut jamais poser de questions directes aux plus jeunes enfants telles que : « Avec qui veux-tu vivre? »
. En outre, lorsque les enfants expriment une préférence, comme le font habituellement les enfants plus âgés, les experts demandent aux médiateurs (et à d'autres spécialistes qui tentent d'obtenir l'opinion des enfants au cours d'une instance) de tenir compte à la fois des souhaits des enfants et de leur connaissance du contexte familial (Brown 1995, 1996; Austin et al. 1991).
5.2.6 Moment auquel l'enfant doit participer au processus de médiation
Il n'y a aucun consensus sur la question de savoir à quel moment il faut faire participer les enfants au processus de médiation. Les chercheurs disent que leur participation à l'une ou l'autre des étapes, soit le début, le milieu ou la fin du processus entraîne des inconvénients et des avantages (Brown 1995). Si l'enfant participe au début, les parents pourront se centrer dès le départ sur ses besoins, mais selon un expert, cela équivaudrait à « traverser un champ de mines sans avoir d'abord enlevé les mines ou découvert o ù elles se trouvent »
(Brown 1995). Par contre, si le médiateur ne fait participer l'enfant qu'à la fin du processus, pour qu'il donne son avis sur les accords, l'enfant peut ne pas être mêlé au conflit, mais il aura peut‑être aussi l'impression de n'avoir pas réellement été entendu.
5.2.7 Évaluation de l'enfant au cours du processus de médiation
Certains praticiens ont proposé que les médiateurs évaluent l'enfant dans le cadre de la médiation (Beck et Bianck 1997). Ces évaluations seraient effectuées par un thérapeute spécialisé et les renseignements concernant l'état mental et les besoins de l'enfant seraient transmis aux parents par le médiateur. Les praticiens prétendent que demander une évaluation de l'enfant est un moyen efficace de garantir que les décisions prises pendant le processus de médiation seront dans le meilleur intérêt de l'enfant, mais tiennent aussi compte des préoccupations du médiateur en matière de neutralité, de même que du niveau de formation et d'habileté du médiateur dans ses communications avec les enfants.
5.2.8 La médiation et les familles en situation de conflit grave
Comme il a été mentionné, la plupart des chercheurs et praticiens ne sont pas du tout d'accord pour faire participer directement les enfants à la médiation quand les parents ont de graves conflits. Cependant, une minorité d'entre eux y sont favorables. Les spécialistes s'entendent moins sur la question de savoir si la participation indirecte des enfants doit être assurée par des rencontres individuelles avec le médiateur. Quoi qu'il en soit, les enfants des familles conflictuelles sont les plus susceptibles d'être manipulés, d'être tiraillés entre leurs deux parents, voire punis par des parents hostiles, et sont donc plus à risque que les autres enfants, même si leur participation est indirecte.
Comme on a pu le voir à la section 2, les programmes mixtes de thérapie et de médiation à l'intention des parents et des enfants peuvent constituer un moyen s ûr de faire participer les enfants au processus de médiation; les enfants peuvent communiquer leur opinion à leurs parents dans le cadre d'un groupe et les thérapeutes qui sont présents jouent le r ôle de médiateurs dans les échanges avec les parents. Nous l'avons dit, nous n'avons trouvé aucune étude qui évalue précisément les répercussions sur les enfants d'une famille en conflit grave de leur participation aux groupes d'enfants (avec d'autres enfants de parents en situation de conflit grave) ou, indirectement, à la médiation de leurs parents. Les études ont révélé que les parents en tiraient des avantages, particulièrement des aptitudes à résoudre leurs différends et à respecter leurs accords sans s'adresser de nouveau aux tribunaux (voir les citations dans Johnston 1994).
5.3 Participation des enfants à d'autres instances
Mis à part la médiation et la conciliation, un enfant peut exprimer son opinion indirectement dans une décision en matière de garde ou de droit de visite de trois fa çons principales : par une évaluation familiale, par le témoignage d'un témoin expert ou par l'entremise d'un représentant qui lui est propre (Australian Law Reform Commission 1997a). Ces trois méthodes permettent de tenir compte de l'opinion de l'enfant à l'audience, à condition qu'on y ait recours pendant les délibérations. L'enfant lui‑même n'est toutefois pas obligé de participer en tant que partie à l'audience ou témoin (Shear 1996; Australian Law Reform Commission, 1997a). En outre, les évaluations en matière de garde et le r ôle que joue quelquefois l'avocat d'un enfant à l'extérieur de la salle d'audience permettent souvent aux parents de s'entendre au moment de comparaître, évitant ainsi les conflits en salle d'audience qui, selon la plupart des experts, sont sources de stress et nuisent aux enfants (Kruk, communication personnelle, voir l'annexe D; voir également Shear 1996). En outre, il n'est pas du tout certain que le tribunal tienne davantage compte des préférences de l'enfant que les parties à l'extérieur de la salle d'audience (Grassby, communication personnelle, annexe D).
5.3.1 Évaluations des familles (évaluations judiciaires, rapports sur la famille, rapports sur le milieu familial)
Les dispositions législatives fédérales et provinciales canadiennes permettent aux tribunaux d'ordonner l'évaluation des familles et des enfants qui sont en litige pour des questions de garde et de droit de visite (ou autres). Les parents et les avocats peuvent également demander la préparation d'une évaluation judiciaire ou familiale hors cours ou demander au tribunal d'ordonner l'évaluation. Habituellement, une évaluation globale a pour objet d'évaluer les besoins des enfants, de même que la volonté et la capacité des parents de répondre à ces besoins (Austin et al. 1991). Si l'affaire est entendue en audience finale, le rapport est en général présenté au tribunal et le juge l'utilise afin de trancher.
Nous ne savons pas si les tribunaux canadiens ordonnent souvent une évaluation de la famille dans des affaires de garde et de droit de visite, même si toutes les administrations contactées aux fins du présent rapport en font un certain usage (voir l'annexe B). Toutefois, environ 60 p. 100 des dossiers australiens qui avaient été portés à procès comportaient un rapport sur la famille (Australian Law Reform Commission 1997a). Les tribunaux australiens ont également signalé que, lorsque toutes les parties y participent, le rapport sur la famille suscite un règlement rapide avant l'audience finale ou est appliqué par le juge dans 76 p. 100 des cas (Australian Law Reform Commission 1997a). Les fonctionnaires des tribunaux canadiens estiment qu'il suscite ici des taux de règlements aussi élevés et qu'il a une influence aussi grande sur les décisions des juges (Behr, communication personnelle, annexe D). Aux États‑Unis également, les études montrent que les juges appliquent les recommandations de l'évaluation en matière de garde environ 85 p. 100 du temps. Dans 70 à 90 p. 100 des cas, les parties concluent une entente après avoir entendu les recommandations, entente qui est ensuite inscrite comme jugement sur consentement (voir les citations dans Johnston 1994).Note de bas de la page 2
Dans la plupart des administrations, les évaluations sont régies par le principe de l'intérêt de l'enfant. Il ne s'agit pas d'un moyen de transmettre les souhaits et préférences de l'enfant. En règle générale, les évaluateurs sont des parties neutres qui évaluent l'intérêt de l'enfant. Il existe une exception, le Bureau de l'avocat des enfants de l'Ontario, dont les travailleurs sociaux prétendent être les défenseurs de l'intérêt de l'enfant. Ce sont habituellement les travailleurs sociaux, les psychologues, et quelquefois les spécialistes en santé mentale, qui préparent les évaluations. Ces évaluations constituent un témoignage d'experts accessoire ou supplémentaire présenté au tribunal.
D'habitude, l'évaluation globale de la famille comprend une entrevue avec chaque parent et avec l'enfant au domicile familial et elle peut également inclure d'autres entrevues avec l'enfant seul. La plupart des évaluations familiales effectuées pour les tribunaux canadiens sont des évaluations globales familiales (voir l'annexe B).
5.3.1.1 Opinion de l'enfant dans les évaluations familiales
On ne s'entend pas sur la question de savoir si l'évaluation familiale est un moyen efficace de connaître l'opinion de l'enfant. Plusieurs mémoires présentés lors d'une enquête récente de la Australian Law Reform Commission soutenaient par exemple que les évaluations familiales étaient efficaces parce qu'elles permettaient de tenir compte des désirs et des opinions des enfants sans que ces derniers prennent de décisions (Australian Law Reform Commission 1997a). L'évaluation permet aux experts de décider s'il faut présenter l'opinion de l'enfant au tribunal et dans quelle mesure, pour ainsi défendre l'intérêt de l'enfant et le protéger.
Les critiques des évaluations familiales prétendent toutefois qu'il y a trop de possibilités que les préjugés, les expériences, la formation et les valeurs de l'expert influent sur les résultats de l'évaluation (Bala 1990, cité dans Huddart et Ensminger 1995). Quelques‑uns disent que l'avocat devrait avoir le droit d'être présent lors de l'examen sur lequel l'évaluateur fondera sa décision ou que l'examen devrait être enregistré sur bande vidéo (Sachs 1985, cité dans Huddart et Ensminger 1995).
On peut éviter ce problème si le tribunal est autorisé à demander une enquête par toute personne acceptée par le tribunal et rémunérée par les parties (Huddart et Ensminger 1995). Toutefois, un rapport demandé par un parent, l'une des parties au litige, est tout aussi susceptible d'être fondé sur les préjugés de l'évaluateur, de confirmer les préjugés des parents, et pourrait entraîner la présentation de rapports contradictoires au tribunal.
La plupart des experts et des praticiens sont du même avis concernant l'importance à donner aux désirs d'un enfant dans une évaluation en matière de garde et au sein du processus de médiation. Ils hésitent à donner une importance quelconque aux souhaits de l'enfant en formulant les recommandations d'une évaluation familiale sauf si l'enfant est plus âgé et que les questions en litige sont circonscrites (voir les sections 5.3.1.2 et 5.3.1.3 ci‑dessous). Cette résistance s'explique par les préoccupations concernant la rationalité et l'authenticité mentionnées à la section 3, de même que par le mandat de tenir compte de l'intérêt de l'enfant. Selon la plupart des experts et praticiens, ce ne serait pas toujours dans l'intérêt de l'enfant.
Les experts prétendent que les évaluateurs doivent tenir compte des désirs des enfants dans le contexte de leurs besoins déterminés à l'aide des critères juridiques et cliniques de « l'intérêt », notamment la capacité du père et de la mère d'être de bons parents ou le temps que l'enfant passe dans un domicile stable. Plus les souhaits exprimés par l'enfant et l'évaluation de ses besoins se ressemblent, plus ces souhaits et les recommandations du rapport se ressembleront (Austin et al. 1991; Brown 1996a). Les experts insistent pour dire qu'il n'y a aucune formule facile permettant de tenir compte de l' âge et de la maturité d'un enfant en évaluant ses désirs, mais qu'il faut toujours tenir compte du contexte plus large des besoins des enfants.
En Ontario, le Bureau de l'avocat des enfants prépare de 1 500 à 1 700 rapports de travail social ou évaluations familiales chaque année pour les tribunaux ontariens. Les fonctionnaires du tribunal disent que l'enfant est toujours interviewé dans le cadre de la préparation de ces rapports (McTavish, Moyal et Martin, communication personnelle, annexe D). Toutefois, dans leur r ôle de défenseurs de l'intérêt de l'enfant plut ôt que d'évaluateurs neutres, les enquêteurs du Bureau ne mentionnent les préférences de l'enfant dans le rapport que si cela est dans son intérêt et ne peut lui nuire. Pour le Bureau, les désirs d'un enfant ne sont qu'une partie du casse-tête qui consiste à évaluer la famille; ce qui importe le plus, c'est la raison pour laquelle l'enfant dit ce qu'il dit (McTavish, Moyal et Martin, communication personnelle, annexe D). Le Bureau s'occupe de familles qui ont des conflits graves (les litiges durent en moyenne plus de trois ans) et dans de nombreux dossiers, il y a également de la violence et des mauvais traitements ou des allégations de violence ou de mauvais traitements.
Les défenseurs des droits des jeunes ont également critiqué les évaluations familiales qui ne tiennent pas compte de l'opinion des adolescents qui pourraient et devraient être entendus directement. Les organismes qui défendent les droits des jeunes ont dit à l'Australian Law Reform Commission que les évaluations familiales ne respectaient pas les droits des adolescents en vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant quand ils viennent parler à la place d'un adolescent en mesure de s'exprimer directement devant le tribunal. La Commission a conclu que : [traduction] « il est important de se rappeler qu'un rapport sur la famille ne respecte pas adéquatement l'obligation imposée par la CDE de donner aux enfants qui veulent participer directement à l'instance l'occasion d'être entendus, au besoin »
(Australian Law Reform Commission 1997a). Il est recommandé, lorsque les
enfants sont assez âgés, de leur permettre de soumettre directement leurs désirs au tribunal (Australian Law Reform Commission 1997a).
5.3.1.2 Évaluations ciblées
Les évaluations ciblées, lorsqu'elles sont pertinentes, sont peut-être un meilleur moyen de faire entendre l'opinion des enfants que les évaluations détaillées traditionnelles (même si elles ne répondent pas à toutes les critiques formulées plus haut). Mises en œuvre et étudiées au Canada par le Bureau de l'avocat des enfants de l'Ontario et l'Institut psychiatrique Clarke (Birnbaum et Radovanovic 1999), les évaluations ciblées peuvent être moins compliquées que les évaluations traditionnelles et peuvent permettre d'accorder plus d'importance au point de vue de l'enfant. Les évaluations ciblées ont fait l'objet d'une recherche au cours des années 1990 dans le cadre d'un court programme pilote intensif d'intervention à l'intention de parents se trouvant dans une situation très conflictuelle pour des questions graves de refus de droit de visite. Le conflit ne devait compter ni violence ni mauvais traitements (Birnbaum et Radovanovic 1999). Lorsque c'était possible, l'évaluateur rencontrait les parents ensemble ou avec l'enfant très t ôt pendant l'intervention et cette rencontre était suivie d'entrevues parents‑enfant et d'entrevues avec l'enfant seul.
Les chercheurs ont constaté qu'une intervention de 10 heures qui ciblait des faits précis en litige était plus efficace qu'une évaluation conventionnelle, détaillée et plus habituelle de 22 heures. Un peu moins de la moitié des 40 parents du programme pilote ont continué d'avoir des différends, 30 p. 100 ont déclaré que la collaboration entre eux et leur conjoint avait continué à être de mauvaise à très mauvaise, 50 p. 100 ont dit que l'intervention n'avait pas amélioré leur communication avec leur conjoint. Toutefois, 35 p. 100 ont indiqué que des accords en matière de droit de visite avaient été conclus avec l'aide des cliniciens et 63 p. 100 que les suggestions des évaluateurs avaient été prises en compte dans les requêtes au tribunal concernant leurs différends et présentées peu après l'intervention.
Le Bureau de l'avocat des enfants estime que 10 à 15 p. 100 des 1 500 à 1 700 rapports de travail social qu'il prépare chaque année sont maintenant des évaluations ciblées (McTavish, Moyal et Martin, communication personnelle, annexe D). Les évaluations sont utilisées dans des différends sur le droit de visite qui soulèvent des problèmes précis (par exemple, l'enfant qui veut voir son père le samedi matin plut ôt que le vendredi soir) et il s'agit habituellement d'enfants plus vieux, âgés de 14 et de 15 ans. En règle générale, les désirs de l'enfant et les faits en litige sont clairs et l'évaluation a pour objet de convaincre le tribunal que l'entente proposée est bien celle que l'enfant souhaite et ne lui nuira pas (McTavish, Moyal et Martin, communication personnelle, annexe D). L'évaluation ciblée permet aux familles de se concentrer sur un conflit en particulier dans lequel l'enfant est concerné tout en mettant de c ôté d'autres conflits en cours.
Les tribunaux de plusieurs provinces semblent avoir recours plus souvent aux évaluations ciblées, mais le nombre d'évaluations qui sont vraiment des évaluations ciblées n'est pas connu (voir l'annexe B). En Alberta, on a habituellement recours aux évaluations ciblées ou mini‑évaluations lorsqu'il semble qu'un litige ne sera probablement pas soumis au tribunal (plut ôt que comme accessoire à la médiation ou comme suivi) (Delanghe, communication personnelle, annexe D). Il s'agit d'une solution de rechange dont disposent les parents qui veulent régler un différend et que les avocats peuvent recommander.
5.3.1.3 Rapports sur l'opinion de l'enfant
Les tribunaux de la Colombie-Britannique peuvent exiger la préparation d'un court rapport afin de connaître l'opinion d'un enfant lorsqu'un rapport complet n'est pas justifié (Morgan, communication personnelle, annexe D; voir également Huddart et Ensminger 1995). Habituellement, ces rapports servent à évaluer et à présenter les désirs des adolescents dans des litiges précis en matière de droit de visite. Dans ces rapports, le conseiller tente de décrire le caractère et la personnalité de l'enfant, de même que sa capacité à donner son point de vue. Le conseiller présente sa propre opinion sur la question de savoir si le point de vue de l'enfant est authentique (Huddart et Ensminger 1995). Les évaluations ciblées semblent répondre à ce besoin en Ontario et peut-être ailleurs.
Les rapports sur l'opinion des enfants ne sont pas disponibles dans toutes les parties de la province parce que certains conseillers des tribunaux de la famille ne sont pas disposés à interviewer directement les enfants de cette fa çon (Huddart et Ensminger 1995).
5.3.1.4 Atténuer les effets nuisibles des évaluations familiales
D'aucuns croient que les évaluations familiales peuvent nuire aux enfants. Les représentants d'un organisme australien qui offre des services juridiques aux enfants ont dit, lors de l'enquête de l'Australian Law Reform Commission, que les rapports sur la famille étaient intrusifs et traumatisants pour les enfants, surtout parce qu'il faut beaucoup de temps pour les préparer et qu'il est souvent nécessaire de les mettre à jour avant l'audience finale. Les enfants qui sont pris dans un litige extrêmement conflictuel qui s'éternise font donc l'objet d'entrevues et de questionnements excessifs (Australian Law Reform Commission 1997a). En reconnaissant l'existence de ce problème, le Family Law Council of Australia a récemment recommandé que les tribunaux déterminent s'il existe déjà des rapports pertinents dans la collectivité avant de demander une évaluation familiale par l'entremise du tribunal (Family Law Council 1996).
L'Australian Law Reform Commission, tout en reconnaissant l'existence de ce problème, a soutenu que les rapports sur les familles étaient néanmoins des outils utiles et nécessaires afin de mieux connaître l'opinion des enfants dans une décision en matière de garde et de droit de visite (Australian Law Reform Commission 1997). Selon son rapport, une preuve indépendante tirée d'un rapport sur la famille, présentée dès le début de l'audition d'un litige entraîne souvent un règlement rapide et évite les litiges prolongés devant les tribunaux. Les rapports constitueraient également une utilisation plus efficace des ressources judiciaires limitées et un meilleur moyen pour les enfants de se faire entendre que celui de participer aux audiences (Australian Law Reform Commission 1977a). La plupart des experts semblent croire que, chaque fois que c'est possible, les plus jeunes enfants ne devraient pas être présents dans la salle d'audience (Kruk, communication personnelle, annexe D).
5.3.1.5 Modification du r ôle des évaluations et des évaluateurs
On a proposé plusieurs moyens d'améliorer le r ôle des évaluations familiales et des évaluateurs pour mieux tenir compte de l'intérêt des enfants dans les décisions en matière d'accès et de droit de visite. L'Australian Law Reform Commission a soumis des recommandations qui ont pour but d'augmenter les pouvoirs d'enquête des conseillers du tribunal dans la préparation des évaluations familiales et de rattacher plus efficacement ces conseillers aux aspects juridiques du processus, y compris les représentants des enfants (Australian Law Reform Commission 1997a). Le Bureau de l'avocat des enfants de l'Ontario a élaboré un programme d'équipe, travailleur social‑avocat, à l'intention des parents en situation de conflit grave, programme qui intègre l'évaluation de la famille et les conseils juridiques (voir l'article 5.3.3.1 ci-dessous).
La Commission australienne a recommandé que les rapports familiaux soient préparés plus t ôt, que les pouvoirs d'enquête des conseillers du tribunal soient élargis afin de permettre une étude plus approfondie et que les conseillers des tribunaux qui rédigent le rapport jouent un r ôle plus important pour ce qui touche l'information à donner au tribunal concernant l'intérêt de l'enfant (Australian Law Reform Commission 1997a). La Commission a proposé que, dans la préparation du rapport, les conseillers exercent un grand nombre des fonctions habituellement réservées au représentant de l'enfant, notamment les entrevues pertinentes accessoires avec les dirigeants de l'école et d'autres représentants communautaires (Australian Law Reform Commission 1997). En outre, dans le cas o ù aucun représentant n'a été désigné pour représenter l'enfant au motif que celui‑ci n'est pas disposé à donner son opinion, le conseiller du tribunal devait être responsable de renseigner l'enfant sur l'évolution du litige (Australian Law Reform Commission 1997).
Comme il est décrit à la section 2, le programme pour enfants des Centres jeunesse de Montréal constitue également un moyen de relier les évaluateurs et les conseillers qui offrent une assistance émotionnelle thérapeutique de groupe à l'enfant. Dans la mesure du possible, les évaluateurs devraient être présents lors de la séance d'information des conseillers avec les parents à la fin du programme (voir l'annexe A).
5.3.2 Témoins-experts
Le tribunal peut ordonner à un témoin-expert de témoigner à une audience en matière de garde et de droit de visite. Ces experts sont souvent des thérapeutes en santé mentale ou en counseling qui ont eu des rapports avec la famille. Plusieurs conseillers et thérapeutes qui dirigent des programmes pour enfants dans des organismes de services à la famille ou dans des établissements de santé mentale disent qu'on leur demande souvent de témoigner à titre de témoin‑expert (et quelques‑uns préparent également des évaluations en matière de garde dans d'autres affaires).
Les parents peuvent, eux aussi, demander à leur propre témoin-expert de témoigner à l'audience. Toutefois, en règle générale, un évaluateur en santé mentale est plus utile quand il joue le r ôle d'expert neutre nommé par le tribunal (ou convenu entre les parties), plut ôt que celui d'expert dont les services ont été retenus par une partie et qui est ensuite appelé à être confronté à l'expert de l'autre partie (Johnston 1994).
Certains craignent que les entrevues excessives par les experts nuisent aux enfants (Australian Law Reform Commission 1997a). À l'heure actuelle, les tribunaux australiens peuvent nommer des experts ou une partie peut demander leur nomination. L'Australian Law Reform Commission a conclu qu'il arrivait souvent qu'un expert soit nommé dans des situations o ù un rapport familial serait suffisant. Elle a recommandé que le tribunal tienne compte des désirs de l'enfant au moment de décider s'il peut passer une entrevue (Australian Law Reform Commission 1997a).
Certains thérapeutes canadiens qui dirigent des programmes pour les enfants dont les parents se séparent ou divorcent et qui sont souvent appelés à témoigner devant le tribunal au nom des enfants disent que l'efficacité des soins thérapeutiques se trouve diminuée à cause de leur double r ôle : celui de thérapeute et celui d'expert. (Sinclair, communication personnelle, annexe D). Les enfants doivent se sentir en confiance au sein du programme. Si le conseiller comparaît devant le tribunal aux fins de témoigner, le lien de confiance est rompu.
5.3.3 Représentants distincts
Dans plusieurs administrations, il est permis de nommer une personne, habituellement un avocat, qui aura pour mandat de faire valoir l'intérêt primordial de l'enfant tant auprès du tribunal qu'à d'autres occasions. Les r ôles et responsabilités du représentant diffèrent grandement d'une administration à l'autre. Il peut par exemple jouer le r ôle traditionnel d'avocat de l'enfant aux audiences du tribunal (conformément aux instructions ou à l'intérêt de celui‑ci, selon son âge) ou d'intervenant bénévole qui présente l'information et soulève les questions dont il pourrait ne pas être tenu compte autrement (p. ex : Shear 1996; Australian Law Reform Commission 1997a; Huddart et Ensminger 1995; Bessner 2001). Dans quelques administrations, le représentant est investi de certains pouvoirs du tribunal et il peut prendre des décisions exécutoires dans des litiges en matière de garde et de droit de visite qui sont réglés à l'extérieur de la salle d'audience. Dans d'autres situations, le représentant peut jouer un r ôle d'enquêteur, d'auxiliaire ou de défenseur des droits à l'extérieur de la salle d'audience.
En Ontario, le Bureau de l'avocat des enfants élargit le r ôle distinct du représentant de l'enfant dans un programme qui intègre la fonction juridique de représentant et celle d'enquêteur et d'évaluateur des rapports des travailleurs sociaux (évaluations familiales). Le système judiciaire australien élargit le r ôle distinct de représentant en lui confiant la double responsabilité de communiquer l'opinion de l'enfant aux autres parties et de défendre ses intérêts.
5.3.3.1 Équipes formées d'un travailleur social et d'un avocat en Ontario
Le Bureau de l'avocat des enfants de l'Ontario a mis en place des équipes formées d'un travailleur social et d'un avocat pour les familles extrêmement antagonistes et en situation de conflit grave qui ne peuvent se sortir d'un litige et semblent avoir besoin à la fois de services juridiques et de services cliniques. L'équipe pluridisciplinaire offre une évaluation familiale et des conseils juridiques aux familles, mais ces services sont intégrés pour qu'ils soient le plus efficaces possible. Lorsqu'une famille est confiée à l'équipe, les membres travaillent ensemble pour décider des mesures à prendre et des responsabilités de chacun. Ils rencontrent à plusieurs reprises les parents, de même que les enfants individuellement. L'objectif premier consiste à trouver une solution qui tienne compte de l'intérêt de l'enfant avant l'audition finale devant le tribunal. Le travailleur social prépare une évaluation de la famille, qui comprend souvent des entrevues accessoires auprès de dirigeants scolaires et d'autres dirigeants de la collectivité; ensuite, l'avocat utilise l'évaluation pour donner des conseils juridiques aux parents en discutant avec eux. Il peut également aider le travailleur social à s'appuyer sur l'évaluation pour trouver un règlement en aidant les parents et leur propre avocat à se centrer sur les diverses options juridiques. Si les parents ne parviennent pas à s'entendre, l'avocat se présente à la conférence préalable à l'instruction pour y défendre l'intérêt de l'enfant et le travailleur social soumet son rapport au tribunal.
Les employés du Bureau croient que 75 à 85 p. 100 des dossiers confiés à l'équipe avocat-travailleur social se soldent par un règlement sans recours au tribunal (Moyal, Martin, McTavish, communication personnelle, annexe D). Le nombre de familles qui concluent un accord mais qui sont de nouveau en litige par la suite n'est pas connu. Le Bureau pense qu'il sera bient ôt en mesure de connaître les résultats des interventions, mais selon certains employés, les taux de règlement ne sont pas une mesure fiable du succès du programme. Environ un tiers des 3 000 à 3 500 dossiers du Bureau sont confiés à des équipes avocat‑travailleur social.
Les employés du Bureau estiment que l'intégration de l'évaluation du travailleur social et des avis juridiques permet aux enfants de se faire entendre d'une manière sécuritaire et efficace et d'influer sur les décisions pour que leurs intérêts soient pris en compte (gr âce aux évaluations familiales). Toutefois, l'enfant n'est pas exposé aux conséquences nuisibles et à la vengeance comme il le serait si l'affaire était portée devant le tribunal et qu'il devait témoigner (ce que veulent souvent les parents en situation de conflit grave). Le Family Law Council of Australia a dit, dans un rapport publié en 1989, que le r ôle de représentation distincte doit être confié à une équipe formée d'un avocat et d'un travailleur social (Family Law Council of Australia 1989, cité dans Australian Law Reform Commission 1996).
5.3.3.2 Représentants distincts en Australie
Dans une décision rendue en 1995, le tribunal de la famille d'Australie a affirmé que le représentant d'un enfant devait défendre l'intérêt de l'enfant d'une manière indépendante et libre, qu'il devait présenter ses observations impartiales à la cour en proposant des solutions qui tiennent compte de l'intérêt de l'enfant et qu'il devait transmettre les désirs de l'enfant au tribunal. En outre, le représentant devrait obtenir une preuve d'expert et veiller à ce que toute la preuve pertinente relativement au bien-être de l'enfant soit présentée au tribunal (Brown 1996).
Dans les tribunaux australiens, par conséquent, on s'attend à ce que les représentants parlent aux enfants à l'extérieur du tribunal et que lorsque c'est nécessaire, ils leur demandent ce qu'ils désirent. En même temps, ils doivent travailler étroitement avec les évaluateurs de garde ou les médiateurs, le cas échéant. Lorsque ces spécialistes ont des divergences d'opinion, le représentant distinct doit présenter toutes les opinions divergentes au tribunal. Toutefois, le représentant n'est pas obligé de présenter des observations qui reflètent les désirs de l'enfant ou défendent l'intérêt de l'enfant ni de demander au tribunal de rendre une décision qui soit conforme aux désirs de l'enfant. Les médiateurs d'expérience du système judiciaire australien ont bien accueilli ce r ôle mixte qui permet de tenir compte à la fois des préférences de l'enfant (besoins et préoccupations) et du contexte familial qui lui est propre, et de présenter toute la situation au tribunal (Brown 1996). La représentation distincte est une sorte de décodeur de l'intérêt de l'enfant plut ôt qu'un arbitre. Dans nombre de cas, les représentants jouent un r ôle essentiel dans la conclusion, à l'extérieur du tribunal, d'accords qui tiennent compte de l'intérêt de l'enfant plut ôt que de celui d'un de ses parents (Nicholson 1996).
Toutefois, l'Australian Law Reform Commission a exprimé plusieurs réserves concernant le modèle actuel de la représentation distincte en Australie. Elle a demandé si ce type de représentation distincte va assez loin pour répondre aux exigences de la Convention relative aux droits de l'enfant (Australian Law Reform Commission 1996). Elle a également laissé entendre que les divers r ôles des représentants distincts pouvaient entrer en conflit. Ils peuvent être appelés à mener une enquête et à préparer une évaluation qui relève de l'expertise d'un spécialiste en sciences sociales et ensuite à tirer des conclusions qui tiennent compte de cette évaluation, domaine qui relève normalement du juge (Australian Law Reform Commission 1997).
La Commission a dit que des conseillers judiciaires ou des évaluateurs des familles pouvaient plut ôt jouer le r ôle d'enquêteur et d'arbitre en règlement des différends auprès des parties en dehors de la salle d'audience (Australian Law Reform Commission 1997). Elle a également mentionné que le r ôle du représentant distinct ne devait pas être trop défini (Australian Law Reform Commission 1997). Puisque les divers r ôles que doivent jouer les représentants distincts exigent diverses compétences, le tribunal de la famille d'Australie a donné une formation soutenue aux représentants, formation qui selon elle aurait beaucoup amélioré la qualité de la représentation (Nicholson 1996).
En outre, la Commission s'est dit préoccupée du fait que les enfants ne comprennent peut-être pas la complexité des responsabilités de leurs représentants. En Nouvelle‑Galles du Sud, une étude sur les enfants qui avaient participé à des audiences relatives à leur bien-être a révélé que les enfants s'attendaient à ce que leurs avocats défendent ou transmettent leur opinion, mais peu d'avocats étaient d'avis que cela faisait partie de leurs fonctions (Australian Law Reform Commission 1997).
5.4 Coordonnateur préposé à l'enfant
Jusqu'à maintenant, à la section 5, nous avons examiné les nombreuses fa çons de tenir compte de l'opinion des enfants à diverses étapes et selon des modalités précises en matière de garde et de droit d'accès. Il existe cependant des moyens de garantir que l'opinion des enfants est entendue tout au long du litige, si nécessaire. Par exemple, dans son rapport publié en 1989, le Family Law Council of Australia a recommandé la nomination d'un coordonnateur à l'enfant en plus du représentant distinct dans toute instance relative au droit de la famille (Family Law Council of Australia 1989, cité dans Australian Law Reform Commission 1996). En vertu de ce modèle, le représentant distinct serait totalement responsable de l'évolution du dossier de l'enfant devant le tribunal. Par contre, le coordonnateur serait chargé notamment de préparer un rapport sur l'intérêt de l'enfant, de présenter l'intérêt de l'enfant dans toute discussion entre les parties concernées, de travailler avec le représentant distinct et d'expliquer certains processus à l'enfant. (Dans le modèle ontarien, le travailleur social remplit plusieurs de ces fonctions.)
Le Family Law Council a également proposé que le coordonnateur soit nommé seul dans certains cas (Family Law Council of Australia 1989, cité dans Australian Law Reform Commission 1996). Il a également proposé que divers spécialistes, notamment des conseillers judiciaires et des travailleurs sociaux, jouent le r ôle de coordonnateur.
Dans son récent rapport, l'Australian Law Reform Commission a proposé la nomination de « coordonnateurs à l'intérêt de l'enfant » chargés de surveiller et de gérer les dossiers complexes devant les tribunaux (et d'assumer par conséquent, quelques-unes des fonctions des représentants distincts et des conseillers) (Australian Law Reform Commission 1997a). Dans le rapport, il est dit que la principale question en suspens est de savoir si la présence de ces coordonnateurs ou conseillers spéciaux entraînerait une diminution du nombre de procès dans les dossiers o ù, en l'absence du coordonnateur, il y aurait probablement litige (Australian Law Reform Commission 1997a). Dans le rapport, on se demande également si les coordonnateurs seraient plus efficaces s'ils bénéficiaient de l'aide d'arbitres ou de greffiers qui pourraient au besoin leur offrir des conseils et un appui en matière de prise de décisions.
Dans certains États américains, les spécialistes en santé mentale (appelés conseillers-maîtres, commissaires à la garde, conseillers en éducation parentale conjointe ou tuteurs à l'instance) sont nommés par les tribunaux ou à la demande d'une partie, au besoin pendant l'instance (Johnston 1994). Ces spécialistes ont pour mandat d'aider les familles qui doivent prendre des décisions en matière de garde et de droit de visite. Ils peuvent offrir des services de counseling ou de médiation, des recommandations ou des services d'arbitrage, selon les demandes des parents. Ils sont apparemment plus utiles dans les dossiers très conflictuels dans lesquels les parents sont constamment en litige, lorsque les enfants ont des besoins spéciaux ou que les parents ont des problèmes de santé mentale et lorsque les enfants sont très jeunes et que les accords en matière d'accès et de droit de visite devront être révisés fréquemment. Il n'y a aucune donnée sur la capacité de ces spécialistes d'atténuer les conflits et de conclure rapidement des accords ou de permettre aux enfants de participer davantage aux décisions.
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