Contexte législatif : Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d’aide à l’exécution des ordonnances et des ententes familiales et la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et apportant des modifications corrélatives à une autre loi (projet de loi C-78 lors de la 42e législature)

Contexte

A. Partage des responsabilités fédérales et provinciales en droit de la famille

Le droit de la famille est un domaine de compétence partagée. Le gouvernement fédéral est responsable du divorce et des questions connexes, comme la garde et l’accès (responsabilités parentales) et les pensions alimentaires (pour enfants et pour époux), pour les couples en instance de divorce ou déjà divorcés.

Les gouvernements provinciaux et territoriaux sont responsables des questions liées aux couples non mariés qui se séparent et aux couples mariés qui se séparent, mais ne demandent pas le divorce, ainsi que des questions de partage des biens liées à une séparation ou à un divorce. Ils sont également responsables de l’administration de la justice, ce qui comprend l’administration des tribunaux et la prestation de services de justice familiale, comme la médiation et les séances d’éducation des parents. Chaque province et territoire a adopté des lois portant sur des questions de fond en droit de la famille, comme le rôle parental et la pension alimentaire, ainsi que sur la procédure de droit de la famille, comme les règles de pratique. Les provinces et les territoires sont aussi responsables de l’exécution des obligations alimentaires.

Il existe plusieurs lois fédérales en matière du droit de la famille. La Loi sur le divorce établit un système national pour les divorces et prévoit les ordonnances alimentaires pour époux et pour enfants, ainsi que les responsabilités parentales dans les affaires de divorce. La LAEOEF permet la communication de renseignements tirés de fichiers fédéraux, la saisie-arrêt de sommes fédérales, comme les remboursements d’impôt, ainsi que la suspension (ou le refus) d’autorisations fédérales, y compris le passeport canadien, pour exécuter les obligations alimentaires. La LSADP permet la saisie-arrêt du traitement des employés fédéraux pour exécuter des jugements civils, y compris ceux qui ont trait aux obligations alimentaires, ainsi que la distraction des prestations de la pension fédérale pour l’exécution des obligations alimentaires uniquementNote de bas de page 3.

Le gouvernement fédéral collabore étroitement avec les gouvernements provinciaux et territoriaux en vue de favoriser la cohérence entre les lois en matière familiale d’un ressort canadien à l’autre. Les lois fédérales en matière familiale doivent aussi tenir compte des deux traditions juridiques du Canada. Bien que le système de la plupart des provinces et des territoires repose sur la common law, celui du Québec se fonde sur le droit civil. Les modifications apportées aux lois en matière familiale en 2019 reflètent ces responsabilités et traditions juridiques différentes.

B. Les défis du système de justice familiale

Les lois et les programmes en matière familiale sont essentiels pour aider les canadiens à résoudre leurs différends familiaux. Les lois fédérales en matière familiale n’avaient pas été modifiées de manière importante depuis plus de 20 ans. Elles ne tenaient pas compte d’un bon nombre de questions importantes, comme la violence familiale. À l’opposé, plusieurs provinces et territoires ont modifié leurs lois en matière familiale afin de mieux traiter toute une gamme de questions pressantes en droit de la famille, comme le déménagement important, la violence familiale, et la promotion des modes de règlement des différends hors cour.

1. Lois fédérales désuètes en matière familiale

Les lois fédérales en matière familiale ont été élaborées afin de fournir des lignes directrices et des règles pour aider les familles vivant une séparation ou un divorce, et de tracer la voie en ce qui concerne les soins et le soutien des enfants.

Les intervenants en droit de la famille demandent depuis plusieurs années que les lois fédérales en matière familiale soient mises à jour. Le Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants a été parmi les premiers à demander de telles mises à jour et est l’un de leurs plus ardents défenseursNote de bas de page 4. L’adoption d’une nouvelle terminologie sur le rôle parental dans la Loi sur le divorce ainsi qu’une liste des critères relatifs à l’intérêt de l’enfant figuraient parmi les principales recommandations du Comité. L’Association du Barreau canadien a vivement appuyé ces recommandationsNote de bas de page 5.

Des voix se sont aussi élevées pour demander que l’on comble l’écart croissant entre les lois fédérales et les lois provinciales et territoriales en matière d’exécution.

2. Accès à la justice

Pendant longtemps, l’accès à la justice a été perçu simplement comme l’accès à des avocats et aux tribunaux. En 2013, le Comité d’action sur l’accès à la justice en matière civile et familiale, présidé par le juge à la retraite de la Cour suprême Thomas Cromwell, a adopté une « vision plus large »Note de bas de page 6. Dans un rapport connexe, le Groupe de travail sur la justice familiale du Comité d’action propose une définition du système de justice qui englobe

toute loi, ainsi que tout programme ou service qui contribue de manière importante à la résolution d’un problème lié au droit familial, y compris les institutions publiques telles que les tribunaux, les ministères et les services d’aide juridique, de même que les organismes non gouvernementaux, les avocats, les médiateurs et les autres professionnels du secteur privé qui aident les familles tout au long du processus de séparationNote de bas de page 7.

Une amélioration de l’accès à la justice ne signifie pas nécessairement augmenter le nombre de dossiers devant les tribunaux ou de régler les dossiers plus rapidement, mais plutôt augmenter les options qui s’offrent aux familles.

Au cours des dernières années, de nombreuses voix se sont élevées pour demander l’amélioration de l’accès à la justice. Dans un rapport publié en 2016, le Forum canadien sur la justice civile, un organisme à but non lucratif qui milite en faveur d’une réforme de la justice civile, a conclu qu’au cours d’une période donnée de trois ans, 5,1 % de la population adulte du Canada, soit environ 1,2 million de Canadiens, connaîtra un problème juridique lié au droit de la familleNote de bas de page 8. Dans le rapport, il était estimé qu’entre 2012 et 2015, les Canadiens avaient dépensé 23 milliards de dollars, pour résoudre leurs problèmes juridiques en matière civile et familiale. Il est également estimé que les coûts connexes des problèmes juridiques en matière civile et familiale des Canadiens pour le gouvernement – y compris les coûts additionnels liés à l’aide sociale, à la perte d’emploi et aux problèmes de santé physique et mentale – s’élevait à au moins 800 milliards de dollars par année. Le rapport concluait que « certains Canadiens ou Canadiennes, particulièrement ceux possédant moins de ressources et ceux qui se considèrent plus en marge de la société, ne perçoivent pas le système juridique comme équitable, accessible ou correspondant à eux et à leurs besoins »Note de bas de page 9.

L’accès à la justice est de plus en plus lacunaire. Un nombre croissant de familles à revenu moyen sont inadmissibles à l’aide juridique et incapable de payer pour les services d’un avocat. Ces familles doivent se débrouiller seules pour s’y retrouver dans un système de justice familiale souvent complexe. Cet état de fait peut aggraver les conflits déjà solidement enracinés et les difficultés financières des familles vivant une séparation ou un divorce. Une amélioration de l’accès à la justice familiale, notamment les services de justice familiale, peut aider à réduire ou à prévenir certains résultats négatifs associés à la séparation et au divorce.

3. Questions litigieuses en droit de la famille

Selon les professionnels de la justice familiale, certaines questions de droit de la famille sont particulièrement litigieuses ou difficiles à régler. Par exemple, les désaccords au sujet d’un déménagement important – le fait de déménager avec un enfant après une séparation ou un divorce – peut être difficile en raison de la complexité de la situation elle-même et l’absence de directives dans la législation. Certains universitaires soutiennent que même la terminologie décrivant les responsabilités liées au rôle parental peut attiser les conflits entre les parents. Bon nombre d’entre eux ont demandé que la loi soit plus claire, afin de mieux traiter certaines de ces questions.

Une autre question très litigieuse a trait au non-respect de l’obligation de divulgation du revenu aux fins de la pension alimentaire. Sans des renseignements exacts et à jour sur le revenu, il est difficile de calculer des montants équitables et exacts au titre de la pension alimentaire, ce qui met de la pression sur le système de justice familiale. Cette situation crée aussi des difficultés financières et émotionnelles pour les parties en cause. 

Une autre difficulté du droit de la famille a trait à l’obtention et à l’exécution des ordonnances en matière familiale lorsque les parties vivent dans des pays différents. Les lois et les traditions juridiques peuvent varier considérablement d’un pays à l’autre; par conséquent, il peut être difficile de déterminer quelles règles s’appliquent dans les situations transfrontalières.