Bibliographie annotée de droit comparé et de droit international concernant le mariage forcé
10. Conclusions
10.1 Résumé du projet
La présente bibliographie annotée vise à permettre des recherches à venir ou l'élaboration de politiques dans le domaine du mariage forcé. Il s'agissait d'établir les publications pertinentes et la jurisprudence en ce qui concerne les obligations internationales du Canada en matière de mariage forcé et de donner un aperçu de ce que d'autres nations ont fait pour régler cette question. La bibliographie comporte un exposé des mesures prises par d'autres pays avec un bref aperçu du sujet; toutefois, d'autres recherches pourraient permettre de mieux comprendre l'étendue des obligations du Canada en vertu des différents traités internationaux sur le mariage forcé, par un examen de la jurisprudence sur ces traités. De plus, il serait utile d'avoir des informations supplémentaires et des détails sur l'ampleur du problème au Canada avant de procéder à des discussions sur l'élaboration de politiques.
10.2 Faits saillants
- Le mariage forcé est reconnu comme une violation des droits de la personne dans bon nombre de traités des Nations Unies. Le mariage d'enfants est également reconnu comme une violation des droits de la personne dans bon nombre de traités et il ressemble au mariage forcé parce que les mineurs sont jugés incapables de consentir au mariage de manière éclairée. En tant que signataire de bon nombre de ces traités, le Canada a une obligation internationale d'aborder la question du mariage forcé et de veiller à ce que l'une des conditions préalables de tous les mariages célébrés dans son ressort soit le consentement libre et éclairé au mariage par les deux parties.
- Les tribunaux de common law ont démontré que la contrainte exercée dans les cas de mariage forcé ne se limite pas à la contrainte physique car elle peut aussi comprendre une pression psychologique. Toutefois, la pression parentale ne sera pas toujours nécessairement considérée comme une contrainte parce qu'un consentement peut être donné à contrecœur ou avec ressentiment. L'important est de savoir si la volonté de la personne a été annihilée par les pressions exercées et, si tel est le cas, le mariage n'est pas fondé sur le consentement libre et éclairé des deux parties.
- Le Canada pourrait examiner plus attentivement les mesures prises
par tous les pays énoncées dans la présente bibliographie pour recenser les
approches politiques possibles. Les initiatives du Royaume-Uni peuvent être
particulièrement utiles en raison de toutes les ressources investies dans les
travaux effectués sur la question et la lutte contre ce problème. L'engagement
du gouvernement britannique à lutter contre ce problème s'est traduit par la
création d'une équipe dont l'objectif était de traiter la question du mariage
forcé. Cette équipe a effectué des recherches et a procédé à des consultations,
en plus de proposer une législation, de recueillir des statistiques et de
planifier l'aide et les opérations de sauvetage nécessaires pour les victimes.
Voici quelques-unes des mesures mises en œuvre par les autres pays pour tenter
de s'attaquer à la pratique du mariage forcé :
- adoption de lois pour criminaliser cette pratique (Norvège et Belgique);
- examen des infractions existantes pour criminaliser les activités liées au mariage forcé (Australie, Danemark et Allemagne);
- augmentation de l'âge minimum requis pour se marier (France, Gabon, Indonésie et Royaume-Uni);
- renforcement des lois en matière d'immigration (Danemark).
Un grand nombre de programmes d'aide et de sensibilisation sont également offerts aux victimes. S'il examine la réaction du public face à ces mesures, ainsi que leur taux de réussite, le gouvernement canadien sera en mesure de prendre une décision plus éclairée quant au plan d'action à mettre en œuvre.
- Il existe très peu de données sur la portée de ce problème au Canada. À l'heure actuelle, la seule preuve de l'existence du mariage forcé se trouve dans la jurisprudence sur l'annulation de mariage ou le droit d'asile des réfugiés, bien que certains rapports isolés existent à ce sujet.
10.3 Portée
En raison du fait que très peu de données sont disponibles en ce qui concerne le mariage forcé au Canada, il est difficile de recommander des mesures que le gouvernement devrait prendre pour traiter le problème. Tout d'abord, il serait avantageux de compiler un plus grand nombre de renseignements en s'adressant à des spécialistes — des statistiques, des témoignages et d'autres renseignements auprès d'organisations non gouvernementales et de groupes de défense des droits des femmes et des victimes, et ce, afin d'évaluer la situation au Canada.
En utilisant les mesures adoptées par
le Royaume-Uni comme modèle, il faudrait former un « groupe de
travail »
ou un organisme semblable pour mesurer l'incidence de cette
pratique sur les citoyens canadiens et évaluer les différentes options
stratégiques afin de déterminer lesquelles seraient les plus efficaces. Nous
estimons que proposer une ligne de conduite particulière serait, pour le
moment, prématuré car elle ne tiendrait pas compte des conditions particulières
de la situation canadienne puisqu'elles sont, en grande partie, inconnues et
sans appui documentaire. Pour pouvoir mettre des recommandations de l'avant, il
faut d'abord procéder à une enquête plus approfondie sur la fréquence du
problème, les lieux où il existe et sa portée.
Bien que davantage de renseignements soient nécessaires, un examen des mesures prises dans d'autres pays peut fournir un point de départ pour la discussion et aussi aider à déterminer si d'autres recherches sont nécessaires. Elles comprennent les initiatives suivantes :
- créer une catégorie d'infractions criminelles précises pour inculper ceux et celles qui forcent une personne à se marier;
- rédiger des lignes directrices destinées aux Affaires étrangères sur le traitement des cas de mariages forcés et faire état de la position du pays si la situation met en cause un personne qui a été emmenée hors du pays;
- offrir une orientation aux professionnels, notamment aux spécialistes, en ce qui concerne le mariage forcé, y compris ses causes et symptômes, et les méthodes pour traiter les cas;
- offrir un cadre et un financement pour ce qui est des programmes d'aide et des refuges destinés aux victimes;
- examiner la manière dont les demandes d'asile axées sur la persécution fondée sur le sexe, comme le mariage forcé, sont traitées et tranchées.
Pour obtenir davantage de renseignements sur le mariage forcé au Canada, comme il est décrit ci-dessus, une nouvelle recherche pourrait être réalisée en vue d'élargir ce qui a été couvert dans la présente bibliographie. Voici quelques domaines de recherche proposés :
- le mariage d'enfants;
- le trafic des femmes et des enfants;
- les mariages de convenance et les mariages à une fin précise;
- l'examen du consentement au mariage en vertu des lois des pays où le mariage forcé est courant;
- l'étude de la jurisprudence pour établir comment les tribunaux ont interprété les obligations dont il est question dans certains traités et certaines conventions abordant la question du consentement au mariage;
- l'étude approfondie de toute la jurisprudence se rapportant au mariage forcé, notamment à l'annulation d'un mariage;
- les revendications du statut de réfugié découlant de la crainte d'être forcé à se marier;
- le degré de reconnaissance des mariages célébrés à l'étranger et les conflits de lois afférents à cette reconnaissance;
- la recherche plus approfondie sur les mesures prises par les pays dont la langue parlée n'est ni l'anglais ni le français, cette recherche devant être effectuée dans l'une des langues officielles de ces pays.
La recherche réalisée dans le cadre de ce projet n'est pas exhaustive, mais elle est peut‑être suffisante pour comprendre les principaux sujets de préoccupation en ce qui concerne la pratique du mariage forcé. Puisqu'il s'agit d'une question en constante évolution, les articles de journaux se sont révélés les plus utiles au moment de déterminer quelles mesures avaient été introduites et pour donner un aperçu de la réaction du public face à ces mesures. Les documents gouvernementaux ont également été utiles pour déterminer comment les politiques avaient été mises en œuvre. Bien que les renseignements concernant certains pays et certains sujets aient été documentés par plusieurs sources, il est important de prendre note que, pour certains pays, seules une ou deux sources isolées ont été recensées et qu'à ce titre, les auteurs de la présente bibliographie ne pouvaient se fier à un seul auteur pour rapporter des faits. De plus, du fait que la recherche n'a été réalisée qu'en langue anglaise (à l'exception de la liste des sources en langue française), certains sites Web gouvernementaux et autres sources secondaires n'ont pas été inclus dans la présente étude en raison de l'obstacle linguistique.
- Date de modification :