Réponse au 14e rapport du Comité permanent de la justice et des droits de la personne
Examen des dispositions du Code criminel relatives aux troubles mentaux
Novembre 2002
PROCÉDURES DES TRIBUNAUX ET DES COMMISSIONS D'EXAMEN
TITRES EXIGÉS DES PERSONNES CHARGÉES DES ÉVALUATIONS
RECOMMANDATION 10
Le Comité recommande de modifier la définition d'« évaluation », à l'article 672.1, de manière à élargir la catégorie des personnes qualifiées pour évaluer l'aptitude d'un accusé à subir son procès sans pour autant exiger que les personnes appelées à faire cette évaluation en fassent nécessairement partie.
COMMENTAIRES
Le Comité a entendu plusieurs témoins, y compris des spécialistes de la santé mentale et des présidents de commissions d'examen, sur la question de savoir si l'évaluation de l'état mental de l'accusé devait être uniquement confiée à des médecins (habituellement des psychiatres) ou si d'autres professionnels de la santé mentale, en particulier des psychologues, devaient être autorisés à effectuer ce genre d'évaluation. Les mémoires et les témoignages font ressortir des opinions très différentes.
Il existait bien un consensus général sur le fait que des psychologues « judiciaires » faisaient souvent partie de l'équipe chargée d'évaluer l'état mental de l'accusé, qui comprenait des psychiatres, mais on ne n'entendait pas sur l'opportunité d'autoriser les psychologues à effectuer ce type d'évaluation. Comme le note le Comité, il est difficile de savoir si les mémoires et les témoignages qui étaient favorables à l'ajout des psychologues dans cette catégorie estimaient que ces derniers devaient uniquement évaluer l'aptitude de l'accusé à subir un procès ou s'ils pouvaient, d'une façon plus large, évaluer l'état mental de l'accusé par rapport à sa responsabilité pénale ou en vue de proposer une décision appropriée.
Étant donné que l'art. 672.1 définit l'évaluation comme étant l'« évaluation de l'état mental d'un accusé par un médecin en conformité avec une ordonnance d'évaluation rendue en vertu de l'article 672.11; y sont assimilés l'observation et l'examen qui en découlent », il est clair que selon le Code criminel, seul un médecin a la qualité requise pour effectuer les évaluations demandées par le tribunal.
La proposition visant à autoriser les psychologues à évaluer l'aptitude de l'accusé à subir son procès plutôt que les objectifs énumérés à l'article 672.11 bénéficie d'un appui plus large mais il pourrait être difficile en pratique d'exiger des qualifications différentes, en fonction du type d'évaluation demandé. En outre, il y aurait lieu d'examiner sérieusement les répercussions et les avantages de l'option consistant à autoriser les psychologues à évaluer uniquement l'aptitude à subir un procès.
La Société canadienne de psychologie (SCP) préconisait l'inclusion des psychologues dans cette catégorie et elle a présenté un mémoire et des témoignages très solides à l'appui de sa position. La SCP a fait remarquer qu'il existait des programmes de troisième cycle en psychologie qui fournissaient la formation et les compétences nécessaires, que les psychologues avaient les connaissances nécessaires pour administrer et interpréter les tests permettant d'évaluer l'aptitude et la responsabilité pénale, que les psychologues avaient les compétences nécessaires pour diagnostiquer et traiter les maladies mentales aux termes des lois provinciales et qu'aux États-Unis et en Australie, l'État leur confiait le soin d'effectuer des évaluations semblables en matière d'aptitude et de responsabilité pénale. D'autres mémoires et témoignages favorables à ce que l'on autorise les psychologues à évaluer l'aptitude à subir le procès, notamment l'Association of Review Board Chairpersons, notaient que, dans de nombreuses régions du pays, il n'y avait pas suffisamment de psychiatres, ce qui entraînait des retards dans les évaluations ou le transfèrement de l'accusé vers un centre urbain pour que soit évaluée son aptitude à subir un procès.
Il a également été noté que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d'autres parties du Code criminel mentionnaient les psychologues.
Une des modifications adoptées en 1997 visait la partie XXIV du Code criminel, qui traite des délinquants dangereux. Un aspect important du processus prévu par cette partie exige que le contrevenant soit évalué rapidement. Avant 1997, il fallait qu'au moins deux psychiatres évaluent le contrevenant et présentent un rapport au tribunal. La nouvelle procédure autorise le tribunal à se prononcer sur une demande présentée en vertu de la partie XXIV même si l'évaluation a été effectuée par un seul « expert », cet expert pouvant être soit un psychiatre, soit un psychologue.
Les premiers indicateurs montrent que cette modification au Code criminel a amélioré les aspects procéduraux des demandes de déclaration de délinquant dangereux. Les tribunaux ont recours la plupart du temps à des examens psychiatriques et à des témoignages de psychiatres mais ils ont également accepté un bon nombre de demandes qui s'appuyaient sur le témoignage de psychologues judiciaires.
Néanmoins, l'évaluation dont font l'objet les délinquants dangereux visés à la partie XXIV vise à aider le tribunal à se prononcer sur la dangerosité du contrevenant, alors que les évaluations effectuées aux termes de l'art. 672.11 de la partie XX.1 concernent l'état mental de l'accusé au moment de l'infraction, son aptitude à subir un procès au moment du procès et à choisir la mesure appropriée lorsque l'accusé a été jugé non criminellement responsable.
Ceux qui s'opposent à ce que des psychologues soient autorisés à évaluer l'aptitude de l'accusé ne le font pas par manque de respect envers les psychologues, qui constituent, cela est reconnu, une catégorie essentielle des professionnels de la santé mentale. C'est plutôt pour des raisons pratiques que l'on propose de réserver ces évaluations à des médecins. Comme l'Association des psychiatres du Canada l'a noté, l'évaluation de l'état mental de l'accusé en vue de déterminer son aptitude à subir un procès et sa responsabilité pénale fait appel à un diagnostic médical, outre l'application d'autres critères d'évaluation. Elle note que certaines maladies semblent être des maladies mentales, mais elles ne le sont pas. En outre, lorsque l'accusé est déclaré inapte, le Code criminel (articles 672.58 et 672.59) autorise le tribunal à ordonner le traitement de l'accusé pendant une période maximale de soixante jours en vue de le rendre apte à subir son procès. Le tribunal ne peut prononcer une ordonnance de traitement que si un médecin indique qu'il y a lieu d'administrer à l'accusé un traitement particulier et que les critères médicaux énumérés au paragraphe 672.59(2) sont remplis. Par conséquent, même si les psychologues étaient autorisés à évaluer l'aptitude de l'accusé, dans le cas où l'accusé serait déclaré inapte, il faudrait avoir recours aux services d'un médecin pour qu'il effectue une évaluation supplémentaire en vue de déterminer le traitement approprié pour un accusé inapte.
Il a également été noté que tous les psychologues ne sont pas des psychologues « judiciaires » et ne possèdent pas les compétences spécialisées et l'expérience nécessaires pour évaluer les accusés atteints de troubles mentaux. Il n'y a peut-être pas beaucoup plus de psychologues judiciaires possédant les compétences nécessaires que de psychiatres dans les régions éloignées et rurales.
Il pourrait certes être avantageux d'élargir la catégorie des personnes susceptibles d'effectuer les évaluations prévues par la partie XX.1, mais il convient d'examiner plus à fond cette question avec les intéressés. Que les évaluations soient confiées à des psychologues et à des psychiatres ou uniquement à des psychiatres, il faudra faire appel aux ressources provinciales du domaine de la santé mentale. C'est pourquoi il est essentiel que les provinces soient consultées sur cette question. Le gouvernement propose donc que le ministre de la Justice soulève cet aspect avec les procureurs généraux provinciaux, avec le Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur les troubles mentaux et les autres instances fédérales, provinciales et territoriales.
LE RÔLE DE LA DÉFENSE DE L'INTÉRÊT PUBLIC ASSUMÉ PAR LA COURONNE (PROCUREUR GÉNÉRAL)
RECOMMANDATION 11
Le Comité recommande que les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la Justice revoient la procédure des auditions d'ordonnance afin de déterminer si l'intérêt public est mieux défendu par la représentation obligatoire d'un avocat du ministère public.
COMMENTAIRES
Le gouvernement note que la pratique qui est suivie devant les commissions d'examen varie selon la province et le territoire. Dans certaines provinces, les procureurs de la Couronne assistent à toutes les audiences. Ailleurs, la Couronne est présente pour certains dossiers ou certaines demandes de révision. Cela est tout à fait approprié, puisque les provinces sont responsables de l'administration de la justice, et donc libres d'utiliser leurs ressources comme elles l'entendent.
Toutes les personnes qui participent à l'administration de la partie XX.1 du Code criminel recherchent le même objectif : protéger la société en restreignant le moins possible les droits des personnes jugées non criminellement responsables. Cet objectif tout à fait louable doit néanmoins être réalisé en tenant compte des coûts et de l'efficacité.
Le Code criminel prévoit actuellement que la Couronne soit avisée de toutes les audiences des commissions d'examen et qu'elle puisse y participer à titre de partie si elle le souhaite. En outre, les audiences de la commission d'examen sont souvent de nature non contentieuse, parce qu'elles portent sur le maintien de l'accusé en liberté, sans changement des modalités ou avec des changements mineurs. Il est difficile de soutenir que l'intérêt public exige qu'un procureur de la Couronne soit physiquement présent à ces audiences. Le gouvernement ne connaît pas de cas où la sécurité du public ait été compromise parce qu'un procureur de la Couronne n'a pas assisté à une audience, et ce genre de cas n'a pas non plus été porté à l'attention du Comité permanent.
Compte tenu du fait que les provinces sont responsables de l'administration de la justice et que cette recommandation aurait des répercussions financières importantes, le gouvernement s'engage à consulter les provinces et les territoires pour déterminer quelles sont les pratiques actuelles et si la présence d'un procureur de la Couronne à toutes les audiences devrait être obligatoire ou s'il est possible d'élaborer des lignes directrices de façon à préciser les cas où la Couronne devrait être présente.
LE TRANSFÈREMENT DES ADOLESCENTS VERS UN AUTRE ÉTABLISSEMENT PSYCHIATRIQUE ET LE TRANSFÈREMENT INTERPROVINCIAL DES ACCUSÉS ATTEINTS DE TROUBLES MENTAUX
RECOMMANDATION 12
Le Comité recommande que les ministres provinciaux, territoriaux et fédéral de la Justice revoient la procédure et les directives de transfèrement des jeunes accusés vers des établissements de psychiatrie légale et des accusés vers d'autres provinces, afin de déterminer si le Code criminel doit être modifié pour être plus clair.
COMMENTAIRES
Cette recommandation porte sur deux aspects distincts. Le transfèrement des accusés adultes jugés non responsables criminellement ou inaptes d'une province ou d'un territoire à l'autre est un de ces aspects. Le placement ou le transfèrement des adolescents jugés non responsables pénalement ou inaptes vers des établissements de psychiatrie légale, qui traitent également les adultes, en est une autre.
Le Comité a entendu plusieurs témoins qui ont noté que les dispositions actuelles du Code criminel en matière de transfèrement interprovincial des accusés étaient imprécises et lourdes et que les délais excessifs n'étaient pas rares, même lorsque les deux autorités concernées étaient d'accord sur le transfèrement. Le ministère de la Justice a consulté des fonctionnaires provinciaux et les commissions d'examen au sujet des transfèrements et reconnaît qu'il y a lieu de réformer ce domaine. Malgré un libellé très clair, les dispositions pertinentes du Code criminel ont reçu des interprétations diverses, ce qui a entraîné un manque d'uniformité, une grande complexité et beaucoup de confusion.
Il est déjà arrivé, par exemple, qu'un accusé soit jugé non responsable pénalement pour cause de troubles mentaux dans la province où l'infraction a été commise et fasse l'objet d'une décision conditionnelle. Lorsque l'accusé vient d'une autre province où il y a de la famille ou des réseaux de soutien, un transfèrement dans sa province d'origine faciliterait sa réinsertion dans la collectivité. Le procureur général de la province d'accueil doit toutefois approuver le transfèrement, et la commission d'examen doit être en mesure de surveiller l'accusé après son transfèrement.
Le gouvernement propose de préciser les dispositions relatives au transfèrement, en particulier celui de l'accusé faisant l'objet d'une décision conditionnelle. Il est toutefois impossible de se passer du consentement de la province d'origine et de la province d'arrivée. La question des mécanismes administratifs permettant d'obtenir le consentement du procureur général de la province, en consultation, le cas échéant, avec le ministre de la Santé, devrait être abordée par les provinces. Le mécanisme de transfèrement prévu par le Code criminel doit continuer à exiger le consentement des deux procureurs généraux de façon à veiller à ce qu'il existe des ressources suffisantes pour surveiller et traiter l'accusé, et pour s'assurer que tous les renseignements pertinents soient communiqués.
Le transfèrement des adolescents détenus dans des établissements de traitement pour adolescents vers des établissements pour adultes est une question distincte auquel les dispositions du Code criminel relatives aux transfèrements interprovinciaux ne s'appliquent pas.
Les adolescents qui sont jugés inaptes ou non responsables pénalement pour cause de troubles mentaux sont actuellement assujettis à la Loi sur les jeunes contrevenants et, après son entrée en vigueur l'année prochaine, ils seront assujettis à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Le gouvernement appuie la recommandation du Comité invitant les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la Justice à revoir les pratiques utilisées en matière de transfèrement ou de placement des jeunes dans les établissements psychiatriques.
Le ministre de la Justice veillera à ce que cette question soit abordée avec les ministres provinciaux et territoriaux de la Justice au cours des consultations au sujet de la mise en œuvre de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Il y a lieu de noter que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents reprend, en les modifiant au besoin, les dispositions du Code criminel relatives aux personnes jugées inaptes à subir leur procès et non responsables criminellement pour cause de troubles mentaux. Des modifications corrélatives seront apportées à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents pour l'uniformiser avec le projet de réforme du Code criminel.
Dans son examen, le Comité n'a toutefois pas abordé tous les problèmes que connaissent les adolescents atteints de troubles mentaux. Le gouvernement sait que le ministère de la Justice se propose d'étudier en détail la façon dont le système de justice pénale devrait traiter les adolescents souffrant de troubles mentaux ou qui ont besoin de soins particuliers, en veillant à ce que ces adolescents bénéficient, eux aussi, des garanties accordées aux autres adolescents par le système de justice pénale pour les jeunes. Cette étude portera également sur les besoins des adolescents qui souffrent des effets et du syndrome d'alcoolisme fœtal.
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