Étude nationale sur les adultes non représentés accusés devant les cours criminelles provinciales (Partie 2 : rapports des études sur le terrain)
Chapitre 3 : Halifax, Nouvelle-Écosse (suite)
3.7 Conclusions générales
3.7.1 Principaux résultats d'ensemble
Voici quelques-uns des résultats clés au sujet des principaux problèmes soulevés dans l'étude :
En ce qui a trait à la fréquence de l'autoreprésentation
- Un nombre important d'accusés suivent les étapes clés du processus judiciaire sans profiter des avantages de la représentation par un avocat.
En ce qui a trait aux effets sur les accusés
- Des personnes interrogées clés laissent clairement entendre que les accusés non représentés (en particulier ceux qui ont peu d'expérience préalable de la cour) risquent moins de connaître les recours qui sont à leur disposition lors des principales étapes du processus judiciaire, et d'en comprendre les décisions et événements clés.
- Il y a manque de preuve permettant de conclure que les accusés non représentés risquent plus ou moins d'être condamnés ou de recevoir une peine plus sévère.
- Un nombre important d'accusés non représentés se voient accorder des peines qui les pénalisent sérieusement ou les privent de leur liberté. Environ 60 pour cent d'entre eux ont un casier judiciaire et une plus petite proportion d'entre eux (environ 10 pour cent) connaissent une peine d'emprisonnement.[36]
- Les accusés non représentés ont généralement des comparutions avant procès relativement plus courtes et moins de comparutions au total que ceux représentés.
3.7.2 Raisons de la situation actuelle des accusés non représentés
Les personnes interrogées en mesure d'émettre des hypothèses sur le sujet ont évoqué les principales raisons suivantes pour expliquer l'actuelle situation des accusés non représentés à Halifax (toutes les raisons n'ont été mentionnées ni approuvées par toutes) :
- L'admissibilité sur le plan financier et les limitations du champ d'application de l'aide juridique laissent peu de marge de manouvre et excluent les travailleurs à faible salaire et ceux qui ne risquent pas d'être condamnés à une peine d'emprisonnement.
« Il y a un tas de gens qui travaillent fort pour de modestes revenus qui ne peuvent se payer un avocat. »
- Certains accusés sont mal à l'aise au point de vouloir simplement « en finir au plus vite » et plaident coupable le plus rapidement possible. Au contraire, pour d'autres, ce malaise se traduit par des retards dans l'accomplissement des choses à faire (incluant l'obtention des services d'un avocat).
- Certains accusés qui risquent une détention continue avant leur procès plaident coupable dans le but de sortir de prison afin de conserver leur emploi, de cacher la situation à leur famille, etc.;
- Dans le cas de femmes accusées, on laisse entendre que nombre d'entre elles ne connaissaient pas l'aide juridique ou la façon d'obtenir les services d'un avocat (une importante proportion d'entre elles croient que la cour leur en trouvera un).
- Enfin, un certain nombre de personnes interrogées soulignaient qu'une (relativement petite) proportion d'accusés choisissent de ne pas être représentés pour des raisons stratégiques (p. ex. les délais), une tactique plus commune chez les personnes accusées de conspiration ou d'infractions liées aux drogues. Dans de tels cas, il n'est pas rare que l'avocat ait été consulté mais ne soit disponible que pour des conseils en général.
3.7.3 Solutions proposées par les personnes interrogées à Halifax
Voici certaines des solutions proposées par les personnes interrogées (solutions ni mentionnées ni approuvées par tous) :
- La présence des juges assure à la défense ou l'accusé non représenté la divulgation à temps de la preuve.
- Élargir le système associé aux avocats de service pour inclure toutes les premières comparutions et mieux aider l'avocat de service. On croit que cela accélérerait le processus pour les accusés qui ont besoin de plus d'information et de conseils avant d'inscrire un plaidoyer ou de faire un choix.
- Fournir les ressources d'un avocat de service dans les cours des juges de paix les fins de semaine.
- Rendre disponible un avocat de service pour qu'il puisse agir comme « intermédiaire » entre les accusés non représentés et la Couronne lorsqu'il faut communiquer des renseignements concrets (p. ex. si la Couronne a des chances de demander une détention). Cela permettrait de résoudre le problème associé aux communications directes entre la Couronne et l'accusé.
- « Prolonger » les services de l'avocat de service (l'avocat de service s'occuperait d'une cause du début à la fin). Ce type de service a été rendu un temps à Halifax et il était considéré trop stressant par plusieurs avocats internes mais il a le soutien de personnes interrogées.
- Avoir un avocat présent à la cour qui serait disponible pour donner des conseils au moment opportun à des accusés non représentés pendant que la cause est suspendue pendant quelques minutes.
- S'assurer que tous les accusés sont informés des conséquences probables suite à leur condamnation (ainsi que la peine qui pourrait y être associée).
- Reconnaître le rôle possible de l'aide (non juridique) accordée aux accusés non représentés par des groupes comme celui de Coverdale, le personnel administratif de la cour et les shérifs de la cour.
- Augmenter les ressources d'aide juridique afin d'augmenter le nombre d'avocats internes, de réduire les périodes d'attente associées aux processus de demande et de prestation des services, d'accorder plus de temps aux avocats internes pour le traitement de chaque cause et de régler les causes plus vite pour réduire ainsi les retards dans la gestion des dossiers.
- Assouplir les critères financiers d'admissibilité à l'aide juridique afin d'aider plus de « travailleurs à faible salaire ».
- Éliminer le critère de « probabilité de peine d'emprisonnement » en faveur d'un critère plus souple associé à la gravité de l'infraction.
- Inclure aux critères d'admissibilité à l'aide juridique le risque de perdre son moyen de subsistance (p. ex. la perte d'un permis de conduire).
- Une prise en considération spéciale par l'aide juridique des premiers contrevenants, ne serait-ce que pour empêcher que trop d'entre eux n'aient un casier judiciaire.
- Utilisation des parajuristes.
- Que les juges se montrent moins tolérants devant les tentatives délibérées de retarder le processus en « manipulant » le processus d'admission à l'aide juridique.
- Augmentation de la tarification (appelé plutôt par un fonctionnaire « honoraires pour service public ») pour les causes où il y a un certificat émis.
- Aider les juges et autres fonctionnaires de la cour à comprendre que les accusés non représentés seront toujours « incapables de s'exprimer et hostiles », et à négocier avec eux en fonction de cette réalité.
- Augmenter les occasions de déjudiciarisation.
- De meilleures procédures de gestion de la cour, incluant une entente par tous sur les aspects suivants : demander aux procureurs de la Couronne de se familiariser avec les causes plus tôt dans le processus et présenter leur meilleure offre à la première occasion; demander à un même juge de suivre une cause après la première comparution; mettre l'emphase sur la grande importance et le rôle essentiel de l'avocat de service et des services d'aide juridique dans les premières étapes (et encore plus lors du procès).
- Plus de formation pour les juges leur permettant de mieux savoir traiter les causes dans lesquelles les accusés ne sont pas représentés.
- Un système plus « mixte » dans lequel plus de causes seraient prises en charge grâce à des certificats émis à des avocats privés (avec un système de tarification plus généreux).
On a aussi suggéré qu'une meilleure information que celle recueillie dans le cadre du présent projet pourrait aider. Par exemple :
- Les données recueillies par Coverdale sur les femmes accusées devant les cours de Halifax au cours des onze dernières années n'ont toujours pas été analysées. L'investissement d'une petite somme d'argent permettrait d'obtenir de l'information valable sur l'expérience de la population féminine accusée (incluant de l'information sur la représentation).
- Avant ce projet, les greffiers n'étaient pas obligés d'inscrire le mode de représentation lors des causes dans le système informatisé de la cour. Au cours de ce projet, l'inscription de cette information est devenue obligatoire. [37] L'analyse de cette information (après une période de temps suffisante pour prendre en compte un nombre suffisant de données) serait très utile.
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[36] Des pourcentages d'une ampleur similaire (et même plus grande - en particulier dans le cas des peines d'emprisonnement) s'appliquent aussi aux causes associées à différents modes de représentation. Toutefois, cela ne diminue en rien l'importance de cet important pourcentage qui s'applique aux accusés non représentés.
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[37] Probablement grâce aux efforts réalisés dans le cadre du Self Represented Litigants Project du ministère de la Justice de la Nouvelle-Écosse.
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