Étude nationale sur les adultes non représentés accusés devant les cours criminelles provinciales (Partie 2 : rapports des études sur le terrain)
Chapitre 8 : Kelowna, Colombie-Britannique (suite)
8.5 Conclusions générales
8.5.1 Principaux résultats d'ensemble
Voici quelques-uns des résultats clés au sujet des principaux problèmes soulevés dans l'étude :
En ce qui a trait à la fréquence de l'autoreprésentation
- Un nombre important d'accusés passent par toutes les étapes clés du processus judiciaire sans profiter des avantages de la représentation par avocat.
En ce qui a trait aux effets sur les accusés
- Les entrevues avec les fonctionnaires clés laissent fortement supposer que les accusés non représentés (particulièrement ceux qui ont peu d'expérience de l'appareil judiciaire) sont moins susceptibles de connaître les recours en justice qui s'offrent à eux aux étapes clés du processus et qu'ils sont moins susceptibles de comprendre bon nombre de décisions et des événements clés survenant au cours du processus.
- Les accusés qui sont représentés par un avocat de pratique privée inscrivent un plaidoyer de culpabilité moins souvent que les autres accusés qui s'autoreprésentent ou qui sont aidés d'un avocat de service.
- Le taux de condamnation des accusés qui s'autoreprésentent ou qui sont défendus par un avocat de pratique privée est moins élevé que celui des accusés aidés de l'avocat de service.
- Les accusés qui s'autoreprésentent sont moins susceptibles d'être condamnés à une peine d'emprisonnement que les autres accusés qui s'autoreprésentent ou qui sont aidés d'un avocat de service.
- Il n'y a pas suffisamment d'éléments probants pour permettre de conclure si les accusés qui s'autoreprésentent sont plus susceptibles d'être condamnés ou de recevoir une peine plus sévère parce qu'ils ne sont pas représentés par un avocat. Néanmoins, un nombre important d'accusés non représentés sont sérieusement pénalisés ou se voient privés de leur liberté une fois jugés. Environ 71 pour cent des accusés auront un casier judiciaire et une plus petite proportion (tout de même non négligeable) d'entre eux (de l'ordre de 11 pour cent) sont condamnés à l'emprisonnement.
En ce qui a trait aux effets sur les tribunaux
- De nombreux juges, de même que de nombreux autres fonctionnaires de la cour, redoublent leurs efforts pour réduire les effets sur les accusés quant à la non représentation. Mais certains de ces efforts peuvent paraître menacer l'impartialité de la fonction judiciaire.
- Les accusés qui s'autoreprésentent et ceux qui sont aidés de l'avocat de service comparaissent moins devant la cour que ceux qui sont défendus par un avocat de pratique privée. Pour ce qui concerne les avocats de service, cela explique pourquoi ils ne plaident pas.
- Lorsque les accusés sont représentés par l'avocat de service, les causes sont plus courtes que celles des accusés non représentés ou des accusés représentés par un avocat de pratique privée (ces dernières étant généralement les plus longues). Mais encore une fois, dans le cas des avocats de service, cela explique qu'ils ne fassent pas de procès.
- Les comparutions individuelles des accusés qui s'autoreprésentent devant la cour lors de la première comparution et devant la cour de mise en accusation sont de durée égale aux comparutions avec un avocat de pratique privée et légèrement plus courtes que les comparutions des accusés aidés de l'avocat de service.
8.5.2 Raisons de la situation actuelle des accusés non représentés
Les personnes interrogées clés s'entendaient pour dire que la plupart des accusés non représentés étaient des personnes ayant fait une demande d'aide juridique qui leur avait été refusée pour des motifs financiers ou des motifs d'application et qui trouvaient trop coûteux les services d'un avocat. À cet égard, plusieurs personnes interrogées ont relevé que le seuil financier pour obtenir de l'aide juridique était très bas.
Beaucoup de personnes interrogées de Kelowna ont fait des remarques au sujet des récentes coupures des services d'aide juridique, ainsi que des coupures à venir. En particulier, certains estiment que la disponibilité de l'avocat de service est « insuffisante ». Alors qu'auparavant il y avait deux avocats de service (un pour les accusés en détention et un pour les autres accusés), en plus d'un « défenseur public » salarié, maintenant le poste d'avocat salarié à temps plein pour défendre des causes (plutôt qu'un avocat de service à temps partiel) n'existe plus. Et même lorsque les ressources étaient plus importantes, on considérait les services fournis par l'avocat de service comme « rudimentaires », ce que les récentes coupures n'ont pas amélioré.
Les avocats de service n'étaient pas disponibles tous les jours de la semaine et étaient limités à quatre heures par jour (ceux qui travaillaient en vertu d'une indemnité journalière). Et le fait d'utiliser plusieurs avocats différents pour assumer cette fonction semblait nuire grandement à la continuité de la représentation. On considérait que les avocats de service étaient aujourd'hui moins disponibles que par le passé pour offrir leur aide lors des plaidoyers de culpabilité à la cour de mise en accusation. Et cette précieuse fonction de l'avocat de service lui permettant de rencontrer les accusés non détenus pour parler de déjudiciarisation et pour les aider à inscrire un plaidoyer de culpabilité était utilisée au maximum. Certains considéraient que l'avocat de service s'en tenait à faire des entrevues rapides avec les accusés, à feuilleter leur dossier et (peut-être) à traiter de certaines causes de manière inappropriée. Et enfin, certaines des journées où les services étaient assurés sur une base d'indemnité journalière étaient couvertes par des avocats venant d'une autre localité de sorte qu'il n'était pas disponible de manière régulière à Kelowna.
Par contre, le temps alloué aux avocats de service pour rencontrer des accusés en détention avant une comparution en cour a été décrit comme approprié. Et les avocats de service pouvaient généralement parler aux procureurs de la Couronne des accusés en détention avant leur enquête sur le cautionnement.
Bien la qualité de la représentation assurée par l'ancien « défenseur public » de la LSS de Colombie-Britannique ait été estimée de qualité, les services fournis par un avocat de pratique privée sur recommandation de l'aide juridique, eux laissaient à désirer. Cela pourrait être attribuable, jusqu'à un certain point, aux tarifs de rémunération qui étaient estimés trop faibles, particulièrement pour les clients de l'aide juridique qui pouvaient être relativement exigeants et pour les causes plus complexes. Une des personnes interrogées pensait que certains des demandeurs à qui on avait accordé l'aide juridique n'arrivaient pas à trouver un avocat de pratique privée qui accepterait leur attestation d'aide juridique, lorsque la cause risquait d'exiger beaucoup de temps (en raison du système de rémunération « à la pièce »)
Certaines des personnes interrogées prévoient que, de plus en plus, le personnel de l'aide juridique sera composé de jeunes avocats sans expérience, en raison du fait que de moins en moins d'avocats acceptent des clients acheminés par le service d'aide juridique, et que de moins en moins d'avocats pratiquent le droit criminel.
8.5.3 Solutions proposées par les personnes interrogées clés à Kelowna
Les personnes interrogées clés de Kelowna ont proposé les solutions suivantes pour réduire le nombre d'accusés non représentés. Il faut noter que la réticence des avocats de pratique privée à accepter des clients recommandés par l'aide juridique (sauf pour les causes complexes) n'était pas en général considéré comme un problème majeur à Kelowna.
- Élargir le service de « défenseur public » (c'est à dire, la représentation par des avocats salariés, y compris aux procès), et allouer plus de ressources sur la « ligne de front » pour desservir plus de clients (c.-à-d. évaluation de la cause et conseils juridiques dès le début du processus).
- Introduire des mesures incitatives portant sur les tarifs de rémunération pour favoriser un règlement rapide.
- Les procureurs de la Couronne pourraient aider les accusés non représentés en leur signalant le plus tôt possible s'ils prévoient ou non de demander la détention afin que les accusés puissent mieux évaluer leurs chances d'obtenir de l'aide juridique.
- Élargir les programmes de vulgarisation et d'information juridiques visant à informer les personnes confrontées à des accusations criminelles, de même que le public en général, des services d'aide juridique et des conséquences d'une condamnation.
- Élargir l'accès à l'avocat de service pour les accusés en détention.
- Étendre la possibilité de bénéficier de l'aide juridique.
- Élargir l'étendue des services offerts par l'avocat de service pour comprendre l'examen de la divulgation de la preuve(ce service est actuellement offert aux accusés qui ne sont pas en détention).
- Élargir l'étendue des fonctions de l'avocat de service pour lui permettre de plaider.
- Augmenter les tarifs de rémunération pour l'aide juridique. Si on veut que l'aide juridique fonctionne, les tarifs de rémunération doivent être appropriés. Les avocats privés que nous avons interviewés n'étaient pas en faveur d'un système de « défenseur public », car ils ne croient pas que ce modèle d'aide juridique incite à la qualité ou à la productivité.
- Date de modification :