Étude nationale sur les adultes non représentés accusés devant les cours criminelles provinciales (Partie 2 : rapports des études sur le terrain)

Chapitre 9 : Scarborough, Toronto, Ontario (suite)

9.2 Contexte de la cour et de l'aide juridique

9.2.2 La cour

a.Inscription au  rôle

Le tableau SC-1 ci-dessous présente les principales caractéristiques du palais de justice et des pratiques liées à l'inscription au rôle au moment de nos visites sur le terrain en juillet 2002. Mais depuis le 3 septembre 2002, toutes les premières comparutions ont été amalgamées aux tribunaux pour adultes où l'on fixe la date de procès.

Tableau SC-1. Caractéristiques de l'inscription
au rôle d'audience à Scarborough
Dix cours criminelles au total Neuf salles d'audience pour adultes Une salle (#408) pour jeunes contrevenants
Une cour des premières comparutions pour adultes seulement Salle d'audience 406 Entend également les plaidoyers et procès Entend en première comparution en après-midi les accusés qui ne sont pas en détention
Une cour supplémentaire pour adulte qui fixe la date du procès Salle d'audience 407 Siège l'avant-midi
Une cour des cautionnements Salle d'audience 412
Deux cours pour adultes pour les cas « spéciaux » Salles d'audience 403 (procès d'une journée) et 405
Quatre cours de première instance pour adultes Salles d'audience 404, 409, 410 et 411
Autres cours spéciales (p. ex. drogues) Aucune
Cour itinérante Aucune
b. Préoccupations particulières au sujet de la gestion des causes et des dossiers judiciaires

La cour de Scarborough accuse un retard d'au moins huit mois (parfois même de plus d'un an) dans la gestion des dossiers avant instruction des personnes qui ne sont pas détenues et de quatre mois pour les personnes détenues avant jugement. Nous présenterons plus loin dans ce présent chapitre d'autres indicateurs tels que le nombre de comparutions propre à chaque cause, la durée d'une cause et les délais de la cour.

La cour a fait des efforts pour améliorer ses politiques et ses pratiques de gestion des causes et des dossiers judiciaires. Par exemple, la Couronne se rend disponible (dans une salle appelée « la caverne ») pour discuter de futures causes avec l'avocat de service et les autres avocats de la défense et tient également des conférences préparatoires aux procès (en audience publique, jusqu'à une certaine limite, pour les accusés non représentés). L cour possède aussi un comité des opérations qui tient des séances régulièrement afin de discuter des pratiques de la cour.

9.2.3 L'Aide juridique

Le service d'aide juridique à Scarborough est rendu par Aide juridique Ontario, une agence indépendante relevant d'un conseil d'administration. Le service est offert par un avocat de service et par le biais de certificats émis aux avocats de pratique privée par un bureau régional.

Le bureau régional le plus près pour les accusés de Scarborough est situé dans une aile adjacente au centre commercial qui abrite le palais de justice. Les demandes d'aide juridique doivent être effectuées en personne, sans rendez-vous. Les retards dans le traitement des demandes et le processus d'approbation ont récemment été réduits grâce à l'ajout de salles d'entrevues pour examiner les demandes et les documents des accusés. Présentement, un certificat est émis en deux semaines ou moins, une fois que toute la documentation a été soumise.

Pour l'ensemble de la province, 48 730 certificats d'aide juridique pour adultes ont été émis au cours de l'exercice 2001/2002, soit 21 pour cent du nombre d'accusés adultes. Bien que les données distinctes pour Scarborough ne soient pas disponibles, 13 281 certificats d'aide juridique ont été émis à Toronto, soit pour 29 pour cent du nombre d'accusés.

9.2.4 L'avocat de service

À l'origine, les services de l'avocat de service ou d'un avocat de pratique privée rémunéré en vertu d'un certificat devaient être utilisés pour les infractions sérieuses (probabilité d'emprisonnement) lorsqu'un plaidoyer de culpabilité était inscrit. On avait recours à l'avocat de service pour les infractions mineures où un plaidoyer de culpabilité était inscrit. Les procès devaient être traités par le biais du certificat autant que pour les infractions sérieuses que pour les infractions mineures lorsque le bien-fondé de la défense était établi. Ce modèle original est encore en vigueur aujourd'hui, sauf que maintenant, les infractions mineures ne sont plus prises en charge par le système d'aide juridique à l'exception des cas « extrêmement rares » où l'avocat de service peut défendre un procès « éclair » ne demandant que peu ou pas de préparation.

À Scarborough, la majorité des tâches de l'avocat de service sont assumées par une équipe de six avocats qui travaillent en vertu de contrats de trois ans renouvelables avec Aide juridique Ontario. (Scarborough utilise également les services d'un certain nombre « d'avocats de service rémunérés au moyen d'une indemnité journalière », qui font du travail à la pièce, notamment pour les causes « particulières » avec les accusés souffrant de troubles mentaux). En début de carrière, les avocats de service sont payés 12 000 $ de moins que les procureurs de la Couronne. Cette disparité de salaire entre les avocats de service et les procureurs de la Couronne augmentent avec les années d'expérience. Les avocats de service ont un salaire qui est parfois inférieur de près de 40 000 $ à celui des procureurs de la Couronne parmi les avocats qui ont le plus d'années d'expérience. Il s'en suit, par conséquent, que les avocats de la cour de Scarborough sont tous de jeunes avocats, à l'exception du superviseur des avocats de service qui, comme les autres superviseurs de la province, possède une grande expérience de cette cour, des autres tribunaux et des procès. A l'exception des superviseurs, ceux à qui on offre le poste d'avocat de service viennent tout juste de terminer leurs études de droit.

L'avocat de service doit vérifier que l'accusé réponde aux critères financiers de l'accusé. (Si l'accusé est détenu, l'avocat de service peut l'aider  à toutes les étapes du processus, sauf au procès, qu'il réponde ou non aux critères financiers.) Si l'accusé n'est pas détenu et qu'il ne répond pas aux critères financiers, les règlements d'Aide juridique ne permettent pas à l'avocat de service d'aider l'accusé au cours du procès (sauf dans des cas extrêmement rares) et de se présenter en cour et de parler au nom de l'accusé lors du plaidoyer ou du prononcé de la sentence. Toutefois, l'avocat de service assiste aussi bien les personnes non admissibles que celles qui le sont lors de la négociation de plaidoyer. Les enquêtes sur le cautionnement des clients de l'Aide juridique sont presque toutes traitées par l'avocat de service, puisque les avocats de pratique privée travaillant en vertu de certificats estiment que les insuffisances du système de tarification ne leur permettent pas de « perdre » deux heures à assister à une enquête pour cautionnement. Et les procès peuvent uniquement être défendus par des avocats de pratique privée rémunérés au moyen d'un certificat. Les avocats de service sont attitrés à une salle d'audience, de manière à ce qu'ils puissent suivre une même cause du début à la fin. En théorie, les avocats de service peuvent aider un accusé non représenté à négocier un plaidoyer le jour du procès, mais en réalité, ils sont tous pris dans une autre salle d'audience (il n'y a pas d'avocat de service itinérant).

9.2.5 La divulgation de la preuve

En vertu d'un accord avec la police de Toronto, la divulgation de la preuve dans 95 pour cent des causes peut être faite en moins de six semaines pour les causes sans détention et en deux semaines pour les causes avec détention. C'est la police qui fournit une copie à la Couronne et qui en remet une autre à l'accusé lors de la première comparution. La Couronne possède également un système d'enregistrement qui lui permet de faire des copies des bandes vidéo et audio.

En pratique, toutefois, la divulgation de la preuve pose certains problèmes. Dans les cours de cautionnement (parce que cela se passe souvent peu de temps après l'arrestation), le compte-rendu n'est pas toujours remis à l'avocat de service, et dans plusieurs cas, il se voit remettre par la Couronne une copie dont il doit prendre connaissance en « deux minutes » pendant que l'accusé est amené à la cour depuis son lieu de détention. À l'occasion, il arrive qu'un juge demande à l'avocat de service de s'occuper d'un accusé qui inscrit un plaidoyer avant même d'avoir eu la preuve en main. L'accusé et l'avocat de service doivent alors lire les documents ensemble en vitesse au cours d'une pause. Cette situation se produit plus souvent lorsque l'accusé est détenu ou lorsqu'il désire plaider coupable lors de la première comparution.

Bien que nous n'ayons pas particulièrement voulu recueillir des données empiriques sur l'effet de la disponibilité de la divulgation de la preuve sur le fonctionnement de la cour, il vaut la peine de relever que 11 pour cent des demandes de renvoi observées en cour (sauf dans les cours de première instance) étaient des renvois « pour divulgation de la preuve ou pour précisions ».[75]

9.2.6 Autres groupes pouvant venir en aide à l'accusé

Un certain nombre d'organismes pouvant venir en aide aux accusés ont un bureau au sein du palais de justice : les services de santé mentale, le programme « Operation Springboard », le Programme de cautionnement de Toronto, l'Armée du salut et le service d'interprètes. De plus, bien qu'ils ne possèdent pas de bureau au palais de justice de Scarborough, les parajuristes autochtones peuvent également venir en aide aux accusés.

Tous peuvent offrir une aide précieuse à tous les accusés (y compris les accusés non représentés). Et étant donné la composition culturelle et ethnique de la collectivité, les interprètes sont particulièrement importants.

Les services de santé mentale jouent un rôle important pour les personnes accusées souffrant de troubles mentaux.[76]6 Et l'assistance qu'ils offrent aux accusés non représentés en vue d'obtenir de l'aide juridique est particulièrement pertinente pour la présente étude. Les politiques et les pratiques du service d'Aide juridique prévoient que les personnes souffrant de troubles mentaux pourront obtenir, ou une aide juridique « ordinaire », ou les services d'un « avocat de service spécial ».[77] Cependant, ces personnes ont besoin d'une aide particulière au cours des démarches de demande d'Aide juridique puisqu'elles risquent d'être mal organisées (p. ex. il leur manque les documents bancaires ou n'ont pas de résidence ou de travail permanent). Les services de santé mentale assurent également la liaison avec les autres services pour fournir aux accusés un soutien psychologique et un soutien dans la gestion de leur cause, et en général pour les assister au cours de la déjudiciarisation, du cautionnement et des autres étapes du processus judiciaire.