Étude nationale sur les adultes non représentés accusés devant les cours criminelles provinciales (Partie 2 : rapports des études sur le terrain)
Chapitre 9 : Scarborough, Toronto, Ontario (suite)
9.6 Autres effets sur l'absence de représentation
9.6.1 Effets sur les fonctionnaires de la cour et les autres intervenants
a. Personnel du service d'aide juridique et avocat de service
Nous avons mentionné précédemment que certaines personnes interrogées clés ont laissé entendre que le problème de la représentation à la cour de Scarborough était moins un problème d'absence de représentation mais plutôt un problème de « sous-représentation ».
Par exemple, les personnes interrogées ont fait part de leurs préoccupations au sujet de ce qu'ils ont défini comme étant les limites inhérentes à l'efficacité de l'avocat de service. « Le vrai problème est de savoir si les services fournis par l'avocat de service sont suffisants. » La fonction d'avocat de service était cruciale pour le fonctionnement des tribunaux mais elle n'a jamais complètement été « acceptée » par tout le monde et a dû faire face à de nombreux aux obstacles, notamment :
- Des niveaux de salaires qui garantissaient pratiquement que les avocats retenus pour s'acquitter des tâches d'avocat de service auraient peu d'expérience, en particulier dans le domaine des procès;
- Des niveaux de salaires et d'expérience qui mettaient les avocats de service « à la merci » des procureurs de la Couronne quand venait le temps de négocier un plaidoyer;
- Le peu d'occasions qu'avaient les avocats de service de participer à des procès, de telle manière qu'ils ne pouvaient pas dire au procureur de la Couronne : «D'après mon expérience d'avocat, je sais que vous ne pourrez pas prouver ce que vous avancez- faites une meilleure offre sinon nous irons en procès. »;
- Les avocats de service n'avaient pas les ressources, ni le soutien approprié (p. ex. parler aux témoins ou recueillir de nouveaux éléments de preuve, alors que la Couronne disposait du service de la police pour continuer à recueillir de la preuve contre l'accusé);
- Des structures de dotation et de rémunération qui garantissaient pratiquement que « l'avocat de service quitterait son poste juste au moment où il commencerait à maîtriser ses fonctions »;
- Des rôles de la cour à n'en plus finir et un manque de ressources qui laissaient insuffisamment de temps pour chaque cause, c.-à-d. trop peu de temps pour étudier la preuve en détail (certains après-midi, les listes comportaient jusqu'à 50, voire 100 causes. « Pour prodiguer des conseils juridiques approfondis, les avocats de service devraient consacrer d'une demi-heure à une heure à chaque accusé. »);
- Les négociations de plaidoyer étaient effectuées « à la va vite » pour des « personnes rencontrées il y a dix minutes à peine ».
b. Avocats de pratique privée rémunérés en vertu de certificats d'Aide juridique
Au sujet de la « sous-représentation », plusieurs personnes interrogées ont également mentionné que les limites du système de rémunération engendraient de graves lacunes quant à la qualité de l'assistance juridique fournie par une portion d'avocats de pratique privée et quant à leur disponibilité, notamment :
- En général, les mesures dissuasives envers les avocats de pratique privée qui les empêchaient de « faire de leur mieux »
- Le défaut d'un avocat de pratique privée à se présenter en cour pour « représenter » un accusé lors d'une comparution;
- Les avocats de pratique privée qui envoyaient un représentant ne pouvant pas participer aux conférences préparatoires et qui demandaient donc un nouveau renvoi;
- Les enquêtes sur le cautionnement qui étaient presque toujours traitées par l'avocat de service parce que les avocats privés « étaient mieux payés » aux autres étapes du processus criminel;
- Les avocats de pratique privée qui ne pratiquaient qu'occasionnellement à Scarborough n'avaient pas une connaissance approfondie des manies et des habitudes du juge qui prononcerait la sentence et ne prenaient pas la peine de faire un peu de recherche à ce sujet (p. ex, pour savoir si un juge en particulier avait l'habitude d'accorder ou non une peine d'emprisonnement intermittente sans avoir une attestation écrite que l'accusé avait un travail);
- De « mauvais arguments avant le prononcé de la sentence ».
Manifestement, ces commentaires ne s'appliquaient pas chaque fois que l'accusé était représenté par un avocat de pratique privée rémunéré en vertu d'un certificat d'aide juridique. Toutefois, le fait que certaines personnes interrogées aient relevé ces problèmes justifierait certainement une étude plus approfondie.
c. Procureurs de la Couronne
En général, les procureurs de la Couronne ne parlaient pas avec les accusés non représentés ni ne négociaient de plaidoyers avec eux; ils discutaient des règlements de plaidoyer uniquement en audience publique. Dans de telles situations, il arrivait souvent que l'on demandait à l'avocat de service de prodiguer ses conseils sur-le-champ, et on allait parfois le chercher dans une autre salle. Et les conférences préparatoires au procès des accusés non représentés étaient « impossibles », car elles ne permettaient pas au tribunal de délimiter les problèmes et les procédures en vue du procès. Et lorsque les procès subissaient une ordonnance de renvoi de la part d'un juge préoccupé parce qu'un accusé se présentait à son procès sans avocat, les procureurs de la Couronne éprouvaient bien des difficultés à gérer leur temps efficacement.
Les procureurs de la Couronne étaient aussi préoccupés par le problème de la « sous-représentation », qui « bousculait » les procureurs. Voici quelques-unes une des difficultés soulevées :
- Les enquêtes pour cautionnement « faisaient pitié à voir », selon un certain nombre de personnes interrogées; les avocats de pratique privée travaillant en vertu de certificats étaient la plupart du temps absents; les causes étaient appelées dans n'importe quel ordre, peu importe si l'avocat de service avait rencontré ou non l'accusé ou s'il était prêt à procéder à l'enquête sur le cautionnement. Parfois, la preuve était divulguée au procureur de la Couronne mais pas à l'avocat de service et le juge de paix refusait d'accorder un délai afin de permettre à l'avocat de service de se préparer plus tard le même jour.
- Un grand nombre d'avocats de pratique privée ne se présentaient tout simplement pas, ce qui ralentissait le processus.
- Le nombre de causes inscrites au rôle de la cour était interminable et le rythme effréné auxquels devaient faire face les avocats de service les désavantageaient en général, et (selon certains) par rapport aux procureurs de la Couronne et aux avocats de pratique privée.
- Certains procureurs ont mentionné qu'il arrivait souvent que l'avocat de service prodiguait son aide lors d'un plaidoyer de culpabilité sans même avoir pris connaissance de toute la preuve, mais la norme semblait être que la plupart du temps, il prenait connaissance de la preuve avec l'accusé au moment du plaidoyer.
d. Juges
Les personnes interrogées ont indiqué que la plupart de juges faisaient « des pieds et des mains » pour protéger les droits des accusés non représentés; « il était très difficile pour le juge de porter plus d'un chapeau, mais ils ne voulaient pas voir quelqu'un plaider dans des causes où la Couronne n'était pas bien préparée en matière de preuve ». Toutefois, certains juges étaient plus consciencieux à s'acquitter de ce rôle que d'autres, qui « pouvaient laisser l'accusé se débrouiller seul ».
La plupart de personnes interrogées s'entendaient pour dire que les procès ou les accusés n'étaient pas représentés duraient plus longtemps que les autres, peut-être même deux fois plus longtemps, « si ce n'était pas dix plus longtemps lorsqu'il fallait un interprète ». Les personnes interrogées qui n'étaient pas de cet avis ont toutefois dit que les accusés non représentés ne savaient pas du tout quelles questions poser et ne pensaient pas à assigner des témoins ni à présenter des arguments importants à leur défense. De plus, de nombreux accusés se faisaient « rabrouer souvent au cours d'un procès et avaient tendance à ne plus vouloir parler lorsque venaient le moment du prononcé de la sentence ». Toutefois, la plupart des personnes interrogées s'accordaient à dire que les procès avec accusés non représentés étaient pénibles pour tout le monde. D'un autre côté, une minorité d'entre eux croyaient qu'à certaines étapes du processus judiciaire, s'adresser directement à l'accusé pouvait s'avérer être plus efficace.
e. Personnel administratif de la cour
Les accusés non représentés demandaient souvent au personnel administratif de la cour de leur expliquer les procédures ou même de leur dire quelle stratégie ils devraient utiliser pour défendre leur cause. Cependant, le personnel de la cour ne pouvait pas prodiguer des conseils juridiques et ils référaient les accusés à l'avocat de service.
De plus, les employ és du tribunal se rendaient compte qu'ils devaient souvent expliquer à un accusé non représenté ce qui venait de lui arriver à la cour. Et des explications particulièrement ardues étaient souvent nécessaires lorsque l'accusé découvrait pour la première fois la signification de cautionnement ou du prononcé de la sentence ou qu'il se rendait compte qu'il devait payer une suramende compensatoire qui représentait une somme considérable puisqu'il n'avait pas beaucoup de ressources financières (c.-à-d. 50 $ par chef pour les déclarations de culpabilité par procédure sommaire et 100 $ par chef pour les déclarations de culpabilité par mise en accusation).
f. Personnel chargé de la sécurité à la cour
Bien qu'ils n'aient pas été fréquents, certains problèmes de sécurité relatifs aux accusés souffrant de troubles mentaux , menaçants plus particulièrement les accusés en détention, sont parfois survenus. Toutefois, de tels problèmes ne touchaient pas uniquement les accusés non représentés.
9.6.2 Effets d'ordre général sur le fonctionnement de la cour
a. Charges de travail à la cour : durée et nature des comparutions individuelles
Durée des comparutions
Dans la plupart des cours criminelles provinciales du Canada, seulement de 4 à 10 pour cent des causes se rendent à l'étape du procès. Par conséquent, la très grande majorité des comparutions ne sont pas associées à un procès et, comme nous l'avons noté précédemment, à Scarborough (comme dans d'autres cours), ces comparutions durent en moyenne de une à deux minutes par cause. Ce qui, en d'autres circonstances, semblerait être une légère augmentation du temps nécessaire pour s'acquitter d'une fonction lors d'une comparution peut donc représenter une importante augmentation de la charge de travail pour le personnel judiciaire, le procureur de la Couronne, l'avocat de l'Aide juridique, l'avocat de la défense, ainsi que le personnel service d'administration de la cour, proportionnellement et dans l'ensemble.
Les données provenant du travail d'observation de la cour indiquent un souci que les accusés non représentés soient conscients des opportunités et avantages associés à la présence d'un avocat et ce souci traduit par une augmentation de la durée de chacune des comparutions.
Dans près du tiers (32 pour cent) des comparutions, un commentaire concernant le mode de représentation a été fait soit par le juge, l'accusé, le procureur de la Couronne ou l'avocat de service. D'ordinaire le juge a demandé aux accusés s'ils avaient un avocat, ce à quoi ils répondaient de différentes manières : ils désiraient s'autoreprésenter, ils avaient fait une demande d'aide juridique qui leur avait été refusée, ils avaient un avocat qui ne pouvait être là et ainsi de suite. Lors de certaines comparutions, l'impatience était palpable, le procureur de la Couronne demandant à l'accusé de fournir une preuve qu'il avait bien fait une demande d'aide juridique ou le juge déclarerait que le procès débuterait lors de la prochaine comparution, que l'accusé soit représenté ou non.
Les personnes interrogées pensaient toutes que certains processus duraient plus longtemps et d'autres moins longtemps lorsque les accusés n'étaient pas représentés. Ceux-ci pourraient « s'arrêter à des détails inutiles » alors qu'un avocat irait droit au but, mais ils pourraient par contre omettre de soulever certaines questions, que ce soit par ignorance, à cause du problème de la langue ou parce qu'ils étaient anxieux ou intimidés.
Les personnes interrogées estimaient que les procès avec accusés non représentés étaient plus longs. Il disaient que les accusés, à l'étape du procès, ralentissaient les procédures en :
- Exigeant de longues explications;
- En n'invoquant pas la preuve ou les processus de renonciation là où un avocat l'aurait fait;
- En accordant de l'importance à tous les détails;
- En posant des questions « sans objet et hors propos »;
- En faisant des affirmations plutôt qu'en posant des questions.
Il ne faut pas manquer de prendre note que Scarborough a instauré la pratique de la conférence préparatoire au procès - rencontre entre les parties et le juge dans le cabinet ou la bibliothèque du juge pour faire un meilleur usage du temps de la cour et des parties lors du procès. Il n'y a pas de conférence préparatoire pour les causes dont l'accusé n'est pas représenté, bien qu'une forme plus condensée soit tenue en audience publique.
La plupart des personnes interrogées semblaient unanimes à déclarer que les accusés non représentés ralentissaient le processus judiciaire et contribuaient aux retards à traiter des causes parce que, à cause égale, ils devraient comparaître un plus grand nombre de fois. Une personne interrogée a déclaré que trois-quarts des accusés trouvaient un avocat au cours d'un mois mais que les autres « se moquaient du système ».
En fonction des comparutions avant procès
Dans le but de produire un dossier du travail d'observation de la cour, l'observateur s'est assis dans les salles d'audience lors des premières comparutions et des procès dont la date a été fixée, et a noté le temps accordé pour chacune des causes/comparutions. Les résultats permettaient de voir très clairement si les comparutions des accusés qui s'autoreprésentaient (dans les comparutions avant procès) étaient effectivement plus longues ou plus courtes que celles des accusés représentés par un avocat.
Comparution à laquelle le plaidoyer a été inscrit | Durée des 25e/ 50e/75e centiles des causes/ comparutions par mode de représentation | Tous les modes de représentation | |||
---|---|---|---|---|---|
Auto-représentation | Avocat de service | Avocat de service pour un avocat de pratique privée | Avocat de pratique privée | ||
Toutes les comparutions | 25e = 60 50e = 90 75e =120 (n= 77) |
60 120 240 (n=123) |
60 120 300 (n=52) |
60 120 240 (n=208) |
60 120 180 (n=473) |
Source : Dossier du travail d'observation de la cour
*** Moins de dix causes/comparutions
Comme le démontre le tableau SC-11, dans les cours de première comparution/mise en accusation/procès à date fixe - dans l'ensemble, en utilisant un cas type ou la médiane comme point de comparaison - les comparutions semblaient être plus courtes lorsque l'accusé s'autoreprésentait (médiane de la durée de comparution = 90 secondes) et plus longues dans les causes avec l'avocat de service, l'avocat de service qui remplaçait un avocat de pratique privée ou par un avocat de pratique privée (dont la médiane était de 120 secondes). On observait des résultats semblables si on utilisait le 75e centile comme point de comparaison, bien que cette mesure identifiait les comparutions dans lesquelles l'accusé était représenté par l'avocat de service remplaçant un avocat de pratique privée comme étant plus longues que celles avec l'avocat de service ou un avocat de pratique privée.[84]
D'un point de vue strictement financier pour les cours, on pourrait penser qu'il est plus avantageux que les accusés ne soient pas représentés, car les causes sont conclues plus rapidement que celles avec l'avocat de service. Cependant, du point de vue de l'accès à la justice, il y a lieu de s'inquiéter lorsqu'un accusé n'est pas représenté car on consacre moins de temps à traiter de ses problèmes. L'une des personnes interrogées clés a laissé entendre que la cause d'un accusé qui n'est pas représenté durait moins longtemps parce que celui-ci n'était ni informé, ni préparé et qu'on ne prenait pas le temps de lui parler.
Un autre facteur qui augmenterait la durée de temps consacré à une cause inscrite au rôle serait le processus qui consisterait à « laisser en suspens » une cause pour y revenir plus tard dans la journée afin d'en terminer l'étude. Dans les faits, l'observateur de la cour a relevé que 12 pour cent des causes étaient laissées en suspens dont le pourcentage le plus élevé revenait aux causes représentées par l'avocat de service (16 pour cent). Sur 61 causes laissées en suspens, onze (18 pour cent) l'ont été parce l'avocat ne s'était pas présenté (c.-à-d. les causes dans lesquelles l'accusé était représenté par l'avocat de service en remplacement d'un avocat de pratique privée, ou celles avec un avocat de pratique privée). Toutefois, la raison susceptible d'être invoquée le plus souvent pour laisser une cause en suspens était le transfert de la cause à un autre tribunal cette journée-là (69 pour cent dans l'ensemble et 91 pour cent des suspensions pour les causes avec accusés qui s'autoreprésentaient).
Il faut toutefois noter que conformément aux personnes interrogées et au travail d'observation de la cour, les juges de paix des tribunaux des cautionnements étaient parfois réticents à suspendre une cause afin de permettre à l'avocat de service de lire les détails, de s'entretenir avec l'accusé ou le procureur de la Couronne ou de communiquer avec la personne qui paie la caution. Vu que de tels refus mèneraient à faire perdre du temps et que l'accusé devrait être ramené en prison (puis de nouveau conduit au tribunal pour la prochaine comparution), il serait important que l'accusé ait un avocat qui s'assure de régler toutes les questions comme celles de la caution.
Événements survenant lors des comparutions individuelles devant la cour
Les personnes interrogées ont déclaré que les comparutions sans avocat étaient souvent une perte de temps pour le tribunal, et comme noté ci-dessous, les accusés non représentés comparaissaient davantage que les autres.
L'information recueillie lors du travail d'observation de la cour a aussi permis de savoir combien de comparutions étaient « productives » dans le sens qu'elles aboutissaient à un (ou plus) des trois types de décisions, c'est-à-dire une décision (ou à tout le moins une prise en considération) quant à un cautionnement, une défense ou un choix de défense. Le tableau SC-12 présente une répartition des événements (ou absence d'événement) à la cour en fonction du mode de représentation lors de la dernière comparution. Les colonnes de gauche présentent les données concernant les comparutions « intérimaires » (c.-à-d. non finales). Les colonnes de droite présentent les données concernant les dernières comparutions.[85]
Le tableau permet de constater que dans l'ensemble, les comparutions intérimaires, étaient moins susceptibles de ne pas donner lieu à un cautionnement, un choix de défense ou à une inscription de plaidoyer (voir colonne 2 - pas de décision) lorsque l'accusé était représenté par un avocat de pratique privée (93 pour cent), et plus susceptible d'y donner lieu lorsque l'accusé n'était pas représenté (98 pour cent). Toutefois, quel que soit le mode de représentation, la proportion des comparutions où aucune décision n'était prise au sujet du cautionnement, du plaidoyer ou du choix de défense était très élevée (93 pour cent dans l'ensemble). Quoi que considérable, cette proportion était un peu moins élevée (88 pour cent) pour les causes avec avocat de service, particulièrement en ce qui avait trait à leur rôle au cours des enquêtes pour cautionnement.
Le nombre des dernières comparutions (colonne de droite du tableau SC-12) observées était peu élevé. Les données pertinentes relatives à cette analyse étaient insuffisantes: 33 comparutions sur un nombre total de 480.
b. Charges de travail : nombre de comparutions par cause
La plupart des personnes interrogées semblaient unanimes à déclarer que les accusés non représentés ralentissaient le processus judiciaire et contribuaient aux retards à traiter les causes parce que, à cause égale, ils devaient comparaître un plus grand nombre de fois. Une personne interrogée a déclaré que trois-quarts de tous les accusés se trouveraient un avocat en un mois et que l'autre quart se « se moqueraient du système ». Les personnes interrogées ont laissé entendre que les comparutions sans avocat seraient souvent une perte de temps pour la cour, et que comme mentionné précédemment, les accusés non représentés comparaissaient davantage que les autres.
Motifs de renvoi lors des premières comparutions
Le dossier du travail d'observation de la cour permettait, grâce aux données, de commencer à explorer au moins six motifs de renvoi, et les résultats ont démontré que dans une grande proportion (19 pour cent), les motifs invoqués pour se faire accorder un renvoi étaient liés à l'obtention des services d'un avocat.[86] Et plus précisément : pour obtenir un certificat d'Aide juridique (2 pour cent), pour trouver un avocat (8 pour cent), pour vérifier que l'accusé ait bien un avocat (3 pour cent), pour reporter à une date ultérieure où un avocat qui était absent pourrait se présenter (6 pour cent).
Si l'on devait transposer ces résultats à un plus grand nombre de causes/comparutions, ils indiqueraient que les renvois dans le but d'obtenir une aide juridique constituent une importante source de délais.
Comparutions avant l'inscription d'un plaidoyer
Un deuxième indicateur direct des surcharges de travail provoquées par ces causes (et des ressources financières nécessaires pour y faire face) est le nombre de comparutions requises avant de conclure une cause.
Le tableau SC-13 présente d'abord la comparution à laquelle un plaidoyer a été inscrit pour les accusés en fonction du mode de représentation.
Les données laissent supposer qu'en général, les causes avec un accusé non représenté requièrent un plus grand nombre de comparutions avant l'inscription d'un plaidoyer que les causes représentées par l'avocat de service, mais que, sauf dans le cas des causes sans fin, elles ne requièrent pas plus de comparutions que les causes avec un avocat de pratique privée. De surcroît :
- Peu d'accusés non représentés plaidaient coupable aux premières étapes du processus. Le quart des accusés non représentés qui plaidaient coupable rapidement ne le faisaient pas avant la quatrième comparution;
- La moitié des accusés représentés par l'avocat de service avaient inscrit un plaidoyer dès la deuxième comparution;
- Un quart des accusés non représentés faisaient au moins treize comparutions avant leur plaidoyer et un quart des causes avec un avocat de pratique privée faisaient au moins dix comparutions.
Comparution à laquelle le plaidoyer a été inscrit | Mode de représentation | Tous les modes de représentation | ||
---|---|---|---|---|
Auto-représentation | Avocat de service | Avocat de pratique privée | ||
25e centile | 4 | 1 | 4 | 3 |
Médiane | 7 | 2 | 7 | 6 |
75e centile | 13 | 4 | 10 | 9 |
95e centile | S/O | 16 | 17 | 16 |
Total des causes | 35 | 61 | 160 | 260 |
Note :
* Si un plaidoyer a été inscrit à plus d'une comparution, c'est la comparution à laquelle un plaidoyer a été inscrit qui est présentée..
Nombre total de comparutions avant la décision
Le tableau SC-14 présente le nombre total de comparution pour une cause, en fonction du mode de représentation lors de la dernière comparution. Les données révèlent que les causes dans lesquelles un accusé s'autoreprésentait requéraient, en général, plus de comparutions en cour que celles représentées par l'avocat de service, mais que, sauf dans le cas des causes sans fin, elles ne requéraient pas plus de comparutions que les causes représentées par un avocat de pratique privée. Plus particulièrement :
- La moitié des causes avec des accusés non représentés lors de la dernière comparution se réglant le plus rapidement, comportaient une comparution de moins que les causes avec un avocat de pratique privée (six comparutions ou moins, comparativement à sept comparutions ou moins). Toutefois, en ce qui concerne les causes représentées par l'avocat de service, la moitié étaient conclues rapidement, au bout de trois comparutions.
- Un quart des accusés qui s'autoreprésentaient, comparaissaient onze fois ou plus. Un quart des accusés représentés par un avocat de pratique privée se présentaient dix fois ou plus.
- Une petite minorité de causes comptait un nombre extraordinaire de comparutions : 5 pour cent des accusés non représentés lors de la dernière comparution comparaissaient 28 fois ou plus et 5 pour cent des accusés représentés par un avocat de pratique privée lors de la dernière comparution comparaissaient 16 fois ou plus.
Nombre de comparutions | Mode de représentation | Tous les modes de représentation | ||
---|---|---|---|---|
Auto-représentation | Avocat de service | Avocat de prati-que privée | ||
25e centile | 3 | 2 | 4 | 3 |
Médiane | 6 | 3 | 7 | 6 |
75e centile | 11 | 5 | 10 | 9 |
95e centile | 28 | 10 | 16 | 14 |
Maximum | 30 | 17 | 25 | 30 |
Total des causes | 76 | 105 | 285 | 471 |
Note:
Source : Dossierr des causes réglées
c. Durée des causes jusqu'à leur règlement
L'échantillon des causes réglées a aussi fourni de l'information sur le temps écoulé entre la première et la dernière comparution. Cette information est importante du point de vue d'un processus équitable. Cependant, cette perspective nous amène à formuler deux hypothèses : premièrement, « une justice reportée est une justice niée » et, deuxièmement, « une justice hâtée est une justice piétinée ».[87]La première préoccupation est pertinente pour ceux qui pensent que les retards dans l'obtention d'une représentation juridique ont une incidence négative sur l'impartialité du processus de la cour et sur le résultat final. La deuxième préoccupation est particulièrement pertinente pour ceux qui s'inquiètent du fait que les accusés non représentés puissent plaider coupable rapidement « pour en finir » ou parce qu'ils ne sont pas au courant des défenses juridiques existantes.
Comme le montre le tableau SC-15 :
- À tous les points de vue, les causes avec l'avocat de service prenaient le moins de temps à se régler;
- Du premier quart des causes se réglant le plus rapidement, celles avec un accusé qui s'autoreprésentait prenaient trois semaines de plus à se régler que celles avec un avocat de pratique privée, et douze semaines de plus que les causes avec l'avocat de service;
- À la médiane, il n'y avait pas de différence de durée entre les causes avec accusé non représenté et celles avec un avocat de pratique privée;
- Du quart des causes prenant le plus de temps à se régler, celles qui étaient représentées par un avocat de pratique privée prenaient plus de temps à se régler que celles du groupe équivalent dont l'accusé n'était pas représenté;
- Un quart de toutes les causes prenaient plus de sept mois à se régler.
Temps écoulé (en semaines) entre la première et la dernière comparution, par mode de représentation | Tous les modes de représentation | |||
---|---|---|---|---|
Auto-repré-sentation | Avocat de service | Avocat de pratiqueprivée | ||
25e centile | 13 | 1 | 10 | 6 |
Médiane | 24 | 5 | 24 | 20 |
75e centile | 39 | 14 | 42 | 37 |
95e centile | 78 | 52 | 75 | 68 |
Maximum | 84 | 66 | 224 | 224 |
Total des causes | 76 | 105 | 286 | 471 |
[84] Nous avons aussi tenté de faire une distinction entre les causes/comparutions qui résultaient d'un renvoi ou de conclusions définitives. Malheureusement, le trop petit nombre de causes/comparutions présentes dans la banque de données ne nous permet pas d'examiner cet aspect. En revanche, comme le démontre le tableau SC-11, les causes/comparutions qui ont abouti à un renvoi et pour lesquelles l'accusé s'autoreprésentait étaient encore là conclues plus rapidement que celles des accusées ayant un autre mode de représentation - dont les plus longues étaient encore une fois les causes représentées par l'avocat de service replaçant un avocat privé.
[85] Quatre causes pour lesquelles le mode de représentation n'était pas clair pour l'observateur à la cour ne font pas partie des données présentées dans le tableau.
[86] Le seule motif n'invoquant pas de « trouver un avocat » pour justifier une demande de renvoi était pour « fixer une date de procès » (29 %). Il vaut la peine de noter que 7 % de renvois sont attribuables au défaut de l'accusé de se présenter en cour pour sa comparution.
[87] Cette expression a tout d'abord été suggérée à l'un des auteurs par un collègue hautement respecté, Carl Baar.
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