Les crimes motivés par la haine au Canada : Un préjudice disproportionné
4.0 OBSERVATIONS
- 4.1 Statistiques sur les crimes motivés par la haine : questions relatives à la collecte de données
- 4.2 Les avantages d'une collecte de données nationale
- 4.3 Les inconvénients d'une collecte nationale
- 4.4 Intégration nationale des statistiques sur les crimes motivés par la haine
- 4.5 La Hate Crime Statistics Act
- 4.6 La Loi sur les statistiques relatives aux incidents dénotant de la prévention contre les minorités (proposition de loi)
- 4.7 La classification des crimes motivés par la haine
- 4.8 Projet de formation des agents de police
- 4.9 Les organismes juridiques à caractère non pénal
- 4.10 Priorités de la recherche sur les crimes motivés par la haine
4.0 OBSERVATIONS
Nous avons besoin de renseignements plus précis sur la fréquence et la nature des crimes motivés par la haine au Canada que ceux dont nous disposons à l'heure actuelle et ce, pour diverses raisons. Premièrement, l'ampleur du problème n'est pas encore comprise par de nombreuses personnes parce que, notamment, les crimes motivés par la haine ne sont pas tous signalés. À cet égard, le Canada se distingue du Royaume-Uni où, comme le souligne Fitzgerald (1995: 4) :
Il n'est plus nécessaire de mesurer le problème pour savoir qu'il existe. C'est-à-dire que, malgré les divergences entre les résultats obtenus dans différents endroits par diverses méthodes, l'ensemble des éléments de preuve ne permet pas de nier qu'il existe un problème.
Deuxièmement, il nous faut des renseignements plus précis pour connaître les groupes visés et distribuer les ressources dont dispose le système de justice pénale de faç plus efficace et efficiente. Troisièmement, de meilleurs renseignements nous permettraient d'évaluer l'efficacité des mesures adoptées par le système de justice pénale (et par la collectivité).
4.1 Statistiques sur les crimes motivés par la haine : questions relatives à la collecte de données.
Le projet de recherche qui a donné lieu au présent rapport nous force à conclure notamment que nous avons besoin de renseignements plus précis sur la fréquence des crimes motivés par la haine au Canada. Nous pouvons améliorer notre connaissance de ces crimes de plusieurs façons. Tout d'abord, il y aurait lieu, tout simplement, d'encourager plus de services de police et de groupes d'intérêts à recueillir des données sur la fréquence des actes motivés par la haine. À la longue, ce moyen permettrait sans doute d'obtenir des données plus précises. Mais il y aura toujours des incohérences et, sans doute, les victimes de certains crimes motivés par la haine choisiront de continuer de garder le silence. Ensuite, on pourrait également promouvoir un projet national de collecte de données. Nous allons maintenant résumer les arguments pour et contre l'adoption d'une telle stratégie.
4.2 Les avantages d'une collecte de données nationale
4.2.1 Cohérence
Il est loin d'être facile de définir un crime motivé par la haine ou les préjugés. Nous l'avons mentionné dans les chapitres précédents, plusieurs définitions ont été avancées et sont aujourd'hui appliquées au Canada et ailleurs, et il est clair que divers organismes ont adopté une approche différente en matière de collecte de données. Les corps policiers ont même adopté des méthodes très différentes (voir les chapitres précédents du présent rapport). Cette situation engendre donc, inévitablement, un certain nombre d'incohérences. L'adoption d'une stratégie nationale centrée sur la collecte de telles données nous permettrait d'avoir une idée beaucoup plus juste de la véritable nature et portée des activités motivées par la haine au Canada. L'élaboration de la politique pourrait ensuite s'inspirer de ces connaissances, notamment en matière d'augmentation des peines pour les crimes motivés par la haine, de création de nouvelles infractions et de révision des peines maximales obligatoires.
4.2.2 Constatation du préjudice causé
Le principe de la proportionnalité est fondamental en matière de détermination de la peine au Canada. Cela veut dire que la peine doit être directement proportionnelle à la gravité de l'infraction pour laquelle elle est infligée. Le principe de proportionnalité deviendra loi dès l'adoption du projet de loi sur la réforme de la détermination de la peine (C-41)[19]. Ce projet de loi contient une disposition (art. 718.1) qui énonce que : « la peine est proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant. » La gravité peut s'entendre du tort causé à la victime ou dont elle a été menacée. Les crimes motivés par la haine ou les préjugés sont plus graves que les autres crimes en raison du fait notamment qu'ils constituent une menace à l'égard des autres membres du groupe ciblé et un affront à l'ensemble de la communauté (Roberts, 1994a). Tant et aussi longtemps que le système de justice pénale ne sera pas saisi de la plupart des crimes motivés par la haine (à quelques exceptions près), le tribunal de première instance ne pourra tenir compte du préjudice causé en infligeant la peine.
4.2.3 Intégration des diverses composantes du système de justice pénale
Lorsque le projet de loi sur la réforme de la détermination de la peine (C-41) deviendra loi (début des années l996), il sera encore plus nécessaire de recueillir des données précises sur le nombre de crimes motivés par la haine. En vertu d'une disposition du projet de loi (sous al. 718.2a)(i)), il y a circonstance aggravante, au sens de la loi, lorsqu'il y a « des éléments de preuve établissant que l'infraction est motivée par des préjugés ou de la haine fondés sur la race, la nationalité, la couleur ou la religion, le sexe, l'âge, la déficience mentale ou physique ou l'orientation sexuelle de la victime »
. Cette disposition reflète la jurisprudence actuelle et correspond aux peines plus sévères infligées aux contrevenants ayant perpétré des infractions motivées par la haine dans d'autres pays, notamment les États-Unis (voir
Roberts, 1994a). Si les dispositions sur les circonstances aggravantes du projet de loi C-41 doivent être plus que purement symboliques, il sera nécessaire d'obtenir des renseignements fiables sur les crimes motivés par la haine. C'est ce que nous qualifions d'intégration de la collecte de données et du processus de détermination de la peine. En réalité, pour poursuivre avec succès les crimes motivés par la haine, il faudra une enquête systématique sur les éléments de preuve de la motivation du contrevenant. En cas contraire, les crimes motivés par la haine entraîneront rarement l'infliction de la peine plus sévère prescrite par le projet de loi C-41.
On pourrait également prétendre, à juste titre d'ailleurs, que l'adoption d'une définition plus précise des crimes motivés par la haine permettrait au système de justice pénale et à la société en général d'avoir une idée plus juste de ces crimes. À l'heure actuelle, tant la société que le système de justice pénale ne reconnaissent pas nombre de crimes comme étant motivés par la haine ou les préjugés. Il y a quelques années à Toronto, plusieurs adolescents avaient participé au meurtre d'un homme qu'ils croyaient être un homosexuel. Il s'agissait nettement d'un crime motivé par la haine et, néanmoins, les médias n'ont pas mentionné ce fait à l'époque. En conformité avec la nouvelle Loi sur la détermination de la peine, le tribunal serait tenu d'infliger une peine plus sévère pour un crime (dans cette affaire, il s'agissait d'un homicide involontaire coupable) motivé par la haine. Si le tribunal reconnaissait ce fait dans les motifs de la sentence[20] et que ces motifs étaient ensuite rendus publics, peut-être que le public et les professionnels seraient plus conscients des crimes motivés par la haine.
L'un des arguments les plus percutants en faveur de statistiques nationales est que les groupes minoritaires eux-mêmes - les personnes les plus directement visées par ce type de crimes - veulent obtenir des renseignements plus précis sur la fréquence et le type d'infractions motivées par la haine. Enfin, plusieurs des recommandations de principes proposées par des groupes tels que B'nai Brith Canada ne peuvent être appliquées en l'absence de données systématiques sur les crimes motivés par la haine au Canada.
4.2.4 Tenir compte de tous les groupes ciblés
En décrivant les statistiques sur les crimes motivés par la haine d'autres pays, nous avons constaté que ces crimes sont dirigés contre divers groupes. Si la collecte de données est confiée à certains groupes en particulier, on risque d'écarter des crimes motivés par la haine dirigés contre des groupes qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour recueillir ces données ou contre des groupes que les autorités du système de justice pénale ne reconnaissent pas comme étant une cible légitime de ce type de crimes.
4.2.5 Avantages pour les collectivités locales
Les collectivités bénéficieraient également de statistiques fiables sur les crimes motivés par la haine. Il est important qu'une collectivité connaisse l'ampleur du problème et soit en mesure de situer ce problème dans un quelconque contexte national. De même, la collectivité doit savoir où le problème se manifeste avec plus d'acuité et quels sont les groupes visés. Ces connaissances ne sont possibles que par l'entremise de statistiques fiables.
4.2.6 Les meilleures pratiques
Il est également important de souligner que la cueillette nationale de données sur les crimes motivés par la haine est conforme à la politique adoptée dans d'autres pays qui ressemblent énormément au Canada, savoir le Royaume-Uni et les États-Unis.
4.3 Les inconvénients d'une collecte nationale
4.3.1 Ressources
Une collecte nationale et uniforme de ce type de renseignements a pour inconvénient notamment d'exiger des efforts supplémentaires des services de police du Canada au moment où les ressources dont ils disposent sont rares. Les crimes motivés par la haine étant, en règle générale, concentrés dans les villes les plus importantes, devra-t-on concentrer cette collecte de données dans les grandes villes en laissant pour compte les communautés rurales? Certes, les crimes motivés par la haine au Canada sont un phénomène presque exclusivement urbain, mais cet argument est fondé sur le principe que la collecte de renseignements sur les crimes motivés par la haine s'avérerait difficile pour les services de police. Or, cela n'est pas nécessairement vrai. Pour recueillir ces données, il n'est pas nécessaire de créer une unité chargée des crimes motivés par la haine, même si une telle mesure paraît souhaitable pour les principaux corps policiers canadiens. Dans les petites communautés rurales où ce type de crime est rare, le service de police pourra faire enquête sans déployer beaucoup d'efforts supplémentaires. En l'absence d'une analyse complète des coûts et des bénéfices, il est difficile d'être précis sur cette question, mais les corps policiers n'auraient pas nécessairement à fournir un effort démesuré et le geste serait fort utile tant à titre de symbole qu'en termes pratiques.
4.3.2 Chevauchement
On pourrait également prétendre qu'une collecte de données nationale est inutile tant et aussi longtemps que des données précises sont disponibles au niveau local. À Ottawa, par exemple, il a été démontré qu'il est possible d'obtenir des données précises au niveau local à des fins essentiellement locales. Cela demeure vrai, mais cet argument ne tient pas compte du fait que symboliquement une collecte nationale de données serait très utile. De plus, même si tous les services de police de toutes les villes devaient compiler des statistiques globales sur les crimes motivés par la haine à l'instar des services de police d'Ottawa, de Montréal et de Toronto, le problème de l'incompatibilité des diverses définitions demeurerait entier et une étude comparative de la fréquence de ces crimes dans les diverses villes canadiennes serait impossible.
En résumé, un plus grand nombre d'arguments semblent militer en faveur d'une stratégie nationale de collecte de données que contre celle-ci.
Nous allons maintenant examiner les moyens d'implanter une telle stratégie.
4.4 Intégration nationale des statistiques sur les crimes motivés par la haine
Pour les motifs susmentionnés, nous devons avoir une meilleure idée de la véritable nature des crimes motivés par la haine au Canada, de même que de leur nombre.À cette fin, plusieurs mesures pourraient être adoptées dont certaines sont décrites ci-dessous.
4.4.1 Encourager divers groupes à établir leurs propres statistiques
Le moyen le plus simple et néanmoins le plus efficace d'obtenir plus de statistiques sur les crimes motivés par la haine consisterait à encourager les divers groupes minoritaires à adopter une démarche semblable à celle de B'nai Brith, en créant et en maintenant un inventaire des incidents motivés par la haine. En fait, plusieurs groupes religieux et groupes de gais et de lesbiennes aux États-Unis compilent leurs propres statistiques depuis des années. Toutefois, cette proposition comporte plusieurs inconvénients. Tout d'abord, il est peu probable que tous les groupes qui sont la cible de crimes motivés par la haine disposeront des ressources et de l'expérience nécessaires pour exécuter le travail de B'nai Brith à cet égard. Nous l'avons mentionné, l'organisme montréalais qui représente les gais et les lesbiennes n'a pas été en mesure de continuer à recueillir des données à cause d'une pénurie de ressources. Deuxièmement, divers groupes sont susceptibles d'adopter une définition différente du crime motivé par la haine ou les préjugés. Tel que susmentionné, les services de police canadiens appliquent diverses définitions et les groupes d'intérêts sont susceptibles d'adopter des définitions encore plus disparates. Troisièmement, si chaque groupe d'intérêts ne signale que les incidents dirigés contre les membres de son groupe, il sera impossible d'obtenir un portrait global de la situation. Enfin, cette dernière solution nous semble insatisfaisante puisqu'en règle générale, les statistiques compilées par ce type d'organisme ne sont pas aussi fiables et n'ont pas le même impact que les données recueillies par les organismes gouvernementaux.
4.4.2 L'approche fondée sur les études spéciales
Un deuxième moyen d'obtenir des données nationales uniformes sur les crimes motivés par la haine ou les préjugés serait de confier cette tâche au Centre canadien de la statistique juridique qui mènerait des « enquêtes nationales » périodiques sous l'égide d'un projet « d'études spéciales ». Cette solution permettrait également de recueillir (quoique de façon périodique) des données sans modifier nécessairement les enquêtes en cours, notamment la Déclaration uniforme de la criminalité. J'ai soutenu, dans un autre rapport (Roberts, 1994b), que l'approche fondée sur les études spéciales constitue le meilleur moyen d'obtenir des renseignements sur l'origine raciale ou ethnique d'un suspect. Toutefois, quant aux crimes motivés par la haine, cette solution ne me paraît pas la meilleure et ce, pour diverses raisons.
Contrairement aux statistiques sur les crimes à caractère raciste, le fait d'ajouter des questions au DUC ne soulève aucune difficulté éventuelle. De même, puisque les crimes motivés par la haine constituent un faible pourcentage des incidents[21], les services de police auraient très peu de travail supplémentaire. Dans la grande majorité des crimes signalés, l'agent de police omettrait tout simplement de répondre aux questions sur les crimes motivés par la haine. L'expérience américaine est pertinente. Peu après que huit États aient commencé à recueillir des renseignements sur les crimes motivés par la haine, la recherche a révélé que cette activité n'avait entraîné aucune augmentation significative des coûts. Deuxièmement, il est souvent beaucoup plus long et beaucoup plus difficile d'obtenir le consensus nécessaire aux fins de l'approbation d'une étude spéciale. Les médias pourraient cesser de s'intéresser, comme ils le font à l'heure actuelle, aux crimes motivés par la haine (voir, par exemple, Macleans, 1995) et le désir d'aller de l'avant pourrait s'atténuer.
4.4.3 Modification du nouveau système de déclaration uniforme de la criminalité
Le moyen le plus efficace d'obtenir des données nationales uniformes consisterait à ajouter des éléments d'information au Système de déclaration uniforme de la criminalité (DUC). Le DUC révisé contient beaucoup plus de renseignements sur le taux de criminalité, le suspect et la victime que l'ancien système, le DUC global. Selon la Loi sur la statistique, Loi révisée du Canada, ch. S-19, le DUC applique un mode d'enregistrement par incident aux fins de recueillir des renseignements essentiels sur la nature et l'étendue des activités criminelles au Canada. Grâce à ce mode d'enregistrement par incident, le système DUC fournit des renseignements utiles en matière d'élaboration des politiques et des dispositions législatives, d'évaluation des nouvelles dispositions législatives et aux fins de comparer les données canadiennes et les données internationales. La base de données constitue également une source de renseignements pour les médias, les universitaires et les chercheurs. Incorporer des données sur la motivation des activités criminelles s'inscrirait dans le cadre de tous ces objectifs.
En principe, il serait assez simple d'ajouter des données sur la haine comme motif de perpétration d'une infraction, mais en réalité, la modification des éléments d'information exigent l'adoption de plusieurs mesures complexes. En premier lieu, il faudrait une consultation fédérale-provinciale dont les conclusions seraient soumises au Conseil de l'information juridique (CIJ). L'une des principales questions à régler est celle de la création de nouvelles infractions. Si de nouvelles infractions motivées par la haine étaient ajoutées au Code criminel, il faudrait prendre d'autres moyens aux fins de modifier le système DUC. Deuxièmement, il faudrait consulter les corps policiers de l'ensemble du pays, notamment l'Association canadienne des chefs de police (ACCP). Bien entendu, avant de modifier le système d'enregistrement par incident du DUC, il faut que tous les agents de police du Canada collaborent et enregistrent les données pertinentes. Troisièmement, il faudrait consulter les groupes communautaires intéressés de l'ensemble du pays.
Quatrièmement, il faudrait apporter plusieurs modifications au Guide sur la déclaration uniforme de la criminalité (Centre canadien de la statistique juridique, 1984). Il s'agit du document qui décrit le système de notation appliquée par les agents de police et qui guide tous les policiers canadiens. Le document devra être modifié pour inclure des renseignements sur la définition des crimes motivés par la haine ou les préjugés. Bien entendu, cette dernière mesure ne saurait se faire sans que la question de la définition que nous avons soulevée plus tôt ne soit résolue. Enfin, le Centre canadien de la statistique juridique devra appuyer et participer activement à toute modification du DUC. Le Centre devra notamment effectuer un essai préalable pour tout formulaire DUC révisé, processus qui pourrait également prendre un certain temps.
Somme toute, le moyen le plus efficace d'obtenir des statistiques globales sur les crimes motivés par la haine serait de modifier le système DUC aux fins qu'il tienne compte des activités motivées par la haine. Toutefois, une telle réforme exigerait l'adoption de nombreuses mesures, des consultations prolongées auprès de divers groupes d'intéressés et un long processus d'implantation.
Une proposition de loi présentée au Parlement canadien en 1993 exige la cueillette systématique des statistiques nationales sur les crimes motivés par la haine. Cette proposition de loi reflète l'opinion de divers groupes d'intérêts qui ont exigé des statistiques plus précises et est calquée sur un projet de loi américain adopté il y a quelques années. Avant d'examiner la proposition canadienne, nous allons étudier la loi américaine en détail puisqu'il s'agit d'une loi modèle qui pourrait s'avérer utile pour le Canada.
4.5 La Hate Crime Statistics Act
En 1990, le congrès américain adoptait la Hate Crime Statistics Act (United States Statutes at Large, 1991; ci-après la Loi; le texte intégral de la loi se trouve à l'annexe B du présent rapport). (Il existe des lois semblables dans plusieurs États - voir par exemple Berk, 1990.) Ce texte législatif avait pour objet d'assurer la compilation des statistiques sur les crimes motivés par la haine de l'ensemble des États-Unis. Avant l'adoption de cette Loi, il n'existait aucune statistique nationale en matière de justice pénale sur la fréquence des crimes motivés par la haine aux États-Unis. Les organismes privés étaient seuls à fournir des renseignements, notamment l'AntiDefamation League qui publie chaque année une compilation des incidents à caractère antisémite et le National Gay and Lesbian Task Force Policy Institute qui documente les actes criminels perpétrés contre les communautés gaies des principales villes américaines. La situation qui sévissait aux États-Unis avant l'adoption de la Loi était semblable à la situation actuelle au Canada.
La Loi comprend plusieurs éléments. Tout d'abord, elle exige que les données soient rassemblées chaque année mais elle impose une limite de cinq ans en matière de signalement. La Loi vise donc la constitution d'un ensemble significatif de statistiques sur les crimes motivés par la haine plutôt qu'une compilation permanente de ces données.Deuxièmement, la Loi propose une définition large de la notion de crime motivé par la haine qui n'applique pas le critère de la motivation exclusive appliqué dans d'autres pays.Ainsi, la Loi mentionne seulement les « crimes dénotant clairement l'existence d'un préjugé ». Le préjugé doit être fondé sur « la race, la religion, l'orientation sexuelle ou l'origine ethnique »
. Deuxièmement, le texte de loi fournit une liste de groupes visés et, fait plus
étonnant, une liste des infractions, savoir les crimes : « de meurtre, d'homicide involontaire coupable, de viol, de voies de fait graves, de voies de fait simples, d'intimidation, d'incendie criminel, de destruction ou de dommages causés aux biens »
.
De plus, aux termes de la Loi, le procureur général est tenu d'établir des lignes directrices pour la collecte de ces données y compris les critères et les preuves nécessaires pour qu'un incident soit classé comme crime motivé par la haine ou les préjugés. De plus, la Loi interdit l'usage de ces données à des fins autres que la recherche légitime ou les statistiques et les données ne doivent contenir aucun renseignement susceptible de révéler l'identité d'une victime individuelle. Enfin, la nature délicate de la disposition sur l'orientation sexuelle ressort également de la note explicative annexée à la Loi.[22]
4.6 La Loi sur les statistiques relatives aux incidents dénotant de la prévention contre les minorités (proposition de loi)
Le projet de loi C-455[23] a été présenté en première lecture le 8 juin 1993. Comme pour la plupart des propositions de loi présentées par un député, le projet n'a pas été examiné par le Comité de la justice et des affaires juridiques de la Chambre des communes et cet exercice n'est pas prévu dans un avenir rapproché. La Loi sur les statistiques relatives aux incidents dénotant de la prévention contre les minorités est bien résumée dans une note explicative :
Ce projet de loi a pour but d'obliger tous les corps de police du pays à colliger des statistiques sur le nombre d'incidents visés par les enquêtes qu'ils mènent qui ont pour cause la prévention contre des sections du public ou groupes identifiables en raison de leur couleur, de leur race, de leur religion, de leur orientation sexuelle ou de leur origine ethnique et d'identifier les groupes ou personnes faisant l'objet de ces préventions dans ces incidents. Les statistiques seraient communiquées au Solliciteur général du Canada et rendues publiques dans un rapport déposé à la Chambre des communes.
Quelques observations sur cette proposition de loi (dont le texte intégral se trouve à l'annexe C) s'imposent. Premièrement, elle adopte une définition large qui n'exige pas un motif exclusif. La définition est semblable à celle adoptée par la Hate Crime Statistics Act des États-Unis, et par certains corps policiers canadiens (voir les chapitres antérieurs du présent rapport). Deuxièmement, en vertu de la proposition de loi, le Solliciteur général du Canada établit les critères de classification des incidents motivés par la haine. La loi des États-Unis contient une disposition analogue. Troisièmement, la proposition de loi énumère les groupes visés; elle omet toutefois les incidents dirigés contre une victime à cause de sa déficience mentale ou physique ou de son âge comme le fait la Loi, pour des motifs que nous ignorons. Enfin, soulignons que cette loi a pour objet d'attirer l'attention sur le problème des crimes motivés par la haine puisque ces statistiques seraient déposées à la Chambre des communes et non tout simplement soumises au ministère du Solliciteur général sous forme de rapport de recherche.
Est-il nécessaire d'adopter une telle loi au Canada? À notre avis, la réponse dépend du degré de consensus sur les questions susmentionnées que soulève la compilation de statistiques sur les incidents motivés par la haine. Si les corps policiers ne sont pas disposés à s'entendre ou à coordonner leurs efforts en matière de collecte de renseignements et de définition de l'infraction, cette loi pourrait constituer le seul moyen de compiler des données systématiques sur le problème que constituent les crimes motivés par la haine. Par contre, les corps policiers qui ont participé à l'enquête qui a donné lieu au présent rapport ont également déclaré s'intéresser énormément à cette question. L'adoption d'une loi sur la collecte de statistiques ne réglera pas tous les problèmes de définition des termes et de cueillette de données et il ne serait pas sage de croire autrement. Cette loi ne facilitera pas beaucoup la poursuite de tels crimes mais elle faciliterait la compilation cohérente de statistiques sur les crimes motivés par la haine et cette première étape est essentielle.
Si les services de police des municipalités recueillent des statistiques sur les crimes motivés par la haine et les transmettent à un répertoire central tel que Statistique Canada, les groupes communautaires comme B'nai Brith devraient-ils cesser de recueillir leurs propres données? Probablement pas. Les statistiques de la police seront peut-être toujours un peu biaisées et une source autonome de renseignements sera la seule façon de connaître la véritable fréquence des crimes motivés par la haine. En l'absence d'enquêtes périodiques sur les actes de violence, ce seront les groupes communautaires qui nous fourniront des données sur les crimes motivés par la haine qui ne sont pas signalés à la police. De même, les organismes privés, tels que B'nai Brith, ont contribué à sensibiliser la communauté à l'ampleur du problème des crimes motivés par la haine (voir Czajkoski, 1992).
4.7 La classification des crimes motivés par la haine
La classification des crimes motivés par la haine pratiquée par le système de justice pénale ne reflète pas fidèlement les répercussions de ces crimes. À titre d'exemple, l'une des formes les plus répandues de crimes motivés par la haine ou les préjugés : la profanation des symboles religieux. Au cours des dernières années, plusieurs cimetières juifs ont été profanés, tant ici qu'en Europe.[24] Ces incidents ont été classés comme méfaits. L'alinéa 430(1)a) du Code criminel énonce ce qui suit : « Commet un méfait quiconque volontairement détruit ou détériore un bien ».
Cette classification des crimes motivés par la haine entraîne au moins deux conséquences négatives de taille. Premièrement, elle atténue la gravité des crimes motivés par la haine en les classant avec d'autres actes de vandalisme beaucoup moins graves. Le contrevenant qui a dessiné des swastikas sur des pierres tombales est accusé, en vertu du Code criminel, de la même infraction que l'adolescent qui met ses initiales sur le mur d'une école même si le préjudice causé à la collectivité (et la culpabilité du contrevenant) est beaucoup plus grave. Pour la plupart des gens, le terme « méfait » dénote une infraction très mineure. Le terme « vandalisme » n'est guère mieux : il invoque les graffiti dans le métro et s'entend d'un geste irréfléchi sans conséquence (Wolfgang, Figlio, Tracy et Singer, 1995). Les crimes motivés par la haine sont nettement plus graves et sont loin d'avoir été commis sans but précis; au contraire, ces actes visent délibérément des cibles précises et traduisent une idéologie fondée sur la haine (voir Hamm, 1994).
Le système actuel soulève un deuxième problème : les contrevenants dont le degré de culpabilité varie font partie de la même catégorie. Ils ne se distingueront qu'au moment de la détermination de la peine (lorsque le tribunal prononcera un verdict de culpabilité) puisque le tribunal peut infliger une peine qui tient compte du tort que causent les crimes motivés par la haine. Cette solution ne saurait toutefois remplacer une classification plus précise au moment de la mise en accusation. Une autre question se pose d'ailleurs : celle du casier judiciaire. Il est impossible pour le juge qui, au moment de déterminer la peine d'un contrevenant qui a déjà été accusé d'avoir perpétré un méfait, consulte le dossier CIPC de celui-ci pour connaître les condamnations antérieures, de connaître la nature de l'infraction puisque le CIPC ne fournit pas ces renseignements. La gravité de la peine ne serait donc pas proportionnelle à la gravité de l'infraction pour laquelle elle a été infligée, minant ainsi le principe fondamental de proportionnalité du processus de détermination de la peine.[25]
La principale question qui doit donc être résolue dans ce domaine est celle de l'opportunité de créer des infractions spécifiques pour les crimes motivés par la haine. Cette question a déjà été débattue et des arguments complexes ont été soumis pour appuyer chaque côté de la question (voir Gilmour, 1994: 77-86 pour une analyse détaillée). Quelle que soit la décision prise, la situation actuelle qui permet aux contrevenants de continuer de perpétrer des actes inspirés par la haine sans que le système de justice pénale intervienne n'est pas satisfaisante.
Bref, les infractions à portée générale, notamment les méfaits, constituent une entrave à l'application précise du droit pénal. Bien entendu, le même argument s'applique au traitement des actes à caractère raciste par le système actuel qui ne nous permet pas de savoir si un récidiviste condamné pour voies de fait a déjà commis un crime à caractère raciste.
Par conséquent, à notre avis, il existe des raisons fort valables de créer certaines infractions précises relativement aux crimes motivés par la haine, notamment en regard de la profanation des institutions, des symboles et des objets religieux. Divers groupes du Canada et d'ailleurs, dont B'nai Brith, ont déjà proposé l'adoption d'une telle mesure (Ligue des droits de la personne, 1993: 44). La création de quelques infractions motivées par la haine n'entraînerait aucune confusion puisque la profanation d'une pierre tombale se distingue de l'acte qui consiste à peindre des graffiti sur une rame de métro. Ces deux infractions étant visées par le même article du Code criminel, il s'ensuit nécessairement une atténuation de ce qui constitue un crime grave. En outre, le préjudice encore plus grave que cause ce type de crime ne peut être véritablement pris en compte adéquatement au moment de la détermination de la peine pour les motifs susmentionnés.
Enfin, l'expérience d'autres pays révèle que lorsque des mesures vigoureuses sont prises contre les crimes motivés par la haine, le nombre d'incidents diminue. De plus, les communautés deviennent plus unies puisque les groupes minoritaires qui ont toujours été la cible des crimes motivés par la haine ont le sentiment que la population est sensible à leurs besoins. La réaction de la police est l'un des éléments les plus importants de l'effort visant à enrayer les crimes motivés par la haine, mais ce n'est pas le seul. D'autres mesures peuvent être adoptées. On peut notamment éduquer le public et faire en sorte que la population appuie les mesures prises par le système. À titre d'exemple des mesures de prévention qui peuvent être adoptées, on peut mentionner les panneaux publicitaires qui ont été installés dans le système de transport en commun de la ville de Toronto.[26]
4.8 Projet de formation des agents de police
Il ne suffit pas d'adopter des lois et de créer des systèmes aux fins de recueillir des données. L'État doit former la police locale à déceler les crimes motivés par la haine, à prendre les mesures qui s'imposent et à faire rapport de ces crimes d'une manière efficace et complète (Coldren, 1991: 131).
Il faut absolument former les agents de police à mener des enquêtes sur les crimes motivés par la haine. Bien entendu, une définition uniforme de ces crimes sera utile, mais si les agents de police ne possèdent pas la capacité et la formation qui leur permettront de reconnaître et de classer les crimes motivés par la haine qui leur sont signalés, une base de données statistiques nationale sera peu utile. Un agent de police a écrit, en réponse à la demande du ministère de la Justice du Canada :
La justesse du système de données « sur les crimes motivés par la haine » dépendra de l'adoption d'une définition uniforme, de même que d'une application constante de cette définition par les services de police de tout le Canada.
Certes, les agents de police auraient tout avantage à suivre des cours supplémentaires sur les mesures à adopter face aux crimes motivés par la haine. Les membres de plusieurs corps policiers canadiens se sont rendus aux États-Unis aux fins d'obtenir une certaine expérience en la matière, mais il n'y a eu aucun projet de formation à l'échelle nationale. L'expérience d'Ottawa et de Toronto pourrait s'avérer fort utile pour les autres corps policiers du Canada. Un atelier national sur les crimes motivés par la haine à l'intention des agents de police[27] permettrait à ces derniers de prendre connaissance de ce phénomène et favoriserait l'adoption de mesures uniformes quant à la procédure, à la formation et aux modes d'enquête. Le programme de formation devrait également aider les policiers à être plus délicats et utiles dans leur travail auprès des victimes. Il existe plusieurs programmes canadiens de formation de la police dans d'autres domaines, t utiles dans leur travail auprès des victimes. Il existe plusieurs programmes canadiens de formation de la police dans d'autres domaines, notamment en matière de violence familiale, (par ex., Roberts et O'Sullivan, 1993), mais les policiers ne reçoivent aucune formation sur les crimes motivés par la haine. Et puisque tous les agents de police, non seulement les membres des unités spécialisées, seront appelés à déterminer si un crime a été motivé par de la haine, il y aurait lieu d'envisager la possibilité de soulever cette question au moment de la formation de base des nouvelles recrues.
4.9 Les organismes juridiques à caractère non pénal
Le présent rapport visait essentiellement les mesures prises par le système de justice pénale à l'égard des crimes motivés par la haine, mais il faut souligner que ce problème ne relève pas uniquement de la police et des tribunaux. Ce sont les stratégies proactives à long terme qui seront probablement plus efficaces aux fins de diminuer le nombre de crimes motivés par la haine. Il s'agira probablement de projets éducatifs, particulièrement en milieu scolaire. Tel que susmentionné dans le présent rapport, les crimes motivés par la haine sont, en règle générale, perpétrés par des jeunes âgés, le plus souvent, de moins de 25 ans. Il est important que le système de justice pénale intervienne pour arrêter, poursuivre et punir les individus coupables, mais le crime a déjà été commis (voir Cook, 1991). Il faut éduquer les jeunes sur le préjudice qu'ils causent en perpétrant des crimes motivés par la haine et leur inculquer la conscience du fait que, plus que pour tout autre crime, ce type de crime est contraire à l'esprit d'une société multiculturelle et multiraciale.
À cet égard, les documents de recherche sur le vandalisme fournissent des renseignements pertinents. Nombre de crimes motivés par la haine signalés à la police comportent des actes de vandalisme, particulièrement le vandalisme antisémite dirigé contre les synagogues. Des enquêtes effectuées auprès d'adolescents révèlent que ces derniers ne sont pas conscients de la gravité de ces actes et c'est peut-être la raison pour laquelle ils s'y adonnent en grand nombre. Par exemple, en Ontario, une recherche menée auprès d'un groupe d'enfants d'âge scolaire a révélé que les enfants croyaient que le vandalisme n'était pas une infraction grave et qu'il était peu probable qu'un contrevenant soit déclaré coupable d'une telle infraction (Task force on vandalism, Ontario, 1981). Fait peu étonnant, plus le répondant était convaincu que l'infraction n'était pas grave, plus il était possible qu'il ait participé à un acte de vandalisme (Task force on vandalism, Ontario, 1981: 248). D'autres chercheurs ont également tiré la même conclusion. Zimmerman et Broder (1981: 51) ont écrit ce qui suit :
Il existe un lien significatif négatif entre la gravité et l'ampleur de l'activité; plus un acte est grave, plus il est rare et moins nombreux sont les enfants qui s'y sont adonnés.
Bref, l'éducation du public en général, et des jeunes en particulier, sur la gravité de cette forme d'activité criminelle pourrait s'avérer efficace à long terme pour diminuer la fréquence des crimes motivés par la haine[28].
4.10 Priorités de la recherche sur les crimes motivés par la haine
En sus d'un système officiel de collecte de statistiques uniformes par la police, plusieurs autres mesures pourraient être prises pour améliorer notre connaissance de la nature et de la fréquence de cette forme de criminalité.
4.10.1 Enquête sur les attitudes de la collectivité
La plupart des corps policiers des principaux centres urbains ont maintenant une unité spécialisée en matière de crimes motivés par la haine, mais nous avons très peu de renseignements sur les liens que ces unités ont établis avec les collectivités les plus visées par ces crimes. Par exemple, nous ignorons si les membres des collectivités gaies et lesbiennes font confiance à la police pour ce genre de crimes. Ce n'est que lorsque nous disposerons d'une enquête scientifique sur les communautés les plus visées que nous serons en mesure de savoir si la police a réussi à établir des liens avec les victimes des crimes motivés par la haine. La recherche effectuée sur les crimes motivés par la haine dans d'autres pays (par ex., Maung et Mirrlees-Black, 1994) a révélé que la peur, la haine et l'absence de confiance en la police étaient les facteurs qui empêchaient les minorités visibles de signaler ces crimes au système de justice pénale. Nous devons savoir si les minorités ethniques et les autres groupes visés par les crimes motivés par la haine ont la même réaction.
4.10.2 Enquêtes sur les actes de violence
Tel que mentionné dans l'introduction du présent rapport, les statistiques sur le crime établies par le système de justice pénale ne reflètent qu'une partie du taux réel d'actes criminels. Cette situation a un impact sur la recherche visant à déterminer le nombre de crimes motivés par la haine. Par exemple, quelle serait l'opportunité d'inclure les crimes motivés par la haine dans une enquête sur les actes de violence? La principale enquête sur les actes de violence menée au Canada a été l'enquête sur les risques menaçant la personne effectuée dans le cadre de l'Enquête sociale générale (ESG). Cette enquête a été menée en 1988 et en 1993. Les données fournies par cette enquête ont grandement contribué à notre connaissance des divers crimes perpétrés au Canada (voir, par ex., Garner et Doob, 1994). Il serait assez simple d'ajouter quelques questions à l'ESG pour mieux connaître la perception des victimes d'actes criminels dans lesquels la haine a joué un rôle (ou a été perçue comme ayant joué un rôle). Sans ces renseignements supplémentaires, notre connaissance du taux de crimes motivés par la haine serait limitée aux statistiques officielles.
Les données actuelles révèlent peu de choses sur la fréquence des actes de violence dirigés contre les diverses minorités. La communauté juive est-elle plus souvent la cible des crimes motivés par la haine que les communautés noires du Canada? Par le passé, ces deux groupes ont subi des actes discriminatoires à caractère nettement raciste. Mais les actes antisémites ont été davantage documentés depuis nombre d'années. L'analyse des incidents antisémites qu'effectue chaque année la Ligue des droits de la personne de B'nai Brith Canada ne porte probablement que sur une minorité d'incidents antisémites au Canada, mais cette documentation constitue un indice utile relativement à la fréquence de certaines activités à caractère raciste. Il nous faut un projet de recherche semblable pour les autres groupes minoritaires. Ces renseignements pourraient être obtenus au moyen d'une enquête sur les actes de violence.
4.10.3 Le traitement des crimes motivés par la haine par le système de justice pénale
La poursuite des crimes motivés par la haine constitue un défi spécial tant pour les services de police que pour la Couronne. Aucune recherche systématique n'a porté sur la manière dont la police enquête sur ces crimes. Un examen, même bref, des renseignements acheminés au ministère de la Justice du Canada révèle diverses approches en matière d'enquêtes sur les crimes motivés par la haine. Ce projet pourrait comporter une recherche qualitative puisque les conclusions soumises dans ce rapport sont toutes de nature quantitative. Toutefois, la recherche quantitative comporte des limites quant aux renseignements qu'elle peut fournir sur les crimes motivés par la haine et sur les mesures appliquées par le système de justice pénale. Une analyse en profondeur d'un petit nombre de dossiers faciliterait grandement notre compréhension du problème et fournirait des données quantitatives supplémentaires qui nous renseigneraient sur les tendances globales des divers pays sur une longue période. L'une des questions qui doivent être approfondies est celle de savoir si, au Canada, les crimes motivés par la haine sont perpétrés par des groupes organisés (comme c'est le cas dans la plupart des pays d'Europe -- voir Loow, 1995) plutôt que par des contrevenants individuels qui n'ont aucun lien avec des groupes.
4.10.4 Analyse de la jurisprudence en matière de détermination de la peine lors de la commission d'un crime motivé par la haine
Nous l'avons mentionné, le projet de loi sur la réforme de la détermination de la peine (C-41) énonce que la haine constitue une circonstance aggravante comme l'avaient recommandé divers groupes et individus (voir Etherington, 1994: 81). D'ailleurs, cette loi ne fait que codifier ce que les tribunaux font depuis assez longtemps, à savoir infliger une peine plus lourde lorsque le contrevenant est motivé par la haine à l'égard d'un groupe précis. Toutefois, cette hypothèse n'a jamais été réellement vérifiée et les quelques jugements sur la détermination de la peine que nous connaissons (Commission canadienne sur la détermination de la peine, 1987; Ruby, 1994) sont muets sur cette question. Il serait important de savoir si, les tribunaux ont réellement reconnu la haine comme facteur aggravant et, le cas échéant, dans quelle mesure. Dans quelle mesure est-ce que la haine devrait constituer une circonstance aggravante? L'impact de divers facteurs aggravants varie considérablement. Les juges auraient avantage à mieux connaître toutes les circonstances aggravantes, ce qui assurerait également plus d'uniformité en matière d'application de la disposition de loi sur la gravité de la peine.
4.10.5 Analyse du profil du contrevenant
La recherche effectuée dans d'autres pays, de même que les quelques renseignements disponibles au Canada, révèlent que les personnes qui ont commis un crime motivé par la haine font partie d'un groupe relativement homogène. Ces personnes sont plus jeunes que le contrevenant moyen et, alors que la plupart des contrevenants sont des personnes de sexe masculin, toutes les personnes qui commettent des crimes motivés par la haine sont de sexe masculin. Ces personnes tendent également à faire partie d'un gang. Dans la mesure où cette description s'applique pour tous les crimes motivés par la haine à travers le Canada, les conséquences, sur le plan de la politique appliquée par le système de justice pénale, sont importantes.
4.10.6 Enquête sur les attitudes du public à l'égard des crimes motivés par la haine
Il serait utile d'en connaître davantage sur la perception du public dans ce domaine. Par exemple, que sait le public sur l'ampleur du problème au Canada? Le public est-il favorable au fait que la haine constitue une circonstance aggravante au moment de la détermination de la peine? Est-ce que certaines personnes provenant de certaines catégories démographiques sont plus susceptibles de signaler des crimes motivés par la haine? Voilà quelques questions auxquelles une recherche systématique sur l'opinion publique permettrait de répondre.
- [19] La Loi modifiant le Code criminel (détermination de la peine) et d'autres lois en conséquence (L.C. de 1995, ch. 22) a reçu la sanction royale le 13 juillet 1995.
- [20] Une autre disposition du projet de loi sur la détermination de la peine exige que les juges énoncent leurs motifs dans tous les cas. À l'heure actuelle, les juges ne sont pas obligés de fournir ces motifs dans tous les cas.
- [21] En 1993, les corps policiers du Canada ont signalé trois millions d'infractions aux lois fédérales ou provinciales (Centre canadien de la statistique juridique, 1994).
- [22] À la fin de la Loi, celle-ci rappelle à la population américaine que :
« la vie familiale américaine est la base de la société américaine » et « la présente loi ne peut être interprétée, ou les fonds affectés à sa mise en exécution, dans le but de promouvoir ou d'encourager l'homosexualité »
(al. 2(a)). - [23] Loi instituant la collecte et la publication de données concernant les crimes motivés par la prévention contre les caractéristiques de certains groupes.
- [24] Les incidents qui se sont produits dans le Sud de la France en 1990 sont les plus connus, mais depuis, ils ont été répétés dans plusieurs autres pays.
- [25] Le principe fondamental de proportionnalité en matière de détermination de la peine est mentionné dans tous les documents sur cette question (voir p. ex., le rapport de la Commission canadienne sur la détermination de la peine, 1987). De plus, il s'agit du principe fondamental en matière de détermination de la peine énoncé par le projet de loi sur la réforme de la détermination de la peine (C-41) qui est étudié par le Parlement (voir Roberts et von Hirsch, 1995).
- [26] Ces panneaux publicitaires attirent l'attention des passagers au problème que posent ces crimes et fournissent le nom des ressources qui s'occupent des victimes.
- [27] En 1994, un atelier a été organisé sur le rôle de la police en matière de crimes motivés par la haine, mais l'accent avait été mis essentiellement sur les questions soulevées dans le présent rapport, notamment l'importance d'uniformiser les définitions.
- [28] La documentation sur l'alcool au volant tire les mêmes conclusions et il s'agit également d'un crime plus fréquent chez les jeunes que chez les adultes. Le nombre d'infractions de conduite en état d'ébriété a diminué en 1994 pour la onzième année consécutive (voir Hendrick, 1995). Cette réduction à long terme est due en grande partie au changement des attitudes envers la gravité du crime.
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