Armes à feu, décès accidentels, suicides et crimes violents : recherche bibliographique concernant surtout le Canada

6. Accidents

6. Accidents

6.1 Fréquence des décès accidentels causés par des armes à feu

Au cours des deux dernières décennies, le taux de mortalité accidentelle causée par des armes à feu a constamment décliné au Canada et dans la plupart des pays industrialisés. Au Canada, cette diminution a commencé à se manifester dans les années 1950, et est devenue particulièrement évidente dans les années 1960 et au début des années 1970 (Kopel, 1992; Mauser, 1995a). On a également observé des baisses régulières de ce taux dans nombre d’autres pays, dont au Danemark (Thomsen et Albrecktsen, 1991, p. 166), en Australie (Mukherjee etCarcach, 1996, p. 8, 9) et aux États-Unis (Jacobs, 1995, p. 325; Kates et coll., 1995; Kleck, 1991; Lee et Harris, 1993, p. 16).

En 1995, 49 personnes sont mortes au Canada des suites de blessures causées accidentellement par une arme à feu, soit environ 4 p. 100 des 1 125 décès causés par des armes à feu à avoir été signalés aux autorités cette année-là. Ce genre de données n’étant pas toujours fiables dans les autres pays, les comparaisons à l’échelle internationale sont difficiles à établir. D’après l’enquête des Nations Unies sur la réglementation en matière d’armes à feu, le taux de mortalité accidentelle causée par une arme à feu se situait à 0,02 par 100 000 habitants au Royaume-Uni, à 0,11 en Australie, à 0,13 au Canada, à 0,29 en Nouvelle-Zélande et à 0,58 auxÉtats-Unis (Nations Unies, 1998, p. 108, 109).

On peut probablement présumer que le taux de létalité des blessures accidentelles d’arme à feu est inférieur à celui des blessures causées intentionnellement. On dispose de peu de renseignements pouvant servir de base à une estimation valable du taux de létalité des blessures causées accidentellement par une arme à feu au Canada. En comparant le nombre de patients ayant obtenu leur congé après une nuit d’hospitalisation pour une blessure causée accidentellement par une arme à feu avec le nombre de personnes décédées des suites de telles blessures, on constate que les blessures accidentelles sont 10 fois plus fréquentes que les décès accidentels (Gabor, 1995, p. 205). Ces dernières années, cet écart s’est accru. Ainsi, en ce qui concerne l’année la plus récente pour laquelle des données pertinentes sont disponibles (Hung, 1997), on observe qu’il y a eu 13 fois plus de blessures que de décès accidentels.

6.2 Caractéristiques des personnes et des circonstances en cause

On connaît relativement peu de choses sur les caractéristiques et les circonstances des accidents causés par des armes à feu au Canada. Les données nationales disponibles nous renseignent sur le nombre de personnes qui meurent chaque année des suites de blessures causées accidentellement par des armes à feu, sur l’âge et le sexe des victimes et sur l’endroit où la victime est décédée. Peu de bureaux de coroner ont effectué des recherches préliminaires sur ce type de décès. Les ministères provinciaux des Ressources naturelles recueillent certaines données sur les accidents causés par des armes à feu, mais ils s’en tiennent généralement aux accidents de chasse et sont avares de détails sur les personnes et les circonstances en cause.

Au Canada, il existe peu de données de recherche sur les circonstances des accidents causés par des armes à feu, par exemple des accidents de chasse, et sur les facteurs humains et environnementaux qui sont en cause dans ce genre d’accident. Dans une étude récemment effectuée au Québec, des chercheurs ont observé que 37 p. 100 des décès accidentels causés par une arme à feu avaient résulté d’accidents de chasse, que 5 p. 100 des accidents étaient survenus au moment où le tireur transportait son arme, et que 48 p. 100 des accidents s’étaient produits dans le cadre d’autres types d’activités. Dans 55 p. 100 des cas, la victime avait accidentellement fait feu sur elle-même. Dans la moitié des incidents, la victime était propriétaire de l’arme à feu (Bureau du coroner, 1994, p. 64-66), ce qui revient à dire que dans la moitié des cas, l’arme avait été empruntée ou volée. L’étude québécoise a également permis de constater que 95 p. 100 des victimes de ces accidents étaient de sexe masculin (Bureau du coroner, 1994, p. 64-66).

Gabor (1995, p. 205) rapporte qu’entre 1979 et 1988, 25 p. 100 des personnes qui sont décédées à la suite de blessures occasionnées accidentellement par une arme à feu étaient âgées de moins de 15 ans, et que 30 p. 100 étaient âgées de 15 à 24 ans. Le Bureau du coroner du Québec a récemment enquêté sur 38 morts accidentelles causées par une arme à feu, qui étaient survenues dans cette province entre 1990 et 1992. Les résultats de cette enquête indiquent que 13 p. 100 des victimes étaient âgées de moins de 15 ans, et 39 p. 100, de 15 à 24 ans. En examinant de près les taux par habitant, ces chercheurs ont noté l’existence d’une répartition bimodale : les taux les plus élevés touchaient le groupe d’âge des 15 à 24 ans, et, au deuxième rang, le groupe des 55 ans et plus (Bureau du coroner, 1994, p. 11).

Le U.S. Center for Disease Control and Prevention (1997, p. 103) a examiné, dans 26 pays industrialisés, les causes de décès chez les enfants de 14 ans et moins en se fondant sur les statistiques nationales de la santé fournies par les pays en question. Cette recherche a permis de constater que le taux de mortalité chez les enfants qui avaient succombé à des blessures causées accidentellement par une arme à feu était neuf fois plus élevé aux États-Unis que dans tous les autres pays réunis – 0,36 contre 0,04.

Selon une étude nationale effectuée aux États-Unis, sept fois plus d’enfants de sexe masculin que de sexe féminin sont décédés des suites de blessures accidentelles d’arme à feu en 1989. Ce ratio montait à 15 :1 chez les adolescents et les jeunes adultes (Lee et Harris, 1993, p. 17). Les jeunes âgés de 10 à 19 ans et vivant à l’extérieur des importantes agglomérations urbaines étaient deux fois plus susceptibles de mourir de blessures causées accidentellement par une arme à feu que ceux qui habitaient dans les grands centres urbains (ibid.). Cet écart tient peut-être à des disparités sur le plan de l’accessibilité à des soins d’urgence ou hospitaliers dans les régions visées par l’étude.

Le Cook County Medical Examiner’s Office aux États-Unis tient des dossiers sur les cas de 45 enfants de moins de 10 ans qui sont décédés à la suite de blessures causées par des armes à feu entre 1984 et 1992. Choi et ses collègues se sont penchés sur chacun de ces cas (1994). Dans 14 d’entre eux, ou 31 p. 100, il s’était agi d’accidents survenus alors que les enfants jouaient à la maison. Dans les autres cas, ou 69 p. 100, il s’agissait d’homicides. Environ 53 p. 100 des enfants avaient moins de six ans au moment de leur décès, et 78 p. 100 des victimes étaient des garçons.

Dans 89 p. 100 des cas, une arme de poing avait été utilisée. Il ne semble pas exister d’étude comparable au Canada.

6.3 Prédisposition à être victime de blessures accidentelles

Dans la recherche bibliographique précédente à ce propos, Gabor (1994, p. 56) a tenté de déterminer si les gens qui sont accidentellement blessés ou tués par balle font partie d’une catégorie à haut risque, ou si leurs blessures ou leur décès sont attribuables à la dangerosité des armes à feu. Il en est arrivé à la conclusion qu’il faudrait faire des recherches beaucoup plus poussées pour établir si les personnes qui sont impliquées dans des accidents d’arme à feu sont victimes de leur propre imprudence ou simplement malchanceuses. « Les données recueillies, a-t-il ajouté, semblent indiquer que, bien que des personnes téméraires soient plus susceptibles que d’autres d’être impliquées dans des accidents de ce type, dans la majorité des cas, il s’agissait d’un défaut de fabrication ou de gens ordinaires (souvent des jeunes), pouvant utiliser une arme à feu, qui ont commis une erreur de jugement ou qui ont été les victimes d’une malchance. » (id. p. 58) Depuis lors, aucune recherche n’est venue jeter une lumière nouvelle sur cette question.

6.4 Enfants et adolescents blessés accidentellement par une arme à feu

L’auteur de l’examen antérieur a fait état d’une controverse concernant l’âge des victimes d’accidents d’arme à feu (Gabor, 1994, p. 53). Il a fait remarquer que certains partisans d’un contrôle accru des armes à feu soutiennent que la relative jeunesse des victimes qui meurent à la suite de blessures causées accidentellement par des armes à feu devrait militer en faveur de leur thèse, alors que, de leur côté, les tenants du statu quo font ressortir que le nombre d’accidents mortels causés par des armes à feu impliquant des enfants est faible en comparaison d’autres causes de décès chez les enfants, et que, par conséquent, cet argument ne devrait pas être utilisé pour justifier qu’on contrôle davantage les armes à feu (Gabor, 1994, p. 54).

Les chercheurs qui ont examiné les dossiers des enfants de moins de 19 ans qui avaient été traités dans les hôpitaux du Connecticut pour des blessures par balle entre 1988 et 1992 ont constaté que le nombre de victimes ayant subi des blessures non mortelles classées comme accidentelles ou résultant de causes indéterminées était plus élevé que celui des victimes qui étaient décédées des suites d’incidents classés dans ces deux mêmes catégories. Au total, ces deux catégories ne représentaient que 7 p. 100 (6 p. 100 et 1 p. 100 respectivement) des incidents mortels, contre 57 p. 100 (39 p. 100 et 18 p. 100 respectivement) des cas non mortels (Zavoski et coll., 1995, p. 279). Par contraste, deux fois plus d’incidents ayant entraîné le décès de l’enfant que d’incidents où l’enfant avait survécu à ses blessures (81 p. 100 et 41 p. 100 respectivement) avaient été classés dans la catégorie des agressions avec une arme à feu. Environ 25 tentatives de suicide s’étaient soldées par des blessures non mortelles contre une où l’enfant était décédé (ibid.). Ces données peuvent nous amener à nous interroger sur la façon dont les incidents causés par des armes à feu et impliquant des enfants, notamment les incidents non mortels, avaient été classés, et sur le nombre de ces incidents qui n’étaient peut-être pas vraiment survenus accidentellement.

Li et coll. (1996) ont analysé des données tirées du National Pediatric Trauma Registry pour la période allant de 1990 à 1994. Ils ont examiné le cas de patients âgés de 14 ans et moins qui avaient été admis dans des centres de traumatologie pour des blessures non mortelles causées accidentellement par une arme à feu (n = 292) et pour des blessures résultant d’une agression avec une arme à feu (n = 457). Les chercheurs ont constaté que la fréquence des blessures infligées accidentellement au moyen d’une arme à feu augmentait au cours de l’après-midi, pour atteindre un sommet entre 16 et 17 heures, et que 89 p. 100 des incidents survenaient à la maison. Plus de 80 p. 100 des patients étaient des garçons, et 58,9 p. 100 étaient âgés de 10 à 14 ans. Les auteurs de l’étude en ont conclu que les blessures accidentelles causées par des armes à feu et touchant des enfants survenaient généralement lorsque les enfants jouaient avec des armes à feu chargées pendant que leurs parents étaient encore au travail.

6.5 Blessures par balle et nombre d’armes à feu en circulation

Très peu d’études ont pu établir avec preuves à l’appui dans quelle mesure les accidents par balle peuvent avoir un rapport avec l’accessibilité aux armes à feu (Gabor, 1994, p. 55; 1995, p. 205; Mayhew, 1996, p. 23). L’auteur de l’examen antérieur en est arrivé à la conclusion que « la majorité des données recueillies semblent indiquer qu’une augmentation du nombre d’armes à feu en circulation entraînera plus d’accidents mortels », mais qu’il faudrait effectuer des études plus poussées pour que les chercheurs puissent tirer des conclusions fermes (Gabor, 1994, p. 56). Certains chercheurs canadiens soutiennent que les études ont souvent démontré l’existence d’une étroite corrélation entre ces deux réalités et que les comparaisons nationales confirment que le nombre de personnes qui possèdent une arme à feu a un rapport avec le nombre de personnes qui meurent à la suite d’accidents causés par une arme à feu (Gabor et coll., 1996, p. 324). D’autres estiment que ce rapport est fonction d’un certain nombre de facteurs (p. ex. Kopel, 1995). Les données recueillies auprès de la vingtaine de pays qui ont participé à une enquête récente des Nations Unies sur cette question et qui détenaient de l’information sur les niveaux de possession d’armes à feu ainsi que sur les taux d’accident mortel causé par les armes à feu montrent qu’il peut y avoir un rapport entre les deux. (Nations Unies, 1997b, p. 36). Toutefois, pas plus qu’à partir des recherches antérieures, on ne peut établir sur la base de cette enquête qu’il s’agit là d’un rapport de cause à effet, car il y a d’autres facteurs qui entrent en jeu.

L’absence de moyens de vérifier dans quelle mesure les armes à feu sont accessibles dans certains pays a limité la possibilité de comparer les données compilées ailleurs dans le monde (Mayhew, 1996, p. 23; Lester, 1993a, p. 167). Aucune des études auxquelles nous avons fait référence précédemment n’a proposé de comparaison des données de divers pays sur le nombre de personnes qui ont respectivement été accidentellement blessées par une arme à feu ou tuées par balle. Tant qu’on n’en saura pas davantage sur la fréquence des accidents d’arme à feu ayant entraîné des blessures non mortelles, les chercheurs ne seront vraisemblablement pas en mesure de répondre à cette question de manière satisfaisante.

6.6 Mesures préventives

6.6.1 Remisage

L’accès facile à une arme à feu chargée est fort possiblement responsable d’un certain nombre d’homicides, de suicides et d’accidents spontanés, touchant notamment des enfants (Morrison et coll., 1995, p. 364). De nombreux auteurs soutiennent que le fait d’empêcher que des armes chargées soient facilement accessibles pourrait réduire le risqued’accident d’arme à feu. Aux États-Unis, nombreux sont ceux qui estiment que la première mesure à prendre pour prévenir les blessures et les décès accidentels par balle chez les enfants serait de faire en sorte qu’ils ne puissent pas avoir accès à une arme à feu (Goldberg et coll., 1995; Laraque et coll., 1995; Senturia et coll., 1996; Wiley et Casey, 1993; Zavoski et coll., 1995, p. 281). À l’appui de cette thèse, Kleck signale que d’après toutes les études qu’il a consultées, jamais un enfant n’a été tué accidentellement par balle là où les armes à feu étaient gardées sous clé (Kleck, 1991, p. 279). On a proposé diverses mesures propres à réduire le risque d’accident d’arme à feu, dont des cours sur le maniement sécuritaire des armes à feu, des lois rendant obligatoire le remisage sécuritaire des armes à feu, des restrictions concernant la vente d’armes à feu à certaines catégories de personnes, des programmes de sensibilisation des enfants aux dangers inhérents aux armes à feu, et des normes de sécurité touchant la conception même des armes à feu. De telles mesures pourraient contribuer à réduire le nombre de blessures et de décès accidentels par balle tant chez les adultes que chez les enfants. Plusieurs études américaines se sont penchées sur les pratiques des propriétaires d’arme à feu relativement au remisage des armes. Des sondages téléphoniques nationaux menés auprès de propriétaires d’arme à feu sélectionnés au hasard (Hemenway et coll., 1995a; Cook et Ludwig, 1997) ont permis de constater que quelque 20 p. 100 des propriétaires d’arme à feu gardent une arme à feu chargée à la maison dans un endroit non verrouillé (Hemenway et coll., 1995a, p. 49; Cook et Ludwig, 1997, p. 7). Un sondage réalisé en 1991 a révélé que quelque 53 p. 100 des répondants ne gardaient pas leur arme sous clé. La possession d’une arme de poing par opposition à une arme d’épaule, l’acquisition d’une arme dans le but de se protéger, et l’absence d’enfants au sein du ménage sont autant de facteurs qui étaient manifestement en rapport direct avec le fait de garder une arme à feu chargée à la maison. L’indicateur le plus fiable permettant de présumer que le répondant gardait son arme chargée à la maison était cependant le type d’arme. Les propriétaires d’arme de poing étaient en effet quelque cinq fois plus susceptibles que les propriétaires d’arme d’épaule de garder leur arme à feu chargée au moins une partie du temps (Cook et Ludwig, 1997, p. 7; voir également Hemenway et coll., 1995). Deux sondages téléphoniques effectués en 1991 et 1992 en Oregon auprès de propriétaires d’arme à feu ont montré à l’évidence que le port et le remisage de manière imprudente sont souvent associés à des habitudes de consommation d’alcool (Nelson et coll., 1996).

Des études américaines pertinentes confirment que lorsqu’une personne possède une arme de poing pour son travail et pour se protéger, il y a fort à parier qu’elle garde à la maison une arme à feu chargée, même s’il s’y trouve des enfants (voir p. ex. Goldberg et coll., 1995, p. 160; Senturia et coll., 1996, p. 268; Morrison et coll., 1995, p. 364). Un sondage a été réalisé auprès de 102 services de police de villes américaines de 10 000 habitants ou plus. Dans ce sondage, l’interviewer, qui se faisait passer pour le parent de deux enfants, l’un de trois ans et l’autre de dix ans, téléphonait au service de police pour s’enquérir de la façon de remiser une arme à feu en toute sécurité (Denno et coll., 1996). Il demandait aux répondants comment eux-mêmes remisaient leurs armes à feu à la maison, ce qui lui a permis de constater que les policiers, qui recommandaient pourtant sans cesse l’utilisation de verrous d’armes, ne s’en servaient que rarement eux-mêmes. Les policiers recommandaient également les contenants portatifs à verrou, mais cette fois, au moins en faisaient-ils eux-mêmes plus généralement usage (id., p. 929). Les chercheurs ont noté qu’« il y avait un contraste frappant entre ce que les policiers recommandaient à l’interviewer et ce qu’ils faisaient eux-mêmes. Plus du tiers des répondants disaient n’avoir pris soin d’adopter aucun mode de remisage particulier » (ibid.).

6.6.2 Formation en matière de maniement sécuritaire des armes à feu

La formation des propriétaires ou éventuels propriétaires d’arme à feu en matière de maniement et de remisage sécuritaires des armes à feu est souvent présentée comme le moyen idéal de prévenir les accidents d’arme à feu (voir p. ex. Becker et coll., 1993, p. 282). L’auteur de la recherche bibliographique précédente à ce propos disait estimer que les dispositions de la loi canadienne de 1991 concernant le remisage des armes à feu en toute sécurité contribueraient peut-être à prévenir certaines tragédies (Gabor, 1994, p. 58). En 1991, un sondage national a permis d’établir que dans 49 p. 100 des ménages où on possédait au moins une arme à feu, au moins une personne avait suivi une formation sur le maniement sécuritaire des armes à feu au cours des cinq années précédentes (Angus Reid, 1991). On ne semble pas disposer de données plus récentes sur le nombre de personnes qui ont suivi une telle formation, et aucune nouvelle recherche n’a été effectuée au Canada pour tenter d’établir si les programmes de ce genre contribuent vraiment à réduire le nombre d’accidents d’arme à feu.

Certains programmes de sécurité sont conçus pour sensibiliser les enfants aux risques que présentent les armes à feu. Une étude expérimentale américaine menée auprès de 48 enfants âgés de quatre à six ans a comparé, avant et après une activité de sensibilisation, l’attitude des enfants qui s’amusaient avec des armes jouets et des armes de poing non chargées. Les résultats de cette expérience ont montré que l’intervention n’avait vraiment pas changé grand-chose au comportement des enfants (Hardy et coll., 1996). Bon nombre d’entre eux avaient encore autant de mal à distinguer les vraies armes à feu des armes jouets. Même si les enfants qui avaient accès à une arme à feu à la maison étaient davantage capables de faire la différence entre les deux types d’arme, certains d’entre eux n’étaient pas conscients pour autant qu’ils venaient tout juste de jouer avec une vraie arme de poing (ibid.). Les chercheurs en ont conclu qu’il ne suffit pas de donner de l’information aux enfants, et que les parents doivent se sentir responsables de protéger leurs enfants contre les risques potentiels que présentent les armes à feu.

6.6.3 Sécurité des armes à feu

Pour prévenir les blessures et les décès accidentels par balle, on recommande souvent d’améliorer la conception des armes à feu afin d’en rendre le maniement plus sécuritaire. Chapdelaine et ses collègues ont noté que les blessures accidentelles sont parfois liées à une mauvaise conception de l’arme à feu elle-même ou à un entretien laissant à désirer. Dans une large mesure, de tels accidents pourraient être prévenus. Une conception améliorée des armes à feu – grâce à la recherche de dispositifs pouvant empêcher tant les adultes que les enfants de décharger involontairement une arme – pourrait se révéler plus utile à cet égard que des années de formation sur le maniement sécuritaire des armes (Chapdelaine et coll., 1991, p. 1220).

Aux États-Unis, plusieurs auteurs ont recommandé de mettre l’accent, dans le cadre d’une démarche globale de prévention des blessures accidentelles par balle, sur l’amélioration des armes elles-mêmes pour en rendre le maniement plus sécuritaire (voir p. ex. Donzinger, 1996; Kellermann et coll., 1991; Marwick, 1995; Sinauer et coll., 1996; Wintemute, 1996). Faisant souvent référence aux progrès remarquables réalisés dans la réduction du taux de décès résultant d’accidents de véhicule automobile grâce à une amélioration de la conception de ces véhicules, ils insistent sur la nécessité de chercher à identifier les innovations dans la conception et la commercialisation des armes à feu qui pourraient ou sembleraient pouvoir contribuer à réduire dans l’avenir le risque de blessure accidentelle par balle (Wintemute, 1996, p. 1749). Donzinger a fait valoir que la technologie en est rendue à un point où il est maintenant possible de fabriquer des armes qui ne peuvent être déclenchées que par leur propriétaire légitime; en effet, l’arme est munie d’un dispositif lui permettant de reconnaître les empreintes digitales de son propriétaire (1996, p. 214). Toujours en ce qui concerne la conception des armes et leurs dispositifs de sécurité, certains auteurs soulignent l’importance de chercher à offrir des mécanismes de protection qui ne dépendent pas du comportement de l’utilisateur (Sinauer et coll., 1996, p. 1743). Selon eux, en modifiant la conception des armes à feu, en les munissant par exemple d’indicateurs de chargement ou en établissant des normes minimales concernant l’installation de dispositifs de sécurité sur la détente, on pourrait contribuer à réduire le risque de tir accidentel (ibid.). Alors que certaines de ces innovations technologiques sont déjà offertes sur le marché, leur utilisation n’est pas généralisée, et aucune recherche ne semble avoir été effectuée sur leur efficacité.

6.6.4 Réglementation régissant la chasse

D’autres mesures visent directement à prévenir les accidents de chasse. Ces mesures sont souvent appliquées dans le cadre des lois et règlements régissant la chasse. Des chercheurs ont évalué l’impact de la loi Hunter Orange en Caroline du Nord, et ils ont constaté qu’il en avait résulté une diminution du nombre de chasseurs accidentellement abattus pour avoir été pris pour du gibier. Ces chiffres étaient significatifs sur un plan statistique (Cina et coll., 1996, p. 395). On n’a effectué au Canada aucune étude pour évaluer dans quelle mesure le port de vêtements de chasse orange vif pourrait réduire le taux d’accidents de chasse.

6.7 Résumé