Les tribunaux de traitement de la toxicomanie : méta-analyse. Ont-ils un effet positif sur les taux de récidive ?

3. Résultats

3. Résultats

3.1 Caractéristiques de l'étude

Bien que le processus de recherche nous ait permis d'identifier 185 études, seulement 54 (29,2 %) d'entre elles furent jugées admissibles selon les critères d'inclusion. Comme le tableau 1 l'indique, les études que nous avons pu trouver sur les tribunaux de traitement de la toxicomanie proviennent presque exclusivement des États-Unis. Nous n'avons trouvé que deux études au Canada (ce qui correspond au nombre de TTT en opération suffisamment longtemps pour avoir donné lieu à des évaluations), et deux en Australie.

Tableau 1 : Caractéristiques de l'Étude

Pays (N=54)
VARIABLE N (%)
États-Unis 50 (92,6 %)
Canada 2 ( 3,7 %)
Australie 2 ( 3,7 % )

Genre de publication (N=54)
VARIABLE N (%)
Article dans une publication universitaire 31 (57,4 %)
Autre genre de publication (ex : rapport gouvernemental) 23 (42,6 %)

Caractéristiques méthodologiques (N=54)
VARIABLE N (%)
Échantillon aléatoire dans le groupe de contrôle 7 (13,0 %)
Groupe de référence simple 27 (50,0 %)
Groupe de référence apparié 20 (37,0 %)

Groupe de contrôle/référence (N=72)
VARIABLE N (%)
Système judiciaire (ex: échantillon en liberté sous caution ou placé sous garde) 39 (54,2 %)
Décrocheurs / non diplômés 10 (13,9 %)
Admissibles sans avoir participé 23 (31,9 %)

Les études ont été publiées entre 1993 et 2005, l'année médiane étant 2001. Un peu plus de la moitié d'entre elles (57,4 %) ont paru dans des publications universitaires savantes soumises au processus de l'évaluation par les pairs, ce qui démontre que cette méta-analyse ne repose pas uniquement sur des études diffusées par les canaux conventionnels. La grande majorité des études (87,0 %) faisait appel à un groupe de référence (simple ou apparié). Bien que les groupes de contrôle/référence aient été regroupés pour les fins du calcul de l'EVE, il y avait en tout 72 groupes individuels de contrôle/référence dans les 54 études. La plupart d'entre elles comparaient les participants au programme des TTT aux délinquants dans le système judiciaire traditionnel (54,2 %) ou à des délinquants admissibles mais qui n'ont pas participé au programme (31,9 %) – ces derniers constituant un groupe de contrôle plus adéquat car ils auraient été contrôlés pour des problèmes de toxicomanie.

L'une des questions les plus importantes posée par l'évaluation des programmes de recherche, et particulièrement par la recherche sur les TTT, est celle du taux d'attrition (la proportion de participants qui se retirent volontairement ou involontairement du programme avant de l'avoir terminé). Les taux de récidive utilisés dans l'étude ne reflètent pas (ou reflètent rarement) le nombre de délinquants qui ont décroché. Par conséquent, il est important de tenir compte des taux d'attrition quand on examine les taux de récidive. Dans les études prises en compte par la présente méta-analyse, les taux d'attrition variaient de 9,0 % à 84,4 %, la moyenne se situant à 45,2 % (ET=19,0), ce qui indique que près de la moitié des participants au programme de TTT ont décroché en cours de route. Il y a manifestement lieu d'élaborer des stratégies pour réduire les taux d'attrition dans les programmes de TTT.

Le second facteur important à prendre en compte dans une étude sur la récidive, c'est la durée de la période de suivi au cours de laquelle on mesurera le taux de récidive. De façon générale, plus cette période est longue, plus les taux de récidive sont élevés, dans la mesure où le passage du temps ajoute au risque de récidive. La durée de la période de suivi utilisée pour mesurer les taux de récidive dans les études prises en compte variait de 3 à 48 mois, la moyenne étant de18,7 mois (ET=11.5).

La taille de l'échantillon est le troisième facteur important à prendre en compte dans l'évaluation d'un programme, dans la mesure où les échantillons plus importants permettent une analyse plus rigoureuse que les échantillons plus petits. La taille des échantillons variait de 39 à 856 participants, la moyenne étant de 260 participants (ET=189).

3.2 Caractéristiques du programme

Bien qu'il y ait eu 54 études distinctes, certaines d'entre elles faisaient état de plusieurs programmes de TTT. En fait, la présente analyse recense les données de 66 programmes de TTT. Le tableau 2 récapitule les programmes décrits dans chacune des études. Cependant, ces données sont sujettes à caution. Nous avons rencontré certaines difficultés de codage dues à l'insuffisance des détails fournis dans la description des programmes dans plusieurs des études.

Très peu de programmes de TTT restreignaient la participation en fonction du type de drogue. À peu près cinq pourcent (4,6 %) la restreignaient aux consommateurs de drogues dures (telles la cocaïne, l'héroïne, la méthamphétamine cristallisée) et 7,6 % la restreignaient seulement aux consommateurs de drogues douces (telles la marijuana, le haschisch, et l'alcool). Environ un tiers des programmes (31,8%) visaient surtout les récidivistes (19,7 % surtout des récidivistes et 12,1 % exclusivement des récidivistes), et 19,7% surtout les délinquants qui en étaient à une première infraction, et 1,5 % exclusivement les délinquants qui étaient dans cette situation). Enfin, presque tous les programmes de TTT (93,9 %) n'admettaient que les délinquants qui avaient été accusés d'infractions sans violence. En résumé, les programmes analysés dans la présente étude s'adressent à la fois aux délinquants qui en sont à une première infraction et aux récidivistes, et qui ont des problèmes de toxicomanie avec plusieurs types de drogues.

Dans le cadre de la présente méta-analyse, la durée d'un programme de TTC (c'est-à-dire la période pendant laquelle un délinquant faisait l'objet d'une surveillance) variait de 6 à 26 mois, la moyenne étant de 13,4 mois (ET=4.0).

Tableau 2: Caractéristiques du Programme

Toxicomanie admise (N=-66)
VARIABLE N (%)
Seulement les drogues dures (telles la cocaïne et l'héroïne) 3 (4,6%)
Un mélange de drogues/inconnues 58 (87,8 % )
Seulement les drogues douces (telles la marijuana, le haschisch, et l'alcool) 5 (7,6 % )

Infractions admissibles (N=66)
VARIABLE N (%)
Sans violence seulement 62 (93,9 % )
Mélange / inconnues 4 ( 6,1 % )
Avec violence seulement 0 ( 0,0 % )

Dossier criminel (N=66)
VARIABLE N (%)
Première infraction seulement 1 (1,5 % )
Surtout première infraction (soixante-dix pourcent ou plus) 12 (18,2%)
Mélange / inconnu 32 (48,5 % )
Surtout récidivistes (soixante-dix pourcent ou plus) 13 (19,7 % )
Exclusivement récidivistes 8 (12,1 % )

Caractéristiques méthodologiques (N=66)
VARIABLE N (%)
Malades externes 20 (30,3 % )
Combinaison (externes et internes) / inconnue 46 (69,7 % )

Les études relevées fournissaient parfois des détails sur certains éléments des programmes de TTT retenus. Par exemple, en reconnaissance du fait que la toxicomanie et la criminalité sont souvent associées à d'autres facteurs, certains des programmes visaient d'autres facteurs tels que le niveau d'instruction, les aptitudes professionnelles et le climat familial. Le tableau 3 fournit des renseignements sur d'autres traitements signalés dans les études. Notons cependant que les éléments précis du traitement ne pouvaient être codés que s'il existait dans l'étude une indication précise à l'effet qu'elle visait cet aspect en particulier. Par conséquent, les données du tableau 3 peuvent ne pas constituer un reflet exact des programmes de traitement. En général, les programmes de TTT semblent viser un certain nombre de problématiques autres que la toxicomanie.

Tableau 3: AUTRES COMPOSANTES DU PROGRAMME DE TRAITEMENT

Composante du traitement (N=66)
VARIABLE N (%)
Niveau d’instruction (scolarité et résultats) 40 (60,6 %)
Aptitudes professionnelles (métier, compétence en entrevue) 36 (54,6 %)
Climat familial (communications, aptitudes de parentage) 33 (50,0 %)
Suivi (contrôle du suivi après la fin du programme) 25 (37,9 %)
Aptitudes à la vie en société (compétence sociale, aptitude au travail en groupe) 24 (36,4 %)
Aptitudes cognitives (identification d’objectifs, résolution de problèmes) 21 (31,8 %)
Maîtrise de la colère (capacité de mettre en perspective, réduction de l’agressivité) 16 (24,2 %)
Pairs aux tendances anti-sociales (association avec des pairs criminels) 15 (22,7 %)
Comportement anti-sociales (manque de respect pour l’autorité, valeurs criminelles) 15 (22,7 %)
Prévention des rechutes (techniques pour demeurer sobre) 15 (22,7 %)
Bien-être psychologique (estime de soi, dépression, anxiété) 14 (21,2 %)