Les tribunaux de traitement de la toxicomanie : méta-analyse. Ont-ils un effet positif sur les taux de récidive ?

3. Résultats (suite)

3. Résultats (suite)

3.3 Caractéristiques des participants

Les études ont examiné le cas de 17 214 délinquants qui avaient suivi avec succès un programme de TTT et de 14 505 délinquants qui faisaient partie d'un groupe de contrôle ou de référence. L'âge moyen des participants aux programmes de TTT étudiés était de 28,4 ans – 7 études fournissaient seulement des données sur les adolescents de moins de 18 ans. Comme la documentation est presque exclusivement américaine, l'origine aborigène n'est presque jamais mentionnée. Quand des renseignements sur la race sont fournis, ils sont plutôt classés selon la couleur, noir ou caucasien, ou selon l'origine ethnique (hispano-américains). Cependant, ces renseignements n'apparaissent pas en nombre suffisant pour les inclure dans notre méta-analyse. Le tableau 4 ventile les données par sexe dans les études et révèle que la plupart des participants étaient des hommes.

Tableau 4: Caractéristiques des Participants
VARIABLE N (%)
Sexe (N=66)
Hommes seulement 1 (1.5 % )
Surtout des hommes (oixasnte-dix pourcent ou plus) 31 (47.0%)
Mélange H/F / inconnu 32 (48.5%)
Surtout des femmes (soixante-dix pourcent ou plus) 1 ( 1.5 % )
Femmes seulement 1 ( 1.5 % )

3.4 Taux de récidive

Grâce aux 66 programmes de TTT recensés dans la présente méta-analyse on a pu mesurer directement l'efficacité du traitement sur la réduction des comportements criminels. L'EVE moyenne se situait à + 0,14 avec un intervalle de confiance de 95 variant de + 0,10 à + 0,17. En convertissant l'EVE en effet binomial, il devient possible d'affirmer que :

De façon générale, 57 % des participants à un programme de TTT ne seront pas accusés d'une nouvelle infraction criminelle après la fin de la période de suivi, comparativement à 47 % des délinquants appartenant aux groupes de contrôle/référence.

Cet énoncé peut se traduire dans un autre, similaire, mais encore plus général :

Les tribunaux de traitement de la toxicomanie ont permis une réduction de 14% du taux de récidive comparativement à d'autres mécanismes du système judiciaire traditionnel.

Il existe cependant une corrélation évidente entre l'importance au plan statistique, l'ampleur de l'effet et la taille de l'échantillon en ce sens que la taille d'une étude augmente son niveau de signification (Rosenthal, 1991). Afin de donner plus de poids aux études dont la taille de l'échantillon était plus importante, nous avons procédé à une pondération de l'EVE en appliquant la technique décrite par Hunter, Schmidt et Jackson (1982). La pondération avait un effet de +0.13 sur l'EVE, une valeur avoisinante à celle de l'EVE non pondérée.

Comme on peut le voir à la Figure 1, la plupart des programmes de TTT ont eu une incidence positive sur les taux de récidive (c'est-à-dire les programmes dont la valeur de l'effet est supérieure à zéro). Seulement 10 études ont eu une incidence négative, alors que 56 d'entre elles faisaient état d'une incidence positive. Un test T pour échantillon unique révèle que l'effet de moyenne était substantiellement différent que zéro (t(df=65)=7.58, p< .001). Il semble donc que les programmes de TTT aient une plus grande incidence négative sur la criminalité future que les mécanismes du système judiciaire traditionnel. L'analyse de l'hétérogénéité des résultats révèle toutefois que les variations dans la valeur de l'effet étaient elles aussi importantes (c2(df=65)=465.3, p< .001). Nous avons donc poussé notre analyse des variables modératrices pour déterminer s'il existait des différences d'effets fondées sur les caractéristiques des programmes, des participants et de la méthodologie employée.

Figure 1 - Récidivisme : Distribution des valeurs de l'effet (N=66)

3.5 Analyse des variables modératrices

Pour comprendre l'incidence possible des variables modératrices, nous avons calculé l'EVE dans un certain nombre de groupes différents tels que adultes/adolescents, et première infraction/récidive. Le tableau 5 nous donne le résultat de ces calculs. Les variables qui ne se prêtaient pas à ce genre d'analyse (trop de données manquantes, variations minimales) n'ont pas été incluses. De plus, en raison de l'absence de certaines données dans quelques études, le nombre total des valeurs de l'effet pour chaque analyse des variables n'est pas toujours égal au nombre total des EVE possibles. Par exemple, seulement 49 des 66 EVE possibles contenaient de l'information sur l'âge des participants. Enfin, les composantes additionnelles prises en compte dans le Tableau 3 (maîtrise de la colère, niveau d'instruction, aptitudes professionnelles) n'ont pas été utilisées dans l'analyse des variables modératrices, l'information disponible ayant été jugée insuffisamment fiable. Comme nous l'avons vu précédemment, cette information n'a été relevée que lorsque les auteurs ont mentionné spécifiquement que cet élément faisait partie du traitement. En d'autres termes, les données ne constituent pas nécessairement un reflet exact des programmes.

Tableau 5 : Analyse des variables modératrices

Groupes dâge (N'=49)
VARIABLE ESE moyenne (N) IC 95%
Adolescents (moins de dix-huit ans) + ,06 ( 7) - ,12 à + ,24
Adultes (dix-huit ans et plus ) + ,16 (42) + ,11 à + ,20

Dossier criminel (N=56)
VARIABLE ESE moyenne (N) IC 95%
Première infraction + ,15 (13) + ,09 à + ,22
Mélange/inconnu + ,13 (22) + ,07 à + ,16
Récidives + ,17 (21) + ,08 à + ,25

Type de publication (N=66)
VARIABLE ESE moyenne (N) IC 95%
Publication savante + ,14 (33) + ,08 à + ,20
Autre type de publication + ,13 (33) + ,09 à + ,17

Durée du suivi (N=64)
VARIABLE ESE moyenne (N) IC 95%
Moins d'un an + ,09 ( 8) + ,01 à + ,17
D'un à deux ans + ,14 (44) + ,10 à + ,19
Deux ans et plus + ,17 (12) + ,10 à + .23

Taux d'attrition (N=44)
VARIABLE ESE moyenne (N) IC 95%
Moins de quarante-cinp pourcent + ,13 (20) + ,06 à + .21
Plus de quarante-cinq pourcent + 14 (24) + ,08 à + ,19

Caractéristiques méthodologiques de l'étude (N=66)
VARIABLE ESE moyenne (N) IC 95%
Distribution aléatoire + ,09 ( 8) - .01 à + ,20
Distribution non aléatoire + ,14 (58) + ,10 à + ,18

Groupe de contrôle/référence (N=72)
VARIABLE ESE moyenne (N) IC 95%
Système judiciaire + ,13 (39) + .09 à + ,18
Décrocheurs/non diplômés + ,31 (10) + ,17 à + .,45
Admissibles (sans participer) + ,11 (23) + ,05 à + ,17

Caractéristiques du programme (N=54)
VARIABLE ESE moyenne (N) IC 95%
Malades externes seulement + ,11 (24) + ,03 à + ,18
Cominaison (externes et internes) + ,13 (30) + ,08 à + ,17

Durée du programme (N=54)
VARIABLE ESE moyenne (N) IC 95%
Moins d'un an + ,07 (15) - ,00 à + .15
D'un an à dix-huit mois + ,18 (33) + ,13 à + .,23
Plus de dix-huit mois + ,08 ( 6) + ,02 à + .,14

En premier lieu, l'une des conclusions les plus intéressantes de l'analyse des variables modératrices est la différence que l'on peut observer dans l'efficacité des programmes selon l'âge. Quand on compare les jeunes et les adultes, les résultats indiquent que l'efficacité des programmes est plus grande chez les adultes, même si la différence est minime sur le plan statistique. Toutefois, lorsqu'on examine l'EVE moyenne chez les adolescents seulement, l'intervalle de confiance comprend le point zéro, ce qui tend à diminuer notre confiance dans l'efficacité des programmes de TTT pour les adolescents. Les intervalles de confiance nous fournissent une mesure de la précision du calcul de la distribution des valeurs de l'effet. Dans le cas présent, l'intervalle de confiance de 95% laisse supposer que la véritable moyenne tombera dans la fourchette indiquée 19 fois sur 20. Si cette fourchette comprend le point zéro, nous n'avons pas la certitude statistique que la participation aux programmes de TTT aura une incidence quelconque, car une EVE égale à zéro indique qu'il n'y a pas de différence observable entre les participants aux TTT et le groupe de contrôle/référence. Comme il n'y a que 7 EVE contribuant aux résultats sur les adolescents il est nécessaire de faire davantage de recherche pour déterminer si le modèle des TTT peut se révéler efficace pour les adolescents.

Deuxièmement, la différence dans l'EVE moyenne établie en fonction de la durée de la période de suivi est importante. Les études qui font état de périodes de suivi plus longues rapportent des effets plus importants que celles pour lesquelles les périodes de suivi sont plus courtes. Normalement, les taux de récidive augmente avec la longueur des suivis, car les délinquants sont davantage à risque avec le passage du temps, et/ou ils attirent l'attention de la police. On ne peut donc être surpris du fait que les résultats de la présente méta-analyse suivent cette tendance, dans la mesure où les taux de récidive augmentent généralement à la fois dans les programmes de TTT et dans les groupes de contrôle/référence au fur et à mesure qu'augmente la durée des suivis. Il y a cependant une différence importante : l'écart entre ces deux groupes augmente avec le temps. En d'autres termes, au fur et à mesure qu'augmente la durée du suivi, les participants des groupes de contrôle deviennent davantage susceptibles de récidive que les participants aux programmes de TTT. Il est donc vraisemblable que les avantages des TTT augmentent avec le temps. Par conséquent, il est important d'avoir de longues périodes de suivi dans toute recherche sur les TTT pour pouvoir comprendre pleinement l'incidence de la participation sur les taux de récidive.

Troisièmement, il n'est pas surprenant non plus que les évaluateurs qui ont choisi de procéder à une distribution aléatoire des délinquants dans les groupes de traitement ou de contrôle ait eu tendance à rapporter un effet plus faible que ceux qui n'ont pas effectué une distribution aléatoire. Les recherches antérieures démontrent que plus la rigueur méthodologique d'une étude augmente, plus l'effet rapporté diminue (Latimer, 2001). De plus, l'intervalle de confiance de 95 % des six études qui faisaient état d'une distribution aléatoire comprenait effectivement le point zéro, ce qui tend à réduire notre confiance dans la possibilité de conclure à l'efficacité des programmes de TTT lorsqu'on utilise la méthode de distribution/contrôle aléatoire pour la mesurer. Toutefois, l'emploi de la méthode de distribution aléatoire dans ce contexte est difficile, car les juges et les procureurs préfèrent souvent (on peut le comprendre) réserver les traitements pour ceux qui sont le plus susceptibles d'en bénéficier. Par conséquent, on a écarté la méthode de distribution aléatoire dans plusieurs études qui en avaient fait leur choix initial au profit du modèle des groupes de référence.

La quatrième conclusion que l'on peut tirer des variables modératrices est que le choix d'un groupe de contrôle/référence a une incidence importante sur les EVE. Les études qui utilisent des décrocheurs ou des personnes qui ne terminent pas le programme comme groupe de référence font état d'une EVE moyenne beaucoup plus élevée (F(df=2)=6.87, p<.01), à comparer avec les études ayant utilisé un groupe de référence sélectionné dans le système judiciaire traditionnel ou des délinquants qui tout en étant admissibles ont choisi de ne pas participer. Il ne faut pas non plus se surprendre de ces résultats dans la mesure où les décrocheurs ou ceux qui n'ont pas complété le programme constitueraient logiquement un groupe de référence moins motivé que ceux qui l'ont complété. Les personnes qui étaient admissibles, mais qui ont choisi de ne pas participer, constituent sans doute le groupe le plus ressemblant à des fins de référence, dans la mesure où elles auraient satisfait le critère d'inclusion (contrôlées pour des problèmes de toxicomanie, dossier criminel similaire tant au plan de l'historique que du genre d'infraction). Et lorsqu'un tel groupe a été effectivement utilisé, la participation aux programmes de TTT se traduisait encore par une amélioration de 11% dans le taux de récidive.

La cinquième et dernière conclusion est la différence que fait la durée d'un programme de TTT sur l'effet rapporté. Les programmes qui offraient des services sur une période d'un an à dix-huit mois faisaient état d'une diminution importante du taux de récidive, (F(df=2)=3.76, p<.05), à comparer avec les programmes plus longs ou plus courts. En fait, l'intervalle de confiance de 95% des programmes plus courts comprend le point zéro, ce qui vient réduire encore plus notre confiance dans la capacité des programmes de moins d'un an d'avoir une incidence favorable sur les taux de récidive. Il se peut que les programmes à durée plus courte ne puissent favoriser l'enracinement définitif des changements cognitifs et comportementaux, tandis que ceux de durée plus longue pourraient provoquer une forme de « lassitude » à l'égard des traitements.