Manuel relatif au règlement des conflits

Le règlement des conflits en ligne

Série sur le règlement des conflits
Préparé par les Services de prévention et de règlement des différends
Ministère de la Justice, Canada

Août 2012


Table des matières

I. QU’EST-CE QUE LE RÈGLEMENT DES CONFLITS EN LIGNE?

Le terme règlement des conflits en ligne (RCL) [TRADUCTION] « renvoie à un vaste ensemble de mécanismes alternatifs de règlement des conflits qui misent sur la possibilité de recourir à Internet et sur ses avancées technologiques »[1]. Il s’agit d’un ensemble de mécanismes permettant le règlement des conflits en ligne, notamment au moyen d’Internet ou d’autres formes de technologie de communication virtuelle qui ne requièrent pas de réunir les parties dans la même pièce.

La quasi-totalité des mécanismes de RCL n’admet généralement que les présentations écrites, mais il existe tout de même une vaste gamme de services de RCL qui vont de l’arbitrage aux services de négociation entièrement automatisés fondés sur les « offres à l’aveugle » [2], en passant par les programmes de médiation basée sur la discussion[3]. Le choix du mécanisme de RCL approprié dépendra de la nature du conflit et des parties en cause, étant entendu que le processus se doit d’être une solution pratique pour les usagers et ne pas poser de problème d’accessibilité injustifié.

Il existe trois grandes catégories de conflits dans le contexte du règlement des conflits en ligne :

i. Les conflits interentreprises

Le conflit interentreprises désigne la situation où deux entreprises tentent de régler un conflit au sujet d’une opération commerciale donnée. Les parties sont habituellement des usagers avertis : on ne craint généralement pas pour leur vulnérabilité et on attache une plus grande importance au caractère pratique du processus et à l’expertise offerte.[4] Un grand nombre de conflits interentreprises se règle au moyen du RCL, normalement couplé à une forme ou l’autre d’arbitrage en ligne .[5]

ii. Les conflits entre entreprises et consommateurs

Avec l’expansion du commerce électronique, les conflits entreprises-consommateurs se généralisent. Ils portent habituellement sur des sommes peu élevées, mais leur volume est important; il peut aussi y avoir déséquilibre du rapport de force entre le consommateur et l’entreprise. Le mécanisme de RCL peut répondre au besoin qu’ont les consommateurs d’obtenir la réparation des préjudices causés par les entreprises et procurer l’assise nécessaire pour l’application régulière de la loi .[6]

iii. Les conflits entre consommateurs

Les conflits entre consommateurs concernent les opérations entre deux consommateurs (à savoir, la vente d’articles d’occasion). Ce genre d’opérations électroniques est de plus en plus fréquent avec la multiplication de sites Web tels que eBay ou Craigslist, lesquels agissent comme intermédiaires entre les parties sans véritablement prendre part à la transaction.

Le RCL et les tribunaux

Aux quatre coins du globe, des cybertribunaux sont progressivement intégrés aux systèmes judiciaires. Ainsi, au Royaume Uni, les parties peuvent, par voie électronique, introduire une action pour une réclamation pécuniaire depuis 2001[7] et revendiquer la possession d’un bien depuis 2006 .[8] La Cour fédérale de l’Australie comporte également un système de tribunaux électroniques qui permet aux parties, entre autres, de témoigner par le truchement de la vidéoconférence .[9] Toutefois, il est rare que les mécanismes adoptés par les tribunaux judiciaires ou administratifs accordent une place au RCL à l’étape des négociations ou de la médiation : ils consistent plutôt à permettre aux parties de prendre part au processus décisionnel par voie électronique.

Au Canada, la plupart des tribunaux judiciaires et administratifs disposent de systèmes de gestion des dossiers qui ne sont toujours pas dotés d’une technologie pour le RCL, que ce soit à l’étape des négociations, de la médiation[10] ou de la décision, à l’exception du tribunal de règlement des conflits au civil (Civil Resolution Tribunal)[11] , récemment constitué en Colombie Britannique, dont le processus de gestion des dossiers prévoit un tel mécanisme à l’étape des négociations .[12]

L’adoption d’une telle approche pourrait être considérée par d’autres tribunaux. Par ailleurs, les tenants de l’accès à la justice tentent de convaincre ces derniers d’examiner la question à fond.[13]

II. LES CARACTÉRISTIQUES DU RÈGLEMENT DES CONFLITS EN LIGNE

Le RCL peut être :

Volontaire : Dans la plupart des cas, c’est aux parties qu’il revient de décider de recourir à un mécanisme de RCL ou de faire valoir leurs droits devant une autre instance. En outre, elles peuvent se retirer du processus à tout moment.

Informel : La procédure est généralement plus souple et informelle que celle qui prévaut lorsque les parties se réunissent en un même lieu, comme c’est le cas pour la médiation, le litige ou l’arbitrage. Selon le fournisseur de services de RCL retenu et les règles en vigueur, le processus pourra être mené de manière asynchrone et permettre aux parties de réfléchir quelque temps à leurs positions avant d’en venir à une entente.

Confidentiel : Sauf convention contraire des parties, le RCL est généralement confidentiel. Toutefois, si le gouvernement fédéral est partie au différend, il conviendra d’examiner les dispositions de la Loi sur l’accès à l’information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels afin de déterminer quelles limites elles posent à la communication et à la rétention d’information, et ce, même si les parties se sont entendues sur la confidentialité du processus. Pour de plus amples renseignements sur l’application de ces lois, veuillez vous reporter au document intitulé « La confidentialité : la Loi sur l’accès à l’information et la Loi sur la protection des renseignements personnels » que renferme le présent manuel.

Assisté : Le tiers impartial aide les parties à en venir à un règlement acceptable de part et d’autre. (Soulignons que le tiers impartial n’interviendra généralement que si le mécanisme de RCL retenu comporte un volet de médiation ou d’arbitrage.)  

III. COMMENT SE SERVIR DU RÈGLEMENT DES CONFLITS EN LIGNE

A. OBJECTIF DU RÈGLEMENT DES CONFLITS EN LIGNE

L’objectif premier du RCL consiste à permettre aux parties de régler leur conflit par le truchement des technologies électroniques. Il peut avoir lieu « en temps réel » ou se dérouler de manière asynchrone, tout dépendant des règles appliquées par le fournisseur de services de RCL et de la volonté des parties. Pour la négociation, la médiation ou le règlement d’un différend, ce mécanisme est souvent plus pratique et rentable que les rencontres en personne.

Les conditions de l’entente conclue par les parties peuvent avoir une portée aussi large ou aussi restreinte qu’elles le souhaitent, surtout si l’affaire est réglée à l’étape des négociations ou de la médiation. Le caractère exécutoire de l’entente de règlement peut dépendre des règles appliquées par le fournisseur de services de RCL et de sa compétence territoriale, notamment s’il s’agit d’un différend à caractère international.  

Pour déterminer s’il convient de recourir au RCL dans un cas particulier, il peut être utile de considérer les questions suivantes :

  1. Y a-t-il seulement quelques questions en litige?
    • Le RCL convient mieux aux cas où il y a peu de questions en litige et son efficacité est optimale si le différend porte sur une somme d’argent et non sur la responsabilité.
  2. Y a-t-il seulement quelques parties?
    • Le RCL est plus efficace si les parties sont peu nombreuses.
  3. Les questions factuelles et (ou) juridiques peuvent-elles être présentées de façon concise?
    • Étant donné que la plupart des mécanismes de RCL exigent de communiquer par voie électronique et souvent par écrit, le processus sera plus efficace si les questions en litige sont clairement exposées.
  4. Les questions factuelles sont-elles fonction des avis divergents ou de la crédibilité des parties?
    • Le RCL est plus efficace lorsque les questions factuelles ne dépendent pas de la crédibilité d’une personne. 
  5. L’audition de témoins est-elle nécessaire pour régler le conflit?
    • Certaines procédures de RCL ne permettent pas facilement l’audition de témoins, surtout si celles-ci s’articulent autour de la phase des négociations ou de la médiation.
  6. Les parties au conflit ont-elles des attentes irréalistes quant au résultat de l’affaire?
    • Si les parties ont des attentes irréalistes, le RCL pourrait s’avérer un échec, surtout si le processus est axé sur les négociations ou la médiation.
  7. La question de droit est-elle relativement réglée ou fluctue-t-elle continuellement?
    • Si certaines questions de droit ne sont pas réglées, le RCL pourrait ne pas convenir.

B. LA PROCÉDURE

i) Le choix d’un fournisseur de services de RCL

Dans certains cas, les parties choisiront le fournisseur de services de RCL en fonction de la nature de leur conflit (ainsi, les consommateurs ayant un différend au sujet d’une transaction faite sur eBay seront invités à utiliser le mécanisme de RCL offert par ce site et les parties à un différend relevant de la compétence du tribunal de règlement des conflits au civil feront appel au fournisseur de services et au mécanisme de RCL de ce tribunal).

Si les parties n’ont pas désigné de fournisseur de services de RCL par contrat ou ne savent pas à quel fournisseur il convient de faire appel, elles peuvent alors en choisir un. Le cas échéant, il importe qu’elles arrêtent leur choix sur un fournisseur qui soit à la fois compétent et indépendant : il pourrait notamment s’agir d’une personne qui a un ‘TrustMark’ ou un ‘Webseal’ qui atteste qu’elle est membre d’une association reconnue de fournisseurs de services de RCL[14]. Bien qu’il n’existe pas d’organe de réglementation générale en matière de RCL, les parties peuvent quand même faire appel à un fournisseur de services de RCL certifié par un organisme indépendant[15].

Le fournisseur de services de RCL ne doit pas se trouver en conflit d’intérêts avec l’une des parties au conflit. Cela signifie entre autres qu’il ne doit pas être « à la merci » de l’une ou l’autre des parties : le fait que son bien-être financier dépend trop fortement d’une partie peut soulever des préoccupations sérieuses en ce qui a trait à son impartialité. Il n’est pas conseillé de soumettre un conflit à un fournisseur de services de RCL dont l’une des parties est cliente relativement à une autre affaire. Ainsi que le commandent les règles de déontologie régissant les autres professions, le fournisseur de services de RCL doit maintenir une apparence d’indépendance et d’impartialité en se tenant scrupuleusement à l’écart de tout conflit d’intérêts réel ou potentiel.

ii) La préparation en vue du RCL

Le RCL n’impose aucun format rigide, car les règles applicables dépendent du fournisseur de services de RCL. Pour se préparer au processus, les parties doivent connaître les règles qu’elles devront suivre et avoir rassemblé tous les faits et les documents nécessaires pour appuyer leurs prétentions.

iii) La procédure de RCL

La procédure applicable dépend largement des règles du fournisseur de services de RCL et de l’étape à laquelle intervient le mécanisme de RCL, c’est‑à-dire lors des négociations, de la médiation ou de la décision. 

En règle générale, le processus de RCL est lancé lorsqu’une partie, en vue de régler le conflit, communique avec l’autre partie, soit directement, soit par l’entremise du tiers impartial. Comme pour les autres modes de règlement des conflits, les parties doivent réfléchir aux aspects suivants :

C. LE RÔLE DU TIERS IMPARTIAL

Selon la nature du mécanisme de RCL retenu, le tiers impartial aura pour rôle :

D. LE RÔLE DU CONSEILLER JURIDIQUE

Les avocats ne prennent pas forcément part au processus de RCL, mais ils n’en sont pas non plus exclus. Tout dépend de la nature du conflit et des questions en jeu. La présence d’avocats peut être indiquée si les parties choisissent un mécanisme de RCL plus formel comportant une phase décisionnelle et qui implique des questions de droit complexes.

Cependant, pour plusieurs types de RCL qui sont informels, flexibles et qui traitent des questions ou opérations à faible enjeu financier, il n’est peut-être pas nécessaire que les parties retiennent les services d’un avocat pour résumer les faits et faire valoir les arguments de droit à l’appui de leurs prétentions.

IV. LES AVANTAGES DU RÈGLEMENT DES CONFLITS EN LIGNE

V. LES INCONVÉNIENTS DU RÈGLEMENT DES CONFLITS EN LIGNE

 


ANNEXE A : LISTE DE CONTRÔLE DU RÈGLEMENT DES CONFLITS EN LIGNE

ÉVALUATION

  1. Les parties concernées ont-elles convenu de régler leur conflit au moyen du RCL?
  2. Le RCL convient-il à ce conflit en particulier et aux circonstances de l’affaire?
  3. Les parties sont-elles représentées par un avocat ou s'occupent-elles du conflit elles-mêmes? Si elles sont représentées par un avocat, quel rôle ce dernier joue-t-il?
  4. Toutes les parties directement intéressées prennent-elles part au processus (dans la mesure du possible)?
  5. Les parties prenant part au processus de RCL sont-elles investies du pouvoir nécessaire pour conclure une entente?
  6. Les parties concernées ont-elles choisi le fournisseur de services de RCL qui convient? Dans la négative, la convention prévoit-elle un mécanisme de sélection par défaut?
  7. Les éléments essentiels de la convention de RCL ont‑ils tous été considérés, y compris :
    1. les questions en litige;
    2. la procédure à suivre;
    3. le rôle ou le mandat du tiers impartial;
    4. une disposition prévoyant une entente si le conflit est réglé;
    5. la confidentialité du processus;
    6. une disposition prévoyant la rémunération du tiers impartial;
    7. la reconnaissance de la responsabilité respective du tiers impartial et des parties;
    8. la langue dans laquelle se déroulera le processus;
    9. le droit applicable, surtout si l’affaire a une portée internationale?
  8. A-t-on fixé, au besoin, la durée maximale de la procédure, ainsi que des délais à l’intérieur desquels les présentations doivent être soumises?
  9. Faudra-t-il procéder à la divulgation de la preuve? Qui en fera la demande : les parties ou le tiers impartial?
  10. A-t-on arrêté le choix du rédacteur de l’éventuelle entente?
  11. Par quels moyens fera-t-on exécuter l’éventuelle entente?
  12. En cas d’échec du mécanisme de RCL, quelle sera la prochaine étape?

Notes