Contexte et résumé
Contexte
Le ministère de la Justice du Canada dirige les travaux visant à moderniser la Loi sur la protection des renseignements personnels (LPRP) et à établir un cadre mis à jour pour régir les façons dont les organismes publics fédéraux gèrent les renseignements personnels. La nécessité de moderniser la LPRP est bien reconnue : il y a eu près de 40 ans de progrès technologiques et de changements sociaux depuis l’entrée en vigueur de cette loi en 1983, de sorte que les attentes ont grandement évolué quant aux façons d’utiliser et de protéger les renseignements personnels.
Conscient du fait que la LPRP a des incidences particulières sur les peuples autochtones du Canada, le Ministère a tenu une mobilisation initiale avec des gouvernements et organisations autochtones entre les printemps 2020 et 2021 afin de déterminer comment moderniser cette loi de façon à mieux refléter les besoins, les attentes et les perspectives propres aux Premières Nations, aux Inuits et aux Métis2.
Dans le contexte de cette mobilisation initiale, nous avons invité 32 gouvernements et organisations des Premières Nations, des Inuits et des Métis à discuter de la modernisation de la LPRP, et 14 d’entre eux nous ont rencontrés pour nous faire part de leurs perspectives et de leurs expériences3. Ces discussions ont été résumées dans le rapport Ce que nous avons appris (jusqu’à présent) et prochaines étapes (ci-après le « rapport initial »), publié en mars 2022. Dans le rapport initial, le ministère de la Justice du Canada s’est engagé à poursuivre le dialogue avec les partenaires des Premières Nations, des Inuits et des Métis pour veiller à ce que soient dûment prises en compte les questions liées à la LPRP et les incidences à prévoir pour les peuples autochtones, tandis qu’il élaborera des propositions stratégiques quant aux changements qui pourraient être apportés à la LPRP.
Le rapport initial proposait une approche à plusieurs étapes pour la modernisation des dispositions de la LPRP concernant les peuples autochtones, et il en présentait les deux premières étapes. L’étape 1 serait axée sur les principes fondamentaux de la LPRP et sur les principales règles qui régissent la communication de renseignements personnels entre les organismes publics fédéraux et les peuples autochtones. À l’étape 2 – qui pourrait avoir lieu après l’édiction de la nouvelle LPRP –, nous discuterions avec les partenaires des Premières Nations, des Inuits et des Métis des règles plus détaillées et des questions complexes susceptibles de soutenir les changements initiaux qui auraient déjà été apportés à la cette loi.
Dans le but d’éclairer la première étape de l’approche en plusieurs étapes du ministère de la Justice, le rapport initial énonçait des questions aux fins de rétroaction, qui avaient été élaborées à la lumière de la rétroaction reçue des partenaires qui ont participé à la mobilisation initiale4. Nous avons communiqué le rapport à 64 partenaires autochtones qui représentaient des gouvernements et organisations des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Les partenaires ont été invités à donner leurs commentaires en réponse à ces questions, que ce soit dans le cadre d’une séance virtuelle d’échanges et de discussions ou par écrit, ou les deux, au plus tard le 30 avril 20225.
Ce que nous avons appris dans le cadre de la mobilisation de 2022 avec les Autochtones
Le ministère de la Justice du Canada tient à remercier les multiples gouvernements et organisations des Premières Nations, des Inuits et des Métis  qui se sont exprimés en réponse aux questions énoncées dans notre rapport initial, que ce soit dans le cadre de séances bilatérales d’échanges et de discussions ou par écrit, ou les deux. Sur les 64 partenaires invités à formuler des observations, il y en a 16 qui nous en ont donné, au nom des Premières Nations, des Inuits et des Métis.
Plus particulièrement, nous avons obtenu les points de vue de huit organisations et gouvernements de Premières Nations signataires de traités modernes, d’une organisation inuite chargée de revendications territoriales, de deux gouvernements de la Nation métisse, de trois organisations autochtones nationales (OAN) et de deux organisations autochtones ayant une expertise particulière en matière de protection des renseignements personnels, de recherche relative aux revendications et de gestion de l’information.
Lorsque les partenaires fournissaient leur rétroaction à une séance de discussion, les responsables du ministère de la Justice du Canada ont pris des notes pour consigner les points soulevés. Ces notes ont été communiquées aux représentants des partenaires participants afin qu’ils les vérifient et formulent leurs commentaires, dans le but de veiller à ce qu’elles reflètent bien la teneur des discussions. Le présent rapport s’appuie également sur ces notes.
Cette étape de la mobilisation a commencé en février 2022 et s’est terminée en décembre de la même année. Du financement a été mis à la disposition des partenaires des Premières Nations, des Inuits et des Métis dans le but de soutenir leur participation.
Le présent rapport résume non seulement les points de vue que le Ministère a obtenus à cette étape de la mobilisation, mais aussi ceux exprimés par les partenaires autochtones dans le cadre de leur mobilisation avec le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada au sujet de la révision du régime d’accès à l’information, qui a eu lieu du printemps à l’automne 2022, et qui comportait des recoupements avec la modernisation de la LPRP6.
Les sous-sections qui suivent résument de façon détaillée la rétroaction des partenaires des Premières Nations, des Inuits et des Métis en réponse aux idées de changement proposées et aux questions connexes énoncées dans le rapport initial au sujet de la modernisation de la LPRP7.
Commentaires généraux des partenaires des Premières Nations, des Inuits et des Métis
Au début d’une séance d’échanges et de discussions ou d’une contribution écrite, les partenaires autochtones ont souvent fourni des remarques préliminaires afin d’expliquer l’orientation de leurs réponses à nos questions aux fins de rétroaction. La plupart des partenaires ont précisé qui ils représentaient, de même que les limites de leur capacité à parler au nom d’autres peuples autochtones.
Nous avons en outre constaté que ces remarques reflétaient certains thèmes communs. La majorité des partenaires ont traité de l’importance d’adapter la version modernisée de la LPRP à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (ci-après la « Déclaration de l’ONU »). Plus particulièrement, les partenaires ont souligné que l’article 5 de la Loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (LDNUDPA) exige de prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les lois fédérales soient compatibles avec la Déclaration de l’ONU. Selon certains partenaires faisant partie des Premières Nations, pour n’importe quel nouveau régime de gouvernance qui aurait une incidence sur les renseignements personnels de celles-ci, l’adaptation à la Déclaration de l’ONU obligerait le gouvernement du Canada à obtenir le consentement préalable des nations concernées, donné librement et en connaissance de cause, aussi bien avant qu’après sa mise en place, et à leur faire prendre part aux décisions concernant la collecte et la mise à jour de l’information à propos de leurs membres.
De même, bon nombre de partenaires ont affirmé d’entrée de jeu que toute décision concernant les renseignements personnels des Autochtones devrait être prise en partenariat par le gouvernement du Canada et les représentants et défenseurs des intérêts des Autochtones; certains ont précisé que c’était exigé par certains traités modernes, par des ententes sur l’autonomie gouvernementale et par la LDNUDPA. La plupart des partenaires se sont montrés favorables à une poursuite de la mobilisation avec le ministère de la Justice du Canada à l’égard de son initiative de modernisation de la LPRP, selon un fonctionnement participatif où l’on veillerait à l’intégration des divers points de vue des peuples autochtones du Canada, tout en assurant l’adaptation aux protocoles de mobilisation les concernant, notamment en leur donnant suffisamment de temps pour apporter des contributions valables.
Enfin, certains partenaires ont évoqué les limites de l’initiative de modernisation de la LPRP, soulignant qu’il s’agissait certes d’une initiative essentielle répondant à des besoins criants, mais qu’elle concernait un seul élément du cadre régissant les données des Autochtones, et donc qu’elle ne pouvait résoudre que partiellement les questions de protection des renseignements personnels et de gestion des données touchant les Premières Nations, les Inuits et les Métis.
Inclusion d’une disposition de déclaration d’objet énonçant l’importance de faire progresser la réconciliation avec les peuples autochtones du Canada
Q1. À quelles conditions appuieriez-vous l’inclusion d’une disposition d’objet qui énoncerait qu’un des objectifs de la LPRP modernisée est de faire progresser la réconciliation avec les peuples autochtones au Canada en favorisant une meilleure communication des renseignements personnels des individus autochtones aux Premières Nations, aux Inuits et aux Métis?
La plupart des partenaires qui ont répondu à cette question ont appuyé l’idée d’inclure dans la LPRP une disposition d’objet énonçant l’importance de favoriser la réconciliation avec les peuples autochtones sans la faire reposer sur la promotion d’un meilleur échange d’information avec les représentants des peuples autochtones. Un partenaire a précisé qu’une disposition d’objet énoncée plus largement permettrait d’éviter que la réconciliation soit limitée aux fins concernant la « communication des renseignements personnels des Autochtones » [traduction]. Un autre partenaire a indiqué qu’une formulation plus générale concorderait avec le préambule de la LDNUDPA.
Une OAN partenaire s’est exprimée sur l’importance d’assurer la précision de la disposition d’objet, puisqu’elle représenterait un guide d’interprétation majeur dans l’application future de la LPRP. Elle a donc déconseillé l’adoption de termes qui ne sont pas actuellement utilisés dans la LPRP, par exemple le terme anglais « sharing », qui peut se rendre en français aussi bien par « échange » et « partage » que par « communication », ce qui pourrait causer des ambiguïtés d’interprétation. Cette même OAN partenaire a aussi exprimé des préoccupations par rapport à l’expression « Premières Nations, Inuits et Métis », du fait que « Premières Nations » n’est pas un terme juridique défini et pourrait être interprété à tort comme s’appliquant seulement aux bandes au sens de la Loi sur les Indiens. À son avis, une disposition d’objet visant à favoriser la réconciliation doit aussi tenir compte des droits et des besoins des « Indiens inscrits vivant hors des réserves » et des « Indiens non inscrits » qui ont peu ou pas de lien avec une Première Nation, une bande au sens de la Loi sur les Indiens ou un autre « gouvernement autochtone » au sens de la version actuelle de LPRP. Conséquemment, les partenaires ont recommandé que la disposition d’objet reprenne plutôt l’expression « peuples autochtones du Canada » que l’on retrouve à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, de façon à assurer l’inclusion de tous les peuples envers lesquels la Couronne a des obligations.
Certains partenaires ont aussi exprimé l’idée que la disposition de déclaration d’objet devrait non seulement reconnaître l’importance de la réconciliation, mais aussi :
- mentionner expressément la conformité à la LDNUDPA et à la Déclaration de l’ONU;
- refléter une approche tenant compte de la particularité des différents groupes, à savoir que les peuples autochtones ne constituent pas un groupe homogène;
- reconnaître que la souveraineté des Premières Nations en matière de données est une condition préalable à l’autodétermination et à l’autonomie gouvernementale. À cet égard, un partenaire a expliqué que, selon son point de vue, l’inclusion d’une formule en ce sens ferait que, dans le cas où la LPRP modernisée porterait atteinte à la souveraineté en matière de données, les dispositions en cause pourraient être abrogées et remplacées par des dispositions élaborées en collaboration avec les Premières Nations;Â
- reconnaître à la fois les droits individuels et les droits collectifs en matière de protection des renseignements personnels. Sur ce point, un partenaire a fait remarquer que les droits collectifs des Autochtones étaient déjà reconnus dans la Déclaration de l’ONU et dans diverses décisions judiciaires rendues au Canada. D’autres ont souligné que le fait de le reconnaître également dans la LPRP contribuerait davantage à favoriser la réconciliation, par exemple en permettant aux peuples autochtones d’accéder à l’information à valeur collective pour déterminer qui sont les membres autochtones, et d’accéder à l’information concernant les traditions culturelles de longue date. Enfin, d’autres ont appuyé l’idée que la LPRP modernisée établisse des droits collectifs en matière de protection des renseignements personnels sans nécessairement passer par la seule disposition d’objet;
- reconnaître l’histoire coloniale du Canada et le traitement discriminatoire dont les peuples autochtones y ont été traités, notamment dans l’utilisation de l’information provenant des Autochtones et des renseignements à leur sujet; cette reconnaissance ferait progresser la réconciliation, permettrait au Canada de faire face à son histoire et l’aiderait à aller de l’avant;
- favoriser la santé, le bien-être et la prospérité des Premières Nations, des Inuits et des Métis.
Par ailleurs, un partenaire a proposé d’inclure l’adoption des Principes régissant la relation du gouvernement du Canada avec les peuples autochtones dans la disposition d’objet afin de guider les organismes publics fédéraux dans leurs décisions quant à savoir comment exercer leurs pouvoirs ou respecter les exigences de la future LPRP modernisée.
Ajout d’un principe qui pourrait élargir la portée des renseignements communiqués aux représentants et défenseurs des intérêts des peuples autochtones
Q2. À quelles conditions appuieriez-vous l’ajout d’un principe selon lequel un organisme public fédéral pourrait communiquer les renseignements personnels des individus autochtones qui relèvent de lui à un gouvernement, une organisation ou une entité autochtone?
En réponse à cette question, quelques partenaires ont appuyé l’idée d’inclure un principe de ce genre, et un partenaire faisant partie des Premières Nations a proposé que, dans son contexte, le principe soit énoncé de façon à permettre à la Couronne de communiquer des renseignements personnels aux gouvernements des Premières Nations ainsi qu’aux organisations et entités dûment autorisées à la demande des Premières Nations. De l’avis de ce partenaire, ce genre d’ajout serait un élément important pour la reconnaissance de la souveraineté des Premières Nations en matière de données ainsi que des principes de PCAPMD8, et pour assurer le fonctionnement efficace des gouvernements des Premières Nations.
Certains partenaires ont formulé des mises en garde, estimant que le principe de communication devrait :
- être formulé de façon à permettre seulement aux gouvernements autochtones d’obtenir un plein accès aux renseignements personnels.
- être mis en Å“uvre seulement lorsque le droit aura résolu les multiples questions complexes d’appartenance qui demeurent en suspens. À cet égard, un partenaire a expliqué que les actuels cadres juridiques d’origine coloniale compliquent la question de savoir qui est membre d’une communauté et qui peut revendiquer les droits qui s’y rattachent. Par exemple, une personne reconnue comme membre d’une bande particulière au titre de la Loi sur les Indiens peut plutôt s’identifier à une autre Première Nation ou à un différent groupe autochtone, ou même ne pas s’identifier comme autochtone.
- faire l’objet d’autres séances d’échanges et de discussions visant à définir sa portée, et préciser clairement, d’entrée de jeu, qui aurait le droit de recevoir l’information. Sur ce point, un partenaire a affirmé que la communication ne devrait être faite qu’aux gouvernements autochtones, et que la portée du principe ne devrait pas être trop vaste ou trop vague quant à savoir quelles entités autochtones auraient le droit de recevoir l’information. Une OAN partenaire a souligné que les Premières Nations doivent composer depuis longtemps avec le fait que certains chercheurs autochtones et non autochtones utilisent leur information et leurs données d’une façon qui ne respecte pas la souveraineté des Premières Nations en matière de données.Â
Identification des fins auxquelles des renseignements personnels peuvent être communiqués sans le consentement de l’individu concerné
Q3. À quelles fins, en plus de celles déjà prévues par la LPRP9, devrait-on autoriser la communication de renseignements personnels d’individus autochtones à des gouvernements, organisations ou entités autochtones?
Q4. Quelles approches appuieriez-vous pour élargir les fins auxquelles les renseignements personnels d’individus autochtones pourraient être communiqués sans consentement?
- Préféreriez-vous : a) que l’on énonce toutes les fins auxquelles la communication serait permise; b) que l’on permette la communication peu importe la fin poursuivie; ou c) que l’on adopte une autre approche?
En réponse à ces questions, une OAN partenaire a soutenu l’idée d’énoncer les fins auxquelles la communication serait possible, et elle a proposé qu’elles soient énoncées dans un règlement d’application de la LPRP, de façon à ce que la liste demeure facile à adapter à l’évolution des réalités au fil du temps. Cette OAN partenaire a ajouté que la description des fins concernées ne devrait pas être générique, comme le seraient des énoncés tels que « contribuer au développement ou au mieux-être de la collectivité » ou « en vue de la défense des droits et intérêts des peuples autochtones au Canada ». À son avis, puisque les renseignements personnels concernés sont la propriété légitime des peuples autochtones, ce ne devrait pas être au gouvernement fédéral de déterminer si quelque chose servant à la défense de leurs droits et intérêts justifie de leur donner accès à ces renseignements.
D’autres partenaires étaient toutefois opposés à ce que les fins visées soient énoncées dans la LPRP. Selon eux, cela risquerait d’être peu pratique, exigerait la coélaboration de fins convenues, et pourrait entraîner une interprétation étroite et rigide avec le temps. Cependant, dans l’éventualité où la version modernisée de la LPRP continuerait d’énoncer les fins concernées, ces partenaires en ont proposé un certain nombre qui pourraient être ajoutées à la liste, notamment pour autoriser la communication de renseignements personnels sur des individus autochtones :
- à des entités autochtones dans le but de permettre la réalisation d’activités d’autonomie gouvernementale sectorielle ou de projets visant la réconciliation; de permettre à des personnes d’obtenir des avantages; de pouvoir répondre à des situations d’urgence; de localiser des personnes enlevées ou retirées de leur foyer ou de rétablir le contact avec elles; de promouvoir l’intérêt supérieur, la continuité culturelle et l’égalité des Autochtones, et de servir toute autre fin prévue par les lois autochtones.
- à des gouvernements, organisations ou entités autochtones dans le but de permettre aux Premières Nations d’assurer le fonctionnement efficace de leurs gouvernements, programmes et projets. De l’avis d’un partenaire, ce genre de fin refléterait le fait que les Premières Nations ont la possibilité d’exercer leur droit à l’autonomie gouvernementale dans leurs affaires internes et locales.
Certains partenaires faisant partie des Premières Nations étaient favorables à une communication étendue des renseignements personnels des individus autochtones peu importe la fin visée, puisque cela donnerait un maximum de latitude aux Premières Nations, limiterait la possibilité d’un refus de communication aux détenteurs de droits des Premières Nations de la part du gouvernement fédéral, et aiderait les nations en régime d’autonomie gouvernementale à assurer le fonctionnement et la prestation efficaces de leurs programmes et services au bénéfice de leurs membres. Un des intervenants qui proposait cette approche a affirmé que si la communication de renseignements personnels des Premières Nations à un gouvernement, à une organisation ou à une entité des Premières Nations était autorisée peu importe la fin visée, cela pourrait devenir une exception prévue au paragraphe 8(2) de la LPRP, en remplacement de celles énoncées aux alinéas 8(2)f) et k), et des autres exceptions visant l’information relative aux Premières Nations.
D’autres ont par contre exprimé une mise en garde à savoir que le fait d’autoriser la communication à n’importe quelle fin pourrait ratisser trop large et s’avérer trop vague, ce qui entraînerait une collecte excessive de la part des destinataires, et donc un risque accru d’atteinte à la protection des renseignements personnels. De plus, un partenaire a expliqué que certains individus autochtones souhaiteraient peut-être que leurs renseignements personnels ne soient pas accessibles à l’ensemble des groupes ou organisations autochtones, même ceux dont ils seraient apparemment membres.
Une autre partie des partenaires ont proposé des solutions différentes. Par exemple, l’un d’entre eux a proposé que le gouvernement fédéral soit autorisé à communiquer les renseignements personnels d’individus autochtones si ces renseignements sont directement liés à un programme ou à une activité d’ordre opérationnel d’une entité autochtone, ce qui devrait faire l’objet d’un processus clair et transparent. À son avis, ce serait l’approche qui offrirait le plus de souplesse aux entités autochtones, dont les besoins en matière de renseignements personnels peuvent varier considérablement; par exemple, celles ayant un rôle de gouvernance ont besoin de plus d’information que les autres.
De même, selon d’autres partenaires, les possibilités de communication devraient être à la fois étendues et spécifiques lorsqu’il est question de gouvernements, organisations et entités autochtones. Ils ont expliqué que les gouvernements autochtones ont besoin d’un accès étendu pour gouverner efficacement et exercer leur souveraineté dans les affaires qui les concernent, et donc qu’ils ne devraient pas avoir à justifier chaque fois leur accès à l’information. En revanche, pour les organisations et entités autochtones qui ne sont pas reconnues au titre de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, les possibilités de communication devraient être plus restreintes, et les fins auxquelles la communication peut être destinée devraient être adaptées aux réalités concrètes du mandat confié au demandeur.
Une OAN partenaire a défendu l’idée que la LPRP devrait prévoir un cadre avec option de participation qui permettrait aux corps dirigeants autochtones de choisir de recevoir les renseignements personnels de leurs membres sans consentement au moyen d’accords sur la communication de renseignements (ACR). Selon elle, la catégorie de fins auxquelles les renseignements en question pourraient être communiqués devrait être propre au corps concerné, déterminée en fonction des processus avec option de participation et énoncée dans chaque ACR. Cette même OAN a aussi proposé de songer à inclure les gouvernements provinciaux dans les ACR, car ces gouvernements disposent aussi de renseignements personnels pertinents pour les corps dirigeants autochtones (p. ex. les certificats de naissance et de mariage). Elle a affirmé que des dispositions en ce sens pourraient être intégrées à la version modernisée de la LPRP et inspirées des accords de coordination prévus à l’article 20 de la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis.
Un partenaire représentant des membres des Premières Nations a souligné la nécessité de faire preuve de prudence en élargissant les autorisations de communication préétablies et a proposé la tenue d’autres séances d’échanges et de discussions avec les Premières Nations et leurs juristes. Il a en outre demandé de l’information plus approfondie sur l’ensemble des modifications que l’on propose d’apporter à l’article 8 de la LPRP, de façon à vérifier si une quelconque de ces modifications pourrait avoir des répercussions négatives sur les Premières Nations et entraîner de plus amples communications interministérielles sans consentement. Ce même partenaire a expliqué que les Premières Nations sont préoccupées par le fait que des organismes publics fédéraux se communiquent leurs renseignements personnels pour enquêter sur des personnes qui participent à des manifestations et qui cherchent à exercer leurs droits ancestraux et issus de traités, ou pour surveiller ces personnes.
Enfin, certains partenaires se sont abstenus de proposer des façons d’allonger la liste actuelle de fins auxquelles des renseignements personnels peuvent être communiqués au titre de l’article 8, mais ont tenu à attirer l’attention sur les difficultés d’obtention de renseignements personnels auxquelles doivent faire face les personnes qui effectuent des recherches relatives aux revendications. Plus particulièrement, ces partenaires ont affirmé que les personnes en question rencontrent plusieurs obstacles administratifs lorsqu’elles essaient de se faire communiquer des renseignements personnels conformément aux alinéas 8(2)k) et 8(2)j). Ces partenaires ont recommandé que le gouvernement du Canada travaille en partenariat avec les peuples autochtones pour élaborer un mécanisme de supervision indépendante qui assurerait un accès rapide et complet aux documents détenus par des institutions fédérales qui permettraient d’appuyer des revendications historiques.
Reconnaissance de la diversité des gouvernements autochtones
Q5. Quelles notions et définitions appuieriez-vous pour que la LPRP reconnaisse adéquatement la diversité des gouvernements des Premières Nations, des Inuits et des Métis?
La plupart des intervenants qui ont répondu à cette question étaient favorables à la notion de « corps dirigeant autochtone », et une minorité a exprimé certaines préoccupations.
Certains partenaires ont expressément appuyé la notion telle qu’elle est utilisée dans plusieurs lois fédérales10, où le terme est défini de la façon suivante : « Conseil, gouvernement ou autre entité autorisé à agir pour le compte d’un groupe, d’une collectivité ou d’un peuple autochtones titulaires de droits reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. »11
Selon une OAN partenaire, cette notion est convenable pour ce qui est d’autoriser la communication à des organisations autochtones et elle devrait remplacer l’actuelle définition restrictive de « gouvernement autochtone » applicable à l’alinéa 8(2)k) de la LPRP. D’une part, cette OAN était d’avis que la notion de corps dirigeant autochtone n’était pas une solution idéale, puisqu’elle demeure contestée par certains et qu’il n’y a actuellement pas de critères uniformes pour la définir. Mais d’autre part, l’OAN a précisé que son adoption serait tout de même une amélioration, et elle a pressé le gouvernement du Canada de veiller à ce que la version modernisée de la LPRP reconnaisse la diversité de représentation des peuples autochtones, quelle que soit la terminologie utilisée.
Un autre partenaire a affirmé que la notion était bien établie et s’appliquait à un large éventail d’organisations qui ont besoin d’accéder à des renseignements personnels pour servir des individus autochtones. Cependant, il a convenu que d’autres groupes autochtones n’avaient peut-être pas la même impression. Il a donc appuyé l’idée d’inclure des notions supplémentaires pour les organisations qui ne se considéreraient pas comme des corps dirigeants autochtones, mais qui devraient être autorisées à recevoir des renseignements personnels sans consentement, telles que certaines entités de revendications territoriales, des groupes de défense des droits et intérêts, des organismes de soins de santé et des organismes d’application de la loi.
Un autre partenaire a affirmé que les lois fédérales utilisant la notion de « corps dirigeant autochtone » avaient été coélaborées avec les Premières Nations et soutenaient leur droit de choisir leurs représentants conformément à ce qui est énoncé dans la Déclaration de l’ONU. Par ailleurs, selon une OAN partenaire, le processus servant à déterminer si le corps dirigeant autochtone représente légitimement les titulaires de droits visés à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 doit être appliqué au cas par cas.
D’autres partenaires ont manifesté des préoccupations par rapport à l’adoption de la notion de « corps dirigeant autochtone ». L’un d’entre eux a affirmé que cette notion posait elle-même certains problèmes, étant donné sa vaste portée et le fait qu’elle n’offre pas de façon claire de déterminer quelles entités elle inclut. Il a fait remarquer que les gouvernements autochtones représentant les titulaires de droits collectifs visés à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 devraient être invités à exprimer plus précisément leurs points de vue à cet égard. Ce partenaire a ajouté que la formulation de la définition de gouvernement autochtone dans ce contexte exigerait de comprendre la structure de gouvernance qui se rattache aux gouvernements locaux et régionaux ainsi que les besoins d’information et les rôles particuliers de chacun des groupes concernés, et que cela exigerait des échanges et des discussions approfondies avec les citoyens sous sa responsabilité.
Un partenaire a évoqué de façon générale le besoin d’adopter une approche tenant compte de la particularité des différents groupes, pour chaque projet ou chaque mesure législative touchant les droits, les intérêts ou les revendications des Premières Nations, des Inuits ou des Métis. Il a en outre soutenu que l’utilisation générique du terme « Autochtone » n’est pas acceptable, car elle ne permet pas clairement de distinguer ou de reconnaître la totalité des droits dont les groupes concernés sont titulaires.
Communication de renseignements personnels à des gouvernements, organisations et entités autochtones
Q6. Dans l’éventualité où la LPRP modernisée autoriserait la communication de renseignements personnels d’individus autochtones peu importe la fin poursuivie, cette autorisation générale de communication devrait-elle s’appliquer uniquement aux gouvernements autochtones, ou plutôt à l’ensemble des gouvernements, organisations et entités autochtones?
Q7. Dans l’éventualité où la LPRP modernisée autoriserait la communication de renseignements personnels d’individus autochtones à un nombre accru de fins expressément mentionnées, à quels types d’entités autochtones (gouvernements, organisations ou autres) devrait-on autoriser la communication à chacune de ces fins?
Q8. Quelles mesures devraient être utilisées pour aider les organismes publics fédéraux à s’assurer que le gouvernement, l’organisation ou l’entité autochtone en question a l’autorisation d’obtenir les renseignements personnels de ses citoyens ou de ses membres?
Il y avait unanimité quant à l’idée que les gouvernements des Premières Nations, des Inuits et des Métis devraient être en mesure d’obtenir de l’information sur les individus autochtones puisque ces gouvernements en ont besoin pour :
- assurer le fonctionnement et la prestation efficaces de leurs programmes et services à l’intention de leurs citoyens;
- éclairer leurs décisions;
- contribuer à améliorer leur capacité de faire valoir pleinement leur droit inhérent à l’autodétermination et à la durabilité économique.
Plus particulièrement, la plupart des partenaires faisant partie des Premières Nations étaient généralement favorables à la communication de renseignements personnels à leurs gouvernements démocratiquement élus, mais se sont montrés plus prudents ou sont restés silencieux quant à savoir s’il y aurait lieu d’étendre leur communication à d’autres organisations ou entités. Ils ont fourni de plus amples précisions en appui à leurs positions respectives :
- Un partenaire a recommandé que les gouvernements des Premières Nations disent au gouvernement fédéral où envoyer l’information et à quelles fins, en fonction de leurs propres processus internes. De son point de vue, cela amènerait les gouvernements des Premières Nations à être reconnus comme les seuls décideurs, tout en respectant leur décision de déléguer des pouvoirs à des organisations ou entités non titulaires des droits concernés afin qu’elles assurent la gérance ou l’utilisation de l’information des Premières Nations au nom des titulaires de ces droits. Il a également précisé que les organisations et entités non titulaires de ces droits des Premières Nations avaient besoin d’accéder à des renseignements d’Autochtones afin d’exercer leurs fonctions de gouvernance au bénéfice des titulaires, et qu’elles pourraient obtenir cet accès par l’intermédiaire des gouvernements des Premières Nations.
- D’autres partenaires ont expliqué que la liste des « gouvernements autochtones » énoncée au paragraphe 8(7) de la LPRP exclut beaucoup de nations en régime d’autonomie gouvernementale et devrait donc être retirée ou allongée considérablement pour permettre la communication à un plus grand nombre de gouvernements des Premières Nations.
- Certains partenaires signataires de traités modernes ont mentionné que, contrairement à leurs gouvernements, bon nombre d’entités et d’organisations autochtones ne disposaient ni de lois reconnaissant leur pouvoir de recevoir des renseignements personnels ni de systèmes officiels pour protéger les renseignements personnels qu’elles reçoivent, et donc que les processus de communication de renseignements devraient refléter cette différence. Ils ont aussi fait valoir que les fins auxquelles les renseignements sont communiqués à des entités et organisations autochtones devraient être plus limitées et correspondre à la nature et au rôle de l’entité ou de l’organisation concernée. Un partenaire a attiré l’attention sur les difficultés de déterminer quels groupes autochtones non gouvernementaux ont l’approbation et la confiance nécessaires des Premières Nations, et il n’était donc favorable à ce que les tiers obtiennent ces renseignements qu’à condition qu’ils obtiennent le consentement des citoyens des Premières Nations ou de leur gouvernement.
- Selon un autre partenaire, la communication de renseignements personnels à des organisations et entités autochtones exigerait de plus amples études, car beaucoup n’ont pas besoin d’accéder aux renseignements personnels des Premières Nations et certains pourraient affirmer faussement qu’ils sont autochtones. Néanmoins, il a mentionné qu’il pourrait y avoir des cas particuliers où, par exemple, un conseil tribal fournirait des services postsecondaires à des personnes au nom des Premières Nations, et que ce genre de fins restreintes pourrait nécessiter l’accès à des renseignements personnels, mais seulement dans la mesure où les renseignements fournis sont nécessaires au service.
Les partenaires métis étaient favorables à ce que les renseignements personnels des citoyens de leur nation et ceux liés à leur communauté soient communiqués aux gouvernements de la Nation métisse, et l’un d’entre eux a souligné que cette communication devrait être étendue, ne pas être trop exigeante et ne pas nécessiter de justification chaque fois. Ces partenaires ont exprimé des préoccupations différentes quant à l’idée d’autoriser cette communication à des organisations et entités autochtones. Par exemple :
- Un partenaire a affirmé que la communication aurait besoin d’être plus restreinte pour les organisations et entités autochtones qui ne sont pas reconnues au titre de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
- Un autre partenaire a jugé inacceptable que les renseignements personnels d’une personne métisse soient communiqués à d’autres groupes autochtones sans l’approbation du gouvernement métis ou du citoyen concerné, car cela pourrait représenter un risque pour l’identité des citoyens et compromettre l’histoire des Métis en cas de révision inexacte, erronée ou défavorable des renseignements par des intervenants ayant des intérêts divergents. Il craignait aussi qu’une communication inadéquate à des organisations ait des incidences négatives sur les revendications collectives des Métis et fasse que l’on néglige ou ignore la responsabilité de supervision du gouvernement métis par rapport à ses propres affaires. À cet égard, il s’est inscrit en faux contre l’actuelle définition applicable à l’alinéa 8(2)k) de la LPRP, qui permet la communication étendue des renseignements personnels d’un individu à plusieurs parties « en vue de l’établissement des droits des peuples autochtones ou du règlement de leurs griefs ».
Un autre partenaire a indiqué que ce ne sont pas toutes les entités autochtones du Canada qui ont besoin de recevoir des renseignements personnels du gouvernement fédéral, et il s’est montré favorable à une approche « par couche », où de grandes organisations autochtones régionales reconnues ou des corps dirigeants autochtones pourraient recevoir les renseignements personnels et les distribuer à de plus petites organisations. Selon ce partenaire, les organisations régionales et les corps dirigeants ont des besoins plus vastes que les petites entités jouant un seul rôle, et ils sont aussi mieux placés pour recevoir et gérer des renseignements personnels et pour déterminer quelle information devrait être mise à la disposition des plus petites organisations faisant partie du groupe concerné.
Dans nos échanges et nos discussions, des OAN partenaires ont recommandé que soit autorisée la communication de renseignements personnels aux corps dirigeants autochtones et à des organisations autochtones, puisque ces dernières peuvent effectuer des travaux essentiels à la réconciliation, à la résolution d’iniquités et à la prestation de services liés à la santé, à la guérison, à la justice et au développement socioéconomique. Ces partenaires ont précisé leurs points de vue en soulignant ce qui suit :
- Le terme « organisations autochtones » devrait être convenablement défini dans la loi et pourrait désigner un corps dirigeant autochtone ou toute autre entité représentant les peuples autochtones du Canada et défendant leurs intérêts.
- À l’échelle locale, régionale et nationale, les organisations non gouvernementales autochtones (ONGA) effectuent souvent du travail de recherche et de défense d’intérêts qui peut grandement bénéficier d’un accès à des renseignements personnels d’Autochtones. Les partenaires concernés ont fait remarquer que les dispositions actuelles de la LPRP permettant la communication de renseignements personnels dans certains cas demeurent pertinentes pour le travail des ONGA – par exemple, lorsqu’il y a consentement ou que la communication est autorisée en fonction de catégories prévues au paragraphe 8(2), que ce soit pour des travaux de recherche ou de statistique, pour l’établissement des droits des peuples autochtones ou du règlement de leurs griefs, pour des raisons d’intérêt public, ou si l’individu concerné en tirerait un avantage certain.
Des partenaires ont recommandé diverses mesures qui pourraient aider les organismes publics fédéraux à s’assurer que les gouvernements, organisations ou entités autochtones qui reçoivent des renseignements personnels d’individus autochtones en ont l’autorisation. Par exemple :
- Une OAN partenaire a proposé que la version modernisée de la LPRP permette la communication de renseignements personnels aux ONGA au moyen d’un cadre avec option de participation, accompagné d’exigences énoncées dans des ACR et selon ce qui sera déterminé au cas par cas. Dans chaque cas, des critères particuliers pourraient être énoncés pour les ONGA, dont la prise en considération de leur structure organisationnelle (appartenance à des Autochtones, conseil d’administration autochtone, etc.), celle de leurs objectifs ou de leur mandat (à savoir si elles sont à but lucratif ou non), et leur reconnaissance par les peuples autochtones en tant qu’organisation autochtone. Dans le même ordre d’idées, cette OAN a recommandé que toute communication de renseignements personnels à des gouvernements ou corps dirigeants autochtones soit guidée par un processus faisant l’objet d’une loi, qui aiderait à vérifier si l’entité concernée est un destinataire légitime, ce qui pourrait être déterminé au moment de conclure un ACR si elle est choisie comme destinataire légal pour ce genre de communication.
- Un autre partenaire a proposé la création d’un processus unique pour déterminer quelles entités autochtones et quels corps dirigeants autochtones sont autorisés à recevoir des renseignements personnels et à quelles fins, et l’établissement d’un point de contact central pour la prise de décision à cet égard. Il a expliqué que ces entités et corps dirigeants ne devraient pas avoir à passer par un long processus de vérification pour être autorisés à recevoir des renseignements personnels chaque fois qu’ils en demandent. De même, si on utilise des ACR ou d’autres mécanismes, les entités et corps dirigeants en question ne devraient pas avoir à négocier des accords distincts avec chaque ministère fédéral avec lequel ils traitent. Il devrait plutôt y avoir un accord unique avec le gouvernement fédéral qui s’appliquerait à l’ensemble des ministères et organismes, et un seul point de contact qui s’occuperait notamment de vérifier que l’entité est autorisée à recevoir des renseignements personnels (en validant ce fait au moyen d’une entente territoriale, d’un statut législatif, d’une loi relative à l’entité ou de documents organisationnels) et que les exigences de protection de ces renseignements sont remplies.Â
- Plusieurs partenaires faisant partie des Premières Nations ont défendu l’idée que les traités modernes et les ententes sur l’autonomie gouvernementale suffisaient à eux seuls à établir que les gouvernements des Premières Nations sont habilités à recevoir des renseignements personnels. Ils ont précisé que la communication de renseignements personnels à des entités et organisations autochtones autres que des gouvernements devrait faire l’objet de restrictions, par exemple l’obligation de démontrer un lien avec tout individu que concernent les renseignements en question. Ils ont ajouté que la LPRP devrait inclure une disposition exigeant l’obtention de l’accord du gouvernement autochtone avant que quelque organisme public fédéral que ce soit puisse communiquer aux organisations ou entités en question des renseignements relatifs aux citoyens relevant de ce gouvernement. Ils ont aussi soulevé le fait qu’au moment de conclure un accord, un gouvernement signataire de traité moderne pourrait exiger que l’information liée aux citoyens relevant de lui soit communiquée aux entités et organisations autochtones.
Certains partenaires ont observé que de plus amples études et discussions seraient nécessaires pour définir quelles entités autochtones devraient être autorisées à recevoir des renseignements personnels concernant des individus autochtones. Par exemple, un partenaire faisant partie des Premières Nations a mentionné que les gouvernements des Premières Nations jouent un rôle important dans le fait de définir qui est admissible à recevoir des renseignements personnels sans le consentement de l’individu concerné, ce qui comporte une mise en balance prudente entre les droits individuels et l’accès à l’information. Un autre partenaire a indiqué qu’il faudrait mieux comprendre comment les peuples autochtones s’organisent et que ces questions devraient être traitées au cas par cas.
Transfert de renseignements personnels
Q9. À quelles conditions appuieriez-vous l’élargissement des dispositions de communication de la LPRP pour autoriser les organismes publics fédéraux à transférer des renseignements personnels12?
- Le transfert de renseignements personnels devrait-il être autorisé de façon générale, ou plutôt être limité à des situations particulières, par exemple lorsqu’il y a aussi un transfert de programme ou d’activité?
- Les organismes publics fédéraux devraient-ils être autorisés à transférer des renseignements personnels à l’ensemble ou à une partie des gouvernements, organisations ou entités autochtones?
La plupart des partenaires qui ont répondu à cette question étaient favorables au transfert de renseignements personnels aux gouvernements autochtones, et certains ont souligné que cela contribuerait à la reconnaissance de la souveraineté de ces gouvernements en matière de données et assurerait leur propriété, leur contrôle, leur accès et leur capacité de gérance de l’information. Cependant, le degré d’appui des partenaires à l’égard de ce genre de transferts dépendait de plusieurs conditions.
Par exemple, selon un partenaire, lorsqu’un gouvernement a la capacité nécessaire et a besoin de l’information concernée, il conviendrait de la transférer d’une façon qui n’est pas trop exigeante ou limitée à des situations particulières; autrement, cela pourrait nuire au processus et le priver de son objet.
Certains partenaires signataires de traités modernes ont affirmé que le transfert devrait être limité aux gouvernements autochtones disposant de lois adéquates en matière de protection des renseignements personnels et d’accès à l’information, pour veiller à la fois à ce que les intérêts relatifs aux données soient protégés et à ce que l’entité destinataire de ces données les rendent accessibles aux personnes qu’elles concernent. Ils ont aussi indiqué que le transfert de renseignements personnels devrait être autorisé dans les cas suivants : s’il est lié à un programme ou à une activité d’ordre fédéral d’un gouvernement signataire de traité moderne; à la demande d’un gouvernement des Premières Nations; éventuellement dans certains cas plus généraux liés aux besoins des gouvernements signataires de traités modernes et de leurs citoyens. Cependant, d’autres ont prévenu que le fait de restreindre le transfert de renseignements personnels aux fins concernant un « programme » ou une « activité » pourrait incidemment nuire aux objectifs qui justifient la notion de transfert, dans les cas où les groupes autochtones concernés ne partagent pas les mêmes structures.
D’autres ont généralement traité de la nécessité d’un cadre de protection des renseignements personnels ou de mécanismes globaux de protection de l’information pour permettre aux gouvernements ou corps dirigeants autochtones de recevoir ces renseignements. Un partenaire estimait qu’il faudrait aussi permettre le transfert à des ONGA si elles satisfont aux conditions de protection des renseignements personnels. Cependant, sur ce point, un partenaire a exprimé l’idée que les gouvernements autochtones devraient décider s’il faudrait autoriser le transfert de renseignements personnels à une organisation ou entité non titulaire de droits plutôt qu’à une autre, précisant qu’il faudrait mettre la barre très haute pour autoriser le transfert à des organisations ou entités autochtones.
Les partenaires ont fait part d’autres considérations, estimant que le transfert de renseignements personnels :
- devrait être soutenu par la fourniture aux gouvernements autochtones de ressources et de financement à cet égard (par exemple pour éponger une partie des coûts occasionnés par la réponse aux demandes de communication);
- exigerait des échanges et des discussions avec les groupes autochtones à propos des types de renseignements qui pourraient être transférés, comment ils souhaiteraient recevoir ces renseignements, et les mesures de protection requises;
- ne devrait pas avoir pour effet de rendre l’information inaccessible à d’autres organisations autochtones, car beaucoup d’Autochtones sont membres de plus d’une organisation autochtone.
Enfin, un partenaire jugeait que le transfert de renseignements personnels ne constituait pas un besoin important, et il se préoccupait plutôt du risque que de l’information soit définitivement perdue si elle était transférée puis supprimée par le gouvernement fédéral. Il a aussi mentionné que certaines entités n’ont peut-être pas les ressources nécessaires pour être les seules responsables de la conservation des renseignements personnels concernés à long terme, et il a soutenu que les renseignements en question ne devraient donc être transférés que dans des cas très précis, moyennant des instructions écrites claires de la part de l’entité réceptrice et peut-être des personnes touchées.
Atténuation des conséquences sur les droits et intérêts individuels des Autochtones en matière de vie privée
Q10. Quels mécanismes la LPRP devrait-elle reconnaître pour soutenir la communication accrue de renseignements personnels à des gouvernements ou organisations des Premières Nations, des Inuits ou des Métis et assurer la protection des renseignements ainsi communiqués ou transférés, conformément aux responsabilités et aux obligations de responsabilisation des organismes publics fédéraux?
- La loi modernisée devrait-elle reconnaître expressément les accords sur la communication de renseignements (ACR) ainsi que les lois et codes adoptés par les gouvernements autochtones eux-mêmes comme des mécanismes d’appui à la communication et à la protection des renseignements personnels?
Q11. À quelles conditions appuieriez-vous l’élaboration d’exigences législatives ou réglementaires établissant les protections de base que devrait inclure tout mécanisme choisi (qu’il s’agisse d’un ACR ou encore d’une loi ou d’un code autochtone en la matière) afin d’atténuer les conséquences que la communication et le transfert pourraient avoir sur les intérêts individuels des Autochtones en matière de protection des renseignements personnels?
Q12. Sur quelles protections de base en matière de protection des renseignements personnels les discussions devraient-elles porter une fois que seront terminées les séances d’échanges et de discussions sur les idées de changement traitées à la partie 2?
Globalement, les partenaires étaient favorables à l’établissement de mécanismes qui contribueraient à un accroissement de la communication ou du transfert de renseignements personnels d’individus autochtones à des gouvernements ou organisations des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Les partenaires ont proposé divers mécanismes de protection des renseignements personnels pour différentes raisons. Par exemple, ils se sont montrés généralement favorables aux ACR en tant qu’accords juridiquement contraignants qui pourraient faciliter la communication de renseignements personnels aux gouvernements et organisations autochtones et établir des exigences de base en matière de protection des renseignements personnels. Les partenaires ont précisé leurs points de vue favorables aux ACR, indiquant que ces accords devraient :
- être simples à mettre en œuvre et/ou négociés au cas par cas, car leur rédaction peut demander beaucoup de travail et susciter diverses difficultés (p. ex. le recours aux tribunaux pour leur interprétation);
- servir à favoriser la communication de renseignements aux destinataires qui ne disposent pas de leur propre loi en matière de protection des renseignements personnels, mais ne pas être nécessaires pour les gouvernements autochtones qui en ont une adéquate.Â
- servir aussi de mécanisme permettant aux gouvernements et organisations autochtones de régir à distance leurs renseignements consignés par le gouvernement fédéral en prévoyant un contrôle adéquat quant à leur collecte, à leur utilisation, à leur communication, à leur accès et à leur élimination.
Un partenaire était favorable à l’idée que les gouvernements autochtones se dotent d’une loi de protection des renseignements personnels pour permettre un accroissement de la communication ou du transfert de ces renseignements, mais a affirmé que ce ne devrait pas être une condition pour recevoir des renseignements personnels. Comme solution de substitution à une loi de protection des renseignements personnels, certains partenaires ont proposé ce qui suit :
- Créer un code de protection des renseignements personnels qui énoncerait les normes minimales à respecter pour pouvoir communiquer des renseignements.
- Exiger que les gouvernements autochtones disposent de politiques, de cadres et de règlements déterminant des mesures de base pour assurer la protection des renseignements personnels. Les partenaires concernés ont précisé que ces exigences ne devraient pas être déterminées dans la LPRP, car une loi n’est pas assez souple et est difficile à modifier.
- Établir d’entrée de jeu un cadre réglementaire général auquel les organisations pourraient choisir de participer avant d’autoriser toute communication ou tout transfert, ce qui exigerait des mécanismes appropriés de suivi des données, des mesures de responsabilisation pour les atteintes à la protection des renseignements personnels, et des processus de plainte ou d’appel. De l’avis de ce partenaire, ce cadre assurerait une certaine protection contre les préjudices aux personnes autochtones de sexe féminin et de diverses identités de genre, particulièrement celles en situation vulnérable.
- Améliorer les dispositions actuelles de la LPRP, notamment l’alinéa 8(2)k), qui n’exigent pas que le destinataire protège les renseignements personnels une fois qu’il les a reçus. Le partenaire qui a fait cette proposition a aussi suggéré d’intégrer à la LPRP de nouvelles dispositions qui empêcheraient la communication de renseignements personnels susceptibles de causer du tort aux peuples autochtones et à leurs gouvernements et qui prévoiraient des recours et une obligation de déclarer les torts aux gouvernements et citoyens autochtones. Il a souligné que l’article 18.1 de la loi de la Colombie-Britannique sur la protection des renseignements personnels et l’accès à l’information (Freedom of Information and Protection of Privacy Act) y remédie partiellement et pourrait servir de point de départ pour moderniser les conditions de communication au titre de la LPRP, sous réserve de plus amples échanges et discussions pour définir les préjudices qui pourraient découler de la communication de renseignements personnels ou sensibles à d’autres parties.
Certains partenaires ont prévenu qu’il faut respecter les conditions ci-dessous avant d’apporter toute modification à des lois ou à des règlements qui imposent des mesures et des mécanismes de protection pour permettre aux gouvernements, organisations ou entités des Premières Nations, des Inuits ou des Métis de recevoir des renseignements personnels d’individus autochtones. À leur avis, ces modifications doivent :
- être élaborée en consultation et en collaboration avec les gouvernements autochtones en tenant compte des distinctions entre les différents groupes et en répondant aux attentes des citoyens autochtones concernés (par exemple, en reconnaissant les mécanismes culturellement adaptés que les groupes autochtones ont mis en Å“uvre pour la communication et le transfert de données), dont les détails pourraient être déterminés au moyen d’autres séances d’échanges et de discussions;
- donner aux Premières Nations en régime d’autonomie gouvernementale l’assurance d’avoir le pouvoir d’adopter leurs propres lois pour s’occuper de leurs affaires internes et locales sur des questions telles que la souveraineté en matière de données, et ainsi les rendre responsables envers leurs citoyens relativement aux mesures à prendre pour la protection des renseignements personnels;
- éviter d’imposer une obligation d’équivalence selon laquelle les lois ou les codes de protection des renseignements personnels des gouvernements autochtones devraient assurer un niveau de protection « adéquat » qui est « similaire » ou « équivalent » à celui qu’offrent les lois fédérales en la matière.
- prévoir des soutiens financiers ou autres pour aider les gouvernements, organisations et entités autochtones à répondre aux nouvelles exigences. Par exemple, un partenaire a proposé que l’on crée une organisation (ou que l’on s’appuie sur une qui existe déjà ) pour aider les gouvernements, organisations et entités autochtones à négocier et à élaborer des ACR; à mettre en Å“uvre ou à élaborer des codes ou des cadres de protection des renseignements personnels; à obtenir toute information nécessaire des organismes publics fédéraux; et à recevoir et traiter les plaintes des individus autochtones à propos de la communication de leurs renseignements personnels par des organismes publics fédéraux.
Il y a également eu quelques suggestions d’exigences de base en matière de protection des renseignements personnels qui pourraient faire l’objet de discussions dans le cadre d’une future mobilisation, de façon à appuyer et à compléter les changements initiaux qui auront été apportés à la LPRP, y compris de plus amples discussions sur les questions techniques (p. ex. les stratégies relatives aux technologies de l’information et à la gestion de l’information), l’établissement de programmes de gestion des renseignements personnels, et la réalisation d’évaluations des facteurs relatifs à la vie privée.
Observations supplémentaires des partenaires des Premières Nations et des Métis
Nous avons reçu de la rétroaction supplémentaire principalement des partenaires des Premières Nations, mais aussi des partenaires Métis, sur les modifications qu’ils voudraient voir intégrées à la version modernisée de la LPRP afin de résoudre des enjeux allant au-delà des questions soulevées par les représentants du ministère de la Justice dans le rapport Ce que nous avons appris (jusqu’à présent) et prochaines étapes. Voici un résumé de cette rétroaction :
- Reconnaissance des ententes et des traités avec les Autochtones ainsi que des lois de ces derniers en matière de protection des renseignements personnels : Certains partenaires nous ont fait part de leurs préoccupations par rapport aux incidences que la modernisation de la LPRP pourrait avoir sur les actuelles ententes d’autonomie gouvernementale, sur les traités modernes, et sur les lois des Premières Nations en matière d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels. Selon eux, en cas de conflit avec les ententes, les traités et les lois préalables, la version modernisée de la LPRP fédérale prévaudrait; ils ont donc demandé que cette version modernisée reconnaisse leurs ententes, leurs traités et leurs lois sur la protection des renseignements personnels comme des régimes essentiellement semblables constituant des mécanismes adéquats pour permettre la communication de renseignements personnels.
- Communication prompte et étendue de renseignements personnels : Certains partenaires ont affirmé que le processus prévu pour permettre à un gouvernement signataire de traité moderne d’obtenir des renseignements personnels détenus par le gouvernement fédéral devrait être simple, prompt et englobant, de façon à permettre au gouvernement destinataire de prendre des décisions de gouvernance bien éclairées. Ces partenaires ont pressé le gouvernement du Canada de prévoir des délais adéquats pour la communication de renseignements personnels aux Premières Nations en régime d’autonomie gouvernementale et de restreindre la mesure dans laquelle les organismes fédéraux peuvent exclure des renseignements.
- Renseignements obtenus à titre confidentiel : Certains partenaires faisant partie des Premières Nations ont fait remarquer que les renseignements personnels obtenus à titre confidentiel de certains gouvernements et conseils des Premières Nations ne sont actuellement pas protégés contre la communication au titre de l’article 19 de la LPRP13, contrairement à ceux obtenus d’une province, d’une administration municipale ou des gouvernements et conseils des Premières Nations qui y sont mentionnés. Selon eux, les renseignements personnels communiqués à titre confidentiel par des gouvernements signataires de traités modernes devraient aussi être protégés au titre de l’article 19.
- Adoption des principes de PCAPMD : De l’avis de certains partenaires faisant partie des Premières Nations, l’adoption des principes de PCAPMD assurerait aux Premières Nations d’avoir le contrôle et la responsabilité des processus de collecte de données et de déterminer comment l’information sur les individus et communautés autochtones peut être conservée, interprétée ou communiquée. Selon ces partenaires, l’intégration de ces principes dans la version modernisée de la LPRP favoriserait la reconnaissance des droits collectifs des Autochtones en matière de protection des renseignements personnels, de même que la reconnaissance de leurs droits individuels à cet égard.
- Adoption de pratiques exemplaires d’autres ressorts : Certains partenaires ont recommandé que la version modernisée de la LPRP reflète les pratiques exemplaires d’autres ressorts, notamment de l’Europe et de certains ressorts du Canada. Ces partenaires ont évoqué de nombreux exemples, dont les idées suivantes : exiger que les organismes publics fédéraux créent et maintiennent un programme de gestion des renseignements personnels et qu’ils réalisent et publient des évaluations des facteurs relatifs à la vie privée; introduire la notion de responsabilisation démontrable, en chargeant les institutions fédérales de démontrer régulièrement au public et au commissaire à la protection de la vie privée du Canada qu’elles agissent conformément à la loi; exiger la notification des atteintes et imposer des exigences en matière de sécurité de l’information ainsi que des évaluations et des vérifications régulières des vulnérabilités.
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