4. Questions et réponses
Projet de loi C-9 : Réforme du processus disciplinaire de la magistrature
Renseignements généraux
- Q 1 Quel est l’objet du projet de loi?
- Q 2 Pourquoi est-il nécessaire de réformer le processus actuel?
- Q 3 Comment les modifications proposées par ce projet de loi amélioreront-elles le processus?
- Q 4 Ces réformes s’appliqueraient-elles aux enquêtes pendantes?
- Q 5 Combien de plaintes le Conseil canadien de la magistrature reçoit-il chaque année et combien d’enquêtes publiques sont menées à la suite du dépôt de ces plaintes?
- Q 6 Le projet de loi C-9 contribue-t-il à la mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones?
- Q 7 Est-ce qu’un énoncé concernant la Charte a été publié conformément à l’article 4.2 de la Loi sur le ministère de la Justice et qu’est-ce qu’il a conclu, le cas échéant?
- Q 8 Pourquoi le projet de loi C-9 ne contient-il pas une exigence selon laquelle le processus qu’il établit doit fonctionner dans les deux langues officielles?
- Q 9 Pourquoi le projet de loi C-9 fait-il référence aux « protonotaires » alors que ces titulaires sont maintenant appelés « juges adjoints »?
Qui peut porter plainte?
- Q 10 Qui sera en mesure de déposer une plainte contre un juge de nomination fédéral dans le cadre du nouveau processus proposé par le projet de loi C-9?
- Q 11 Est-ce que les plaignants seront informés du résultat de leurs plaintes?
- Q 12 Quel est le recours d’un plaignant insatisfait avec le traitement de leur plainte?
Établissement de listes
- Q 13 Pourquoi le projet de loi prévoit-il l’établissement d’une liste de non-juristes? Qui figurera sur cette liste?
- Q 14 Est-ce qu’un plus grand nombre de non-juristes participeront au nouveau processus?
- Q 15 Pourquoi une liste de juges qui ne sont pas membres du Conseil canadien de la magistrature sera-t-elle établie? Qui figurera sur cette liste?
- Q 16 Il existe des listes de juges puînés et de non-juristes qui pourront être appelés à participer à la prise de décisions dans le cadre du processus, alors pourquoi n’y a-t-il aucune liste d’avocats et de membres du Conseil canadien de la magistrature qui pourront eux aussi participer à la prise de décisions?
- Q 17 Pourquoi les différents comités constitués à chacune des étapes du processus sont-ils majoritairement composés de juges?
Contrôle des plaintes et le rejet en début de processus
- Q 18 En quoi consiste le contrôle des plaintes par le Conseil canadien de la magistrature? Pour quels motifs?
- Q 19 Qui fera le contrôle des plaintes dans le nouveau processus disciplinaire de la magistrature?
- Q 20 Qu’arrive-t-il lorsqu’une plainte n’est pas rejetée?
Comité d’examen et appel des décisions d’un comité d’examen
- Q 21 Qu’est-ce qu’un comité d’examen et quel est son rôle?
- Q 22 Le comité d’examen aura le pouvoir d’imposer certaines sanctions dans les cas d’inconduite moins graves. Pourquoi ne peut-il imposer que certaines sanctions? Pourquoi ne peut-il pas exiger la suspension sans solde du juge en cause?
- Q 23 Pourquoi certaines sanctions nécessitent-elles le consentement du juge en cause?
- Q 24 Pourquoi un juge qui n’est pas d’accord avec la décision d’un comité d’examen peut-il demander une nouvelle audience devant un comité d’audience restreint?
- Q 25 Pourquoi un avocat peut-il faire partie du comité d’audience restreint, mais pas un non-juriste?
- Q 26 Quels types de sanctions le comité d’audience restreint peut-il imposer en cas d’inconduite?
- Q 27 Peut-on interjeter appel de la décision d’un comité d’audience restreint?
Avocat chargé de présenter l’affaire
- Q 28 Quel est le rôle de l’avocat chargé de présenter l’affaire dans le processus?
- Q 29 Quand un avocat chargé de présenter l’affaire est-il désigné?
- Q 30 Comment un avocat chargé de présenter l’affaire est-il désigné?
Comité d’audience plénier
- Q 31 Quel est le rôle du comité d’audience plénier et en quoi diffère-t-il de celui du comité d’audience restreint?
- Q 32 Si un comité d’audience plénier conclut que la révocation n’est pas justifiée, peut-il conclure quand même que le juge en cause a commis une inconduite et lui imposer une sanction?
- Q 33 Peut-on interjeter appel de la décision d’un comité d’audience plénier?
- Q 34 Si les comités d’audience plénier sont chargés de présenter au ministre un rapport avec des recommandations quant à la révocation et si les décisions de ces comités peuvent être portées en appel, devraient-ils attendre qu’une décision soit rendue à l’égard de l’appel avant de présenter le rapport au ministre?
Appels
- Q 35 Qu’est-ce qu’un comité d’appel?
- Q 36 Peut-on interjeter appel de la décision d’un comité d’appel?
- Q 37 Qu’en est-il du contrôle judiciaire?
- Q 38 Pourquoi la procédure de contrôle judiciaire devant les tribunaux fédéraux sera-t-elle remplacée par un processus d’appel?
- Q 39 Le 19 décembre 2022, le Conseil canadien de la magistrature a recommandé la révocation d’un juge, et celui-ci la conteste par l’entremise d’un contrôle judiciaire à la Cour fédérale. Est-ce que le ministre devra attendre pour que le processus de contrôle judiciaire soit complété avant de décider d’accepter ou non la recommandation?
- Q 40 Le remplacement du contrôle judiciaire par une procédure d’appel a-t-il pour effet de soustraire le Conseil canadien de la magistrature au contrôle des tribunaux?
- Q 41 L’obligation d’obtenir l’autorisation d’interjeter appel auprès de la Cour suprême du Canada signifie-t-elle que la Cour est moins en mesure d’assurer la surveillance judiciaire du processus du Conseil canadien de la magistrature?
- Q 42 Le Conseil canadien de la magistrature sera-t-il le seul décideur administratif fédéral pouvant être révisé directement par la Cour suprême du Canada? Si oui, pourquoi ne pas le rendre contrôlable par la Cour fédérale ou la Cour d’appel fédérale comme les autres décideurs administratif fédéraux?
Présentation d’un rapport recommandant la révocation d’un juge au ministre de la Justice
- Q 43 Quand un rapport recommandant la révocation d’un juge doit-il être présenté au ministre de la Justice et qui doit présenter ce rapport?
- Q 44 Le rapport sera-t-il rendu public?
- Q 45 Le ministre de la Justice devra-t-il répondre au rapport?
- Q 46 Pourquoi aucun délai n’a-t-il été fixé pour la présentation de la réponse publique du ministre de la Justice?
- Q 47 Si, à l’issue du processus du Conseil canadien de la magistrature, on recommande au ministre de la Justice de révoquer le juge en cause, comment procède-t-on à sa révocation?
- Q 48 Est-ce qu’un juge de nomination fédérale a déjà été révoqué?
Autres personnes nommées par le gouverneur en conseil
- Q 49 Pourquoi le nouveau processus s’appliquera-t-il aux autres personnes nommées par le gouverneur en conseil?
- Q 50 À quelles personnes nommées par le gouverneur en conseil ce processus pourrait-il s’appliquer?
- Q 51 Le processus disciplinaire de la magistrature a-t-il déjà été utilisé pour déterminer s’il convient de révoquer une personne nommée par le gouverneur en conseil?
Financement du processus
- Q 52 Pourquoi un juge bénéficie-t-il des services d’un avocat payé par l’État lorsqu’il fait l’objet du processus disciplinaire de la magistrature?
- Q 53 Comment le processus sera-t-il financé?
- Q 54 Que voulez-vous dire lorsque vous affirmez que certains coûts du processus seront financés directement à partir du Trésor?
- Q 55 Est-ce que des mesures seront prises pour s’assurer que les coûts financés directement à partir du Trésor sont conformes aux mesures de protection qui ont été établies pour veiller à ce que les fonds publics soient dépensés adéquatement?
Renseignements généraux
Q 1 Quel est l’objet du projet de loi?
- Le projet de loi C-9 vise à modifier la Loi sur les juges afin de renforcer le processus de traitement des plaintes déposées contre les juges de nomination fédérale, qui comprennent les juges de la Cour suprême du Canada, des Cours fédérales, ainsi que des cours supérieures et des cours d’appel des provinces et des territoires, de même que les plaintes déposées contre les juges adjoints de la Cour fédérale du Canada et de la Cour canadienne de l’impôt.
Q 2 Pourquoi est-il nécessaire de réformer le processus actuel?
- Le processus actuel, qui a été créé en 1971, comporte trois principales lacunes :
- le traitement des plaintes peut être long et coûteux, particulièrement dans les cas d’inconduite grave qui peuvent mener à la révocation d’un juge;
- il ne prévoit pas l’imposition de sanctions dans les cas où l’inconduite n’est pas suffisamment grave pour justifier la révocation;
- compte tenu de la nécessité de tenir des audiences publiques lorsque des allégations graves d’inconduite sont formulées, ainsi que de l’imprévisibilité du déroulement de ces audiences et de leur coût plus élevé par rapport à celui des autres étapes du processus, il est difficile de financer le processus actuel dans le cadre du cycle budgétaire régulier.
Q 3 Comment les modifications proposées par ce projet de loi amélioreront-elles le processus?
- Le processus à suivre pour recommander la révocation d’un juge au ministre de la Justice sera simplifié.
- Plus particulièrement, la procédure de contrôle judiciaire devant les tribunaux fédéraux sera remplacée par un processus d’appel administratif plus court et plus efficace, ce qui permettra de réduire le facteur de coût le plus important.
- Avec l’établissement de nouvelles procédures, il sera possible d’imposer des sanctions dans les cas où l’inconduite n’est pas suffisamment grave pour justifier la révocation. Ceux-ci incluraient des réprimandes et l’obligation de suivre une thérapie ou de participer à de la formation continue.
- De nouvelles mesures de contrôle financier seraient également appliquées au nouveau processus afin d’assurer une meilleure reddition de comptes en ce qui a trait aux coûts. Pour se faire, il serait notamment nécessaire de revoir certains des principaux coûts du processus tous les cinq ans.
- Dans le nouveau processus, des membres du grand public pourront participer aux comités d’examen et ainsi jouer un rôle dans la détermination des sanctions à imposer dans les cas où l’inconduite n’est pas suffisamment grave pour justifier la révocation. Des membres du grand public pourront aussi faire partie des comités d’audience pléniers et ainsi jouer un rôle dans la décision de recommander ou non la révocation d’un juge.
Q 4 Ces réformes s’appliqueraient-elles aux enquêtes pendantes?
- L’ancien processus continuerait de s’appliquer aux enquêtes qui ont déjà été commencées lorsque le nouveau processus entrera en vigueur.
- Cependant, le projet de loi permettrait à un juge dont la révocation a été recommandée par le Conseil canadien de la magistrature (le Conseil) dans le cadre de l’ancien processus d’interjeter appel directement devant la Cour suprême du Canada après avoir obtenu une autorisation d’appel. Il serait ainsi possible d’éviter les longues procédures de contrôle judiciaire des décisions rendues à l’égard des recommandations de révocation formulées dans le cadre du processus actuel.
Q 5 Combien de plaintes le Conseil canadien de la magistrature reçoit-il chaque année et combien d’enquêtes publiques sont menées à la suite du dépôt de ces plaintes?
- Le nombre de plaintes reçues varie d’une année à l’autre. Au cours des 15 dernières années, le Conseil a reçu en moyenne environ 600 plaintes par année. D’avril 2019 à mars 2020, il a reçu 648 plaintes.
- Le Conseil a achevé huit enquêtes et poursuit une neuvième enquête. Il a mis fin à certaines des enquêtes avant de les avoir terminées parce que le juge en cause a démissionné.
Q 6 Le projet de loi C-9 contribue-t-il à la mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones?
- En renforçant et en rationalisant le processus de traitement des plaintes contre les juges nommés par le gouvernement fédéral, le projet de loi reflète les principes d’accès à des processus décisionnels rapides et les principes de justice, de démocratie, de respect des droits de la personne, d’égalité, de non-discrimination et de bonne gouvernance et la bonne foi que l’on retrouve également dans la Déclaration des Nations Unies (voir articles 40 et 46). Bien qu’il ne vise pas spécifiquement les peuples autochtones ou la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies, en améliorant le processus de traitement des plaintes pour tous les Canadiens, cela inclura les personnes autochtones qui pourraient chercher à déposer une plainte.
Q 7 Est-ce qu’un énoncé concernant la Charte a été publié conformément à l’article 4.2 de la Loi sur le ministère de la Justice et qu’est-ce qu’il a conclu, le cas échéant?
- Oui. L’énoncé concernant la Charte a conclu que le projet de loi C-9 comprend des mesures qui appuient sa cohérence avec les droit protégés par la Charte.
Q 8 Pourquoi le projet de loi C-9 ne contient-il pas une exigence selon laquelle le processus qu’il établit doit fonctionner dans les deux langues officielles?
- L’inclusion d’une telle exigence dans le projet de loi C-9 serait redondante puisque la Loi sur les langues officielles impose déjà une telle exigence. En vertu du paragraphe 3(2) et de la Partie III de cette loi (visant l’administration de la justice), tous les tribunaux fédéraux ayant pour fonction de rendre la justice doivent fonctionner dans les deux langues officielles. Cette exigence s’appliquera aux instances décisionnelles du processus déontologique judiciaire proposé par C-9, comme elle s’applique à plusieurs autres tribunaux administratifs fédéraux.
- Dans le cadre du processus déontologique judiciaire, cela signifie (entre autre choses) que les procédures se dérouleront dans la langue officielle choisie par le juge qui en est l’objet et que les instances décisionnelles du processus rendront disponibles leurs décisions dans les deux langues officielles.
Q 9 Pourquoi le projet de loi C-9 fait-il référence aux « protonotaires » alors que ces titulaires sont maintenant appelés « juges adjoints »?
- Le projet de loi C-9 a été déposé à la Chambre des communes le 16 décembre 2021, alors que ces titulaires de charge étaient appelés « protonotaires ». Le changement de titre en « juge associé » a été apporté par la Loi n° 1 d’exécution du budget de 2022, déposé en tant que projet de loi C-19 le 28 avril 2022 et promulgué le 23 juin 2022.
- Conscient des références du projet de loi C-9 aux « protonotaires », le projet de loi C-9 a été rédigé pour inclure des dispositions de coordination qui garantissent que ces références sont automatiquement mises à jour avec la bonne terminologie au cas où le projet de loi C-9 recevrait la sanction royale.
- Autrement dit, il n’est pas problématique que le projet de loi C-9 inclue des références aux « protonotaires »; les dispositions de coordination de la Loi n° 1 d’exécution du budget de 2022 garantissent que ces références sont exactes à tout moment, reflétant l’objectif de cette dernière loi de changer le titre de « protonotaire » à « juge adjoint ».
- La Loi n° 1 d’exécution du budget de 2022, a également crée la charge de juge adjoint de la Cour canadienne de l’impôt et a veillée à ce que les titulaires de cette charge soient soumis au processus disciplinaire tel que réformé par le projet de loi C-9.
Qui peut porter plainte?
Q 10 Qui sera en mesure de déposer une plainte contre un juge de nomination fédéral dans le cadre du nouveau processus proposé par le projet de loi C-9?
- Comme le processus actuel, n’importe qui pourrait porter plainte.
Q 11 Est-ce que les plaignants seront informés du résultat de leurs plaintes?
- Oui. Les plaignants doivent être informés du résultat de leurs plaintes et détiennent le droit de recevoir les motifs.
- Cependant, le projet de loi C-9 n’instaure pas des règles universelles concernant ceci, à cause du large éventail de plaignants possible. Certaines plaintes sont portées de façon anonyme ou déposées par le Conseil, tandis que des autres sont portées par des membres du grand public préoccupé par l’attention médiatique concernant un incident d’inconduite alléguée. D’autres encore sont portées par une personne alléguant qu’elle a subie personnellement de l’inconduite d’un membre du cadre judiciaire. Certaines plaintes comprennent des renseignements sensibles ou confidentiels. Les circonstances d’une plainte particulière pourraient autoriser un ou plusieurs plaignants (p.ex. ceux que concernent les renseignements personnels) à plus de détail qu’un autre plaignant qui n’est pas au courant des renseignements en question, quant aux décisions prises. Les principes d’équité procédurale, s’appliquant à toute procédure administrative y compris celle de la conduite judiciaire, détermineront à quel point un plaignant est dû des renseignements concernant le traitement de leur plainte. Ces principes continueront d’évoluer par l’entremise des arrêts et des jugements, et dépendent aussi du contexte. Il est donc les instruments politiques énoncés, et modifiable de temps en temps par le Conseil, qui seront les meilleurs outils pour déterminer quand et de quelle manière un plaignant devrait être informé et fourni avec les renseignements concernant leur plainte. L’article 87 de la partie 12 du projet de loi C-9 exige au Conseil d’énoncer une telle politique.
Q 12 Quel est le recours d’un plaignant insatisfait avec le traitement de leur plainte?
- Un plaignant insatisfait avec le traitement de leur plainte par le Conseil peut faire une demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale. La Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont confirmé maintes fois que les principes d’équité procédurale assurent à un plaignant le droit de se faire informer du résultat de leur plainte et de recevoir les motifs appuyant cette décision.
Établissement de listes
Q 13 Pourquoi le projet de loi prévoit-il l’établissement d’une liste de non-juristes? Qui figurera sur cette liste?
- Les non-juristes sont des membres du grand public qui ne sont, ou n’ont été, ni juges, ni avocats, ni notaires.
- La participation de non-juriste au processus disciplinaire de la magistrature contribue à renforcer la confiance du public dans le processus, car ces personnes apportent une perspective différente lors de l’évaluation des allégations d’inconduite. Le projet de loi exige que, dans la mesure du possible, le Conseil inscrive sur la liste de non-juristes des personnes qui reflètent la diversité de la population canadienne.
- Le projet de loi exige également que le Conseil désigne des personnes figurant sur la liste de non-juristes pour faire partie d’un comité d’examen ou d’un comité d’audience plénier, dont le mandat consiste à examiner les plaintes (le rôle de ces comités sera expliqué ci-après).
- Le fait d’exiger que le Conseil rende cette liste publique accroît la transparence du processus.
- Afin de garantir l’indépendance du processus par rapport aux pouvoirs législatif et exécutif, le projet de loi confère au Conseil la responsabilité de sélectionner les personnes qui figurent sur la liste des non-juristes.
- Le projet de loi exige par ailleurs que le Conseil établisse les critères de sélection des non-juristes figurant sur la liste et qu’il rende ces critères publics pour que les personnes intéressées puissent poser leur candidature. Cette exigence accroît également la transparence du processus.
Q 14 Est-ce qu’un plus grand nombre de non-juristes participeront au nouveau processus?
- Oui. Dans le processus actuel, les non-juristes sont uniquement membres des comités d’examen, dont le rôle est en ce moment limité.
- Dans le nouveau processus, le Conseil sera tenu de désigner des non-juristes qui feront partie de deux importants organes décisionnels du nouveau processus disciplinaire de la magistrature : le comité d’examen et le comité d’audience plénier (le rôle de ces comités sera expliqué ci-après).
Q 15 Pourquoi une liste de juges qui ne sont pas membres du Conseil canadien de la magistrature sera-t-elle établie? Qui figurera sur cette liste?
- Le Conseil canadien de la magistrature est composé de juges en chef et de juges en chef adjoints qui ont un rôle de gestion. Les juges qui ne font pas partie du Conseil n’ont pas de rôle de gestion et sont appelés des juges puînés.
- Les juges puînés ont un intérêt marqué pour le maintien d’un processus disciplinaire de la magistrature qui est juste et efficace. Leur participation au processus apporte une perspective importante en ce qui a trait aux défis quotidiens des juges saisis.
- Afin d’assurer la diversité des perspectives au sein du processus disciplinaire de la magistrature, c’est l’Association canadienne des juges des cours supérieures, et non le Conseil canadien de la magistrature, qui recommandera l’inscription de juges sur cette liste.
- Le projet de loi exige que le Conseil canadien de la magistrature désigne les personnes inscrites sur la liste de juges qui ne font pas partie du Conseil pour être membres de l’un des comités constitués en vertu du projet de loi dont le mandat consiste à examiner les plaintes – soit le comité d’examen, le comité d’audience et le comité d’appel (le rôle de ces comités sera expliqué ci-après).
- Le Conseil canadien de la magistrature devra rendre cette liste publique, ce qui accroîtra la transparence du processus.
Q 16 Il existe des listes de juges puînés et de non-juristes qui pourront être appelés à participer à la prise de décisions dans le cadre du processus, alors pourquoi n’y a-t-il aucune liste d’avocats et de membres du Conseil canadien de la magistrature qui pourront eux aussi participer à la prise de décisions?
- Les avocats participeront uniquement au processus décisionnel des comités d’audience, qui sont moins fréquents que les comités d’examen. Il est donc fort probable que les personnes figurant sur une liste d’avocats ne soient jamais appelées à faire partie d’un comité d’audience, ce qui réduit considérablement les avantages liés à l’établissement d’une telle liste.
- Une liste des membres du Conseil canadien de la magistrature devrait, pour des raisons pratiques, inclure tous les membres du Conseil. Or, le Conseil ne compte que 42 membres. Des autres restrictions sont introduits à cause du fait que les juges en chef et les juges en chef adjoints ne peuvent pas participer à l’examen des plaintes déposées contre des juges de la juridiction à laquelle ils appartiennent. Le nombre de membres du Conseil pouvant examiner une plainte donnée pourrait être assez petit si l’on tient compte des considérations liées à la diversité et aux langues officielles, ainsi que de l’horaire chargé des juges en chef et des juges en chef adjoints.
Q 17 Pourquoi les différents comités constitués à chacune des étapes du processus sont-ils majoritairement composés de juges?
- Ceci donne effet aux arrêts rendus par la Cour suprême du Canada selon lesquels les processus disciplinaires de la magistrature doivent reposer sur les juges pour garantir l’indépendance judiciaire : voir Therrien (Re), 2001 CSC 35 au paragraphe 57; Moreau-Bérubé c. Nouveau-Brunswick, 2002 CSC 11 aux paragraphes 47 et 60.
- Cependant, un plus grand nombre de non-juristes seraient appelés à participer au nouveau processus proposé aux côtés de membres du Barreau, ce qui contribuerait à accroître la confiance du public dans le processus disciplinaire de la magistrature et rendrait ce processus plus transparent.
Contrôle des plaintes et le rejet en début de processus
Q 18 En quoi consiste le contrôle des plaintes par le Conseil canadien de la magistrature? Pour quels motifs?
- Le processus de contrôle vise à déterminer si une plainte excède la compétence de l’organisme de traitement des plaintes, ou si elle constitue un abus de la procédure de plainte. Toute plainte qui ne relèvent pas de la compétence d’un ’organisme de traitement des plaintes ou qui constituent un abus de la procédure doivent être rejetées.
- Exemples de plaintes qui ne relèvent pas du processus disciplinaire de la magistrature : (i) une plainte au sujet d’un juge de nomination provinciale (ce type de plainte doit être transmis au conseil de la magistrature provincial concerné); (ii) une requête en modification de la décision d’un juge (il convient plutôt d’interjeter appel de la décision).
- Exemple d’abus du processus disciplinaire de la magistrature : un plaignant dépose la même plainte sur le même juge à plusieurs reprises même si elle a déjà été examinée minutieusement et traitée.
Q 19 Qui fera le contrôle des plaintes dans le nouveau processus disciplinaire de la magistrature?
- À l’heure actuelle, c’est le Conseil canadien de la magistrature qui décide qui s’occupe du contrôle. Le projet de loi ne change rien à cet égard.
- Afin d’accroître la clarté et la transparence du processus, le projet de loi propose d’indiquer explicitement dans la Loi sur les juges que le Conseil canadien de la magistrature peut décider qui est chargé du contrôle des plaintes. Le Conseil devra donc désigner un « agent de contrôle » qui remplit les critères qu’il a lui-même établis.
Q 20 Qu’arrive-t-il lorsqu’une plainte n’est pas rejetée?
- L’agent de contrôle renvoie la plainte à un membre du Conseil canadien de la magistrature qui a été désigné pour l’examiner. Cet « examinateur » donne au juge en cause l’occasion de présenter des arguments écrits à l’égard de la plainte.
- L’examinateur ne peut rejeter une plainte que s’il estime qu’elle aurait dû l’être ou qu’elle est dénuée de tout fondement. Sinon, la plainte est renvoyée à un comité d’examen.
Comité d’examen et appel des décisions d’un comité d’examen
Q 21 Qu’est-ce qu’un comité d’examen et quel est son rôle?
- Le comité d’examen examine toutes les plaintes susceptibles de soulever des préoccupations au sujet de la conduite d’un juge. Il est composé de trois personnes : un membre du Conseil canadien de la magistrature; un juge qui n’est pas membre du Conseil (juge puîné); et un non-juriste.
- Durant l’examen de la plainte, le comité d’examen donne l’occasion au juge en cause et au juge en chef du tribunal auquel il appartient de présenter des arguments écrits.
- Si le comité d’examen conclut que la plainte est suffisamment grave qu’elle pourrait justifier la révocation du juge en cause, il renvoie la plainte à un comité d’audience plénier pour qu’il l’examine.
- Si le comité d’examen conclut que l’inconduite du juge en cause n’est pas suffisamment grave pour justifier sa révocation, il aura le pouvoir d’imposer une ou plusieurs sanctions qui seraient énoncées dans la Loi. Il serait ainsi possible de régler avec efficacité, équité et rapidité les plaintes sur les cas d’inconduite qui n’ont pas besoin de faire l’objet d’une audience publique à grande échelle.
Q 22 Le comité d’examen aura le pouvoir d’imposer certaines sanctions dans les cas d’inconduite moins graves. Pourquoi ne peut-il imposer que certaines sanctions? Pourquoi ne peut-il pas exiger la suspension sans solde du juge en cause?
- Essentiellement, les sanctions énoncées dans le projet de loi visent à maintenir et à renforcer la confiance et le respect du public envers la magistrature, ce qui est nécessaire pour que le public continue d’avoir confiance dans le système de justice et la primauté du droit.
- La Cour suprême du Canada a déclaré que les juges doivent faire preuve d’une conduite quasi irréprochable à la fois en cour et hors cour (voir Therrien (Re), 2001 CSC 35 aux paragraphes 110-111).
- Les sanctions que l’on propose d’imposer dans les cas d’inconduite où la révocation n’est pas justifiée sont des mesures disciplinaires qui ont pour but de maintenir en poste le juge en cause et de lui permettre d’exercer sa charge de juge sans que cela mine la confiance du public.
- Il se peut d’ailleurs que les actes d’inconduite reprochés qui, dans certains milieux de travail, peuvent faire l’objet de sanctions plus sévères – telles que la suspension des fonctions ou la suspension sans solde – soient si graves que la révocation du juge en cause devrait être envisagée. De plus, l’imposition de telles sanctions pourrait ne pas être compatible avec certaines des exigences de l’indépendance judiciaire.
Q 23 Pourquoi certaines sanctions nécessitent-elles le consentement du juge en cause?
- Seules les sanctions autres que celles indiquées à l’article 12 – article 102 nécessiteront le consentement du juge en cause.
- Cet élément du processus actuel a été retenu afin de donner au comité d’examen la latitude nécessaire pour envisager d’imposer des sanctions qui ne sont pas énumérées dans la Loi s’il estime indiqué de le faire pour corriger l’inconduite et ainsi restaurer la confiance du public dans le juge en cause.
Q 24 Pourquoi un juge qui n’est pas d’accord avec la décision d’un comité d’examen peut-il demander une nouvelle audience devant un comité d’audience restreint?
- L’option d’une telle audience aiderait à éviter allégations de manquement à l’équité procédurale, qui peuvent mener à un contrôle judiciaire. De telles allégations pourraient découler du fait que les comités d’examen procèderont à l’écrit seulement, sans tenir d’audience. Or, un juge pourrait avoir droit à une audience selon les règles d’équité procédurale, mais l’exercice de ce droit dépendra des faits à l’origine de la plainte.
Q 25 Pourquoi un avocat peut-il faire partie du comité d’audience restreint, mais pas un non-juriste?
- Les comités d’audience restreints existent pour offrir aux juges qui ne sont pas satisfaits de la conclusion d’un comité d’examen selon laquelle il y a eu inconduite, mais pas suffisamment grave pour justifier la révocation, un forum dans lequel ils peuvent faire appel de la décision du comité d’examen. Les comités d’audience restreints ne sont pas compétents dans les cas où le comité d’examen détermine qu’une question pourrait être suffisamment grave pour justifier la révocation; dans de tels cas, la question est soumise à un comité d’audience plénier. Par conséquent, les comités d’audience restreints traitent généralement des affaires moins graves, mais jouent un rôle important en veillant à ce que le juge bénéficie d’une équité procédurale appropriée.
- Dans le but de rationaliser le processus en termes de temps et de coûts, les comités d’audience restreints sont composés de trois membres plutôt que de cinq, comme c’est le cas pour un comité d’audience plénier. Pour donner effet aux arrêts rendus par la Cour suprême du Canada selon lesquels les processus disciplinaires de la magistrature doivent reposer sur les juges pour garantir l’indépendance judiciaire, deux des trois membres des comités d’audience restreints sont des juges : un membre du Conseil et un juge qui n’est pas membre du Conseil (juge puîné). Étant donné que l’un des principaux objectifs du comité d’audience restreint sera de veiller à ce que le juge bénéficie d’une équité procédurale appropriée, l’expertise juridique est un critère primordial pour les membres. Ainsi, le troisième membre est un avocat inscrit au Barreau d’une province depuis au moins 10 ans.
- Il convient de noter que si un comité d’audience restreint n’est pas d’accord avec le comité d’examen et considère que l’affaire dont il est saisi est si grave qu’une révocation peut être justifié, il doit cesser ses travaux et renvoyer l’affaire à un comité d’audience plénier. Ce comité d’audience plénier, qui comprend un membre non-juriste, détermine alors la mesure appropriée dans les circonstances.
Q 26 Quels types de sanctions le comité d’audience restreint peut-il imposer en cas d’inconduite?
- Il peut imposer les mêmes sanctions que le comité d’examen. À l’instar du comité d’examen, le comité d’audience restreint ne peut pas recommander la révocation d’un juge. S’il estime que le cas d’inconduite dont il est saisi est suffisamment grave pour justifier la révocation, il doit mettre fin à son examen et renvoyer la plainte à un comité d’audience plénier.
Q 27 Peut-on interjeter appel de la décision d’un comité d’audience restreint?
- Oui. Il est possible d’interjeter appel de la décision d’un comité d’audience restreint devant un comité d’appel, et de faire appel de la décision de ce comité devant la Cour suprême du Canada après avoir obtenu une autorisation de la Cour.
Avocat chargé de présenter l’affaire
Q 28 Quel est le rôle de l’avocat chargé de présenter l’affaire dans le processus?
- L’avocat chargé de présenter l’affaire est un avocat d’expérience (inscrit au Barreau depuis au moins 10 ans) qui a été sélectionné par un membre du Conseil canadien de la magistrature pour agir comme procureur devant un comité d’audience, en présentant les accusations portées contre le juge en cause. L’avocat chargé de présenter l’affaire prend ses instructions du membre l’ayant désigné.
Q 29 Quand un avocat chargé de présenter l’affaire est-il désigné?
- Seulement lorsqu’une plainte est renvoyée à un comité d’audience, soit plénier ou restreint. Il est prévu que l’avocat chargé de présenter l’affaire à un comité d’audience présentera aussi des arguments dans le cadre d’un appel.
Q 30 Comment un avocat chargé de présenter l’affaire est-il désigné?
- Un membre du Conseil canadien de la magistrature sera désigné pour choisir l’avocat chargé de présenter l’affaire. L’avocat engagé doit posséder une vaste expérience, être doté d’une réputation professionnelle solide et avoir une connaissance approfondie des domaines du droit pertinents.
Comité d’audience plénier
Q 31 Quel est le rôle du comité d’audience plénier et en quoi diffère-t-il de celui du comité d’audience restreint?
- Un comité d’audience restreint est composé de trois membres (un membre du Conseil canadien de la magistrature, un juge qui n’est pas membre du Conseil et un avocat), alors que le comité d’audience plénier est composé de cinq membres (deux membres du Conseil canadien de la magistrature, un juge qui n’est pas membre du Conseil, un avocat et un non-juriste).
- Un comité d’audience plénier n’est constitué que si un comité d’examen ou un comité d’audience restreint conclut qu’une plainte est suffisamment grave pour justifier la révocation. Dans un tel cas, le comité d’examen ou le comité d’audience restreint met immédiatement fin à son examen et transmet la plainte à un comité d’audience plénier.
- Seul des comités d’audience plénier peuvent tenir une audience publique pour déterminer si la plainte est suffisamment grave pour justifier la révocation. C’est le comité d’audience plénier qui émet au ministre de la Justice un rapport dans lequel il recommande ou non la révocation du juge en cause.
Q 32 Si un comité d’audience plénier conclut que la révocation n’est pas justifiée, peut-il conclure quand même que le juge en cause a commis une inconduite et lui imposer une sanction?
- Oui. Un comité d’audience plénier pourra imposer les mêmes sanctions que les comités d’examen dans les cas où l’inconduite n’est pas suffisamment grave pour justifier la révocation du juge en cause.
Q 33 Peut-on interjeter appel de la décision d’un comité d’audience plénier?
- Oui. Il est possible d’interjeter appel de la décision d’un comité d’audience plénier devant un comité d’appel, et de faire appel de la décision de ce comité devant la Cour suprême du Canada après avoir obtenu une autorisation de la Cour.
Q 34 Si les comités d’audience plénier sont chargés de présenter au ministre un rapport avec des recommandations quant à la révocation et si les décisions de ces comités peuvent être portées en appel, devraient-ils attendre qu’une décision soit rendue à l’égard de l’appel avant de présenter le rapport au ministre?
- Oui. Un comité d’audience plénier ne présentera son rapport au ministre que si une décision a été rendue à l’égard de l’appel ou si le délai imparti pour interjeter appel est expiré. Le rapport du comité et sa recommandation quant à la révocation devront être conformes à la décision rendue à l’égard de l’appel.
Appels
Q 35 Qu’est-ce qu’un comité d’appel?
- Les comités d’appel seront composés de cinq juges, de trois membres du Conseil canadien de la magistrature et de deux juges puînés inscrits sur la liste de juges.
- Le juge en cause ou l’avocat chargé de présenter l’affaire peut interjeter appel des décisions d’un comité d’audience plénier ou restreint devant un comité d’appel.
- Le comité d’appel constituera la dernière étape du processus disciplinaire de la magistrature mené par le Conseil canadien de la magistrature, mais il ne s’agit pas nécessairement du dernier niveau d’appel.
Q 36 Peut-on interjeter appel de la décision d’un comité d’appel?
- Oui. Il est possible d’interjeter appel de la décision d’un comité d’appel directement devant la Cour suprême du Canada, mais il faut d’abord obtenir une autorisation d’appel de la Cour.
- Une autorisation d’appel constitue une permission de la Cour de former un appel. Pour obtenir l’autorisation d’appel de la Cour suprême du Canada, il faut présenter des arguments écrits succincts (conformément à la Loi sur la Cour suprême) afin d’expliquer pourquoi la Cour devrait entendre l’affaire.
Q 37 Qu’en est-il du contrôle judiciaire?
- Le processus d’appel (qui consiste à interjeter appel devant un comité d’appel, puis à la Cour suprême après avoir obtenu l’autorisation de cette dernière) remplacera la procédure de contrôle judiciaire devant les tribunaux fédéraux.
Q 38 Pourquoi la procédure de contrôle judiciaire devant les tribunaux fédéraux sera-t-elle remplacée par un processus d’appel?
- La procédure de contrôle judiciaire vise principalement à assurer l’équité des processus décisionnels administratifs. Comme chacune des étapes du processus disciplinaire de la magistrature repose sur des juges et comme la décision du comité d’appel composé de cinq juges, qui est l’aboutissement de ce processus, peut être contestée devant la Cour suprême après avoir obtenu une autorisation d’appel, la procédure de contrôle judiciaire n’est pas nécessaire pour assurer l’équité du processus.
- Le processus d’appel proposé par le projet de loi C-9 sera également plus rapide que la procédure de contrôle judiciaire devant l’un des trois niveaux de juridiction, un élément clé à prendre en considération compte tenu de l’importance de répondre de façon efficace aux allégations d’inconduite contre des juges de nomination fédérale.
Q 39 Le 19 décembre 2022, le Conseil canadien de la magistrature a recommandé la révocation d’un juge, et celui-ci la conteste par l’entremise d’un contrôle judiciaire à la Cour fédérale. Est-ce que le ministre devra attendre pour que le processus de contrôle judiciaire soit complété avant de décider d’accepter ou non la recommandation?
- Le ministre devra attendre le résultat de toute contestation judiciaire concernant la recommandation avant de prendre une telle décision.
- Cependant, le projet de loi C-9 comprend une division permettant à un juge, la révocation duquel est recommandé dans le cadre du processus actuel, de demander directement l’autorisation d’interjeter appel auprès de la Cour suprême du Canada. Dès que C-9 entrera en vigueur, le juge sera en mesure d’expédier sa contestation judiciaire en faisant une telle demande.
Q 40 Le remplacement du contrôle judiciaire par une procédure d’appel a-t-il pour effet de soustraire le Conseil canadien de la magistrature au contrôle des tribunaux?
- Non. Le résultat final du processus du Conseil canadien de la magistrature, la décision d’un comité d’appel, pourra faire l’objet d’un appel, avec autorisation, auprès de la Cour suprême du Canada. La Cour suprême elle-même assurera la surveillance judiciaire du processus.
Q 41 L’obligation d’obtenir l’autorisation d’interjeter appel auprès de la Cour suprême du Canada signifie-t-elle que la Cour est moins en mesure d’assurer la surveillance judiciaire du processus du Conseil canadien de la magistrature?
- Non. L’obligation d’obtenir une autorisation signifie simplement que la Cour suprême du Canada a le pouvoir de décider quelles causes elle entend.
- Quoique la Cour exige habituellement aux demandeurs d’autorisation d’appel de démontrer que leur affaire soulève des questions d’importance nationale, ceci est une exigence imposée par la Cour au sujet du fait que les appels la parviennent généralement par l’entremise du paragraphe 40(1) de la Loi sur la Cour suprême, qui donne à la Cour la compétence d’accorder l’autorisation d’interjeter appel des décisions des autres cours et mentionne en particulier « l’importance de l’affaire pour le public ». Le libellée du paragraphe 40(1) préserve toutefois la liberté de la Cour d’appliquer une norme différente si elle le juge approprié dans les circonstances. Cependant, dans le cadre du processus proposé par le projet de loi C-9, il sera question d’appels de décisions de comités d’appel plutôt que de cours, et ils ne se rendront pas à la Cour par l’article 41 de la Loi sur la Cour suprême, qui déclare : « Malgré les autres dispositions de la présente loi, la Cour a la compétence prévue par toute autre loi attributive de compétence. » La Cour suprême devra d’abord déterminer quelle norme appliquer à la question d’accorder l’autorisation dans le contexte de ce nouveau processus.
- Il importe de mentionner qu’une autorisation est également nécessaire pour obtenir le contrôle judiciaire de certaines décisions administratives. Par exemple, l’autorisation de la Cour fédérale est nécessaire pour obtenir le contrôle judiciaire de la plupart des décisions administratives prises en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (voir l’article 72 de la Loi).
Q 42 Le Conseil canadien de la magistrature sera-t-il le seul décideur administratif fédéral pouvant être révisé directement par la Cour suprême du Canada? Si oui, pourquoi ne pas le rendre contrôlable par la Cour fédérale ou la Cour d’appel fédérale comme les autres décideurs administratif fédéraux?
- Si le projet de loi C-9 entre en vigueur tel qu’il a été présenté, le Conseil canadien de la magistrature deviendrait le seul décideur administratif fédéral pouvant être révisé directement par la Cour suprême du Canada.
- Cela est approprié car cela reflète la structure unique du processus du Conseil canadien de la magistrature et la composition de ses organes décisionnels. Les juges, y compris les juges qui ne sont pas membres du Conseil, participeront à toutes les étapes du processus, à partir des comités d’examen, et les comités d’appel composés de cinq juges, dont deux qui ne sont pas membres du Conseil, seront l’organe décisionnel final du processus du Conseil canadien de la magistrature. Les comités d’appel joueront effectivement un rôle équivalent à celui joué par les cours d’appel intermédiaires, comme la Cour d’appel fédérale, dans le processus d’appel ordinaire. Le fait de rendre leurs décisions directement révisables par la Cour suprême du Canada assure une surveillance judiciaire du processus du Conseil canadien de la magistrature d’une manière qui rend le processus à la fois plus efficace et plus rentable.
Présentation d’un rapport recommandant la révocation d’un juge au ministre de la Justice
Q 43 Quand un rapport recommandant la révocation d’un juge doit-il être présenté au ministre de la Justice et qui doit présenter ce rapport?
- Le comité d’audience plénier qui a tenu les audiences publiques présentera ce rapport au ministre de la Justice, mais seulement après que le juge en cause aura épuisé tous ses recours en appel, ou après l’expiration du délai imparti pour interjeter appel.
- Le rapport et la recommandation qui y est formulée devront être conformes avec la décision finale sur la plainte, qui peut être rendue par le comité d’audience plénier, le comité d’appel ou la Cour suprême du Canada.
Q 44 Le rapport sera-t-il rendu public?
- Oui. Le rapport sera rendu public. Il sera possible de caviarder son contenu, mais seulement pour protéger des renseignements confidentiels ou de nature délicate, tels que le nom d’une victime d’un acte criminel, le nom d’une personne mineure ou des renseignements liés à la sécurité nationale.
Q 45 Le ministre de la Justice devra-t-il répondre au rapport?
- Oui. Le ministre devra répondre publiquement.
Q 46 Pourquoi aucun délai n’a-t-il été fixé pour la présentation de la réponse publique du ministre de la Justice?
- La complexité des affaires relatives à la conduite d’un juge varie grandement. Pour certaines affaires, la préparation d’une réponse prend plus de temps, tandis que pour d’autres elle en prendra moins, de sorte qu’il est difficile de fixer un délai.
- Comme les allégations d’inconduite formulées contre un juge peuvent être suffisamment graves pour que sa révocation soit recommandée, le ministre doit répondre au rapport le plus rapidement possible.
Q 47 Si, à l’issue du processus du Conseil canadien de la magistrature, on recommande au ministre de la Justice de révoquer le juge en cause, comment procède-t-on à sa révocation?
- En s’appuyant sur le rapport, le ministre de la Justice doit décider si la question de la révocation du juge doit être mise aux voix des chambres du Parlement.
- Selon le paragraphe 99(1) de la Loi constitutionnelle de 1867, seule le gouverneur général peut révoquer un juge, mais ceci doit se faire « sur une adresse » du Sénat et de la Chambre des communes. Dans ce contexte, l’expression « sur une adresse » signifie « à la demande » et veut dire que les deux chambres du Parlement doivent voter en faveur de la révocation du juge.
Q 48 Est-ce qu’un juge de nomination fédérale a déjà été révoqué?
- Non. Le Conseil canadien de la magistrature a recommandé la révocation à cinq occasions. Dans 4 de ces cas, le juge a démissionné avant que la procédure de révocation parlementaire soit lancée. Le cinquième cas est toujours en cours, le juge ayant lancé une contestation de la recommandation pour sa révocation devant les tribunaux.
Autres personnes nommées par le gouverneur en conseil
Q 49 Pourquoi le nouveau processus s’appliquera-t-il aux autres personnes nommées par le gouverneur en conseil?
- Il s’agit simplement de refléter le statu quo qui est actuellement prévu à l’article 69 de la Loi sur les juges.
- À l’instar du processus actuel, le nouveau processus disciplinaire de la magistrature pourrait être utilisé pour décider si les autres personnes nommées à titre inamovible par le gouverneur en conseil (c.-à-d. des personnes nommées qui ne sont ni juges ni juges adjoints) doivent demeurer en poste.
- Il est important de souligner : (i) que l’utilisation du processus disciplinaire de la magistrature à cette fin est tout à fait facultative, ce qui n’est pas le cas pour les juges, et relève du pouvoir discrétionnaire du ministre de la Justice; et (ii) que ce processus ne remplace pas les autres mécanismes d’enquête ou de révocation des titulaires d’une charge publique qui existent déjà. Par exemple, ce processus n’a aucune incidence sur le pouvoir que possèdent les parlementaires de mener une enquête sur la conduite d’agents du Parlement ni sur le droit exclusif que leur confère la loi de les démettre de leurs fonctions.
Q 50 À quelles personnes nommées par le gouverneur en conseil ce processus pourrait-il s’appliquer?
- Il pourrait s’appliquer à de nombreuses personnes, notamment aux membres de la plupart des tribunaux administratifs fédéraux et aux décideurs indépendants.
Q 51 Le processus disciplinaire de la magistrature a-t-il déjà été utilisé pour déterminer s’il convient de révoquer une personne nommée par le gouverneur en conseil?
- Non, le processus n’a jamais été utilisé à cette fin.
Financement du processus
Q 52 Pourquoi un juge bénéficie-t-il des services d’un avocat payé par l’État lorsqu’il fait l’objet du processus disciplinaire de la magistrature?
- Selon la jurisprudence, il s’agit de l’une des exigences de l’indépendance judiciaire qu’un juge ai accès à un avocat payé pour se défendre contre des allégations qui pourraient avoir un impact sur leur inamovibilité : voir Bourbonnais c. Canada, 2006 CAF 62.
Q 53 Comment le processus sera-t-il financé?
- Les coûts liés au traitement et à l’examen initial des plaintes, qui sont relativement stables d’une année à l’autre, seront financés dans le cadre du cycle budgétaire régulier.
- Les coûts étroitement liés aux audiences publiques, qui sont élevés par rapport aux autres coûts du processus et sont imprévisibles d’une année à l’autre, seront financés directement à partir du Trésor.
Q 54 Que voulez-vous dire lorsque vous affirmez que certains coûts du processus seront financés directement à partir du Trésor?
- Cela signifie qu’il sera inutile d’obtenir une autorisation dans le cadre du cycle budgétaire régulier pour recevoir les fonds nécessaires pour payer ces coûts. Ces fonds seront versés dès qu’ils auront été engagés, pourvu que leur versement soit conforme aux règlements et aux directives adoptés en vertu de l’article 12 – articles 144 et 145.
- Le paiement des coûts liés à la magistrature directement à partir du Trésor est conforme avec le reste de la Loi sur les juges, voir par exemple l’article 53.
Q 55 Est-ce que des mesures seront prises pour s’assurer que les coûts financés directement à partir du Trésor sont conformes aux mesures de protection qui ont été établies pour veiller à ce que les fonds publics soient dépensés adéquatement?
- Oui. Pour s’assurer que des contrôles financiers adéquats ont été mis en place, les coûts du processus disciplinaire de la magistrature financés à partir du Trésor seront révisés périodiquement tous les cinq ans et les résultats de cette révision seront rendus publics.
- En laissant s’écouler cinq années entre chaque révision, il sera possible de recueillir assez de données sur les coûts du processus, y compris en ce qui concerne les plaintes les plus complexes dont le traitement est plus long. Cela permettra d’évaluer si des modifications doivent être apportées aux règlements ou aux directives régissant le paiement des coûts.
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