Harcèlement criminel : Guide à l'intention des policiers et des procureurs de la Couronne

Partie 4 : Lignes directrices à l’intention des procureurs de la Couronne (suite)

4.8.3 Demandes de déclaration de délinquant dangereux et de délinquant à contrôler

4.8.4 Condamnation avec sursis

Non disponible lorsque l'accusé est poursuivi par voie de mise en accusation

Les condamnations avec sursis sont disponibles dans les cas de harcèlement criminel lorsque la Couronne procède par procédure sommaire. Depuis le 1er décembre 2007, une peine avec sursis ne peut être infligée dans les cas de harcèlement criminel lorsque la Couronne procède par mise en accusation. Depuis le 20 novembre 2012, des modifications apportées au régime des peines avec sursis aux termes de l'alinéa 742.1f) du Code criminel prévoient qu'une peine avec sursis ne peut être infligée dans les cas de harcèlement criminel en vertu de l'article 264, lorsque la Couronne procède par mise en accusationFootnote 180. Entre décembre 2007 et novembre 2012, l'article 742.1 prévoyait qu'une personne déclarée coupable d'une infraction constituant des « sévices graves à la personne » au sens de l'article 752, d'une infraction de terrorisme ou d'une infraction d'organisation criminelle qui est poursuivie par voie de mise en accusation (l'emprisonnement maximal étant alors d'au moins dix ans) n'était pas admissible à une peine avec sursis. La définition de « sévices graves à la personne » englobe des actes susceptibles de causer un préjudice psychologique grave à la victime — le harcèlement criminel, par exemple —, ce qui élimine la possibilité d'une peine avec sursis lorsque l'accusé était poursuivi par voie de mise en accusation.

Lorsque l'accusé est poursuivi par procédure sommaire

Une peine avec sursis peut cependant être la peine appropriée dans un cas de harcèlement criminel lorsque la Couronne décide de procéder par procédure sommaire.

La Cour suprême du Canada a affirmé clairement dans Proulx, [2000] 1 RCS 61, qu'il ne devrait pas exister de présomption judiciaire d'applicabilité ou d'inapplicabilité du sursis à l'emprisonnement à une catégorie d'infractions donnée. Les conditions préalables, déjà énoncées à l'article 742.1 du Code criminel, à l'utilisation d'une peine avec sursis sont les suivantes : l'infraction ne s'assortit d'aucune peine minimale; la peine infligée est inférieure à deux ans; le délinquant ne met pas en danger la sécurité de la collectivité; la peine est conforme à l'objectif et aux principes de détermination de la peine, notamment la dénonciation, la dissuasion et la neutralisation du contrevenant. La Cour a souligné également que la condamnation avec sursis devrait viser des objectifs axés autant sur la punition que sur la réinsertion sociale et que des conditions comme l'assignation à résidence ou un couvre-feu devraient être la norme. Dans Bailey (1998), 124 CCC (3d) 512, au paragraphe 17 (CA T-N-L), la Cour a examiné les conditions susceptibles d'accompagner la condamnation avec sursis et a déclaré que l'intention du Parlement, lorsqu'il a édicté les dispositions concernant cette peine, serait davantage respectée au moyen de conditions qui limitent la liberté du délinquant tout en lui permettant de purger sa peine dans la collectivité.

Au nombre des facteurs qui amènent souvent les tribunaux à rejeter la condamnation avec sursis dans le cas du harcèlement criminel, lorsqu'une peine inférieure à deux ans est appropriée, il y a : un risque élevé de récidive; la sécurité de la victime; le fait que la condamnation avec sursis ne permettrait pas d'atteindre les objectifs de dissuasion générale et spécifique justifiés par la gravité du comportement criminel.

Peine avec sursis accordée

Dans Colquhoun, 2007 ONCJ 499, l'accusé avait communiqué de façon répétée avec son ancienne conjointe et avait endommagé sa voiture après qu'elle eut refusé de reprendre sa relation avec lui, une relation à laquelle il avait lui-même mis fin. Le fait que l'accusé avait persisté à harceler la plaignante en communiquant avec elle de façon répétée malgré les avertissements de la police et l'absence totale de remords étaient des circonstances aggravantes. La Cour a indiqué que l'accusé aurait été condamné à une peine d'emprisonnement s'il n'y avait pas eu de circonstances atténuantes, notamment son passé [TRADUCTION] « impeccable », sa famille exemplaire, les références favorables d'un ancien employeur et le versement d'une somme de 1 000 $ à titre de dédommagement, ainsi que sa participation à des séances de counseling et le fait que les pronostics étaient positifs. Une peine avec sursis de 60 jours a été infligée, suivi d'une probation de 18 mois.

Dans DIDB, 2006 QCCA 460, l'accusé avait commencé à harceler la plaignante après que celle ci eut mis fin à leur relation romantique après trois ans. La Cour a dit que l'accusé était extrêmement possessif et que la nature répétée des actes qu'il avait commis, de même que les divers moyens qu'il avait utilisés à l'égard de la plaignante, étaient conformes à la notion de harcèlement criminel. L'accusé avait téléphoné de façon incessante à la plaignante et avait laissé de nombreux messages chez elle et à son travail, lui avait rendu visite fréquemment sans l'avertir, l'avait suivie dans la rue, avait rôdé autour de son appartement et l'avait filmée au travail. De plus, il avait envoyé des photos d'elle nue à son travail et avait menacé de montrer une vidéo de leurs ébats sexuels à ses parents, à ses amis et à ses collègues. Au procès, l'accusé a été déclaré coupable de harcèlement criminel, de méfait, d'agression sexuelle, d'extorsion et de voies de fait, et il a été condamné à un emprisonnement de 18 mois. Après avoir acquitté l'accusé des accusations d'agression sexuelle et de méfait, la Cour d'appel du Québec a remplacé la peine d'emprisonnement par une peine avec sursis de 12 mois pour le premier chef de harcèlement criminel (à laquelle s'ajoutaient des peines de six mois pour l'accusation d'extorsion et d'un mois pour l'accusation de voies de fait, à purger concurremment). L'accusé a été tenu de demeurer chez lui pendant les six premiers mois et de respecter un couvre feu pendant les six mois suivants. La peine a été suivie d'une probation de deux ans.

Peine avec sursis refusée

Dans Cooper, 2009 BCCA 208, la Cour a rejeté la recommandation conjointe de la poursuite et de la défense d'infliger une peine avec sursis de 15 à 18 mois, en raison du comportement possessif et violent du délinquant après la rupture de son mariage. La Cour a conclu que le délinquant ne se conformerait probablement pas à une peine avec sursis vu ses nombreux manquements passés aux conditions de sa probation et à ses engagements. Il était donc raisonnable que la recommandation conjointe soit écartée au procès. Dans Hudgin, 2008 ABPC 87, la Cour a estimé qu'une peine avec sursis n'était pas appropriée, notamment parce que l'accusé minimisait les infractions et refusait de reconnaître sa responsabilité. En outre, il représentait un risque de récidive de modéré à élevé et avait besoin de counseling psychiatrique.

Dans Kelly (2004) 233 Nfld & 108 (CP), la Cour a refusé de prononcer une peine avec sursis, que l'accusé demandait afin de pouvoir conserver son emploi. L'accusé avait menacé et suivi la plaignante de façon répétée et lui avait téléphoné à maintes reprises après qu'elle eut mis fin à leur mariage de 24 ans. Il a plaidé coupable à toute les accusations : harcèlement criminel, manquements à un engagement (trois chefs) et menaces de mort. L'accusé était âgé de 51 ans et n'avait pas de casier judiciaire. Il avait un enfant mineur et trois enfants adultes à sa charge. La Cour a statué que prononcer une peine avec sursis reviendrait à dire à l'accusé : [TRADUCTION] « Même si vous avez fait fi d'une ordonnance de la Cour à trois occasions, vous serez maintenant libéré en vertu d'une autre ordonnance de la Cour. » La Cour a jugé qu'une peine de 60 jours à purger les fins de semaine, suivie d'une période de probation de deux ans, était plus appropriée.

Conditions obligatoires de l'ordonnance de sursis (paragraphe 742.3(1))

Ne pas troubler l'ordre public et avoir une bonne conduite.

Répondre aux convocations du tribunal.

Se présenter à un agent de surveillance :

Rester dans le ressort du tribunal, sauf permission écrite d'en sortir donnée par le tribunal ou par l'agent de surveillance.

Prévenir le tribunal ou l'agent de surveillance de ses changements d'adresse ou de nom et les aviser rapidement de ses changements d'emploi ou d'occupation.

Conditions facultatives de l'ordonnance de sursis (paragraphe 742.3(2))

S'abstenir de consommer :

S'abstenir d'être propriétaire, possesseur ou porteur d'une arme.

Prendre soin des personnes à sa charge et subvenir à leurs besoins.

Accomplir au plus 240 heures de service communautaire au cours d'une période maximale de 18 mois.

Suivre un programme de traitement approuvé par la province.

Observer telles autres conditions raisonnables que le tribunal considère souhaitables, sous réserve des règlements d'application du paragraphe 738(2), pour assurer la bonne conduite du délinquant et l'empêcher de commettre de nouveau la même infraction ou de commettre d'autres infractions. Parmi les « autres conditions raisonnables » qui ont été imposées, mentionnons les suivantes :

4.8.5 Conditions de probation

Conditions obligatoires (paragraphe 732.1(2))

Ne pas troubler l'ordre public et avoir une bonne conduite. Voir Solomon (2007), 74 WBC (2d) 262 (CS Ont.) (QL), où l'accusé a interjeté appel de la durée de l'ordonnance de probation prononcée à son égard. Celle ci lui enjoignait de ne pas troubler l'ordre public pendant deux ans. L'accusé avait été déclaré coupable de harcèlement criminel après s'être approché au volant de son camion à une distance de dix à 15 pieds de la maison des plaignants et avoir commencé à hurler des obscénités menaçantes. La Cour a rejeté l'appel parce que l'obligation de ne pas troubler l'ordre public pendant deux ans ne pouvait être considérée comme une peine sévère.

Répondre aux convocations du tribunal.

Prévenir le tribunal ou l'agent de probation de ses changements d'adresse ou de nom et les aviser rapidement de ses changements d'emploi ou d'occupation.

Conditions facultatives (paragraphe 732.1(3))

Ne pas contacter la victime ou communiquer avec elle, ni directement ni indirectement. Il importe de noter que lorsque le plaignant et l'accusé ont eu des enfants ensemble, le tribunal peut devoir envisager les répercussions que pourrait avoir une ordonnance interdisant les communications entre les parents sur la capacité de l'un ou l'autre d'avoir des contacts avec les enfants, tout en tenant compte des besoins du plaignant en matière de sécurité. Pour de plus amples renseignements sur les facteurs à prendre en considération relativement à ces types de conditions, voir l'encadré « Que faire au sujet des enfants lorsqu'il existe une ordonnance de non-communication entre les parents? ».

S'abstenir absolument de se présenter à la résidence ou au lieu de travail de la victime (et de toute autre personne nommée, notamment les membres de la famille, les amis ou les autres proches) ou encore de se trouver à une certaine distance de ces endroits.

S'abstenir absolument de se trouver dans d'autres endroits désignés. Dans Sayyeau, [1995] OJ No 2558 (CP) (QL), il était interdit au contrevenant de se trouver dans la ville de Cornwall le dimanche et dans d'autres endroits (centres commerciaux, restaurants et parcs à certains jours ou à certaines heures déterminés), afin que la victime puisse se déplacer dans la ville sans craindre de subir d'autres mauvais traitements. Voir aussi Bailey (1998), 124 CCC (3d) 512 (CA T N L), où la Cour a confirmé une condition interdisant au contrevenant de participer à des régates afin de donner véritablement à la victime le choix de continuer de participer à l'activité. Par contre, elle a annulé une condition interdisant au contrevenant d'entraîner des jeunes femmes parce qu'il n'avait pas été prouvé qu'il avait harcelé de façon constante des femmes qui assistaient aux régates.

Être sous la surveillance d'un agent de probation et se présenter à cet agent sans délai, puis aux heures et aux endroits fixés par celui-ci.

Déployer des efforts pour se trouver et conserver un emploi ou pour poursuivre ses études, selon ce que l'agent de probation approuve (Gares, 2007 ABPC 60). Voir également Lankin, 2005 BCPC 1.

Pendant la période de probation, accepter une évaluation, du counseling et un traitement que l'agent de probation ou un autre professionnel juge nécessaire, compte tenu de la conduite du délinquant qui a donné lieu à l'accusation ou de toute autre préoccupationFootnote 181. La Cour peut enjoindre à l'accusé de suivre un traitement dans le but de régler son problème de violence à l'égard de sa conjointe : voir Prakash, 2009 ONCJ 197 (QL), où la Cour a imposé la condition de participer au programme d'intervention auprès des partenaires violents (PIPV) et à tout autre programme de counseling recommandé par l'agent de surveillance.

S'abstenir de consommer de l'alcool ou d'autres substances intoxicantes ou drogues, sauf sur ordonnance médicale. Voir Brake, [2007] NJ No 359 (CP) (QL), où il a été interdit au délinquant d'utiliser, de posséder ou de consommer de l'alcool parce que bon nombre des crimes dont il avait été déclaré coupable avaient été commis alors qu'il était sous l'emprise de l'alcool. L'obligation de participer à des programmes de traitement ou de counseling afin de régler un problème d'abus d'alcool ou d'autres drogues peut être une condition de la probation (O'Connell, [2005] OJ No 4783 (CJ) (QL)). Dans Shoker, 2006 CSC 44, cependant, la Cour a statué qu'une condition obligeant le délinquant à fournir des échantillons de substances corporelles afin que l'on puisse vérifier s'il se conforme à une condition lui interdisant de consommer de l'alcool et des drogues n'est pas autorisée par le Code criminel. Le projet de loi C 30, qui rétablit le pouvoir des tribunaux d'assortir la probation de l'interdiction de consommer de l'alcool et des drogues, a été adopté par le Parlement en réponse à cet arrêt de la Cour suprême du Canada. Il a reçu la sanction royale le 23 mars 2011 mais n'était pas encore en vigueur au moment où le présent guide a été publié.

Résider dans un établissement de santé mentale désigné. Voir Rosato, [2007] OJ No 5481 (CS) (QL), où la Cour a enjoint à l'accusé de résider dans un hôpital psychiatrique pendant trois ans.

Il peut être approprié d'interdire ou de limiter l'accès à Internet lorsqu'un ordinateur a été utilisé pour commettre le crime. Dans RWG, (2007) BCPC 441, où le délinquant, un jeune homme troublé qui avait un lourd casier judiciaire, avait harcelé et menacé une adolescente dont il avait fait la connaissance sur le site d'un réseau social sur Internet, la Cour a imposé une condition interdisant au délinquant d'accéder à des sites ou à des services sur Internet qui permettent les échanges sociaux. Voir également Cholin, 2010 BCPC 417. Par contre, dans Wenc, 2009 ABPC 126, mod. par 2009 ABCA 328, la Cour a choisi de ne pas limiter l'accès à un ordinateur, malgré le harcèlement sérieux qui avait été exercé pendant longtemps en ligne, ainsi que l'utilisation de fausses identités et d'ordinateurs appartenant à des tiers.

4.8.6 Manquement aux conditions de probation

Envisager de porter des accusations dans tous les cas de non-respect des conditions d'une ordonnance de probation (article 733.1) ou d'allégation de non-respect des conditions d'une peine avec sursis (article 742.6). Voir, par exemple, Boyd, [2008] OJ No 4434 (CJ (Div gén)) (QL), où la Cour a condamné le délinquant à un emprisonnement de 13 mois et quatre jours, suivi d'une période de probation de trois ans, pour menaces de mort, appels téléphoniques harassants et quatre chefs de manquements aux conditions de la probation (obligation de ne pas troubler l'ordre public et interdiction de communiquer). La Cour a infligé une période de détention de trois mois à purger concurremment pour l'un des manquements et une période de détention de trois mois à purger consécutivement pour l'autre manquement car le délinquant avait été accusé de manquement à un certain nombre de reprises dans le passé. Voir aussi Hudson, [2004] NWTJ No 44 (CT) (QL), où la Cour a infligé une peine de 11 mois pour deux chefs d'accusation fondés sur l'article 264, d'un mois pour un manquement aux conditions de la probation et d'un mois pour un manquement à une promesse.

4.8.7 Amende

Il peut être approprié d'infliger une amende, en plus de la probation et du dédommagement. Voir Wall (1995), 136 Nfld & PEIR 200 (CS Î P É (CA)), où la Cour a infligé une amende de 1 000 $ et une probation de trois ans et a rendu une ordonnance de dédommagement.

4.8.8 Dédommagement

En vertu de l'article 738, le tribunal peut ordonner le remboursement à la victime des frais identifiables découlant de la perpétration de l'infraction. Voir, par exemple, Siemans (1999), 136 CCC (3d) 353 (CA Man).

Interdiction ou restriction concernant l'accès à un ordinateur et à Internet dans les cas d'exploitation sexuelle d'enfants

Les condamnations pour exploitation d'enfants sur internet (cas de pornographie juvénile ou de leurre d'enfants) constituent un autre domaine où on utilise les conditions de probation interdisant ou limitant l'accès à des ordinateurs ou à Internet. Dans le contexte de l'exploitation d'enfants, personne ne semble contester le fait que les conditions de probation portant sur l'accès à des ordinateurs sont appropriées puisque les infractions ont été commises au moyen d'un tel appareil. De fait, à la suite de modifications entrées en vigueur le 9 août 2012, l'article 161 du Code criminel oblige dorénavant les juges à envisager d'interdire aux agresseurs sexuels d'enfants soupçonnés ou reconnus coupables d'utiliser Internet ou tout autre réseau numérique sans supervisionFootnote 182. Cette question est compliquée par le fait que les ordinateurs sont de plus en plus omniprésents dans notre société moderne et que les tribunaux ont commencé à créer des mesures de protection et des règles spéciales en ce qui a trait aux enquêtes ou aux fouilles relatives aux ordinateurs et aux données qu'ils contiennent. Dans certains cas, les tribunaux ont considéré qu'une interdiction complète d'utiliser un ordinateur était problématique et ont donc plutôt utilisé des conditions qui limitaient l'utilisation d'un ordinateur et qui autorisaient la surveillance du respect des conditions, afin de permettre aux policiers de fouiller la résidence du délinquant, ou qui exigeaient l'installation d'un logiciel permettant de surveiller l'utilisation de l'ordinateur. (Voir, par exemple, Kwok (2007), 72 WCB (2d) 533 457 (CS Ont.). Toutefois, bon nombre de tribunaux s'occupant de cas d'exploitation d'enfants préfèrent interdire au délinquant de posséder ou d'utiliser un ordinateur chez lui en raison du caractère non constitutionnel perçu lié à l'application des conditions limitant l'utilisation d'un ordinateur ou au fait de surveiller le respect de telles conditions. Les conditions visant la surveillance du respect de l'ordonnance tendent à être basées sur des clauses prévoyant des fouilles aléatoires en vue de recueillir des éléments de preuve aux fins de l'application de la loi, fouilles qui sont non constitutionnelles, selon Shoker, 2006 CSC 44. Voir, par exemple, Smith, [2008] OJ No 4558 (CS) (QL), où même si la Couronne était disposée à autoriser l'utilisation d'un ordinateur et d'Internet à la maison à condition que l'utilisation fasse l'objet d'une surveillance et de fouilles aléatoires, la Cour a préféré interdire toute utilisation d'un ordinateur à l'extérieur du lieu de travail plutôt qu'une telle surveillance qu'elle considère non constitutionnelle. Voir aussi Unruh, 2012, SKPC 51 où la Cour a conclu qu'il était inconstitutionnel d'ordonner une telle surveillance, même lorsque l'accusé est disposé à y consentir. Dans Yau, 2011 ONSC 1009, la Cour n'était pas disposée à ordonner des conditions interdisant l'utilisation d'ordinateurs autres que celles qui sont prévues à l'alinéa 161(1)c), qui interdit l'utilisation d'ordinateurs pour communiquer avec des personnes âgées de moins de 16 ansFootnote 183. L'affaire Unruh démontre aussi que pour que de telles conditions soient autorisées de manière appropriées en tant que conditions raisonnables pour la protection de la société et pour faciliter la réinsertion du délinquant dans la collectivité, aux termes de l'alinéa 732.1(3)h), les conditions ne doivent pas contenir de limites plus générales que nécessaire pour protéger la société, dans le contexte de l'infraction pour laquelle la peine est infligée; elles ne doivent pas non plus rendre la réinsertion du délinquant dans la société trop difficile, surtout étant donné que l'utilisation de la technologie est nécessaire en milieu de travail.

4.9 Ordonnances accessoires en matière de peine

4.9.1 Ordonnances relatives aux armes à feu et aux armes

(a) Interdiction de posséder des armes à feu ou des armes

Lorsque le délinquant est déclaré coupable ou absous en vertu de l'article 730 du Code criminel à l'égard d'une accusation de harcèlement criminel, le paragraphe 109(1) du Code criminel oblige le tribunal à rendre une ordonnance d'interdiction, en plus de toute autre peine qu'il inflige (ou de toute autre condition qu'il impose dans l'ordonnance d'absolution).

Il demeure toujours possible d'obtenir une ordonnance interdisant de posséder une arme à feu lorsqu'il n'y a pas eu de condamnation pour harcèlement criminel ou toute autre infraction nécessitant une ordonnance d'interdiction prévue à l'article 110. Un agent de la paix ou un préposé aux armes à feu peut aussi demander à un juge de la cour provinciale de rendre une ordonnance interdisant à une personne d'avoir en sa possession des armes à feu en vertu de l'article 111, « s'il a des motifs raisonnables de croire qu'il ne serait pas souhaitable pour la sécurité de qui que ce soit que celle-ci soit autorisée à les avoir en sa possession ».

L'article 113 permet la levée partielle de l'ordonnance d'interdiction lorsque la personne prouve, selon la prépondérance des probabilités, qu'elle a besoin d'une arme à feu ou d'une arme à autorisation restreinte pour assurer sa subsistance ou pour son emploi.

Pour un exemple d'une interdiction perpétuelle de posséder des armes dans un cas extrême de violence conjugale, voir Shears, [2008] OJ No 4897 (CS) (QL). Dans cette affaire, l'accusé avait des antécédents en matière de violence contre sa partenaire intime. Il faisait l'objet d'une interdiction de posséder des armes d'une durée de dix ans lorsqu'il avait perpétré l'infraction pour laquelle une peine lui a été infligée — il avait menacé sa conjointe de fait en pointant un fusil en direction de sa tête.

(b) Remise obligatoire

Selon l'article 114, l'autorité qui rend une ordonnance d'interdiction peut obliger la personne visée à remettre « a) tout objet visé par l'interdiction en sa possession à la date de l'ordonnance; b) les autorisations, permis et certificats d'enregistrement — dont elle est titulaire à la date de l'ordonnance — afférents à ces objets ».

(c) Confiscation

Selon l'article 115, les armes en la possession d'une personne visée par une interdiction de posséder des armes sont confisquées, sauf indication contraire de l'ordonnance d'interdiction.

(d) Autorisation révoquée ou modifiée

Selon l'article 116, les documents afférents aux armes qu'il est interdit à une personne d'avoir en sa possession sont révoqués ou modifiés dès l'entrée en vigueur de l'ordonnance d'interdiction.

(e) Possession d'un article interdit en contravention d'une ordonnance d'interdiction

Une personne qui a toujours en sa possession les articles interdits, en contravention de l'ordonnance d'interdiction, commet une infraction prévue à l'article 117.01 et est passible d'une peine maximale d'emprisonnement de dix ans sur déclaration de culpabilité par mise en accusation.

(f) Contrôleur des armes à feu

Lorsque le tribunal rend, modifie ou révoque une ordonnance interdisant la possession d'armes à feu, il doit en aviser le contrôleur des armes à feu sans délai (article 89 de la Loi sur les armes à feu).

4.9.2 Suramende compensatoire

Une suramende compensatoire sera infligée dans tous les cas, sauf si le délinquant convainc le tribunal que le paiement de la suramende compensatoire leur causerait, à lui et aux personnes à sa charge, des difficultés excessives. Voir Rowe (1994), 126 Nfld & PEIR 301 (CS T N L (1re inst)).

Les tribunaux ont confirmé qu'il convient d'infliger une suramende compensatoire dans les cas de harcèlement criminel, car c'est le type d'infraction qui peut causer un préjudice durable aux victimes, lesquelles ont souvent besoin de différents programmes d'aide (DWH, 2005 BCSC 24768, conf. par Hawkins, 2007 BCCA 487). Dans cette affaire, la Cour a ordonné à l'accusé de payer une somme de 300 $ relativement à l'accusation de harcèlement criminel et une somme de 100 $ relativement à l'accusation d'avoir proféré des menaces.

La Cour peut dispenser le délinquant de payer la suramende compensatoire si celui-ci la convainc que, avant l'incarcération, il n'avait pas eu un emploi stable pendant de nombreuses années (Shears, [2008] OJ No 4897 (CS) (QL)). Le tribunal peut également renoncer à infliger la suramende compensatoire lorsque le délinquant est sans emploi (RWG, 2007 BCPC 411) ou pauvre (Brake, [2007] NJ No 359 (CP) (QL), et Strickland, [2004] NJ No 368 (CP) (QL)). Voir également Richard, [2008] ONCJ 343, où la Cour n'a pas infligé de suramende compensatoire parce que le délinquant était incarcéré et qu'il subvenait auparavant à ses besoins grâce à une pension d'invalidité.

Il importe de noter que le projet de loi C-37, Loi sur la responsabilisation des contrevenants à l'égard des victimes, a été déposé le 24 avril 2012. Ce projet de loi modifierait le Code criminel en doublant la suramende compensatoire que doivent payer les délinquants et en garantissant que cette suramende compensatoire s'applique automatiquement dans tous les cas. Les modifications proposées rendraient obligatoire la suramende compensatoire pour tous les délinquants, et abrogeraient les dispositions actuelles qui permettent aux délinquants d'en être exemptés s'ils peuvent faire la preuve que le paiement de la suramende compensatoire entraînerait des difficultés excessives.

4.9.3 Ordonnances de prélèvement d'ADN

La Couronne doit envisager de demander une ordonnance de prélèvement d'ADN au moment de la détermination de la peine. Le harcèlement criminel est une infraction secondaire aux termes de l'article 487.04 du Code criminel. Par conséquent, une ordonnance de prélèvement d'ADN peut être accordée si le juge estime que cela servirait au mieux l'administration de la justice. Il incombe au ministère public de convaincre le tribunal que c'est bien le cas et de rendre l'ordonnance. Pour décider s'il rend ou non l'ordonnance, le tribunal doit prendre en compte les facteurs suivants :

4.10 Déclaration de la victime

Le Code criminel exige que le tribunal prenne en considération la déclaration que la victime a déposée auprès de lui, en conformité avec le paragraphe 722(2), lorsqu'il détermine la peine qu'il convient d'infliger à un délinquant. La déclaration de la victime peut être présentée à l'audience de détermination de la peine. Elle permet de décrire le dommage ou les pertes causées à la victime par la perpétration du crime.

Des programmes existent dans certaines provinces afin d'aider les victimes à préparer leur déclaration. Les pratiques varient selon les administrations quant à savoir quand et comment la déclaration est recueillie.

Aux termes de l'article 722 du Code criminel, la victime doit déposer sa déclaration auprès du tribunal. Celui-ci en remet une copie au délinquant, ou à son avocat, et au poursuivant après la détermination de la culpabilité. En exigeant de la victime qu'elle transmette une copie de sa déclaration directement au tribunal et non à la police ou au poursuivant, on évite que le poursuivant soit tenu de la communiquer à la défense avant le prononcé d'un verdict de culpabilité et que la défense dispose ainsi de renseignements additionnels au sujet desquels elle pourrait contre interroger la victime.

Les juges sont tenus de demander à la victime si elle a été informée de son droit de préparer une déclaration et peuvent reporter l'audience pour lui laisser le temps de le faire. Si elle en fait la demande, la victime sera autorisée à lire sa déclaration.

Dans Gares, 2007 ABPC 60, la preuve d'un dommage psychologique durable contenue dans la déclaration de la victime a été considérée comme un facteur aggravant. L'accusé a été condamné à un emprisonnement de 13 mois, ayant passé cinq mois en détention préventive. Voir aussi Cedros, 2007 ONCJ 556, où la déclaration de la victime faisait état d'un [TRADUCTION] « sentiment de sécurité considérablement amoindri », d'une perte de confiance dans les gens et d'une profonde humiliation vécue par la famille de la plaignante. Dans cette affaire, l'accusé avait téléphoné à la plaignante et à sa famille de façon répétée et avait proféré des menaces sérieuses de violence contre les membres de la famille.