ALLÉGATIONS DE VIOLENCE ENVERS LES ENFANTS LORSQUE LES PARENTS SONT SÉPARÉS : DOCUMENT DE TRAVAIL

2001-FCY-4F

6.  STRATÉGIES POUR TRAITER DES ALLÉGATIONS DE VIOLENCE ENVERS LES ENFANTS LES PARENTS SONT SÉPARÉS

D'après la discussion du chapitre 5, il existe un certain nombre de questions de fond relatives aux allégations de violence envers les enfants lorsque les parents sont séparés.  En élaborant des stratégies en vue de régler ces questions, il est important de reconnaître que des problèmes sont propres à ce genre de cas (p.ex., ces cas continueront à prendre beaucoup de temps pour enquêter à cause de leur complexité et à être onéreux).  La seule façon d'aborder ces questions est de réduire le taux de fausses allégations et d'allégations non fondées.

Il convient d'aborder maintenant certaines questions de fond, essentiellement celles qui touchent les besoins en matière de sensibilisation et de formation.  Tous les professionnels s'occupant de cas présentant des allégations de violence, notamment les travailleurs chargés de la protection de l'enfance, les policiers, les psychologues, les avocats et les juges, ont besoin de matériel ou de séances de formation pour savoir quoi faire dans les cas de séparations qui sont particulièrement difficiles, surtout lorsque des allégations de violence sont faites.  Cette formation doit être offerte en permanence et constamment mise à jour pour tenir compte des dernières recherches.  En outre, il faut renseigner les parents sur la dynamique de la séparation et ses effets sur les enfants. Il faut également fournir des renseignements généraux sur la violence dans le cadre des programmes de formation portant sur « les rapports parents-enfants après une séparation », en donnant au besoin plus de précisions à chacun des parents.

Enfin, nous ne possédons pas assez de renseignements sur un certain nombre de questions (plus particulièrement des données canadiennes) pour pouvoir prendre des décisions stratégiques éclairées.  Il faudrait effectuer des études et des travaux de recherche avant de pouvoir formuler des réponses adéquates.  C'est pourquoi il est indispensable d'entreprendre d'autres recherches pour bien répondre à la question de savoir s'il faut des recours en justice plus vigoureux dans le cas de fausses allégations.

Le tableau 3 présente un résumé des questions de fond discutées au chapitre 5 ainsi que la stratégie suggérée pour les résoudre.  Ces stratégies sont examinées plus en détail dans la section suivante.

6.1  Recherche concernant les allégations de violence envers les enfants

Il serait possible de traiter plusieurs questions de fond en conduisant un certain nombre d'études distinctes et en faisant un suivi des recherches actuelles.

Étude canadienne d'incidence des cas signalés de violence et de négligence à l'égard des enfants

Il convient d'aborder le manque d'information concernant l'incidence des allégations de violence envers les enfants en conduisant des analyses complémentaires des données de l'Étude canadienne d'incidence des cas signalés de violence et de négligence à l'égard des enfants (CIS). Les analyses de ces données indiqueront l'incidence des allégations de violence lorsque les parents sont séparés aussi bien que la partie de ces cas qui touche les fausses allégations délibérées.  Parmi les questions figurant dans la CIS sont « Y-a-t-il en ce moment un conflit sur la garde des enfants? » et « Si il est non fondé, le signalement était-il un renvoi avec une intention malveillante? ».  La CIS pourrait aussi fournir des renseignements à l'échelle nationale sur l'origine de l'allégation, l'identité de l'agresseur présumé et la durée de la violence (c.-à-d., un incident unique, moins de six mois, plus de six mois).  Les données étaient connues à la fin de l'exécution du contrat avec Santé Canada le 31 mars 2000.  Si les données de ces questions ne sont pas analysées pour le rapport final de Santé Canada, le ministère de la Justice du Canada devrait prévoir des fonds complémentaires pour une seconde analyse.

Tableau 3 :  Résumé des questions de fond sur les allégations de violence envers les enfants lorsque les parents sont séparés et les stratégies proposées pour les résoudre

Stratégie

Questions de fond sur le plan de la recherche
Incidence de fausses allégations et d'allégations non fondées de violence envers les enfants Études pour informer les professionnels et pour élaborer des politiques
Questions de fond sur le plan des enquêtes
Besoins en matière de sensibilisation et de formation des professionnels. Ressources et matérie.
Laps de temps nécessaire pour enquêter sur les cas concernant des allégations de violence envers les enfants. Plus de ressources.
Existence de protocoles pour enquêter sur ces cas. Élaborer des protocoles.
Questions de fond sur le plan juridique
Allégations non fondées : malentendu, fabrication ou déséquilibre mental? Besoin d'évaluation en profondeur par des professionnels formés.
Enfants faisant de fausses allégations. Besoin d'évaluation en profondeur par des professionnels formés.
Effets des allégations non fondées sur les décisions relatives au droit de la famille. Mener des études.
Traitement des résultats incertains. Améliorer les mécanismes du droit de visite sous surveillance et de soutien pour les enfants; représentation juridique pour les enfants.
Témoignage des enfants. Sensibilisation et formation
Le rôle des examinateurs et des experts. Besoin d'évaluation en profondeur par des professionnels formés.
Faut-il des recours judiciaires plus rigoureux? Études pour informer et élaborer des politiques.
Est-ce que des recours judiciaires plus rigoureux dissuaderaient les gens de signaler les véritables cas de violence? Études pour informer et élaborer des politiques.
Recherche d'un équilibre entre les droits des enfants et ceux des parents. Améliorer les mécanismes du droit de visite sous surveillance.
Questions de fond sur le plan des services sociaux
Le rôle des thérapeutes et des conseillers. Sensibilisation et formation
Est-ce que les ressources affectées au droit de visite sous surveillance sont suffisantes? Études d'évaluation des besoins.
Est-ce que les travailleurs s'occupant du droit de visite sous surveillance devraient fournir des services d'évaluation et de traitement? Études d'évaluation des besoins.
Augmentation des coûts pour les dossiers portant sur des allégations de violence. Plus de ressources.
Questions de fond sur le plan de la sensibilisation et de la formation
Dynamique et caractéristiques des allégations fondées et de fausses allégations de violence envers les enfants. Sensibilisation et formation
Recherches
Manque de formation des professionnels enquêtant sur les cas de violence présumée. Sensibilisation et formation

Étude de suivi

On s'occuperait mieux des questions de fond concernant la nature, le résultat et le traitement des cas au moyen d'une étude approfondie de suivi des cas relatifs au droit de visite et à la garde des enfants au Canada où des allégations de violence ont été faites envers des enfants.  Une étude de suivi pourrait s'attaquer aux questions de fond suivantes :

  • la première fois que l'allégation est faite;
  • si l'allégation est fondée, vague, délibérément fausse ou fausse par suite d'une erreur de bonne foi ou d'un trouble mental;
  • si les droits de visite des parents n'ayant pas la garde sont refusés lors des enquêtes; quels services de visites sous surveillance sont utilisés;
  • si on fait de façon répétée de fausses allégations de violence envers les enfants dans le même cas;
  • si les conjoints ayant la garde contraignent et manipulent les enfants pour qu'ils portent des accusations contre des parents n'ayant pas la garde;
  • le temps nécessaire pour résoudre ces cas;
  • la détermination des procédures multiples (c.-à-d. au pénal, droit de la famille et protection de l'enfance) concernant la même situation.

  Ce type de recherche doit s'attacher non seulement aux cas résolus par un procès, mais aussi aux cas abandonnés ou réglés, soit parce qu'il est devenu évident que l'allégation n'est pas fondée, soit parce qu'il est évident que la violence s'est produite et que l'agresseur ne demande pas un procès.  Une étude se basant sur les dossiers des cas avec un suivi de deux ans recueillerait la majorité des cas.

Il est possible de traiter les questions de fond relatives à l'équilibre à maintenir entre la protection de l'enfant et les droits des parents en conduisant les différentes études suivantes.

Études de l'évaluation des besoins

Il conviendrait d'entreprendre une étude nationale sur les types de services de droit de visite sous surveillance qui existent pour déterminer les genres de programmes et de services disponibles au Canada ainsi que les lacunes des programmes existants.  Les pratiques des meilleurs programmes pourraient être évaluées et des informations à leur sujet diffusées.

Les services de droit de visite sous surveillance devraient-ils fournir des services de traitement et d'évaluation?  Voilà une question qui nécessite aussi plus de recherches et pourrait être examinée avec l'étude de l'évaluation des besoins.  Quoique la plupart des professionnels soient d'accord qu'il y a un besoin de plus de services de traitement et d'évaluation, les avis sont partagés pour savoir si les centres d'accueil de services de droit de visite sous surveillance doivent fournir ces services.  Ces centres et les programmes sont considérés comme une solution à court terme pour maintenir les rapports entre les parents et les enfants et fonctionnent mieux en complément à d'autres services.  Plutôt que de fournir des services thérapeutiques et d'évaluation, il a été suggéré que les centres d'accueil renvoient, selon les besoins, les cas aux services spécialisés.

6.2  Amélioration de la sensibilisation et de la formation

La mise au point des programmes de sensibilisation et de formation pourraient répondre aux questions sur les incohérences dans les processus d'enquête et les lacunes constatées chez les parents et les professionnels dans les cas d'allégations de violence envers les enfants.

Il est évident de l'analyse documentaire et du petit nombre des entrevues avec les répondants clés que tous les cas d'allégation de violence envers les enfants doivent être traités sérieusement et évalués en conséquence, qu'ils soient liés ou non à un conflit sur le droit de visite et la garde des enfants.  Il existe la véritable nécessité d'effectuer des recherches appliquées sur la psychologie et le développement de l'enfant pour aider les policiers, les travailleurs de la protection de l'enfance, les examinateurs et les autres professionnels de la santé à mieux faire la distinction entre les fausses allégations et celles qui sont fondées.  Les juges et les avocats ont aussi besoin de programmes de sensibilisation et de documentation qui traitent de ces cas posant un grand défi.  Il convient d'incorporer les résultats des recherches dans le matériel didactique et de formation utilisé par les professionnels au Canada.

Il existe également le besoin de sensibiliser les parents sur les questions de violence envers les enfants et de les sensibiliser sur les effets du divorce à l'égard des enfants.  Les conclusions de cette étude indiquent que la plupart des cas concernant les allégations non fondées de violence sont causés par des erreurs de bonne foi et par un manque de communication plutôt que par des mensonges délibérés ou des manipulations.  En sensibilisant les parents séparés au sujet des effets de la rupture de la vie commune sur les enfants et en les aidant à mieux communiquer entre eux, il sera possible de réduire le nombre des allégations non fondées et d'aider les enfants à mieux affronter la séparation.

6.3  Services de droit de visite sous surveillance

Il ressort des études effectuées dans d'autres administrations qu'il faut plus de ressources pour traiter les cas où on craint légitimement que l'enfant est en danger.  Les centres d'accueil de services de droit de visite sous surveillance qui existent au Canada ont besoin de fonds stables, puisque les services sont trop coûteux pour bon nombre de familles.  Les centres ont besoin de surveillants formés et de locaux suffisants, et les familles veulent avoir recours à un service de surveillance après « les heures de travail » (c.-à-d. le soir et les fins de semaine).

En outre, il semble qu'il faille uniformiser les services de visites sous surveillance et définir les attentes de la part des tribunaux.  En ce qui concerne les normes pour les centres d'accueil, les autres administrations proposent que les centres doivent : promouvoir la sécurité et le bien-être des enfants et des parents vulnérables lors des échanges et visites sous surveillance; faciliter les rapports entre les parents et les enfants ou entre les enfants de ces mêmes parents lorsqu'ils se rencontrent; et, au besoin, s'efforcer d'atteindre l'autonomie dans l'organisation des rapports entre eux.  Les normes doivent également préciser la nature et la structure des services, les tâches administratives, le personnel et les compétences nécessaires, l'accueil, les modalités d'exploitation, les mesures de santé et de sécurité, la confidentialité, l'établissement des rapports, et dans quels cas il convient de fournir aux tribunaux des rapports contenant les observations de l'enfant lors des visites.