Le droit de visite au Canada : Approche juridique et appui aux programmes

Chapitre 3: Programmes et Services en Place Pour Résoudre les Litiges Concernant le Droit de Visite

La plupart des administrations associent de plus en plus les dispositions législatives à des programmes et services afin de traiter l'ensemble des litiges concernant le droit de visite et la mise en application de celui-ci.  Ces programmes sont souvent prévus par la loi et administrés par les tribunaux mêmes, comme en Australie.  Il en existe trois types dans le contexte de la mise en application du droit de visite : la prévention, la résolution de problèmes et l'exécution.  Les programmes ci-dessous comptent parmi les plus importants, mais il faut mentionner que cette liste n'est ni complète ni exhaustive.

3.1 PRÉVENTION

Vu les relations très conflictuelles qui prévalent au sein de nombreux couples qui divorcent et le risque qu'elles ne perdurent et ne se traduisent par des différends constants en matière de visite, les administrations adoptent de plus en plus des programmes visant à réduire les conflits et à inciter les parents à se préoccuper avant tout de l'intérêt supérieur de leurs enfants.

Plans de prise en charge des enfants

Plusieurs administrations ont recours à des plans de prise en charge des enfants pour favoriser la conclusion d'ententes relatives au droit de visite et pour prévenir les litiges ultérieurs.  L'objectif est d'inciter les parents à s'asseoir ensemble pour élaborer des plans détaillés répartissant les responsabilités en matière de lieu de résidence et les autres responsabilités parentales.  On suppose que le fait pour les parents d'examiner ensemble ces questions à l'extérieur d'une salle d'audience les rendra plus susceptibles de conclure des ententes raisonnables et durables axées sur l'intérêt supérieur de l'enfant, et de le faire dans un climat moins conflictuel.

Dans l'État de Washington, aux États-Unis, le Parenting Plan Act de 1987 stipule que presque tous[16] les parents qui se séparent ou qui divorcent doivent remplacer les anciennes ententes en matière de garde (Tompkins, 1995).  Les ententes doivent inclure un calendrier de séjour détaillé, énumérer les formes de décision touchant la santé, l'éducation et la religion de l'enfant et préciser un mécanisme de règlement des différends (Institut canadien de recherche sur le droit et la famille, 1992).

Une étude réalisée peu de temps après (Ellis, 1990; Tompkins, 1995) a révélé que la plupart des plans de prise en charge des enfants étaient assez détaillés et précis; en fait, la moitié d'entre eux précisant un pouvoir décisionnel relativement à la garde des enfants, et certains d'entre eux comprenaient même des dispositions en rapport avec l'usage de la voiture par les adolescents.

L'enquête réalisée par rapport aux plans de prise en charge des enfants après les réformes a démontré qu'un plus grand nombre de parents partageaient la garde - vingt pour cent par comparaison avec seulement trois pour cent avant les réformes - et qu'un peu plus de la moitié des plans de prise en charge des enfants précisaient que le pouvoir décisionnel devait être partagé.  La proportion des gardes exclusives a connu une baisse tant chez les pères que chez les mères.  Les mères et les pères ont gardé leur pouvoir décisionnel exclusif dans seulement le tiers des affaires et dix pour cent des affaires, respectivement.  Tous les pères qui avaient la garde exclusive avaient la responsabilité parentale exclusive[17], alors que la moitié des mères qui avaient cette garde (soixante-dix pour cent de toutes les affaires) avaient la responsabilité exclusive (Tompkins, 1995).  On ne sait pas combien d'ententes de garde partagée sont symboliques plutôt que réelles.

L'étude a révélé que tout près de soixante-dix pour cent des couples avaient choisi la médiation comme moyen de résoudre leurs litiges éventuels, alors que seize pour cent avaient opté pour la poursuite devant les tribunaux et sept pour cent, pour le counselling.  Environ quarante pour cent des avocats interrogés étaient d'avis que la mise en place des plans de prise en charge des enfants n'avait pas contribué à réduire les différends entre les parents, ou que les parents ne se préoccupaient pas plus des besoins et de l'intérêt supérieur de leurs enfants.

Une autre étude récente de la législation (Lye, 1999) a révélé qu'une poignée seulement des plans prévoyaient un séjour dépassant une semaine sur deux chez le parent non gardien, et qu'environ vingt pour cent ne contenaient aucun calendrier de séjour particulier.  Soixante-quinze pour cent des parents assurant la garde principale étaient des mères.  Soixante-quinze pour cent des plans de prise en charge des enfants étaient axés sur la prise de décision commune, mais les parents et intervenants interrogés ont soutenu que peu de parents prenaient vraiment des décisions ensemble.  Les parents et intervenants se sont également dits contrariés par le choix limité des dispositions offertes dans les plans de prise en charge des enfants de l'État.  Bon nombre d'entre eux ont indiqué qu'il était difficile pour les conjoints d'en venir à une entente.  Ils étaient aussi d'avis que le processus ne comportait pas suffisamment de mesures pour protéger les victimes d'actes de violence familiale pendant l'élaboration du plan et pour assurer leur sécurité dans le cadre de ce plan.

En Australie, les réformes du droit de la famille de 1995 ont entraîné la mise en place de plans de prise en charge des enfants et permis aux couples qui le désiraient de les faire enregistrer.  Selon une étude effectuée en 1998 sur l'effet des réformes de 1995 (Rhoades et al., 1999), ni les conseillers ni les avocats n'avaient recours à ces plans de façon régulière.  Quelque quarante pour cent des conseillers des tribunaux ne s'étaient jamais servis d'un tel plan, et encore moins de conseillers privés y avaient eu recours.  Toutefois, les médiateurs ont dit qu'ils s'en servaient régulièrement (quarante-trois pour cent ont soutenu les utiliser « très souvent »), surtout pour aider les parties à parvenir à un règlement, ce que vise la loi.

Comme on l'a mentionné à la section 2.1, la proportion des cas de garde partagée a augmenté à douze pour cent après les réformes, dont un mince pourcentage de garde égale.  Quelque cinquante-cinq pour cent des ententes parentales après divorce renfermaient des mesures relatives aux responsabilités.  Dans la plupart des cas (trente-cinq pour cent de toutes les ententes), une responsabilité exclusive a été accordée au parent gardien, alors qu'une responsabilité partagée a été mise en application dans vingt pour cent des cas (Rhoades et al., 1999).  On ne sait pas jusqu'à quel point on peut attribuer ces changements aux plans de prise en charge des enfants plutôt qu'à la mutation considérable que représente le remplacement des « droits de garde et de visite » par la « responsabilité parentale partagée » comme fondement des responsabilités parentales après le divorce.  On n'a effectué aucune analyse détaillée dans le but de comparer les dispositions des plans de prise en charge à celles des ententes conclues sans un tel plan.

On n'a fait aucune comparaison pour déterminer si les parents qui élaborent des plans de prise en charge ont plus de différends en relation avec le droit de visite ou les responsabilités qu'avant les réformes, ou s'ils ont plus ou moins recours à la médiation, au counselling ou à une instance afin de régler leurs différends ou à quelle fréquence.  On n'a trouvé aucun renseignement quant à savoir si les pères exerçaient davantage leur droit de visite qu'auparavant.  Cependant, l'augmentation générale des instances relatives au droit de visite (attribution et refus) laisse supposer que la mise en place des plans de prise en charge des enfants n'avait pas réduit le nombre de différends post-maritaux concernant ces problèmes.  Au contraire, la dissociation du lieu de résidence et des responsabilités (qui étaient regroupés dans l'ancienne catégorie « droit de garde ») semble avoir créé de nouvelles sources de conflit entre les ex-conjoints, ce qui a entraîné une augmentation du nombre d'affaires portées devant les tribunaux par les parents non gardiens.  L'expérience australienne semble ainsi confirmer l'information anecdotique se rattachant à l'expérience de l'État de Washington.

L'enregistrement de plans de prise en charge des enfants semble également s'être avéré difficile à appliquer en plus d'être coûteux, ce qui a entraîné récemment la formulation de recommandations en faveur de son élimination (ALRC, 1997).

En résumé, on ne sait pas clairement si les plans de prise en charge des enfants favorisent à eux seuls un plus grand partage du lieu de résidence ou des responsabilités relatives à l'éducation des enfants après la séparation, ou si les plans réduisent le nombre de différends, y compris les litiges relatifs au droit de visite.  Il appert que les plans de prise en charge peuvent être utiles pour les parents qui vivent une relation peu conflictuelle et les aider à en venir à une entente axée sur l'enfant.  Par contre, les plans n'aideront nullement les parents qui vivent une relation très conflictuelle, et ils peuvent même avoir des effets néfastes.

Éducation parentale

Les programmes obligatoires et volontaires d'éducation parentale ont connu une expansion rapide en Amérique du Nord.  Les modèles varient grandement[18], mais la plupart des programmes visent à aider les parents à mieux comprendre les besoins de leurs enfants et à privilégier l'intérêt supérieur de ces derniers dans leur éducation après le divorce.  De nombreux programmes renseignent les parents sur la procédure judiciaire concernant le divorce et la séparation.  Certains programmes ont été conçus comme des prérequis à d'autres programmes, comme la médiation.

Les études démontrent que les parents qui divorcent ou se séparent sont peu nombreux à réaliser à quel point leurs enfants réussissent mal à s'en sortir, mais qu'ils sont nombreux à sous-estimer ou à ignorer les conséquences de leurs querelles, des questions qu'ils posent au sujet des activités de l'ex-conjoint et de leurs exigences de loyauté exclusive (Arbuthnot et Gordon, 1997; Arbuthnot et al., 1996).

Les programmes d'éducation parentale qui s'appuient, sur les guides, vidéos et autres documents sur le divorce semblent assez efficaces pour sensibiliser les parents à l'égard de leurs enfants et pour leur faire accepter une plus grande participation de l'autre parent (Arbuthnot et Gordon, 1997).  Toutefois, ces programmes ne sont suivis que par une minorité de parents, et par ceux qui sont les plus disposés à optimiser leur comportement post-marital.

La plupart des parents qui ont suivi avec succès les programmes d'éducation parentale se disent satisfaits d'y avoir participé; ils soutiennent qu'ils sont plus sensibles au point de vue de leurs enfants et qu'ils sont plus en mesure de les aider (Arbuthnot et al., 1996).  Cependant, le peu d'études de suivi qui ont été réalisées laissent supposer que ces programmes ne contribuent pas à changer leur véritable comportement (Arbuthnot et al., 1996).  Les conférences et autres programmes qui stimulent la sympathie envers les enfants, mais qui n'enseignent pas de nouveaux comportements parentaux sont ceux qui influent le moins sur l'apprentissage des parents ou les pratiques ultérieures de ceux-ci (Arbuthnot et al., 1996; Arbuthnot et Gordon, 1997).  La longueur du programme ne semble pas déterminante.

Comme la plupart des programmes d'éducation parentale sont facultatifs, ils ne touchent qu'assez peu de parents et intéressent surtout ceux qui se montrent les plus ouverts et les plus enthousiastes à l'idée d'améliorer leurs méthodes d'éducation parentale.  Quel est donc l'effet des programmes qui sont obligatoires?

En 1998, le gouvernement de la Colombie-Britannique a mis en place des programmes obligatoires d'éducation parentale d'une durée de trois heures dans les villes de Burnaby et de New Westminster, qui sont situées dans la banlieue de Vancouver.  Tous les parents qui portaient des affaires relatives aux droits de visite ou de garde, aux pensions alimentaires pour enfants ou à la tutelle devant la cour provinciale étaient tenus de suivre ces programmes, et on leur montrait alors quelles répercussions le divorce pouvait avoir sur les enfants, on leur apprenait comment ils pouvaient venir en aide à ces derniers, et on les renseignait sur les options offertes par les tribunaux et sur le déroulement des procédures.  L'établissement de ces programmes pilotes obligatoires s'explique par le fait que peu de personnes s'étaient inscrites aux programmes volontaires (qui, eux, avaient été introduits en 1994), probablement parce que les parents en ignoraient l'existence.

Les évaluateurs ont constaté que les deux tiers des personnes qui participaient aux ateliers étaient tenues d'y être.  Environ la moitié d'entre elles étaient réticentes au départ (« Je n'aurais pas eu besoin de suivre cet atelier ».) et les parents qui s'y opposaient le plus étaient des parents qui avaient divorcé ou qui s'étaient séparés longtemps auparavant et qui ne voyaient pas la nécessité de suivre un tel programme.  Par contre, à la fin du séminaire, les deux tiers des répondants au sondage n'éprouvaient aucune frustration d'y avoir participé, et 83 p. 100 ont convenu que les parents qui divorcent et les tuteurs devraient obligatoirement suivre cet atelier.

Environ 95 p. 100 des répondants ont dit avoir trouvé l'atelier intéressant et 85 p. 100 ont soutenu qu'ils le recommanderaient à d'autres.  La plupart des participants ont indiqué que l'information fournie était nouvelle pour eux.  Il y a eu quelques plaintes voulant que les séminaires ne tenaient pas assez compte du pluralisme racial et culturel (p. ex., parce que les hommes et les femmes y participaient ensemble ou parce qu'on ne respectait pas suffisamment la diversité linguistique) ou de la violence dans les relations.  L'un des répondants, qui avait présenté une demande d'ordonnance de non-communication, s'est dit inquiet d'avoir à faire « un détour supplémentaire » avant de se présenter devant les tribunaux.

Aucun suivi n'a encore été fait pour déterminer ce que les parents retiennent du programme, de quelle manière l'information influe sur leur comportement envers leurs enfants et leur ex-conjoint, ou si le programme entraîne réellement une réduction des instances et des litiges entourant le droit de visite.

Conséquences à long terme de l'éducation parentale

Une étude américaine a porté sur quelques-unes des questions ci-dessus.  Il s'agit d'une évaluation du programme obligatoire Making it Work (Gray et al., 1997) de l'État du Maryland, dont la prestation ne relève pas du système judiciaire.  Elle a révélé, elle aussi, que la plupart des parents s'opposaient d'abord au fait d'être forcés à suivre le cours, mais que ce sentiment se dissipait rapidement par la suite.  (Les parents interrogés et les parents du groupe témoin ont été choisis parmi ceux qui avaient porté une affaire relative au droit de garde devant les tribunaux; on ne savait pas où ces affaires en étaient rendues avant que les parents ne s'inscrivent au programme.) En réponse à un questionnaire qui leur a été envoyé par courrier six mois plus tard, ces parents ont fait état de comportements plus constructifs que les parents qui n'avaient pas suivi le cours.  Ils ont soutenu qu'ils étaient dorénavant en mesure de régler leurs différends ailleurs que devant leurs enfants et qu'ils se querellaient moins souvent par rapport au droit de garde, aux visites et à l'éducation partagée des enfants en général.  Également, le nombre de rencontres avec des médiateurs et des avocats a connu une baisse.

Cependant, l'un des problèmes posés par cette évaluation des résultats est que les études ont démontré que les parents sous-estiment considérablement le nombre de cas où leurs enfants sont l'enjeu d'une dispute parentale (Arbuthnot et Gordon, 1997).  De plus, les parents ayant réussi un cours d'éducation parentale peuvent être les plus susceptibles d'omettre de faire mention d'une telle situation, car on leur a dit que ce comportement n'était pas correct.

Une autre étude américaine a évalué le programme Children in the Middle, programme obligatoire dispensé dans l'État de l'Ohio (Arbuthnot et Gordon, 1997); cette étude ne s'appuyait pas sur l'auto-déclaration.  (Les participants avaient présenté une demande de divorce ou de séparation.) Dans ce programme, on montre aux parents à quel point il est important de ne pas « coincer » les enfants dans les disputes parentales.  Six mois après le programme, on a communiqué avec les participants par téléphone et l'on a constaté qu'ils n'avaient pas oublié les compétences qui leur avaient été enseignées (p. ex., ils savaient encore ce qu'ils devaient dire ou faire dans des situations particulières).  Ils se sont également dits moins sensibles aux points de vue et besoins de leurs enfants qu'un groupe témoin de parents vivant une situation semblable (ce que les évaluateurs ont considéré comme un signe d'une plus grande lucidité), et ils étaient plus ouverts à l'idée que leur enfant passe plus de temps avec son autre parent.  Cependant, leurs conversations avec leur ex-conjoint étaient aussi susceptibles de se terminer par une dispute, et il n'y avait aucune différence quant à la fréquence à laquelle ils encourageaient leur enfant à passer du temps avec son autre parent.  Les résultats ne variaient pas selon le sexe ou la disposition à l'égard du caractère obligatoire du cours.  Bref, l'attitude des parents envers leurs enfants et leur relation avec leur conjoint ou conjointe avait changé, mais pas nécessairement leur comportement.

En ce qui concerne les litiges, les programmes d'éducation parentale ont prouvé qu'ils pouvaient en réduire le nombre dans certains cas.  Selon une étude de suivi qui a été réalisée sur une période de deux ans et à laquelle ont participé 94 parents de Lexington, au Kentucky, à qui les tribunaux avaient ordonné de suivre un programme d'éducation parentale, ces parents ne sont pas revenus devant les tribunaux nettement moins que des parents vivant une situation semblable qui n'avaient pas suivi le programme (cinquante pour cent contre soixante pour cent).  Néanmoins, seulement treize pour cent des parents qui s'étaient inscrits immédiatement au cours sont revenus devant les tribunaux; on peut toutefois soutenir que ces parents sont sans doute ceux qui ont le mieux collaboré et qui se souciaient le plus de leurs enfants (Arbuthnot et al., 1996).

Une autre étude réalisée en Ohio par les mêmes chercheurs a révélé que les parents qui avaient suivi un programme obligatoire d'éducation parentale avaient présenté en moyenne 1,6 requête aux tribunaux, alors que les parents vivant une situation semblable qui avaient divorcé ou qui s'étaient séparés à l'intérieur moins d'un an avant le programme avaient introduit en moyenne 3,7 instances.  Cependant, plus la période entre la présentation d'une demande de divorce et la participation au programme était longue, plus les parents étaient susceptibles d'introduire une nouvelle instance par rapport au droit de visite (Arbuthnot et al., 1996).  Selon les deux études, le niveau d'instruction des parents n'avait aucune incidence sur leur tendance à présenter une nouvelle requête aux tribunaux.

En résumé, les programmes d'éducation parentale semblent avoir certains effets à long terme sur l'attitude et la compréhension des parents et, sans doute pour cette raison, sur leur propension à introduire une instance par rapport à leurs litiges.  Par contre, on possède peu d'indications au sujet de l'incidence directe de ces programmes sur le comportement des parents.  On n'a étudié qu'un nombre limité de comportements.

3.2 RÈGLEMENT

Dans les différentes administrations, la plupart des tribunaux du droit de la famille offrent des programmes dont l'objectif est de régler les litiges avant l'étape du jugement définitif.  Il s'agit habituellement de mécanismes extrajudiciaires de règlement des différends, ordinairement des services de counselling, de médiation et/ou d'arbitrage offerts aux parents qui vivent toutes sortes de litiges entourant le droit de visite : établissement d'ententes relatives au droit de visite, révision des ententes (modification des ordonnances) et mise en application de ces dernières.  Ces programmes servent donc à la fois à prévenir les litiges se rattachant à la mise en application du droit de visite (dans la mesure où ils aident les parents à en venir à une entente durable qui est mutuellement acceptable) et à y apporter des solutions fondées sur des méthodes extrajudiciaires de règlement.

Malheureusement, la majorité des recherches effectuées par rapport à ces programmes portent simultanément sur toutes sortes de litiges liés aux droits de visite et de garde.  Il est donc difficile d'établir avec précision si les programmes de règlement extrajudiciaire des différends sont aussi efficaces, plus efficaces ou moins efficaces pour régler les litiges autres que la mise en application du droit de visite.  La plupart des résultats figurant ci-dessous s'appliquent à tous les types de litige concernant le droit de visite, y compris les litiges relatifs au droit de garde.

Counselling

De nombreuses administrations se servent du counselling comme principale stratégie pour régler les affaires avant qu'elles ne se rendent trop loin dans le processus judiciaire.  Les modèles de counselling varient énormément et certains d'entre eux peuvent chevaucher des modèles de médiation, mais dans l'ensemble, ils sont d'abord et avant tout des services « polyvalents » qui fournissent des renseignements sur les solutions et options juridiques en vue de régler les litiges, qui aident les parents à prendre eux-mêmes leurs propres décisions et qui permettent aux clients de résoudre leurs désaccords (ALRC, 1997).  Contrairement à la médiation, ces services ne sont pas axés d'abord sur l'adoption d'une entente (Nicholson, 1994).

Le tribunal de la famille de l'Australie s'appuie fortement sur le counselling afin de régler les différends en matière de droit de visite avant l'audience judiciaire finale.  Comme on l'a mentionné à la section 2.1, environ soixante-quinze pour cent des litiges relevant du droit de la famille sont réglés par counselling, et le pourcentage pourrait être aussi élevé pour ce qui est des litiges relatifs à la violation du droit de visite (quinze pour cent de ces litiges atteignent l'étape du jugement définitif).

Comme on l'a souligné à la section 2.1, les enquêtes effectuées sur les services de counselling ont révélé que la plupart des participants étaient parvenus à une entente, mais que ce résultat était un peu moins fréquent quand le counselling avait été imposé et quand il y avait des allégations de mauvais traitements des enfants ou de violence familiale.  Les enquêtes périodiques demandées par les tribunaux ont également démontré que les participants s'étaient montrés très satisfaits du service en général (Gibson et al., 1996).  Le counselling s'avère moins efficace si les participants y ont recours après avoir présenté une requête aux tribunaux (taux de réussite de soixante pour cent), ce qui laisse supposer qu'il est susceptible d'être fructueux s'il débute avant l'introduction d'une instance.

Par exemple, une étude néo-zélandaise a révélé que le taux de réussite du counselling dans les différends concernant les droits de garde et de visite et la violence familiale était de soixante-neuf pour cent dans les cas où les participants y ont eu recours avant de présenter une requête aux tribunaux, mais que ce taux baissait à trente-neuf pour cent dans les cas où les participants avaient entrepris les séances de counselling après avoir introduit une instance (Brown, 1997c).

Des enquêtes périodiques commandées par les tribunaux ont également démontré que les participants s'étaient montrés très satisfaits du service en général (Gibson et al., 1996).  Toutefois, certaines données indiquent que les ententes conclues dans ce contexte ne durent pas nécessairement.  Par exemple, selon l'enquête des tribunaux effectuée en 1996 par rapport au niveau de satisfaction, seulement vingt-neuf pour cent des bénéficiaires du service ont convenu qu'ils pourraient dorénavant régler leurs différends parentaux sans recourir à de l'aide extérieure (ALRC, 1997).

On a aussi constaté que le counselling ne s'avère pas efficace dans les affaires épineuses, comme on l'a vu à la section 2.1.  Selon l'étude effectuée par le FLC, le counselling n'a pas semblé changé les choses dans les affaires de mise en application du droit de visite qui en étaient rendues à l'audience finale (FLC, 1998a).  De plus, l'étude réalisée par l'ALRC sur les « affaires complexes » inscrites au greffe de Parramatta a permis de constater que ces affaires monopolisaient une bonne partie des ressources en counselling du greffe, sans résultat (ALRC, 1995).  Néanmoins, le FLC a conclu dans son rapport que le counselling pouvait s'avérer d'une certaine aide dans les affaires atteignant l'étape de l'audience finale, en clarifiant les points litigieux.

Le directeur principal de l'Australian Court Counselling System soutient que les affaires complexes nécessitent un éventail de stratégies différentes, selon l'affaire (Brown, 1997c).  Ces stratégies incluent la mise en place de plans d'intervention cliniques faisant intervenir plus d'un conseiller ou médiateur et, éventuellement, des membres de la famille élargie (voir la section sur la médiation des impasses ci-dessous).  La détection précoce et la déjudiciarisation rapide des affaires susceptibles d'être complexes sont aussi fondamentales pour éviter les recours judiciaires interminables.  Néanmoins, l'évaluation du droit de garde, si elle est ordonnée tôt dans le processus judiciaire, peut intensifier le différend en incitant les parties à se concentrer sur le litige lui-même plutôt que sur son règlement.

L'un des problèmes auxquels font face les administrations qui offrent plus d'un programme d'aide axé sur le règlement des différends réside dans l'aiguillage des différents clients, ou, dans les administrations comme l'Australie où tous les services sont facultatifs, dans la prestation d'un mécanisme permettant aux clients de faire le meilleur choix.

Au milieu des années 90, le tribunal de la famille de l'Australie a expérimenté à Parramatta un régime intégré de services, que le gouvernement prévoit mettre en œuvre dans l'ensemble du pays.  On a procédé à une évaluation du projet en 1999.  Celui-ci met à la disposition des clients un bureau de sélection unique ainsi qu'une équipe multidisciplinaire de fournisseurs de services chargés d'évaluer leurs besoins en matière de règlement des différends et de les diriger vers les services internes et externes compétents (ALRC, 1997).

Les conseillers en Australie dépistent les cas de violence familiale ou de mauvais traitements, et, tout comme les médiateurs, ils reçoivent une formation spéciale sur l'établissement de ces affaires et sur la prise de mesures à leur égard (ALRC, 1995).  Conformément aux lignes directrices des tribunaux, les parents peuvent avoir recours à des séances de counselling à part s'ils ont peur de la violence.  Cependant, selon des propos recueillis dans le cadre d'une étude réalisée par la ALRC, bien avant 1995, les conseillers obligeaient souvent les femmes à suivre les séances communes de counselling sans tenir compte de leurs objections (ALRC, 1994).

Médiation

Les programmes de médiation diffèrent principalement des programmes de counselling par l'importance qu'ils accordent à la conclusion d'une entente (même si certains programmes de médiation volontaires ressemblent à certains programmes de counselling).  Les programmes varient énormément l'un de l'autre; par exemple, ils peuvent être volontaires ou obligatoires (ordonnés par les tribunaux), les résultats qui en découlent peuvent être confidentiels ou rendus publics, les médiateurs peuvent être ou non des avocats, et les programmes peuvent dépister ou non les affaires de violence et de mauvais traitements, et les traiter séparément ou non.  On croit que ces facteurs et bien d'autres influencent grandement la probabilité que la médiation débouche sur des ententes de coopération raisonnables qui s'avèrent efficaces et durables.

Les tribunaux canadiens ont de plus en plus recours à la médiation pour régler les litiges en matière de droit de visite, et la médiation est répandue aux États-Unis; on estime qu'environ 205 programmes de médiation y sont offerts.  Un peu plus du tiers de ces programmes sont strictement obligatoires, un autre tiers sont offerts sur une base obligatoire et volontaire, et les autres ne s'adressent qu'aux volontaires (Thoennes et al., 1995).

La plupart des recherches démontrent que la médiation tant obligatoire que volontaire débouche sur une entente dans une proportion raisonnablement élevée des cas.  L'évaluation d'un programme pilote de médiation volontaire mis sur pied à Melbourne, en Australie, en 1992-1993 a révélé qu'environ soixante-quinze pour cent des clients qui avaient suivi le programme au complet avaient conclu un règlement complet par la médiation (Nicholson, 1994).  Environ dix-huit pour cent des clients ont abandonné le programme avant de l'avoir terminé.  Dans la plupart des affaires, il y avait plus d'un problème à résoudre et, dans treize pour cent d'entre elles, les désaccords visaient uniquement les enfants.  Un pourcentage élevé de ces affaires se caractérisaient par une relation très conflictuelle entre les parents et de graves problèmes, y compris une séparation non réglée, un passé violent ou un comportement menaçant, ou bien des problèmes antérieurs importants liés aux drogues ou à l'alcool.  L'étude a quand même permis de conclure que, tout comme dans le cas du counselling, les couples étaient moins susceptibles d'en venir à une entente s'ils avaient déjà introduit une instance devant les tribunaux (ALRC, 1997)[19].

Une autre étude descriptive exhaustive portant sur le programme de médiation obligatoire de l'État de la Californie a révélé que cinquante-cinq pour cent des familles en étaient venues à une entente pendant les deux semaines qu'avait duré l'étude en 1991, et que plus de vingt-cinq pour cent des autres couples devaient suivre d'autres séances de médiation (Depner et al., 1995).  Environ vingt pour cent de ces affaires soumises à la médiation étaient caractérisées par l'incapacité d'un des parents de se conformer aux ententes parentales (Depner et al., 1992), quoique la plupart englobaient également plusieurs autres problèmes[20].  Quatre-vingt pour cent des séances de médiation ont traité de problèmes assez complexes, incluant, en plus des relations très conflictuelles, des cas de violence à l'égard de l'enfant et du conjoint ainsi que des problèmes fréquents de consommation abusive d'alcool et d'autres drogues.

Comme on n'a comparé les résultats du programme obligatoire californien, qui existe depuis vingt ans, à ceux d'aucun groupe témoin de parents vivant une situation semblable, il est difficile de déterminer combien d'ententes du genre auraient pu être conclues sans médiation.  Le taux de réussite relatif aux ententes des programmes australiens de médiation est comparable à celui des programmes de counselling, mais les programmes de médiation volontaire semblent attirer une clientèle différente.  Par exemple, en Louisiane, on estime qu'environ 85 à 90 p. 100 des parents qui ont un différend en raison du divorce et qui suivent un programme de médiation volontaire finissent par s'entendre (Pappas, 1993).  Quoi qu'il en soit, on ne sait pas exactement à quel point la médiation est efficace pour assurer l'adoption d'une entente durable dans les cas qui auraient autrement dû être tranchés par un tribunal..

Les participants aux séances de médiation ont tendance à leur attribuer une cote d'appréciation élevée.  Par exemple, 80 à 97 p. 100 des clients qui ont pris part au projet de Melbourne se sont dits très satisfaits, entre autres, des compétences et de l'empathie de leur médiateur ainsi que de l'équité de l'entente conclue.  Une étude des services d'aide juridique et des services aux familles a révélé que les clients qui avaient suivi le même type de programme à Sydney avaient démontré un niveau de satisfaction semblable (Brown, 1997b).

Un peu plus de soixante-quinze pour cent des quelque 1 400 familles qui ont participé à l'étude californienne (Depner et al., 1995) se sont dits satisfaites des résultats découlant de la médiation (succès ou échec) et 90 p. 100 d'entre eux ont convenu que celle-ci représentait une étape valable dans l'élaboration d'un plan pour l'éducation des enfants (Depner et al., 1992).  Plus de 80 p. 100 de ces parents étaient d'avis que l'entente qu'ils avaient conclue était bonne pour leurs enfants, la même proportion, que leur entente était équitable, et tout près de soixante-dix pour cent, que cette entente fonctionnerait (Depner et al., 1992).

Une étude récente réalisée par le National Center for State Courts, un organisme américain, a comparé la médiation à des services plus classiques d'évaluation relative à la garde.  Elle a permis de constater que les parents croyaient que la médiation était plus juste, qu'elle les contraignait moins à conclure des ententes insatisfaisantes, et qu'elle favorisait l'adoption d'ententes plus satisfaisantes et garantissait aux parties une plus grande maîtrise des décisions que le processus judiciaire antagoniste classique (Thoennes et al., 1995).

Les résultats de ces études semblent confirmer ceux d'études antérieures qui ont démontré que la médiation habilitait les parties, leur permettait d'exprimer les sujets de récrimination qui faisaient rarement l'objet d'une étude en instance, les aidait à se concentrer sur les besoins de leurs enfants et entraînait des ententes qui étaient plus satisfaisantes, plus équitables et plus acceptables au fil du temps (Newmark et al., 1995).  Ces études, américaines pour la plupart, ont comparé la médiation à l'introduction d'instances devant les tribunaux ou aux évaluations approfondies de familles, mais on ignore quelle proportion des couples préféreraient la médiation au counselling ou à recours peu coûteux devant une Magistrates Court.  On ne sait pas non plus si ces couples seraient susceptibles d'en arriver à une entente viable et durable sans avoir recours à la médiation.

On ne sait pas combien de couples qui en viennent à une entente grâce à la médiation retournent devant les tribunaux.  L'étude pan-californiennene précise même pas combien de parents se conforment aux ententes.  Une étude de moindre envergure sur la médiation, réalisée dans un comté californien en 1988-1989, a révélé que les parents parvenaient à une entente relativement aux ordonnances attributives de droit de garde et aux ordonnances sur l'éducation des enfants dans la majorité des cas (soixante-quinze pour cent des familles en viennent à une entente complète ou partielle), mais les répondants étaient ambivalents face à cette entente.  Le niveau de satisfaction des parents par rapport à leur entente (par opposition au processus de médiation) et leurs sentiments quant à savoir si cette entente « servait l'intérêt supérieur de tout le monde » étaient équivoques.  Les répondants ont dit ne pas avoir confiance en la volonté de leur conjoint ou conjointe de s'en tenir à l'entente (Duryee, 1992).  La durabilité de bon nombre de ces ententes semblait douteuse.

Cependant, un suivi effectué auprès des participants au programme de Melbourne après un délai de six mois a révélé que 86 p. 100 d'entre eux respectaient toujours leur entente (Nicholson, 1994).  Par contre, il y a eu des différences importantes quant aux types de famille qui ont pris part aux programmes de Melbourne et de la Californie, et ces différences expliquent peut-être la durabilité des ententes de Melbourne.  Les participants au programme volontaire de Melbourne avaient en général un niveau d'instruction et un revenu supérieurs à la moyenne, et ils avaient tendance à avoir recours à la médiation, du moins en partie, pour éviter les frais élevés qu'occasionne l'introduction d'une instance (Nicholson, 1994).  Les parents qui ont pris part au programme californien, quant à eux, étaient nombreux à avoir un niveau d'instruction et un revenu inférieurs à la moyenne, et ils ressemblaient davantage du point de vue socio-économique aux familles qui avaient eu recours aux services de counselling offerts dans tous les tribunaux australiens (Depner et al., 1992).  La principale solution de rechange à la médiation obligatoire en Californie est une bataille juridique coûteuse, dans un contexte qui offre très peu d'aide juridique.

Co-médiation et stage en médiation au Manitoba

Ce projet pilote manitobain a été lancé au début de 1999.  Il offre des services complets de co-médiation (pour les problèmes liés aux droits de garde et de visite, aux pensions alimentaires et aux biens) aux parents qui se séparent ou qui divorcent, ainsi qu'un programme de formation aux avocats du tribunal de la famille et aux spécialistes en médiation familiale (MacKenzie, 1999).  Les services de médiation englobent de cinq à huit séances d'une durée d'une heure et demie chacune, qui sont dirigées conjointement par des avocats et des spécialistes des questions familiales.  On a offert à quelque 150 personnes de participer volontairement au programme pendant la période d'avril à novembre 1999.  La grande majorité d'entre elles avaient recours aux services de counselling familial, étaient inscrits au programme provincial d'éducation des enfants ou consultaient des avocats.  Cependant, le tiers des participants n'a pas donné suite à cette offre.  Une poignée de participants y ont été adressés par les tribunaux.  On a éliminé les affaires mettant en cause la violence, les mauvais traitements ou tout déséquilibre évident sur le plan du pouvoir de négociation, mais lors de l'admission, trois couples ont indiqué qu'ils étaient visés par une ordonnance de non-communication.  L'évaluateur n'a trouvé aucune indication selon laquelle les responsables du programme avaient choisi des participants inappropriés, ou que des participants étaient réticents.

Presque tous les parents étaient séparés (un seul cas de divorce) et la plupart l'étaient depuis moins de six mois.  La grande majorité n'avaient pas encore d'entente en matière de droit de garde.  La plupart des enfants vivaient avec leur mère et ils passaient en moyenne cinq jours par mois avec leur parent non gardien.  En général, les participants avaient un niveau d'instruction plus élevé que ceux inscrits à un programme obligatoire d'éducation des parents offert par le Manitoba, et la plupart avaient un revenu élevé (quoique tout près de 90 p. 100 d'entre eux aient vu leur revenu diminuer après la séparation).  Les parents étaient susceptibles d'éprouver des problèmes en relation avec les pensions alimentaires pour enfants et pour époux, mais le droit de visite s'est également avéré un problème pour presque la moitié de ceux qui avaient retenu les services d'un avocat.

La plupart des participants ont aussi soutenu qu'ils vivaient une relation très conflictuelle avec leur ex-conjoint, comme cela avait été le cas pendant le mariage, mais le sens du terme « relation très conflictuelle » était laissé à leur discrétion.  Une proportion de quarante à soixante pour cent d'entre eux étaient d'avis que la communication entre eux et leur conjoint était médiocre, que leur conjoint n'était ni de bonne foi ni souple et qu'il profitait d'eux, et qu'ils ne pouvaient régler les problèmes avec lui sans avoir à déterrer le passé.  Toutefois, seulement trente pour cent des participants ont dit se sentir harcelés par leur conjoint.  Ils ont affirmé que les problèmes survenant au moment de prendre ou de ramener les enfants étaient « rares » ou « occasionnels ».  La plupart des répondants étaient d'avis que leurs enfants se trouvaient « rarement » coincés dans leurs différends et ont soutenu qu'ils s'étaient bien adaptés à la séparation ou qu'ils l'avaient fait de façon adéquate.  En général, les participants ont déclaré qu'ils étaient d'un plus grand soutien et faisaient preuve d'une plus grande souplesse en matière de visites que ne le croyait leur conjoint.

En novembre 1999, vingt des trente dossiers classés avaient débouché sur la conclusion d'une entente complète et cinq sur la conclusion d'une entente partielle.  Environ vingt-trois des quelque cent dossiers en cours étaient ouverts et dix-neuf figuraient sur la liste d'attente.  Quelques autres participants s'étaient réconciliés ou étaient parvenus à une entente avant la médiation.

Les résultats intérimaires confirment le point de vue, courant dans les recherches, selon lequel la médiation est efficace pour les familles qui ont des litiges importants, mais non extrêmes ou bien enracinés, particulièrement si elles y ont recours avant que les hostilités d'après la séparation ne s'accentuent.  Une question clé consiste à savoir combien de ces couples en seraient venus à une entente de toute manière, en évitant les tribunaux.  En l'absence d'une réponse à cette question, les résultats de cette étude ne sont pas concluants.

Critiques formulées contre la médiation

Les programmes de médiation normalisés font souvent l'objet de critiques parce qu'ils ne garantissent pas que l'entente est véritable et équitable.  Les critiques soutiennent que les programmes de médiation qui ne sont pas assortis de mesures précises de protection contre l'inégalité des pouvoirs de négociation risquent de donner lieu à des ententes faussées par cette inégalité.  Ils attribuent ce risque aux faits que la médiation est régie par moins de règlements et de procédures, que les parties traitent en généralement directement et que le niveau de formation et les compétences des médiateurs varient.

On déplore également le fait que les femmes battues sont particulièrement vulnérables à l'inégalité des pouvoirs de négociation parce qu'elles doivent habituellement faire face à leur agresseur et négocier avec lui.  Il ne s'agit pas d'un problème mineur.  La violence familiale était en cause dans près des deux tiers des familles qui ont fait l'objet de l'étude californienne, et, dans vingt pour cent de ces cas, il s'agissait du seul problème qui ait été soulevé (ces cas n'étaient toutefois pas tous caractérisés par un problème courant de violence).  Pour ce qui est du reste des familles, la violence familiale faisait généralement partie d'une série de problèmes qui pouvaient englober la consommation abusive d'alcool et d'autres drogues (le tiers de toutes les familles), la négligence à l'égard d'un enfant (le tiers de toutes les familles) ou la violence à l'égard de l'enfant (dix-huit pour cent de toutes les familles) (Depner et al., 1995).  Au moins seize États américains ont réagi à cette situation en légiférant dans le but d'exempter les femmes battues de la médiation (Thoennes et al., 1995).  Dans le cadre d'un projet pilote mis sur pied en Alaska, après avoir dispensé de la médiation les femmes faisant ou ayant fait l'objet d'agressions, on a constaté qu'on avait écarté soixante pour cent des utilisateurs éventuels (Thoennes et al., 1995).

Une étude des programmes de médiation (volontaires et obligatoires) des États-Unis a révélé que vingt pour cent des programmes (dont la très grande majorité étaient administrés par les tribunaux) ne procèdent à aucun triage relatif à la violence familiale.  De plus, seulement la moitié des programmes englobent une vérification effectuée de manière directe et privée auprès de chaque parent en vue de détecter un problème de violence familiale, alors que trente pour cent comprennent une vérification des antécédents ou des questions relatives à la violence familiale posées en présence des deux parties (Thoennes et al., 1995).  Il n'y avait pas de différences importantes entre les programmes de médiation obligatoires et ceux qui sont volontaires.

Il semble également y avoir de grandes divergences sur le plan de la formation qu'ont reçue les médiateurs.  Les médiateurs de soixante-dix pour cent des programmes suivent une certaine formation en rapport avec la violence familiale.  Les médiateurs qui n'ont aucune formation sont plus susceptibles que ceux qui en ont reçu une de ne changer en rien leurs méthodes si un problème de violence familiale est soulevé au cours de la médiation.  De façon générale, dans six pour cent des programmes, les médiateurs ne changent jamais leurs méthodes dans les cas où il y a eu violence familiale, alors que dans vingt-trois pour cent, ils les changent toujours.  Dans seulement deux pour cent des programmes, on a toujours recours à des séances privées et séparées dans de tels cas.

L'étude a également révélé que la plupart des programmes écartent moins de cinq pour cent des affaires de violence conjugale, et qu'environ 85 p. 100 d'entre eux en écartaient moins de quinze pour cent.  Ce sont les programmes strictement volontaires qui entraînent l'élimination du moins d'affaires, ce qui laisse supposer que les parents ayant des problèmes de violence décident, pour une raison ou pour une autre, de ne pas recourir à la médiation.  Les taux de disqualification sont les plus élevés dans les cas où la législation ou une décision judiciaire la permettent expressément et fixent les critères à appliquer (Thoennes et al., 1995).  Certains programmes ne permettent pas aux parents aux prises avec des cas de violence familiale de refuser la médiation.

Malgré tout, de manière générale, de nombreux parents touchés par des problèmes de violence familiale et qui participent à un programme de médiation choisissent de le poursuivre même s'ils peuvent s'en retirer.  Bon nombre des femmes exclues du projet de l'Alaska se sont opposées à la politique d'exclusion, estimant que ses avantages l'emportaient sur ses risques (Thoennes et al., 1995).  Par contre, d'autres femmes impliquées dans des affaires de violence familiale s'offusquent d'être tenues de suivre un programme de médiation (Newmark et al., 1995).

Les auteurs de l'enquête nationale américaine ont spéculé que les femmes décidaient de ne pas se retirer du programme soit parce qu'elles avaient subissaient des pressions de leur conjoint brutal, soit parce qu'elles reconnaissaient que les avantages surpassaient les risques soit parce qu'elles étaient d'avis que la médiation restait préférable aux autres solutions, qui sont plus coûteuses et qui ne leur offrent pas nécessairement plus de pouvoir (Thoennes et al., 1995).

Une étude a été effectuée récemment en Nouvelle-Écosse auprès de trente-quatre femmes qui avaient participé à un programme de médiation ou de conciliation privé ou offert par les tribunaux après avoir mis fin à une relation où sévissait la violence familiale.  La plupart de ces femmes ont soutenu qu'elles s'étaient senties contraintes par leur conjoint ou par le système judiciaire à se soumettre à la médiation, et, pendant celle-ci, qu'elles avaient eu l'impression que le médiateur faisait peu de cas d'elles, qu'il ignorait l'existence des problèmes de violence familiale ou qu'il avait permis à leur conjoint de les intimider.  Seulement deux des trente-quatre femmes ont recommandé la médiation; ces femmes ont affirmé qu'elle les avait aidées à enseigner les responsabilités parentales de base à leur conjoint ou qu'elle avait débouché sur une entente satisfaisante (Transition House Association of Nova Scotia, 2000).

Par contre, une étude australienne a révélé que 84 p. 100 des femmes australiennes qui avaient participé à des séances de counselling volontaire et dont la relation était caractérisée par la violence familiale se sont dites satisfaites des services reçus (Davies et al., 1995).  Les deux études ont peut-être reflété des différences sur le plan du type de service offert; à titre d'exemple, en Australie, les services de counselling sont moins axés sur l'adoption d'une entente que les programmes de médiation courants.

Les conclusions de l'étude néo-écossaise selon lesquelles les médiateurs peuvent saper la médiation en faisant pression sur les clientes ou en les intimidant sont étayées par celles d'une étude britannique sur les audiences préliminaires au cours desquelles les couples sont dirigés vers la médiation, conformément aux procédures en matière de droit de la famille du Royaume-Uni.  Lors des audiences, le chercheur a constaté que certains présidents d'audience contraignaient presque les parents à suivre un programme de médiation, en prétendant qu'il n'y avait aucune autre solution (alors qu'il y en a), ou qu'ils incitaient avec acharnement les parties à s'entendre sur-le-champ.  Dans l'une de ces affaires, le père, qui avait tenté d'étrangler la mère, le printemps précédent, a pu haranguer celle-ci et la menacer à plusieurs reprises en se mettant l'index sur la gorge (Pappas, 1993).  Le chercheur a conclu qu'on pouvait soutenir que la moitié des « ententes » conclues au cours des douze semaines qu'a duré l'étude étaient inadéquates (Pappas, 1993).

Si elle se déroule sous la menace d'une pénalité stricte qui laisse peu de marge de manœuvre à l'une des parties, il semble plausible que la médiation sert en fait à faire pression sur la partie récalcitrante pour qu'elle se conforme (peu importe si elle dispose ou non de motifs valables pour présenter une telle réticence).  Dans ces contextes, la médiation est un outil de mise en application plutôt que de règlement d'un différend.

Médiation axée sur l'impasse

Le modèle de médiation axée sur l'impasse a été élaboré aux États-Unis; il vise les différends difficiles et complexes qui surviennent après la séparation et qui font en sorte que les couples éprouvent de la difficulté à se sortir de leur divorce.  La médiation consiste en une série de séances intensive de dix semaines incluant thérapie et counselling et concernant toute la famille.  En évaluant le modèle, ses concepteurs ont constaté que tout près de 83 p. 100 des couples en étaient venus à une entente dans un premier temps et qu'après une période de six mois, soixante-dix pour cent d'entre eux y étaient toujours fidèles.  Après une période de deux à trois ans, quarante-quatre pour cent des familles se conformaient encore à leur entente et seize pour cent l'avait renégociée en se fondant sur le plan original.  Trente-six pour cent des couples étaient retournés devant les tribunaux; la moitié d'entre eux avaient fait appel à un médiateur, alors que l'autre moitié s'étaient présentés devant un juge après que les autres séances de médiation obligatoire eurent échoué.  De ce nombre, vingt-trois pour cent étaient retournés plus d'une fois devant les tribunaux (y compris ceux que la médiation axée sur l'impasse n'avait pas réussi à aider).  On a également noté une diminution marquée de l'hostilité et des litiges chez les couples qui avaient bénéficié de la médiation.  Il n'y a toutefois pas eu d'amélioration dans les taux d'adaptation des enfants (ALRC, 1995).

Le tribunal de la famille de l'Australie a mis à l'essai un petit projet de médiation axée sur l'impasse à Brisbane, auquel ont participé treize parents et six enfants.  Les adultes concernés étaient quatre couples et cinq personnes célibataires.  Un des couples a établi une entente écrite afin de régler ses différends, trois célibataires ont résolu leurs problèmes au complet et ont soit retiré leur poursuite ou n'en ont pas intenté, quatre autres ont réglé partiellement leurs difficultés et deux couples ont poursuivi leur litige (ALRC, 1995).

Une fois le projet pilote terminé, le directeur principal du service de counselling du tribunal de la famille a soutenu que le modèle de médiation axée sur l'impasse s'avérait la meilleure approche pour les affaires difficiles en relation avec le contact (droit de visite) (ALRC, 1995).  Ce modèle est également moins coûteux que les audiences, mais il l'est davantage que la médiation ordinaire.  Toutefois, des critiques considèrent que la médiation axée sur l'impasse n'est d'aucune aide dans les affaires où un individu souffre d'un dysfonctionnement de la personnalité et quand il est impossible de réunir tous les membres de la famille (ALRC, 1995).  Ils soutiennent également que cette méthode écarte les problèmes de violence à l'égard desquels des mesures devraient être prises.

L'Australian Law Reform Commission ne rejette pas la médiation axée sur l'impasse, mais elle se demande dans quelle mesure elle détourne des tribunaux des affaires qui se seraient rendues jusqu'en audience finale.  La Commission se demande aussi si le fait d'avoir sur place un arbitre de différend ou un greffier qui serait chargé de prodiguer des conseils juridiques et de faciliter le processus décisionnel serait plus efficace (ALRC, 1995).

Intervention intensive à court terme de l'Ontario

En Ontario, le Bureau provincial de l'avocat des enfants et l'Institut psychiatrique Clarke ont mis sur pied un programme d'intervention intensive, qu'ils ont spécialement conçu pour les parents ayant des litiges en rapport avec le refus de visite ou la violation du droit de visite (Birnbaum et Radovanovic, 1999).  Les affaires de violence ou de mauvais traitements ne sont pas admissibles au programme.  D'une durée de dix heures, celui-ci remplace la classique évaluation globale de vingt-deux heures, qui est parfois ordonnée dans les affaires difficiles.  Dans la mesure du possible, on rencontre les parents ensemble ou en compagnie de l'enfant tôt au cours du processus d'intervention, après quoi on procède à des entrevues parent-enfant.

Une évaluation de suivi effectuée auprès de quarante parents a révélé qu'environ quarante-cinq pour cent d'entre eux avaient encore des différends relativement au droit de visite.  Trente pour cent des parents ont soutenu que la collaboration entre eux et leur conjoint après la brève intervention variait de médiocre à très médiocre, et cinquante-cinq pour cent de tous les répondants ont affirmé que l'intervention n'avait pas contribué à améliorer la communication entre eux et leur conjoint.  Cependant, trente-cinq pour cent des parents ont indiqué que leurs arrangements de visite avaient été conclus avec l'aide des cliniciens et soixante-trois pour cent ont déclaré que les suggestions des évaluateurs avaient été prises en compte dans les motions déposées au sujet de leurs litiges peu de temps après l'intervention.  Ces taux de règlement semblent plus élevés que ceux qui sont normalement atteints dans le cadre de l'évaluation habituelle (Birnbaum et Radovanovic, 1999).

Protonotaires spéciaux en rapport avec la médiation et l'arbitrage

Certains tribunaux californiens ont recours au programme de protonotaires spéciaux pour régler les affaires où la médiation ne s'est pas avérée fructueuse et pour les empêcher de se rendre jusqu'à l'audience finale.  Les protonotaires spéciaux doivent être des professionnels en santé mentale, des médiateurs ou des avocats en droit de la famille.  Ces personnes peuvent rendre des décisions exécutoires en ce qui concerne les litiges touchant le droit de visite, et elles peuvent également intervenir dans le processus décisionnel des parents si cette question est contestée, mais elles ne peuvent modifier les ordonnances fondamentales attributives de droit de visite ou de garde.

Après avoir étudié le recours éventuel à des protonotaires spéciaux afin d'assurer l'arbitrage efficace des affaires complexes dont le processus judiciaire est déjà bien engagé, l'Australian Law Reform Commission a indiqué que l'on pourrait en nommer comme complément du programme de médiation axée sur l'impasse afin de trancher les « questions mineures, mais néanmoins déstabilisatrices » (ALRC, 1995).

3.3  MISE EN APPLICATION DU DROIT DE VISITE

Certaines administrations ont mis sur pied des programmes d'aide et de surveillance en matière de mise en application qui visent à exécuter les jugements relatifs au droit de visite dans les cas de violation ou de risque de violation, ou à rendre la visite possible dans les cas où celle-ci aurait autrement été interdite par les tribunaux.  Tout comme le programme californien de protonotaires spéciaux et les programmes de médiation axée sur l'impasse, ces programmes concernent généralement les affaires complexes que le counselling ou la médiation n'ont pas permis de régler, et qui ont tendance à être plus litigieuses.

Médiation et arbitrage : services accélérés de visite de l'Arizona

Le service accéléré de visite établi dans le comté Maricopa, en Arizona, assure la mise en application du droit de visite dans les cas où il y a eu violation des ordonnances attributives de droit de visite.  Les agents de conférence (protonotaires spéciaux) rencontrent les parties dans un délai de sept jours après qu'un parent (généralement celui n'ayant pas la garde) a porté plainte pour violation, ou après que les tribunaux aient renvoyé le litige vers le programme.  L'agent de conférence tente une médiation et, à la fin de la conférence, il formule des recommandations publiques aux tribunaux; ces recommandations peuvent comprendre n'importe quelle entente conclue par les parties.  Il peut confirmer l'ordonnance en vigueur, la modifier ou la préciser, ou encore recommander d'autres services, comme la visite ou les transferts supervisés (Pearson et Anhalt, 1994; Lee et al., 1995).

Comme le seul motif valide de refus de visite en Arizona est la menace de méfait à l'égard d'un enfant, la conférence débouche généralement sur l'octroi d'un type quelconque de droit de visite.  On surveille l'exercice de ce droit pendant une période de six mois afin d'en vérifier le respect, ce qu'on fait au moyen d'appels téléphoniques mensuels ou par courrier.  Le responsable de la surveillance ou les parents peuvent demander à ce qu'il y ait une autre conférence avec les protonotaires spéciaux au cours de la période de six mois, et, si aucun progrès n'a été réalisé dans le respect de l'ordonnance, les protonotaires spéciaux peuvent exiger une audience devant un juge (Lee et al., 1995).

Une évaluation du programme a révélé que les visites avaient été surveillées par téléphone ou par courrier uniquement dans environ cinquante-cinq pour cent des cas, par ce moyen plus des transferts supervisés dans dix-sept pour cent des cas et par le même moyen plus des visites supervisées dans treize pour cent des cas (Pearson et Anhalt, 1994)[21].  Vingt-cinq pour cent des affaires ont été renvoyées à d'autres services.  Les conférences ont entraîné le plus souvent la spécification des ordonnances attributives de droit de visite, dont la plupart étaient caractérisées par un « droit de visite raisonnable » (Pearson et Anhalt, 1994).  Les peines à caractère punitif ont été rares, tout comme les changements en matière de droit de garde ordonnés par les tribunaux.

L'étude a permis de constater que près des deux tiers des affaires soumises dans le cadre du programme avaient été précédées d'autres litiges, près de deux en moyenne, et que le tiers avaient été précédées d'un litige touchant les pensions alimentaires pour enfants peu de temps avant le dépôt d'une requête en retrait du droit de visite (Pearson et Anhalt, 1994).  Près de soixante pour cent des parents non gardiens devaient des arriérés de pensions alimentaires pour enfants.  Les parents non gardiens se sont surtout plaints du fait que le droit de visite leur avait été refusé et qu'ils n'avaient pu bénéficier d'un temps de compensation pour absences légitimes.  Les parents gardiens se sont surtout plaints, quant à eux, du fait que les parents non gardiens avaient omis d'exercer leur droit de visite en ne se présentant pas du tout ou en annulant la visite sans avis préalable (Pearson et Anhalt, 1994).  Environ quarante pour cent des dossiers incluaient des allégations de consommation abusive d'alcool et d'autres drogues, de violence conjugale ou de mauvais traitements à l'égard des enfants, mais ces allégations ne semblent pas avoir suscité l'imposition de mesures spéciales.  La grande majorité des parents gardiens étaient des mères.  Les pères n'ayant pas la garde bénéficiaient rarement d'un droit de visite excédant le tiers du temps de garde total.

Selon l'étude, le programme ne semble pas avoir entraîné une augmentation dans la fréquence des visites.  Après y avoir participé, certains parents voyaient leurs enfants plus souvent qu'auparavant, mais la moitié des parents qui rendaient régulièrement visite à leurs enfants les voyaient moins souvent.  La plupart de ces derniers devaient des arriérés de pensions alimentaires pour enfants (Pearson et Anhalt, 1994).  Le taux de nouveaux litiges en relation avec le droit de visite semble avoir diminué, mais il n'y a eu aucune réduction sur le plan des litiges entourant les pensions alimentaires pour enfants.  Toutefois, environ la moitié des mères et des pères ont continué d'éprouver des problèmes de visite après leur participation au programme, et le tiers ont soutenu qu'aucune solution n'avait été trouvée.  Les pères non-gardiens qui continuaient d'éprouver des problèmes étaient surtout insatisfaits du temps de visite, alors que les mères gardiennes étaient surtout insatisfaites des pensions alimentaires pour enfants, de la fréquence des visites du père et du droit de visite initial accordé à celui-ci.

Chez les parents étant parvenus à régler leur différend - on estime qu'ils représentaient environ vingt-cinq pour cent des participants -, les visites étaient plus fréquentes, et le versement des pensions alimentaires ne constituait généralement pas un problème (Pearson et Anhalt, 1994).

Au moins la moitié des mères et des pères qui ont pris part au programme semblent s'être montrés moyennement satisfaits de leur expérience dans le cadre du programme.  Cependant, la plupart d'entre eux ont dit douter que le programme aurait des conséquences à long terme sur les paiements de pensions alimentaires pour enfants et sur la capacité de l'autre parent à exercer son droit de visite ou sur son comportement.  La grande majorité des mères ont affirmé qu'il y avait eu peu de changement sur le plan du versement en retard des pensions alimentaires, alors que la plupart des pères manquant à leurs obligations ont soutenu qu'ils s'étaient rattrapés à ce chapitre.

Vu le modeste succès du programme à régler les différends des parents, la raison pour laquelle il a permis une telle diminution du taux de nouveaux litiges n'est pas claire.  On ignore combien de temps après la fin du programme les parents ont été interrogés.

Une deuxième étude de suivi effectuée auprès de soixante-dix enfants dont les parents avaient participé au programme a révélé que l'estime que les enfants avaient d'eux-mêmes, leur capacité d'adaptation en général et leur comportement à l'école n'avaient pas été touchés par l'application de l'ordonnance attributive de droit de visite.  Toutefois, plus les visites se faisaient nombreuses, plus il y avait de l'amélioration de ce côté (il faut dire, par contre, que la perception d'un différend parental était plus grande si les visites étaient plus fréquentes) (Lee et al., 1995)[22].  Comme on l'a déjà mentionné, la fréquence des visites augmentait généralement si les couples étaient en mesure de régler leur différend.

Programme d'assistance en matière de droit de visite du Manitoba

De 1989 à 1993, le Manitoba a expérimenté un projet appelé Programme d'assistance en matière de droit de visite.  Ce projet a été financé conjointement par les deux gouvernements pendant trois ans, puis par le seul gouvernement du Manitoba pendant un an.  Le programme visait à faciliter l'exercice du droit de visite, quand cela convenait, dans les affaires de refus de visite ou d'omission du droit de visite, et à déterminer si d'autres mesures visant à résoudre le problème, comme la médiation, ne s'avéraient pas efficaces (Prairie Research Associates, 1993).  Le projet combinait des mesures thérapeutiques et juridiques à long terme : évaluations, recommandations et counselling, associés à des renseignements juridiques et des conseils fournis par les avocats des parties et, enfin, à la procédure d'outrage au tribunal si l'exercice du droit de visite ne semblait pas conforme à l'ordonnance du tribunal et si le parent contrevenant refusait de participer au programme.  Contrairement à ce qui se fait dans les programmes américains décrits plus haut, les décisions étaient fondées sur l'intérêt supérieur de l'enfant plutôt que sur la protection des droits de visite des parents dans l'ensemble des affaires où l'enfant n'était pas exposé directement à un danger.

Les participants pouvaient être aiguillés vers le programme par des parents, des avocats, des tribunaux ou d'autres organismes de services sociaux.  Quelque 169 familles ont été invitées à entamer le programme, mais seulement 99 l'ont suivi.  La moitié des familles ont signalé des antécédents de violence et plus du tiers ont fait état d'une consommation excessive d'alcool.  En général, les parents étaient extrêmement hostiles l'un envers l'autre.  On a rencontré les parents et leur avocat avant le début du programme afin de les renseigner sur les modalités, les buts et les objectifs du programme, pour qu'ils puissent décider s'ils devaient ou non y participer.  De plus, les entrevues réalisées directement auprès des enfants n'avaient lieu que si cette solution convenait réellement.  L'évaluation visait à établir l'intérêt supérieur de l'enfant ainsi que ses besoins par rapport au différend entre ses parents.

Une équipe thérapeutique élaborait des recommandations en se fondant sur l'évaluation.  Ces recommandations portaient sur la prestation de divers services, comme le counselling interne, le counselling pour les enfants, le droit de visite supervisée ou surveillée assuré par des bénévoles, ainsi que le renvoi à des organismes communautaires et des services sociaux.  Seulement une personne sur cinq a eu recours au droit de visite supervisé.  Si le problème lié au droit de visite ne se réglait pas, on pouvait convoquer les parents à une réunion de règlement, les exlure du programme, renvoyer l'affaire à l'avocat du programme et, éventuellement, à la procédure en outrage.

Une évaluation du projet a permis de constater, à la suite du programme, que le tiers des affaires s'étaient améliorées, que, dans dix pour cent d'entre elles, on avait respecté les ordonnances, et que le tiers des affaires n'étaient toujours pas résolues.  Environ dix pour cent des participants ont fait appel à leur avocat en vue de modifier l'ordonnance.  On ne sait pas combien de ces couples ont connu un autre litige après avoir suivi le programme.  On ignore aussi si le programme a eu un effet bénéfique sur les résultats propres à l'enfant (Prairie Research Associates, 1993).  Le coût moyen du programme par client a été de 3 484 $ par client, mais on estime la majorité des ressources engagées ont été monopolisées par vingt familles.

Droit de visite supervisée

La visite supervisée est en train de devenir une stratégie très populaire en vue de la mise en application du droit de visite dans les affaires les plus difficiles, particulièrement celles qui englobent un risque de mauvais traitement ou de violence, des maladies psychiatriques ou la consommation abusive d'alcool et d'autres drogues[23].  Il s'agit souvent d'affaires où le refus de visite pourrait s'avérer la seule solution sûre.  La visite supervisée à court terme est aussi fréquemment utilisée dans le cas de parents non gardiens qui veulent reprendre contact avec leur enfant après un long laps de temps.

La visite supervisée est un régime permettant aux parents gardiens de déposer et reprendre l'enfant dans un endroit neutre et sûr où le parent non gardien peut passer du temps avec lui sous la supervision d'un tiers.  Dans de nombreuses provinces canadiennes, la visite supervisée demeure un service informel dont la prestation est assurée par des bénévoles ou des organismes communautaires, et il n'est pas fourni partout.  Les centres de visite remplacent les « échanges dans les postes de police » ainsi que la supervision par des proches, les seules méthodes de supervision du droit de visite auxquelles on pouvait avoir recours.  La plupart des provinces canadiennes semblent démontrer un enthousiasme certain à l'égard de l'expansion des centres de visite supervisée actuels, mais les modèles de service proposés pourraient varier.  L'Australia and New Zealand Association of Children's Contact Services (ANZACCS) a établi trois principaux modèles de centre (Strategic Partners, 1998).  Les voici :

Il existe également une grande variation quant à la fréquence à laquelle le droit de visite supervisée est intégré à un ensemble de services de counselling, de médiation ou d'éducation parentale, ainsi qu'un large éventail de modalités de supervision et de formation du personnel, entre autres choses.  Ces facteurs semblent influer sur la qualité du service et sur les chances que les parents passent de la visite supervisée à des conditions viables de visite sans supervision.

Deux projets pilotes importants en rapport avec la visite supervisée ont fait l'objet d'une évaluation globale.  Leurs résultats figurent ci-dessous.

Projet pilote de droit de visite supervisé de l'Ontario

L'Ontario a mis en œuvre la visite supervisée dans le cadre d'un projet pilote réalisé dans quatorze établissements différents de 1992 à 1994.  Dans ces établissements, qui étaient dispersées dans les grandes villes et les secteurs ruraux, le nombre de visites supervisées variait beaucoup, mais à la fin du projet, certains centres fonctionnaient à plein rendement et avaient des listes d'attente (Park et al., 1997).

Quelque soixante pour cent des parents interrogés ont soutenu qu'ils avaient déjà eu un droit de visite continu auparavant : plus de la moitié d'entre eux avaient eu recours à la visite non supervisée et un peu plus du quart s'étaient tournés vers des amis ou des parents.  Ces arrangements avaient généralement été rompus parce que le parent gardien avait refusé la visite à l'autre parent (ce problème était signalé la plupart du temps par le parent non gardien) ou parce qu'il craignait pour sa sécurité ou pour celle de l'enfant (ces problèmes étaient surtout signalés par le parent gardien).  Environ quarante-trois pour cent des parents gardiens ont affirmé avoir peur que leur enfant ne subisse de mauvais traitements (dix-sept pour cent des parents non gardiens), alors que la relation très conflictuelle entre les parents de même que la reprise de contacts entre un parent et l'enfant étaient d'autres raisons répandues (Jenkins et al., 1997).  Les juges et avocats interrogés ont considéré le programme comme un service « nécessaire et essentiel ».  Ils étaient d'avis que le nombre d'ordonnances attributives de droit de visite supervisé avait augmenté du simple fait que le service était disponible, et qu'autrement, ces affaires auraient été aussitôt renvoyées en instance, ou bien aucun droit de visite n'aurait été octroyé (Peterson-Badali et al., 1997).  La plupart des parents ont été dirigés vers ce service par les tribunaux.

Les évaluateurs ont constaté que la supervision était de courte durée surtout dans les cas où un enfant était reprenait contact avec un parent après une longue séparation.  Les parents qui étaient les plus susceptibles d'avoir recours au service pendant une plus longue période avaient des déficiences psychiques intraitables, souffraient de problèmes de consommation abusive d'alcool et d'autres drogues, ou craignaient le rapt de leur enfant (Park et al., 1997).  La durée moyenne de la période de visite supervisée était de 7,7 mois.

La très grande majorité des parents se sont dits satisfaits de la visite supervisée (90 p. 100 des parents gardiens et soixante-dix pour cent des parents non gardiens).  Les parents gardiens se sont également dit entièrement satisfaits de l'obligation d'organiser les visites dans un établissement, mais quarante-quatre pour cent des parents non gardiens ont exprimé du mécontentement à cet égard.  Les parents non gardiens se sont également montrés bien plus insatisfaits du système judiciaire en général (presque les deux tiers) et de leur avocat (vingt-deux pour cent) (Jenkins et al., 1997).  Presque tous les juges et avocats interrogés ont émis des commentaires favorables à l'égard du projet pilote.

Les parents interrogés ont été assez peu nombreux à aller au-delà de la visite supervisée au cours de la période; seulement treize des 121 parents interrogés sont passés à la visite non supervisée et neuf ont renoncé à toute visite.  Par contre, rien n'indique que la visite supervisée avait contribué à réduire l'hostilité qui régnait entre les conjoints ou qu'elle avait amélioré d'autres aspects de leur relation, qui, de manière générale, était restée très hostile.  Soixante-dix pour cent des parents ont soutenu que leur conjoint se mettrait en colère si on le contraignait à discuter d'un problème touchant leur enfant.  Cependant, il y a eu peu d'incidents critiques; en fait, on en a compté 1,6 pour chaque tranche de 1 000 visites.  Les juges et avocats interrogés ont senti qu'il y avait une moins grande hostilité au sein des couples, sans doute parce que les conjoints ne se disputaient plus autant dans la salle d'audience (Peterson-Badali et al., 1997).

La persistance de l'hostilité entre les parents soulève des questions relativement au rôle que joue la visite supervisée à titre d'étape favorisant la conclusion d'ententes de visite plus souples et plus coopératives.  Un expert s'est demandé si la visite supervisée de longue durée était réellement dans l'intérêt supérieur de l'enfant (Bailey, 1998), en ce sens qu'il implique l'omission permanente de la part de l'un ou l'autre des parents d'assumer l'éducation des enfants.  Cependant, dans le cadre du projet pilote de l'Ontario, on n'a pas assuré la prestation de services de thérapie, de counselling ou de formation relative à l'éducation des enfants, services qui, selon les experts, devraient être intégrés à la visite supervisée de façon à favoriser les changements dans les attitudes des parents ainsi que leur apprentissage.

Les évaluateurs ont constaté que la plupart des enfants étaient heureux eux aussi de la visite supervisée, mais seulement vingt-cinq pour cent d'entre eux connaissaient vraiment les raisons pour lesquelles ils en étaient là et quelle en était la réelle signification.  Les experts ont dit craindre que les enfants victimes de mauvais traitements, à moins de comprendre clairement la situation dans laquelle ils se trouvent, n'interprètent que le contact supervisé avec leur agresseur comme une approbation des mauvais traitements qu'il leur infligeait (Johnston et Strauss, 1999).  Cependant, une petite minorité des enfants ne sentaient pas que la visite supervisée les isolait de l'hostilité qui régnait entre leurs parents.  Les chercheurs ont émis l'opinion la visite supervisée pourrait porter préjudice à l'intérêt supérieur de ces enfants en prolongeant leur exposition à des situations à risque élevé (Peterson-Badali et al., 1997).

L'évaluation des effets de la visite supervisée sur les enfants s'avère d'autant plus difficile que ceux-ci sont de huit à quatorze fois plus susceptibles d'éprouver des problèmes émotionnels et de comportement que les autres enfants (Abromovitch et al., 1994, Johnston et Strauss, 1999).  Or, les enfants traumatisés n'ont pas nécessairement l'air perturbés quand on les regarde, du moins pas à cette période de leur vie (Johnston et Strauss, 1999).  Ils sont même souvent plein d'entrain et toujours souriants.  Toutefois, leur besoin de se défendre contre une réalité confuse et effrayante fait en sorte qu'ils recherchent la prévisibilité et le contrôle (Johnston et Strauss, 1999).  On ne peut établir clairement si la visite supervisée contribue à répondre à ces besoins profonds.  Malheureusement, on n'a trouvé aucune étude longitudinale sur des enfants vivant avec la réalité de la visite supervisée pendant de longues périodes, sans doute parce que les services officiels sont assez nouveaux.

La plupart des juges et avocats interrogés étaient d'avis que la visite supervisée entraînait des économies importantes pour les tribunaux, en leur faisant gagner du temps et en diminuant leurs dépenses.  Les évaluateurs ont constaté que les frais annuels se rattachant à la prestation du service variaient grandement d'un endroit à l'autre, mais qu'ils totalisaient en moyenne 71 500 $ par petit centre, soit un coût médian de 109 $ par visite (en 1993).  Les évaluateurs se sont fondés sur le taux de participation au projet pilote pour estimer qu'environ 9 782 familles ontariennes pourraient tirer profit de la visite supervisée (Park et al., 1997).

L'Ontario termine actuellement ses plans d'expansion du réseau de centres actuel.  La durée moyenne de la prestation du service offert par ce réseau, qui est en exploitation depuis maintenant près d'une décennie, varie encore de six à huit mois, mais certains parents (particulièrement ceux souffrant de troubles mentaux ou de problèmes de toxicomanie) y ont eu recours pendant une plus longue période, qui a atteint neuf ans dans certains cas.

Projet pilote de droit de contact supervisé de l'Australie

En 1996, le gouvernement fédéral australien a lancé un projet pilote dans dix régions, en prévision d'une éventuelle mise en place à grande échelle.  Le projet pilote est arrivé en temps opportun, puisque les réformes du droit de la famille faisaient en sorte que presque tous les pères se voyaient accorder le droit de contact ou de visite conformément à une ordonnance provisoire sur l'éducation des enfants (ordonnance attributive de droit de garde ou de visite), y compris les pères violents et maltraitants susceptible de se voir refuser le droit visite à l'ordonnance finale.  Dans beaucoup de régions, on assurait la prestation de services de counselling et d'autres services en plus de la visite supervisée, et on visait à « sevrer » les parents de la visite supervisée, pour qu'il s'entendent sur des modalités viables de visite non supervisée dans la mesure du possible, même si cet objectif ne leur était pas explicitement communiqué.

Le service a prouvé qu'il répondait à un besoin précis.  Pendant la période de deux ans au cours de laquelle s'est effectuée l'évaluation du projet (Strategic Partners, 1998), il y a eu une augmentation marquée du nombre de parents intéressés à avoir recours au service ainsi que de la complexité des affaires, qui découlait de la consommation abusive d'alcool et d'autres drogues, des troubles mentaux et des déficiences psychiques, et la diversité ethnoculturelle.  Le nombre de « changements de main » (le fait de déposer et de reprendre les enfants) a augmenté de 230 p. 100, alors que le nombre de visites en établissement a augmenté de soixante pour cent (Strategic Partners, 1998).  Le nombre d'enfants concernés a doublé.  À la fin de l'évaluation, il y avait déjà des listes d'attente pour certains des services offerts dans le cadre du projet pilote.  Les évaluateurs ont également interrogé les responsables de huit centres non parrainés et ont constaté que quelques-uns de ces derniers étaient submergés de demandes.

Environ soixante pour cent des clients étaient des mères gardiennes, et à peu près soixante pour cent recevaient des prestations de sécurité sociale (aide sociale).  Quelque vingt-sept pour cent des parents non gardiens étaient sans emploi (ou bénéficiaient de l'aide sociale).  La plupart des parents étaient séparés depuis au moins deux ans.  La visite était occasionnelle et rare chez les parents séparés depuis peu de temps, et trente pour cent des parents non gardiens n'avaient pas vu leur enfant depuis au moins un an.  La plupart des enfants étaient âgés de moins de dix ans.  Pour près de vingt-cinq pour cent des clients, au moins un membre de la famille était né dans un pays autre qu'un pays anglophone.  Environ soixante pour cent des mères gardiennes qui ont eu recours au service ont signalé qu'elles vivaient une relation variant de très conflictuelle et violente à extrêmement conflictuelle et violente, et plusieurs affaires mettaient en cause de la violence sexuelle alléguée ou confirmée à l'égard des enfants.  Le personnel a également signalé des cas de violence psychologique intense pendant les visites, ce qui a mis à l'épreuve son engagement d'offrir un endroit neutre et sûr à la fois.  Certains services visaient expressément les affaires impliquant les allégations de violence et de mauvais traitements, mais pour certains parents, cette caractéristique avait pour effet de stigmatiser le service, et quelques hommes ont décidé de le bouder pour cette raison.

Les clients ont surtout été dirigés vers le service par des avocats (quarante pour cent), des juges (vingt-deux pour cent) et des centres juridiques communautaires (dix pour cent).  Tout près de vingt pour cent des clients l'ont été par des organismes communautaires et de services sociaux.  Les affaires renvoyées par les tribunaux exigeaient une « vigilance très sévère », et les centres pouvaient les refuser s'ils ne se croyaient pas en mesure de respecter cette exigence.  Dans le cadre de la plupart des services, on procédait à une évaluation de sélection, que menait à rejeter du tiers à la moitié des cas.  La moitié des centres ont fini par imposer des frais, qui variaient de 2,50 $ à 30 $ l'heure, mais ils ont soutenu que cette mesure n'avait pas modifié l'utilisation du service.  Le coût réel du service variait de 46 $ à 91 $ l'heure.

Les réactions des intervenants de l'extérieur face aux programmes se sont avérées très favorables, particulièrement celles des policiers, des avocats et des juges.  Les juges étaient d'avis que les services de contact avaient contribué à réduire le nombre de litiges et à améliorer la capacité des parents d'en venir à des ententes viables en matière de contact et de transfert des enfants.  Chose intéressante, le projet pilote a également vite conquis les groupes d'hommes, les groupes de défense des femmes et les organismes de services destinés aux femmes qui s'étaient d'abord opposés à l'établissement des centres (les hommes avaient agi ainsi parce qu'ils croyaient que les pères étaient accusés de façon injuste, et les femmes parce qu'elles craignaient que les pères n'enlèvent l'enfant ou que des incidents violents ne surviennent dans les centres).

Les enfants qui ont fréquenté les centres australiens étaient aussi traumatisés en moyenne que les enfants ontariens.  Une surveillance étroite effectuée sur une période de deux ans auprès de quarante-neuf enfants australiens a également révélé que, tout comme en Ontario, la plupart d'entre eux ne comprenaient pas vraiment les raisons pour lesquelles ils étaient là, du moins au tout début (Strategic Partners, 1998).  La moitié des enfants ont soutenu qu'ils étaient heureux (ils l'étaient davantage dans le contexte des transferts que dans celui des visites supervisées), et cinquante pour cent ont indiqué qu'ils aimaient voir maintenant leur parent non gardien.  Tous les enfants qui profitaient de transferts et soixante-dix pour cent de ceux qui profitaient de visites supervisées ont dit que les visites se déroulaient mieux que jamais auparavant.  Soixante-quinze pour cent ont affirmé qu'ils se sentaient en sécurité au centre ce qui, selon eux, semblait s'expliquer par la présence continue des intervenants dans la salle.

On a également interrogé un plus petit groupe qui comptait vingt-deux enfants, et peu d'entre eux souhaitaient voir leur parent non gardien à l'extérieur du centre.  Sept des quarante-neuf enfants sont demeurés craintifs (l'ensemble de ces enfants avaient fait l'objet de menaces directes de violence ou de rapt de la part de leur parent non gardien), et la qualité médiocre des interactions qu'ils avaient avec leur parent non gardien était indépendante du comportement du parent gardien.  Tout comme dans le cas du projet pilote ontarien, cette question a soulevé des doutes par rapport au bien-fondé du contact supervisé pour tous les enfants.

Cependant, le comportement de la plupart des enfants a semblé s'être amélioré après une période de six mois; plus le nombre de visites était élevé, plus l'amélioration du comportement des enfants était rapide, et plus la période de recours au service était longue, plus les gains étaient importants.  Plus le sentiment de sécurité des enfants à l'égard du contact effectué en sécurité et de façon régulière était grand, plus leurs réactions à l'endroit du parent non gardien étaient favorables.  Les enfants qui profitant de transferts ont réagi plus rapidement que ceux qui bénéficiaient des visites supervisées.  On a observé une corrélation entre l'existence de meilleures interactions entre le parent non gardien et l'enfant et les faits que les parents acceptaient de se parler, que le parent non gardien manifestait une attitude constructive et favorable face à l'enfant et que le parent non gardien croyait que sa relation avec l'enfant s'était améliorée grâce au service.  La visite supervisée a semblé aider la plupart des parents non gardiens qui vivaient un déchirement avec leurs enfants à renouer de bonnes relations avec eux.  Aucun des centres n'a obligé les enfants à accepter les visites.  Il est raisonnable de supposer que la plupart des enfants, si on ne les laisse pas libres de refuser la visite supervisée, comme dans certains États américains, risquent de souffrir beaucoup d'un tel arrangement.

Comment se sont sentis les parents face à la visite supervisée?  Les parents gardiens qui se sont inscrits au programme recherchaient surtout la sécurité (77 p. 100).  La plupart d'entre eux croyaient que leurs modalités de visite n'étaient pas sûres.  La grande majorité des parents gardiens interrogés (un sous-échantillon) ont expliqué qu'ils devaient faire face à des conflits continuels par rapport aux visites (qui allaient de la violence au harcèlement de la part de l'ex-conjoint) et qu'ils devaient parfois prendre des mesures extrêmes pour les éviter, c'est-à-dire refuser la visite.  Toutes les mères gardiennes que l'on a interrogées ont soutenu qu'elles se sentaient plus en sécurité depuis qu'elles s'étaient inscrites au programme, mais bon nombre d'entre elles croyaient au début qu'il était préférable que leur enfant ne soit pas en contact avec le parent non gardien.  Cependant, leur attitude s'adoucissait avec le temps.  Les deux tiers des parents gardiens ont affirmé qu'ils réussissaient mieux à faire face aux visites de la part du parent non gardien qu'avant que ces dernières ne soient supervisées.

Quant aux parents non gardiens, ils voulaient d'abord et avant tout un droit de visite (soixante pour cent), et le tiers d'entre eux étaient indignés par la nécessité d'utiliser le service.  Bon nombre croyaient qu'il n'y avait pratiquement aucun problème auparavant et que les parents gardiens entravaient l'exercice de leur droit de visite.  Ils éprouvaient de la frustration, de la confusion et de la colère, et poussés à l'hostilité par l'obligation de se soumettre à la supervision, par le refus de leur conjoint de communiquer directement avec eux, et par leur chagrin et leur sentiment de perte.  La plupart d'entre eux se sentaient piégés dans une bataille personnelle intense contre leur conjoint qui laissait peu de place pour se préoccuper des enfants.  Cette situation avait amené bon nombre à cesser de voir leurs enfants, avant de finir par s'adresser aux tribunaux pour reprendre contact avec eux.  Cette augmentation est peut-être due à la présentation de nouvelles requêtes par des pères qui croyaient qu'ils auraient plus de succès en vertu des nouvelles lois (voir le FLC, 1998.)  La rancœur qu'éprouvaient les pères n'ayant pas la garde s'est également atténuée avec le temps dans la plupart des cas.

Seulement la moitié des parents (qu'ils aient ou non la garde) étaient d'avis que leurs anciennes ententes en matière de visite avaient entraîné des problèmes pour leurs enfants également, mais les témoignages de ceux-ci démontrait clairement que leurs parents étaient dans le tort.

Les centres n'offraient pas de services particuliers pour aider les parents à améliorer les aptitudes de communication, de collaboration et de compréhension nécessaires à la gestion indépendante du droit de visite (bien que certains centres offraient des services de counselling et des services connexes).  Au cours des deux années du projet, la durée moyenne de fréquentation des centres est passée de trois mois à cinq mois, ce qui révèle qu'un nombre croissant de parents n'a pas réussi à conclure un autre type d'arrangement.  Selon les intervenants des centres, la plupart des parents n'avaient pas seulement besoin de la régularisation du contact, assortie d'une suspension des hostilités, pour être en mesure de gérer le droit de visite de manière indépendante; ils avaient aussi besoin d'acquérir de nouvelles habiletés en éducation des enfants, en communication et en collaboration.  Les intervenants des centres se sont dits préoccupés du fait que, sans mesures de soutien additionnelles, les parents deviendraient dépendants des services des centres, ce qui grèverait les ressources déjà limitées.  L'étude a débouché sur des conclusions troublantes : il n'y avait eu aucune amélioration sur le plan de la communication entre les parents pendant la durée du programme et, dans une proportion de 70 à 85 p. 100, ils n'avaient toujours pas de contact ou leur contact s'était détérioré à la fin du programme.  En fait, plus longtemps les parents fréquentaient le programme, plus leur confiance de pouvoir gérer sans supervision le contact avec l'ex-conjoint s'amenuisait.  Les parents non gardiens, qui manifestaient une confiance élevée au départ, avaient tendance à la voir s'atténuer, alors les parents non gardiens semblent être devenus encore plus méfiants avec le temps.

Soixante-trois parents ont abandonné le programme au cours de l'évaluation, surtout en raison de modifications d'ordonnances de la cour.  Peu d'entre eux se sont sentis prêts à passer à un autre arrangement.  En moyenne, le tiers des parents tentaient d'élaborer leurs propres ententes.  Les deux tiers des parents gardiens étaient moins satisfaits des ententes conclues après la supervision, alors que cette proportion se chiffrait à dix pour cent dans le cas des parents non gardiens.  Le degré élevé d'anxiété et de mécontentement qui prévalait chez les mères gardiennes au moment où elles ont quitté le service soulève des questions relativement aux possibilités réelles que la visite supervisée suffise à elle-seule à réduire de manière durable l'incidence des litiges liés au droit de visite chez les parents qui vivent une situation très conflictuelle et qui sont incapables de communiquer et de collaborer.  Malheureusement, on n'a effectué aucune étude longitudinale sur les parents qui avaient eu recours aux services de visite supervisée afin de constater si des comportements antérieurs à la supervision avaient refait surface.

Les services de supervision efficaces s'avèrent-ils une stratégie peu coûteuse pour traiter les affaires difficiles, si on les compare aux solutions de rechange et, en particulier, avec le litige? Dans mémoire présenté à l'ALRC dans le cadre de son étude des affaires complexes, l'Australian and New Zealand Association of Children's Access Services (ANZACAS) a estimé qu'une réduction de deux pour cent des litiges actuels touchant le contact (les affaires de contact et les affaires qui ont débuté, mais qui se sont réglées avant l'audience) suffirait à couvrir les frais se rattachant à l'établissement et à l'exploitation d'un réseau national de centres de supervision des visites.  Cette estimation a été fondée sur le coût du projet pilote de l'Ontario (ALRC, 1995).  La Commission de réforme du droit a approuvé la visite supervisée comme solution à court terme dans les affaires complexes.