Analyse des options concernant la modification de la réglementation légale de la garde et du droit de visite des enfant

2001-FCY-2E

OBJECTIFS ET DÉFIS DE LA RÉFORME (suite)

DÉFIS (suite)

Services de soutien connexes en matière de divorce

Un autre principe directeur sous-tend la réforme : le législateur cherche à privilégier les démarches non conflictuelles axées sur la coopération dans le règlement des différends parentaux. On s'est surtout préoccupé ces dernières années de la gamme de services de soutien offerts aux parents en instance de divorce de manière à atténuer les conflits. Ces services, qui vont de la médiation et de l'arbitrage jusqu'à l'éducation parentale et à l'évaluation, ont pris de plus en plus d'importance dans la résolution des différends en matière de garde. Selon la Loi sur le divorce, un avocat a l'obligation de renseigner son client sur les services de médiation qui existent(58). La loi ne mentionne aucun autre service de soutien offert aux parents qui divorcent(59). Dans le cadre d'une réforme, on doit se demander si la loi devrait mentionner ces services et, le cas échéant, de quelle manière. Cette question s'inscrit dans le thème précisé à la section sur les choix privés et les ententes parentales puisqu'elle concerne aussi la mesure où la Loi sur le divorce peut encourager les parents à coopérer afin de régler leurs conflits.

Éducation parentale

Cette solution est de plus en plus populaire :(60) ainsi, dans de nombreux États américains, le tribunal peut obliger les parents à suivre un programme d'éducation parentale(61). En Alberta, les cours de ce genre sont obligatoires, et les parents sont tenus d'y assister avant de présenter une demande de divorce. Cette obligation recueille l'adhésion d'un large éventail d'experts. Par exemple, la section nationale du droit de la famille de l'Association du Barreau canadien (ABC) souscrit au choix de l'Alberta et recommande que les couples en instance de séparation soient tenus de suivre un programme d'éducation parentale financé par le gouvernement avant d'entamer le processus judiciaire relatif à la garde et au droit de visite.

Le Comité mixte spécial a également recommandé que tous les parents qui veulent obtenir une ordonnance parentale soient obligés de recevoir une formation. Cette dernière les aiderait à mieux comprendre leurs réactions et celles de leurs enfants après la séparation, les besoins de ceux-ci à différentes étapes de leur développement et les avantages de la coopération entre les parents après le divorce; elle les renseignerait aussi sur leurs droits et responsabilités de même que sur les avantages de la médiation et d'autres formes de règlement des conflits. Bien que cette recommandation soit manifestement liée à celles qui visent l'abandon de la terminologie axée sur la garde et le droit de visite ainsi que la mise en place d'un système fondé sur le partage des responsabilités parentales et les ententes parentales, il serait néanmoins possible d'y donner suite dans un régime fondé sur la garde et le droit de visite.

Un grand nombre d'experts en développement de l'enfant soulignent la valeur de l'éducation des parents dans la résolution des conflits qui les opposent. Rhonda Freeman affirme, notamment, que les interventions éducatives dès le début de la séparation peuvent aider les parents à faire des choix judicieux quant à la façon dont ils prendront soin de leurs enfants après le divorce(62). Selon Freeman, les recherches montrent que, pour certains parents, une seule entrevue ou des documents éducatifs suffisent à provoquer un changement limité. Pour qu'elles soient efficaces, les interventions de ce genre cibleraient des variables qui sont reconnues pour déterminer l'adaptation des enfants au divorce (par exemple, les conflits parentaux, la garde partagée, le deuil, les relations parents-enfants) et l'acquisition de compétences (comme la négociation et la monoparentalité)(63).

Malgré des divergences notables en pratique dans tout le Canada, les séances d'information sont de plus en plus souvent imposées au début de la procédure de divorce. Leur contenu diffère aussi grandement : certaines donnent un aperçu des règles de droit et du processus de divorce, tandis que d'autres privilégient les effets du divorce sur les enfants.

Si l'on s'entend de plus en plus sur le fait que l'éducation parentale joue un rôle utile et constructif dans la résolution des conflits entre parents qui se séparent ou divorcent, il reste à savoir si la Loi sur le divorce devrait reconnaître expressément ou imposer les séances de formation destinées aux parents.

Le passage à un système où les parents qui se séparent ou divorcent sont encouragés à suivre des cours d'éducation parentale ou y sont forcés soulève des questions de compétence et de financement. Tout d'abord, qui serait responsable de l'offre de ces cours? À l'heure actuelle, la situation varie d'une province ou d'un territoire à l'autre, compte tenu des partenariats établis entre les tribunaux de la famille, le ministère de la Justice du Canada, les procureurs généraux des provinces et les ministères provinciaux des services à l'enfance et à la famille. Lorsque ces programmes relèvent des tribunaux ou y sont associés, ils entrent dans la sphère de compétences des provinces et ils ont alors une incidence sur les ressources de ces dernières.

Ensuite, comment financer ces programmes? Bon nombre des cours existants profitent d'un financement public. L'ABC a recommandé que les sources de financement soient gouvernementales, et de solides arguments justifient cette proposition, particulièrement si l'éducation parentale devient obligatoire. Les coûts supplémentaires associés au divorce ne sont pas négligeables pour les familles à faible revenu. Au moins, on devrait prévoir subventionner les coûts des programmes d'éducation parentale dans leur cas, tout en réservant la possibilité d'exiger des frais graduels aux participants. Les conséquences seraient lourdes sur le plan des ressources et, là encore, il serait important de déterminer l'ordre de gouvernement qui supporterait les coûts.

Troisièmement, il faudra établir des normes nationales à l'égard de ces programmes, tant du point de vue de leur contenu que des compétences des personnes responsables de leur mise en oeuvre.

La mention expresse des besoins des enfants qui ont vécu de la violence familiale, des conflits graves ou les mauvais traitements de leurs parents contribuera aussi à la réalisation des objectifs généraux d'éducation de la réforme législative tout en donnant des directives aux juges, aux avocats et aux autres membres du système de justice en matière de droit de la famille.

Médiation et résolution primaire des conflits

Dans la médiation, une tierce partie neutre aide les parties en conflit à s'entendre. Certains experts et observateurs ont proposé un recours accru à la médiation pour résoudre les différends en droit de la famille. À la lumière de l'importance grandissante de la médiation en matière civile, certains pensent que cet outil devrait être obligatoire dans les conflits familiaux également. Le Comité mixte spécial, par exemple, a recommandé que les parents qui divorcent soient encouragés à se prêter à au moins une séance de médiation qui les aidera à conclure une entente parentale(64).

La vaste majorité des différends en droit de la famille y compris les conflits sur la garde et le droit de visite -- sont résolus sans l'intervention des tribunaux, grâce à une forme quelconque de règlement(65). L'administration du droit de la famille met déjà énormément l'accent sur la résolution des conflits en instaurant de nombreuses étapes tout au long du processus. Moins de 5 % se rendent jusqu'au procès. Certains moyens, comme la médiation, les conférences de règlement payées par l'aide juridique et divers types de conférences de règlement gérées par les tribunaux, sont déjà couramment employés. Une gamme de services de médiation volontaire sont offerts dans tout le pays afin d'aider les parents qui divorcent ou se séparent à résoudre leurs mésententes sur la garde et le droit de visite(66).

Bien que la médiation gagne en popularité, nombre de personnes restent prudentes quant au rôle qui devrait lui être réservé. Diverses études gouvernementales sur le rôle qu'elle joue dans les conflits en droit de la famille ont conclu que la médiation doit effectivement être offerte, mais sans être obligatoire(67). De graves inquiétudes ont été exprimées quant à l'inopportunité de la médiation en cas de violence conjugale.

La seule mention de la médiation dans la Loi sur le divorce se retrouve au paragraphe 9(2), selon lequel l'avocat est tenu d'informer son client des services de médiation offerts. Plusieurs provinces mentionnent la médiation et la conciliation dans leurs lois. Par exemple, en Ontario et à Terre-Neuve, les régimes législatifs permettent au tribunal de nommer un médiateur dans les dossiers de garde et de droit de visite, à la demande des parties(68). En Saskatchewan, la Children's Law Act laisse au tribunal la possibilité de nommer un médiateur si le demandeur ou l'intimé le demande(69). Le législateur du Nouveau-Brunswick autorise le juge à délivrer une ordonnance obligeant l'offre de services de conciliation aux parties. Seule l'Île-du-Prince-Édouard permet au tribunal d'obliger les parties à se soumettre à la médiation(70).

D'autres administrations sont allées beaucoup plus loin, accordant une importance croissante à la médiation et à la résolution primaire des conflits pour régler les différends et intégrant ces principes dans leurs lois. Toute réforme des règles en matière de garde et de droits de visite doit répondre à la question suivante : dans quelle mesure la loi devrait-elle traiter expressément du rôle de la médiation et des méthodes extrajudiciaires de règlement des conflits?

La mention de la médiation et d'autres solutions extrajudiciaires dans la Loi sur le divorce, sans que la médiation soit obligatoire, est compatible avec les principes directeurs de la réforme, qui sont notamment la promotion de mécanismes non antagonistes de résolution des conflits et le recours en dernier ressort aux tribunaux. Le fait d'encourager la médiation, qui reste facultative, est aussi conforme aux principes stratégiques énoncés par le gouvernement fédéral, soit modifier le système de droit de la famille pour mieux reconnaître les besoins divers découlant de la résolution des conflits et l'importance de mettre au point un éventail de services qui répondent à ces besoins.

Lorsque nous examinons chacune des options de réforme, nous nous demandons si une telle mention des services connexes peut être intégrée à la Loi sur le divorce et, le cas échéant, comment.

Attentes raisonnables à la suite de modifications législatives

Une dernière question cruciale : que peut-on, de façon réaliste, espérer d'une réforme des lois? Les objectifs de la réforme, c'est-à-dire d'atténuer les conflits entre les parents et d'accroître la coopération au sein d'un couple qui se sépare ou qui divorce, particulièrement en encourageant les changements d'attitudes, ces objectifs, s'ils sont louables, présentent un défi de taille pour toute réforme législative. Il y a lieu de s'interroger sur la mesure dans laquelle une réforme des lois -- en général ou une des trois options envisagées ici -- peut permettre d'atteindre ces objectifs.

D'autres administrations où les règles régissant la garde et le droit de visite ont été remaniées en profondeur avaient aussi en tête de modifier les attitudes et les comportements. Là où les termes de « garde » et de « droit de visite » ont été remplacés par l'exercice conjoint des responsabilités parentales ou par les ententes parentales, on espérait apporter des changements fondamentaux dans l'approche adoptée par les parents envers leurs enfants durant la séparation et le divorce. On cherchait à réduire les conflits parentaux et à favoriser une meilleure coopération dans l'exercice des responsabilités parentales, de façon à faire en sorte que le père comme la mère puissent continuer de jouer un rôle actif dans la vie de leurs enfants après la rupture.

Il n'est pas du tout certain que ces objectifs aient été atteints. L'évolution survenue dans d'autres administrations sera décrite plus en détail ci-après, mais les recherches sur l'incidence des réformes montrent que, du moins en certains endroits, les conflits restent tout aussi nombreux entre les parents qui divorcent ou se séparent. Ainsi, un commentateur a écrit que les réformes du droit au Royaume-Uni n'avaient pas réussi à atténuer les conflits entourant les enfants au moment du divorce, et ce malgré l'introduction du concept de « responsabilité parentale » qui survit au-delà de la dissolution du mariage(71). Plusieurs administrations ont même plutôt connu une augmentation du taux de litiges à la suite des réformes(72).

De nombreuses raisons ont été données pour expliquer ce phénomène. Par exemple, toute modification apportée à un régime légal est susceptible d'engendrer de nouvelles ambiguïtés et d'autres sources de confusion quant à la nature précise des règles juridiques qui devront être éclaircies par les tribunaux. Par ailleurs, on a souvent affirmé que le phénomène pouvait également s'expliquer par les attentes irréalistes que créent les réformes : les parents qui conservent des « contacts » avec l'enfant (nouvelle terminologie pour désigner l'ancien droit de visite) ont souvent mal interprété ces réformes en croyant qu'ils avaient obtenu de nouveaux droits, qu'ils se sont empressés de faire valoir. Nombre de professionnels du système de justice familiale dans ces administrations ont signalé l'« amertume accrue » et les « espoirs déçus » de ces parents, qui donnent lieu à un nombre accru de recours judiciaires(73).

Par ailleurs, ces administrations n'ont pas encore constaté de changement important dans la façon dont la responsabilité parentale est partagée. Les recherches sur les retombées des réformes au Royaume-Uni, en Australie et dans l'État de Washington ont révélé que l'attribution de la responsabilité parentale reste essentiellement la même(74). Or ces administrations ont toutes remplacé les notions de garde et de droit de visite par la responsabilité parentale et les ententes parentales.

La réforme semble donc avoir décuplé les attentes, d'une part, mais sans modifier la répartition de la responsabilité parentale, d'autre part. Et les attentes plus grandes, du moins dans certains contextes, ont entraîné non pas davantage de coopération mais plutôt une hausse du nombre de dossiers contestés et de litiges.

Il serait possible d'instaurer un régime légal qui souligne l'importance de la coopération et encourage les parents à résoudre leurs différends de la manière la moins conflictuelle possible. La loi pourrait être modifiée de manière à ne pas constituer un obstacle au règlement des conflits par la coopération. Et il se peut que l'emploi de termes autres que « garde » et « droits de visite », de même que le recours à la médiation et à d'autres techniques de règlement primaire en lieu et place de recours judiciaires puissent contribuer à faire en sorte que la loi n'entrave plus une résolution des conflits axée sur la coopération entre les parents.

La réforme législative joue également un rôle symbolique primordial : par l'exhortation et l'établissement d'une norme, le législateur peut faire passer des messages percutants sur le processus de séparation et de divorce, en mettant l'accent sur l'importance de la coopération parentale, sur le règlement non conflictuel des différends et sur la participation continue des deux parents, ce qui peut avoir une certaine influence sur les attitudes des parents dans la résolution de leurs conflits. Commentant les réformes instituées en Australie, Richard Chisholme a avancé l'idée que c'est dans la manière dont les nouvelles dispositions présentent les questions que doivent examiner les parents et les autres intervenants auprès des enfants(75) qu'une loi peut le mieux modifier les attitudes dans le sens souhaité. En privilégiant comme elles le font la coopération et la participation continue, ces dispositions peuvent formuler ces questions de façon inédite et permettre aux parents de même qu'aux professionnels d'aborder les conflits sous une nouvelle optique.

Cependant, comme l'affirmait Chisholme, et des travaux de recherche ultérieurs commencent à étayer ses arguments, le degré de modification des attitudes qui suivra la réforme d'une loi est tributaire en grande partie de l'attitude des avocats et autres professionnels. Peu de parents qui divorcent ou se séparent prennent le temps de s'asseoir pour lire eux-mêmes la loi  : ils se fieront plutôt aux conseils de leurs avocats et d'autres personnes qu'ils consultent.

[Traduction]

La variable déterminant la réalisation des principaux objectifs d'une loi sera l'enthousiasme, l'ouverture d'esprit et les compétences de ceux qui travaillent directement avec les parents, notamment les avocats, les greffiers, les conseillers et les médiateurs communautaires ou judiciaires.

Un facteur important, donc, de la capacité d'une réforme législative à entraîner une modification des attitudes dans la direction souhaitée sera l'attitude des professionnels en matière de divorce. Et nombre de ces personnes sont déjà de chauds partisans des démarches axées sur la coopération pour le règlement des conflits parentaux.

Il est également vital de reconnaître qu'aucune loi ne peut forcer les parents à coopérer. Un régime qui insiste sur la coopération et sur la participation continue du père et de la mère à la vie de leurs enfants peut donner de bons résultats chez certains parents qui sont en mesure de collaborer malgré leurs mésententes. En revanche, ce régime ne pourra forcer des personnes dont les chemins ont complètement divergé à s'entendre. Neal et Smart ont formulé les commentaires suivants en rapport avec les réformes au Royaume-Uni :

[Traduction]

En droit de la famille, on semble présumer que l'éducation conjointe des enfants favorisera la collaboration, mais nos études montrent que le seul lien de causalité, s'il y en a un, se manifeste dans l'autre sens : c'est l'existence entre les parents de relations de collaboration et d'attention pour les enfants qui semble favoriser la conclusion d'ententes parentales et les soutenir dans le temps(76).

Dans le contexte de la séparation et du divorce, il est important que le droit ne perde pas complètement de vue un fait très réel, soit que la relation entre les parents s'est rompue. Les couples se séparent parce qu'ils ne s'entendent plus, et le processus de séparation s'accompagne souvent d'un éventail d'émotions -- la dénégation, la colère, la culpabilité et la dépression -- qui ne font qu'exacerber l'antagonisme des ex-conjoints. Bon nombre de couples peuvent passer outre à leurs bouleversements émotifs et nouer des liens de coopération en ce qui concerne les soins à prodiguer à leurs enfants. Certains y parviendront d'eux-mêmes, d'autres auront besoin d'aide et d'encouragement, de la part d'avocats, de conseillers ou de médiateurs. Bien des couples, cependant, n'y parviennent pas, et aucun encouragement ne réussira à modifier cette situation dans les familles à haute incidence de conflit, où les parents persistent à s'affronter. Il y a des limites à ce que la réforme des lois peut accomplir : un régime légal peut encourager les parents qui se séparent à collaborer, mais il ne peut les y obliger.

Une distinction s'impose sans doute entre le fait d'encourager une approche non antagoniste pour le règlement des conflits entre parents et la promotion d'une relation parentale axée sur la coopération. Le système peut être conçu de manière à décourager les méthodes fondées sur l'affrontement. Les parents peuvent être incités, par l'entremise d'une gamme de services, à tenter de résoudre leurs différends sans recourir aux tribunaux. Et au moins certains changements apportés aux règles de droit et de pratique en matière de garde peuvent contribuer à réduire le recours à une procédure de nature judiciaire pour résoudre les conflits parentaux. Cependant, il est beaucoup moins clair que le système peut être conçu pour encourager l'harmonie dans les relations entre les parents après le divorce. Comme l'ont fait observer Maccoby et Mnookin, l'exercice conjoint des responsabilités parentales est quelque chose qui doit se construire et qui ne peut simplement perpétuer les formes qui existaient avant la séparation(77). Leur recherche portant sur les réformes du droit du divorce en Californie, où la garde conjointe est expressément autorisée, a permis de constater que, si la plupart des parents étaient en mesure de régler leurs différends par des méthodes non antagonistes, la majorité n'étaient pas capables de nouer par contre des liens de collaboration pour l'exercice conjoint de leurs responsabilités(78).

La réforme des lois ne modifiera vraisemblablement pas la façon dont les couples structurent, dans le cadre de leur relation, leur vie et les arrangements relatifs aux enfants, et ce facteur continue d'être un des plus déterminants dans la réorganisation des liens parentaux après la séparation. Maccoby et Mnookin font valoir depuis longtemps que l'influence réelle du droit est limitée pour ce qui est de la modification des comportements après le divorce(79). La structure adoptée par les parents pour s'occuper de leurs enfants quand ils sont ensemble joue encore un rôle critique dans la répartition de la responsabilité parentale après le divorce. La nécessité de préserver, du point de vue des enfants, la stabilité et la continuité, de même que les attentes de la société face aux parents, font en sorte que ces derniers eux-mêmes sont susceptibles de conserver après leur séparation les arrangements qui étaient les leurs auparavant :

[Traduction]

À moins que le droit de la famille ne puisse modifier les rôles antérieurs au divorce, il est douteux qu'il puisse avoir une influence beaucoup plus grande sur le partage des responsabilités entre les parents après le divorce : en règle générale, la plupart des couples divorcés se trouveront à attribuer à la mère la responsabilité des soins primaires(80).

Maccoby et Mnookin reconnaissent que le système peut envenimer les relations entre les parents en accordant la priorité aux mécanismes antagonistes de résolution des conflits. Ils appuient donc les efforts déployés en vue d'atténuer la nature conflictuelle des recours traditionnels en matière de divorce(81). Cependant, ils s'interrogent sur la mesure dans laquelle le droit de la famille peut modifier sensiblement la façon dont la majorité des parents se partagent la responsabilité des soins quotidiens avant comme après la séparation(82).

Répétons encore une fois que ces arguments ne sont pas invoqués pour contester le bien-fondé de la réforme : nous tentons seulement de faire preuve de réalisme quant à ce qu'elle peut raisonnablement accomplir. Un régime juridique peut établir des normes; il peut chercher à faire passer un message sans équivoque quant aux comportements jugés acceptables. Ce rôle symbolique a sa place, mais la réforme peut également engendrer des attentes irréalistes qui provoqueront des conflits. Et la réforme des lois ne peut éliminer les conflits pour tous les parents qui se séparent ou qui divorcent. Elle ne peut non plus transformer la structure mise en place par les parents, dans le cadre de leur relation, pour s'occuper de leurs enfants.

Il sera primordial de rester conscient de ces limites au moment d'évaluer chaque option de réforme. En examinant la capacité de chacune de favoriser l'atteinte des objectifs de la réforme, nous devrons tenir compte de l'impossibilité, pour une réforme législative, de réaliser tous ses objectifs.